Ruines et vieux murs

Rédacteur : Guy Chezeau

Physionomie – écologie

Ces habitats créés par l’homme sont artificiels, cependant un abandon prolongé leur confère des analogies importantes avec les milieux rocheux naturels. Si la nature du substrat ne joue qu’un rôle limité, l’exposition et surtout le nombre et l’importance des anfractuosités constituent des facteurs primordiaux conditionnant la nature de la végétation et la présence d’une faune conséquente. La proximité géographique ou historique des activités humaines a pour conséquence un enrichissement de ces milieux en azote. L’épaisseur relativement faible du mur détermine des variations de température qui peuvent être assez brutales en fonction des conditions météorologiques mais aussi de l’exposition. Ceci explique en partie l’importance que prennent les Cryptogames dans la végétation : lichens, mousses et fougères. Les plantes à fleurs sont représentées par des thérophytes (pâturin, cardamine…), des hémicryptophytes (pariétaire) et des chaméphytes herbacés (cymbalaire, giroflée) ou succulents (sedum), toutefois lorsque les trous et fissures sont suffisamment importants peuvent se développer des phanérophytes notamment des lianes (lierre) voire des arbustes (figuier). Le recouvrement est très variable, de 10 à 20% en général, il peut atteindre plus de 50% lorsque des lithophytes de type lichens et mousses se développent en utilisant leurs proprietés de reviviscence.

On pourra distinguer entre d’une part les facades très chaudes et ensoleillées des murs riches en lithophytes et en chasmophytes appartenant à la classe des Asplenietea trichomanis, abritant la majeure partie de la faune et d’autre part les facades plus humides avec mousses et fougères de la classe des Parietarietea judaicae.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Communautés nitrophiles, seules présentes en ville :

PARIETARIETEA JUDAICAE Rivaz-Martinez in Rivaz Goday 1964

Syn. : Cymbalario-Parietarietea diffusae Oberdorfer, Görs, Korneck, Lohmeyer, Müller, Philippi Seibert 1967 nom. nud. (atr. 2B, 8)

Parietarietalia judaicae Rivaz-Martinez ex Rivaz Goday 1964

Communautés vivaces non nitrophiles

ASPLENIETEA TRICHOMANIS (Br.-Bl. In Meier Br.-Bl. 1934) Oberdorfer 1977

COR 1991

86.1 Villes

86.2 Villages

Confusions possibles

L’artificialité de ces habitats rend les confusions difficiles, pourtant l’identification phytosociologique ne semble pas toujours facile, spécialement lorsque le nombre des espèces est faible. Il n’est en effet pas rare d’avoir à faire à une végétation monospécifique (pariétaire) ou limitée à un très petit nombre d’espèces.

Dynamique

La dynamique est faible voire nulle lorsque la végétation muricole est installée ; les interventions humaines souvent drastiques peuvent entrainer par contre une réinstallation puis une évolution rapide de cette même végétation.

Sur les ruines laissées à l’abandon, on assiste à l’évolution vers un mileu préforestier avec l’installation d’espèces arbustives puis d’arbres correspondant au manteau.

Espèces indicatrices

[plante2] (Centranthus rubrer) , (Cheiranthus cheiri), (Corydalis lutea), (Corydalis ochroleuca), (Cymbalaria muralis), (Dianthus caryophyllus), (Erigeron karvinskianus), Parietaria judaica, Umbilicus rupestris
[plante1] Asplenium adiantum-nigrum, Asplenium ruta-muraria, Asplenium ceterach, Hedera helix, Polypodium cambricum, Polypodium interjectum, Polypodium vulgare, Sedum acre
[briophytes] Anomodon viticulosus, Bryum caespiticium, Bryum capillare, Didymodon rigidulus, Didymodon vinealis, Grimmia crinita, Grimmia orbicularis, Grimmia pulvinata, Homalothecium sericeum, Hypnum cupressiforme, Orthotrichum anomalum, Pseudocrossidium revolutum, Schistidium apocarpum, Tortula muralis, Trichostomum crispulum
[mammiferes] Eliomys quercinus, Myotis mystacinus, Myotis nattereri, Pipistrellus ssp., Plecotus austriacus, Suncus etruscus
[mollusques] Balea perversa, Chilostoma squamatinum, Clausilia rugosa parvula, Lauria cylindracea, Pupilla bigromata, Pupilla triplicata, Pyramidula spp.
[reptiles] Hierophis viridflavus, Podarcis muralis
[oiseaux] Athene noctua, Petronia petronia, Phoenicurus ochruros, Phoenicurus phoenicurus, Troglodytes troglodytes
[arachnides] Segestria ssp.
[coleopteres] Anthophora ssp., Osmia ssp., Sitaris muralis,

Valeur biologique

Ces habitats abritent une flore et une faune constituées d’espèces pouvant paraître banales, pourtant ils constituent des témoins des écosystèmes qui ont accompagné l’homme au
cours des temps historiques dans ses installations en milieu
urbain.

Actuellement, ils participent grandement au maintien de corridors biologiques en secteur urbain.

Menaces

La menace principale vient des réfections qui sont menées au nom de la modernisation et de l’embellissement et qui ont entrainé un ravalement des murs tant en ville que dans la plupart des communes rurales. En rase campagne de nombreux murs de pierre sèche ont également été sacrifiés au bénéfice des remembrements.

Statut régional

Ces habitats ne sont pas recensés au titre des inventaires naturalistes et à ce titre sont souvent mal connus ; leur fonction dans le maintien d’une biodiversité dite « ordinaire » est mise à mal un peu partout, elle est pourtant incontestable, ils mériteraient donc d’être sérieusement répertoriés.
En Poitou-Charentes, les secteurs où les parcelles agricoles sont délimitées par des murs de pierre sèche sont rares, on les rencontre encore dans certaines parties des Deux Sèvres et de la Vienne. Les vieux murs sont toujours en secteur bâti.

Les vieux murs sont le lieu de naturalisation de nombreuses espèces végétales introduites depuis longtemps pour leurs vertus décoratives ou médicinales