Ourlet hygrophile

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie-écologie

Les ourlets hygrophiles sont des habitats naturels de transition entre un boisement alluvial ou une prairie inondable et un cours d’eau. Ils se développent donc la plupart du temps sur les berges et sur la terrasse alluviale associée, le plus souvent sur des sols gorgés d’eau et chargés en matières organiques et/ou azotées. Soumis à aucune gestion d’origine anthropique (fauche, pâturage), cet habitat de type mégaphorbiaie est composé de grandes herbes de 1 à 2 mètres, le plus souvent disposées de manière linéaire le long des berges. Ces ourlets présentent une certaine variabilité en fonction de leur position au sein du bassin versant.

La communauté fluviale estuarienne à Angélique des estuaires Angelica heterocarpa (ANGELICION LITORALIS) se rencontre aux sommets des berges des fleuves au niveau de leur estuaire, sur des sols argilo-limoneux toujours gorgés d’eau. Il s’agit d’un habitat linéaire et composé de hautes herbes (env. 1,50 m). L’influence des marées régulières et de la légère salinité qu’elles occasionnent sont des conditions nécessaires à l’installation de ce groupement végétal. L’Angélique des estuaires est une endémique de la façade atlantique française que l’on rencontre dans notre région, en Charente-Maritime au niveau de l’estuaire de la Charente et de la Gironde. Cet habitat connaît une certaine variabilité au niveau des marais maritimes plus ou moins enrichis en matières organiques avec la présence du groupement à Guimauve officinale et Laîche cuivrée et du groupement à Chiendent à fleurs serrées et Guimauve officinale (AGROPYRO PUNGENTIS-ALTHAETUM OFFICINALIS).

Les ourlets riverains mixtes (CONVOLVULION SEPIUM) se rencontrent quant à eux sur les berges et les terrasses alluviales bordant les cours d’eau de plaine. Ils sont généralement associés aux milieux alluviaux riverains tels que les forêts alluviales ou les prairies inondables, sur des sols de natures diverses (limons, sables, argile…) gorgés d’eau. Cette végétation des berges résiste à de courtes périodes d’immersion régulières, lors des crues hivernales. La composition spécifique est dominée par quelques espèces de grande taille et des lianes qui confèrent à cet habitat sa physionomie, telles que la Baldingère, l’Angélique sauvage ou le Liseron des haies.

Enfin, la communauté riveraine à Petasites hybridus (PETASITION OFFICINALIS), habitat plutôt sub-montagnard, ne se rencontre dans notre région que sur les berges d’un unique petit cours d’eau privilégié (sources de la Touvre, 16). La physionomie de ce type de lisière herbacée est marquée par la dominance du Pétasite hybride et de ses larges feuilles, qui lui confère en plus de sa structure végétale plutôt horizontale, une certaine uniformité physionomique.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • FILIPENDULO ULMARIAE-CONVOLVULETEA SEPIUM :

    mégaphorbiaies méso-eutrophes des stations humides

    • Convolvuletalia sepium Tüxen 1950 nom. nud. : communautés riveraines et alluviales, eutrophes, sur sédiment minéral
      • Convolvulion sepium Tüxen in Oberd. 195 : communautés de la partie supérieure et moyenne des cours d’eau et des bordures de lacs
      • Angelicion litoralis Tüxen in W.Lohmeyer et al.1962 : communautés de zones subestuariennes, soumises aux mares d’eau douce
      • Petasition officinalis Sill. 1933

CORINE 1991

  • 37.71 Lisières à grandes herbes des bords de cours d’eau
    • 37.712 Communauté fluviale estuarienne à Angelica heterocarpa
    • 37.713 Ourlet riverain à Althaea officinalis
    • 37.714 Communauté riveraine à Petasites hybridus
    • 37.715 Ourlets riverains mixtes bordant les cours d’eau planitiaires

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

6430 Mégaphorbiaies hydrophiles d’ourlets planitiaires et des étages montagnard à alpin

Confusions possibles

En ce qui concerne les ourlets à Angelica heterocarpa, la confusion est possible avec des mégaphorbiaie-roselières sub-halophiles avec lesquelles ils sont en général en contact : roselière à Angélique des estuaires et Roseau commun, roselière à Angélique des estuaires et Baldingère faux-roseau commun. Ils s’en distinguent par l’absence de la structure verticale caractéristique des roselières.

