Friches rudérales vivaces nitrophiles

Rédacteur : Anthony Le Fouler

Physionomie – écologie

On regroupe sous cette appellation des formations herbacées hautes de 1-2 mètres, souvent dominées par les bardanes (Arctium minus, Arctium lappa), la Berce commune Heracleum sphondylium ou le Sureau yèble Sambucus ebulus. Comme tout type de végétation de friche, elles colonisent des milieux anthropiques : villes et villages, jardins, terrains vagues, décombres, décharges, bordure des chemins ruraux. Les 2 sous-types classiquement reconnus en France sont présents en Poitou-Charentes :

– l’Arctienion lappae, qui comprend au moins 6 associations différentes, correspond aux friches mésohydriques dominées par les bardanes ou la Berce commune. Ces formations végétales affectionnent plus volontiers des lieux un peu ombragés et des sols frais et riches en nitrates. La végétation y est structurée en proportion équivalente par des plantes annuelles, des bisannuelles et des vivaces. Certaines d’entre elles sont capables de produire un grand nombre de graines à longévité importante et sont de ce fait particulièrement adaptées à un régime de perturbation élevé. Il s’agit de formations peu colorées, à structure hétérogène, où les grandes feuilles des bardanes se mêlent aux nappes de Grande ortie Urtica dioica et d’où émergent les hautes tiges de Cardère Dipsacus fullonum ou de diverses ombellifères (Anthriscus sylvestris, Pastinaca urens, Conium maculatum) qui subsistent sous forme de hampes sèches jusqu’en plein hiver. Grâce à l’immense taille de leurs feuilles (jusqu’à 1 m de largeur et de longueur), les bardanes passent rarement inaperçues et la traversée de leurs peuplements en automne ne laisse personne indifférent lorsque les bractées crochues de leurs capitules mûrs s’accrochent alors au moindre vêtement et toute toison. Cet exemple classique d’épizoochorie permet aux akènes de bardanes de réaliser d’importants déplacements et de coloniser sans cesse de nouveaux milieux au fur et à mesure de leur destruction (il s’agit souvent de milieux instables).
Ces friches à hautes herbes sur sol eutrophe sont un haut lieu d’implantation de la Renouée du Japon Reynoutria japonica et Reynoutria x bohemica, son hybride avec la Renouée de Sakhaline Reynoutria x sachalinensis. Ces plantes originaires d’Asie et introduites comme plantes ornementales et fourragères, se sont naturalisées et largement propagées en Poitou-Charentes au cours du XXème siècle grâce à l’absence de phytophages spécifiques et à leur forte capacité de multiplication végétative à partir de fragments de tige ou de rhizome. Elles forment par endroits de vastes peuplements monospécifiques dégradant les berges des cours d’eau par leur rhizome traçant sur plusieurs mètres. Une lutte se met peu à peu en place à l’aide de méthodes expérimentales.

– le Sambucenion ebuli, lié aux sols plus secs et de préférence calcaires, parfois en pleine lumière, ne comprend qu’une seule association végétale. Cette communauté est dominée par le Sureau yèble Sambucus ebulus, une plante vivace à l’allure de petit arbrisseau, dont le rhizome rampant vivace produit de nombreuses tiges annuelles formant des colonies denses très caractéristiques.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • ARTEMISIETEA VULGARIS Lohmeyer, Preising & Tüxen 1951 : végétation rudérale, anthropogène, nitrophile à dominance d’espèces vivaces
    • Arction lappae Tüxen 1937 : communautés planitiaires vivaces
      • Arctienion lappae Rivas Mart., Báscones, T.E.Diáz, Fern.Gonz. & Loidi 1991 : communautés mésophiles à méso-hygrophiles
      • Sambucenion ebuli O.Bolòs & Vigo in Rivas Mart., Báscones, T.E.Diáz, Fern.Gonz. & Loidi 1991 : communautés mésophiles à méso-xérophiles