Quant aux autres ourlets hygrophiles, des confusions sont possibles avec les mégaphorbiaies marécageuses et les communautés à grandes laîches (voir fiches « Mégaphorbiaie marécageuse » et « Magnocaricaies »). Les ourlets hygrophiles se distinguent des magnocaricaies par la présence abondante des plantes dicotylédones dominant l’habitat et lui conférant une structure exubérante.

La distinction d’avec les mégaphorbiaies tient avant tout à richesse du substrat : plutôt mésotrophe pour les mégaphorbiaies marécageuses, plutôt eutrophe pour l’ourlet hygrophile.

Dynamique

La dynamique de la communauté fluviale estuarienne à Angelica heterocarpa est peu marquée. En effet, il s’agit d’un habitat pionnier soumis à l’effet des marées, qui permet un rajeunissement lié au remaniement régulier des berges par le courant et aux dépôts de sédiments.

Les ourlets mixtes riverains et l’ourlet à Pétasite hybride peuvent évoluer vers la fruticée ou la saulaie riveraine puis vers la forêt alluviale de type aulnaie-frênaie-ormaie, si le régime fluvial du cours d’eau auxquels ils sont associés permet l’installation des ligneux (absence de forts courants, inondations courtes…). A l’inverse, si lors de fortes crues la lisière de la forêt alluviale recule, l’espace ainsi libéré sera certainement colonisé par les espèces des ourlets hygrophiles, dont certaines sont déjà présentes en sous-étage.

En revanche l’exploitation agricole (fauche, pâturage) des ourlets, les fait évoluer vers les cortèges spécifiques des prairies inondables pâturées ou de fauche caractérisés par une diversité spécifique plus importante et par une certaine abondance des graminées.

Espèces indicatrices

[plante2] Aegopodium podagraria, Althaea officinalis, *Angelica heterocarpa, Angelica sylvestris, Apium graveolens, (Aster x salignus), Barbarea vulgaris, Bolboschoenus maritimus var. compactus, Calystegia sepium, *Dipsacus pilosus, Galega officinalis, (Impatiens glandulifera), *Inula helenium, *Inula helvetica, *Leonurus marrubiastrum, *Lepidium latifolium, Myosoton aquaticum, Oenanthe lachenalii, *Oenanthe foucaudii, *Petasites hybridus, *Poa palustris, (Reynoutria japonica), Senecio aquaticus, (Solidago canadensis), Sonchus arvensis
[plante1] Atriplex prostrata, Bryonia dioica, Carex cuprina, Dipsacus fullonum, Epilobium hirsutum, Epilobium tetragonum, Eupatorium cannabinum, Filipendula ulmaria, Heracleum sphondylium, Humulus lupulus, Hypericum tetrapterum, Lythrum salicaria, Melilotus altissimus, Mentha suaveolens, Phalaris arundinacea, Phragmites australis, Rumex crispus, Scrophularia auriculata, Scirpus sylvaticus, Stachys palustris, Urtica dioica
[briophytes] Calliergonella cuspidata, Eurhynchium hians, Eurhynchium speciosum, Plagiomnium undulatum, Thuidium tamariscinum
[lepidopteres] Anthocharis cardamines, Araschnia levana, Lycaena dispar, Polygonia c-album
[orthopteres] Stethophyma grossum

Valeur Biologique

Les ourlets hygrophiles occupent un espace restreint sur les berges entre le cours d’eau et les milieux alluviaux riverains. Généralement fleuris à partir du mois de juin et pendant tout l’été, ils attirent de nombreux insectes butineurs et pollinisateurs.

La structure verticale et enchevêtrée des ourlets hygrophiles bordant les cours d’eau de plaine permet également aux araignées piégeuses de tisser leurs toiles à l’affût de quelques moucherons ou libellules. Les ourlets hygrophiles sont des zones de maturation et de chasse pour les libellules inféodées aux rivières.

Bien que cet habitat naturel présente un intérêt patrimonial indéniable, il est généralement dominé par quelques espèces, donc plutôt pauvre et composé d’espèces végétales relativement banales.

En revanche la communauté estuarienne à Angelica heterocarpa, héberge des espèces rares, dont l’Angélique des estuaires Angelica heterocarpa, espèce endémique de la façade atlantique Française, protégée à l’échelle nationale et européenne (Dir. Eur. 92/43/CEE), accompagnée sur les vases de la Charente et de la Gironde par l’Oenanthe de Foucaud (Oenanthe foucaudii), également protégé au niveau national.

Enfin, l’ourlet riverain à Pétasite hybride, habitat plutôt continental-montagnard ne se rencontre que très rarement dans notre région. Plusieurs plantes très rares ou en station unique en Poitou-Charentes sont strictement inféodées à l’habitat : l’Inule de Suisse (Inula helvetica), dont la présence dans le nord 16 sur les bords de l’Aume constitue une énigme biogéographique, l’Agripaume faux-marrube (Leonurus marrubiastrum) sur les rives de la Bouleur en sud 86, le Pâturin des marais (Poa palustris) en nord 86 ou encore la Cardère poilue (Dipsacus pilosus) sur les bords du Chambon en sud 79.

Menaces

Toutes les actions susceptibles de modifier le régime hydrologique des hydrosytèmes, telles que la canalisation des ruisseaux, l’enrochement, l’endiguement, les drainages agricoles, les seuils et les barrages, les pompages à vocation agricole, les aménagements de berges, l’urbanisation, sont de nature à porter atteinte à la conservation de cet habitat.

De même, la régulation des cours d’eau conduisant à diminuer la fréquence des périodes de crues n’est pas favorable à son maintien. Il s’agit également d’un habitat assez sensible à l’invasion par des espèces exogènes,
telles que la Renouée du japon (Reynoutria japonica), les
balsamines (Impatiens sp)

Cet habitat supporte en général mal les actions de gestion agricole courantes telles que la fauche et le pâturage, qui le font évoluer vers le cortège spécifique des prairies inondables.

En revanche, il s’accommode très bien des pollutions diffuses et des excès de matières azotées dans l’eau : l’eutrophisation généralisée des cours d’eau de la région favorise ainsi la transformation des mégaphorbiaies mésotrophes en ourlets hygrophiles eutrophes, avec la perte d’originalité floristique qui s’ensuit.

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, les ourlets hygrophiles sont des milieux à valeur patrimoniale élevée.

Les communautés fluviales estuariennes à Angelica heterocarpa ne sont présentes qu’en Charente-Maritime, au niveau de l’estuaire de la Charente et de la Gironde.

Les ourlets hygrophiles bordant les cours d’eau de plaine sont des habitats ponctuels occupant de petites surfaces, généralement en lisière des forêts alluviales au sein des 4 départements de notre région.

L’ourlet hygrophile prend parfois la forme de nappes extensives de Grand liseron (Calystegia sepium) capables de recouvrir toute la végétation alentour.
L’ourlet hygrophile subhalophile des bordures estuariennes abrite plusieurs plantes remarquables dont, notamment, l’Angélique des estuaires (Angelica heterocarpa), espèce endémique de la façade franco-atlantique.
Le Sphinx de l’épilobe (Proserpinus proserpina) est un papillon de nuit aux mœurs… crépusculaires, dont les chenilles se développent sur divers épilobes dont, notamment, l’Epilobe hirsute (Epilobium hirsutum), une des espèces les plus fréquentes des ourlets hygrophiles.