COR 1991

  • 87.1/87.2 Friches vivaces à hautes herbes bisannuelles sur sol eutrophe

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

Nc

Confusions possibles

La friche à Sureau yèble ne peut être assimilée à aucun autre habitat. Les friches à bardanes et Berce commune peuvent être confondues avec des groupements voisins de la classe des GLECHOMO-URTICETEA (ourlets vivaces nitrophiles, objets d’une fiche séparée) : les ourlets externes de l’Aegopodium podagraria et les ourlets internes de l’Alliarion petiolatae. Tous ces habitats affectionnent un sol frais et riche en nitrates. Ils ont en commun la Grande ortie Urtica dioica, la Benoîte commune Geum urbanum, le Lierre terrestre Glechoma hederacea, le Lamier blanc Lamium album. La distinction se base sur le niveau de perturbation (les ourlets sont plus stables que les friches), l’exposition lumineuse et la présence/absence des espèces caractéristiques.

Dynamique

Espaces de transition, les friches rudérales s’installent sur des espaces pionniers nitrophiles ou des prairies riches et abords herbacés abandonnés. Leur non-entretien aboutit, suivant une
dynamique spontanée, à l’installation de ligneux, notamment de
l’ormaie rudérale avec l’Orme champêtre et le Cornouiller sanguin, mais aussi des espèces opportunistes comme l’Arbre à papillons Buddleja davidii ou encore nitrophiles comme le Sureau hièble.

Espèces indicatrices

[plante2] Arctium lappa, Arctium minus, Ballota nigra, Conium maculatum, Heracleum sphondylium, Rumex obtusifolius, Sambucus ebulus
[plante1] Acer pseudoplatanus, Aegopodium podagraria, Aehtusa cynapium ssp.elata, Alliaria petiolata, Anthriscus sylvestris, (Artemisia verlotiorum), Artemisia vulgaris, Borago officinalis, Brachypodium sylvaticum, Bryonia alba, (Buddleja davidii), Chaerophyllum temulum, Chelidonium majus, Cirsium arvense, Clematis vitalba, Cornus sanguinea, Geranium pyrenaicum, Geum urbanum, Glechoma hederacea, Hedera helix, Lactuca serriola, Lamium album, Lamium maculatum, Malva sylvestris, Pastinaca urens, (Reynoutria japonica), (Reynoutria x bohemica), Rubus caesius, Urtica dioica, Viola odorata
[champignons] Lepista personata, Leucoagaricus bresadolae

Valeur biologique

La flore des friches à bardanes et Sureau yèble est relativement banale car les plantes qui la composent présentent une large répartition géographique et transgressent dans d’autres habitats. A noter que dans les départements de la Vienne et de la Charente-Maritime, la Grande Bardane Arctium lappa est une espèce déterminante pour la désignation des Z.N.I.E.F.F. Plus qu’une valeur biologique intrinsèque, ces friches rudérales vivaces nitrophiles constituent des habitats d’espèces. Le cortège abrite de nombreuses plantes entomogames attirant en été de nombreux insectes à la recherche de nectar. Le développement tardif de cette communauté végétale est à favoriser pour permettre notamment à des espèces d’insectes de se reproduire (fonction de gîte et de couvert).

Ce sont aussi des habitats refuges et des corridors de déplacement d’un milieu à l’autre pour l’avifaune, les micromammifères, les hérissons et petits mustélidés. Par conséquent ils peuvent devenir des foyers de ressource alimentaire pour des prédateurs et des territoires de chasse, notamment pour les rapaces.

Menaces

Ces friches nitrophiles des milieux frais délaissés ne seraient menacées que par un entretien drastique de l’espace rural. La floraison et la fructification tardives de ses espèces caractéristiques nécessitent un entretien également tardif, à l’automne, afin de permettre aux espèces d’assurer leur cycle de reproduction.

C’est aussi valable pour la faune associée qui apprécie, notamment le long des routes et chemins, de pouvoir s’y réfugier, s’y déplacer, voire de s’y reproduire. Les friches et autres espaces délaissés constituent toujours des habitats refuge à prendre en compte.

Statut régional

L’habitat est bien représenté sur l’ensemble du territoire concerné, le long des chemins, sur les espaces urbains et ruraux délaissés, toujours à proximité de la fréquentation humaine.