Dépressions humides arrière-dunaires

Rédacteur : Guy Chezeau

Physionomie – écologie

L’habitat générique regroupe l’ensemble des végétations des dépressions humides arrière dunaire. Le substrat sableux, meuble, très filtrant permet l’émergence de la nappe phréatique superficielle en période hivernale. Les eaux plus ou moins oligotrophes à mésotrophes sont souvent légèrement chlorurées. Le battement de la nappe étant souvent important, il en résulte un assèchement estival de la dépression. Seules les rares secteurs les plus bas ou ceux qui ont été artificiellement creusées restent en eau durant la saison sèche (mares aménagées par les chasseurs pour l’abreuvement du gibier par ex.). L’habitat se décline en 5 habitats élémentaires :

  • les fourrés à Saule des sables Salix arenaria (COR 16.26) occupent certaines dépressions arrière dunaires dont la nappe phréatique, alimentée par les pluies hivernales, inonde le fond de manière plus ou moins prolongée en hiver et au printemps. L’habitat forme une brousse basse de 1 à 1.5m de hauteur, souvent très dense, que n’arrivent à pénétrer que quelques rares espèces de bas-marais ainsi que, typiquement, la liane thermophile Rubia peregrina ;
  • les mares (COR 16.31) correspondent aux dépressions inondées de manière quasi permanente (un court assec estival reste possible) par des eaux oligotrophes, douces à saumâtres connaissant de fortes variations saisonnières de niveau. Elles hébergent une végétation aquatique se développant sous forme d’herbiers enracinés plus ou moins denses, pauvres en espèces, où les Characées et certains potamots halo-tolérants forment l’essentiel de la biomasse ;
  • les bas marais dunaires (COR 16.33) se présentent comme des jonçaies physionomiques ou des jonçaies-cariçaies où le Choin Schoenus nigricans forme parfois faciès et où l’Ecuelle d’eau Hydrocotyle vulgaris et, surtout, le Scirpe choin Holoschoenus romanus, sont rarement absents. En raison de la nature généralement basique du substrat (calcaires coquilliers), la flore présente de fortes affinités avec celles des bas-marais alcalins non littoraux (plusieurs orchidées rares, notamment, leur sont communes). La variabilité régionale de cet habitat élémentaire est remarquable (3 associations végétales connues) et son originalité floristique exceptionnelle (nombreuses plantes rares/ou protégées) ;
  • les prairies humides dunaires (COR 16.34) correspondent à des prairies basses, inondables temporairement lors des remontées de la nappe mais en général exondées, dominées par des Poacées (Agrostis, Cynodon) et diverses dicotylédones comme l’Oenanthe de Lachenal Oenanthe lachenalii, la Germandrée des marais Teucrium scordioides ou le Trèfle faux-fraisier Trifolium fragiferum ;
  • les roselières et cariçaies dunaires (COR 16.35) bordent les plans d’eau arrière-dunaires doux à saumâtres, à niveau variable. Elles forment en général des peuplements pauci- à monospécifiques dominés tantôt par le Phragmite, tantôt par le Scirpe maritime Bolboschoenus maritimus, plus rarement par de grands Carex ou par le Marisque Cladium mariscus.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Salicion arenariae Tüxen ex Passarge in Scamoni 1963 : fourrés à Saule des sables

Charion canescentis Krausch 1964 et Potamion pectinati (Koch 1926) Libbert 1931 : mares douces à saumâtres dunaires

Hydrocotylo vulgaris-Schoenion nigricantis de Foucault 1984 : bas-marais dunaires

Molinio arundinaceae-Holoschoenion vulgaris Br.-Bl. ex Tchou 1948 : prairies humides dunaires

Scirpion compacti Dahl & Hadac 1941 cor. Rivas-Martinez 1980 : roselières et cariçaies dunaires

COR 1991

16.26 Formations à Salix arenaria des dépressions dunaires
16.31 Mares des lèdes dunaires
16.32 Pelouses pionnières des lèdes
16.33 Bas-marais des lèdes
16.34 Prairies des lèdes
16.35 Roselières et cariçaies des lèdes

Directive Habitats 1992

  • 2170 Dunes à Salix repens ssp.argentea
  • 2190 Dépressions humides intradunales
    • 2190-1 Mares dunaires
    • 2190-3 Bas-marais dunaires
    • 190-4 Prairies humides dunaires
    • 2190-5 Roselières et cariçaies dunaires

Confusions possibles

La situation et l’écologie qui conditionnent l’habitat générique ne laissent la place à aucune confusion possible. En revanche, la distinction sur le terrain entre les prairies et les bas-marais requiert parfois une approche phytosociologique fine.

Dynamique

Ces habitats sont très étroitement liés au fonctionnement hydraulique général : périodicité et amplitude des fluctuations de la nappe phréatique, nature physico-chimique des eaux. La ségrégation des différents habitats élémentaires s’opérant sur un fin gradient d’hydromorphie, des modifications mêmes mineures de celle-ci (suite d’hivers et de printemps secs, par exemple) suffisent à précipiter un habitat vers un autre : l’enfoncement durable du plafond de la nappe provoque ainsi une perte de typicité du faciès de bas-marais et son introgression par diverses plantes banales, voire son boisement par des ligneux nomades (saules, ronces, frênes).

Espèces indicatrices

[plante2] *Blackstonia imperfoliata, Calamagrostis epigeios, *Carex serotina, *Carex trinervis, Centaurium erythraea, Centaurium pulchellum, *Dactylorhiza incarnata, *Epipactis palustris , Holoschoenus romanus, Hydrocotyle vulgaris, *Juncus anceps, Juncus maritimus, Juncus subnodulosus, *Liparis loeselii, Lythrum salicaria, Mentha aquatica, Ophioglossum vulgatum, *Orchis coriophora ssp.fragrans, *Orchis palustris, *Salix arenaria, Samolus valerandi, *Spiranthes aestivalis, Sonchus maritimus, Schoenus nigricans, *Teucrium scordium ssp.scordioides, *Trifolium lappaceum
[plante1] Anagallis tenella, Apium inundatum, Baldellia ranunculoides, Blackstonia perfoliata, Bolboschoneus maritimus, *Callitriche truncata, Carex flacca, *Juncus striatus, Oenanthe lachenalii, Phragmites australis, *Potamogeton coloratus, P.pectinatus
[amphibiens] Hyla meridionalis, Pelobates cultripes
[oiseaux] Acrocephalus arundinaceus, Acrocephalus scirpaceus, Cettia cetti, Ixobrychus minutus

Valeur biologique

Certains faciès de l’habitat possèdent une valeur biologique exceptionnelle dans le contexte du Poitou-Charentes : c’est le cas du bas-marais qui abrite une flore très originale, comprenant plusieurs espèces ayant virtuellement disparu des tourbières alcalines régionales ou, tout simplement, pratiquement inconnues ailleurs du territoire régional. Les orchidées sont particulièrement bien représentées avec 6 espèces, toutes plus ou moins rares et/ou bénéficiant d’un statut de protection régional ou national. Certaines Gentianacées (genres Blackstonia et Centaurium) y sont très diversifiées, de même les Joncacées (le Jonc à feuilles tranchantes Juncus anceps est strictement lié à cet habitat en PC). Les dépressions arrière-dunaires constituent aussi un habitat important pour plusieurs espèces animales rares : amphibiens tels que le Pélobate Pelobates cultripes et oiseaux (genre Acrocephalus, Blongios nain Ixobrychus minutus).

Menaces

Ces habitats déjà fort peu répandus sur le littoral charentais maritime ont subi des atteintes irréversibles du fait de remblaiements, de décharges, d’aménagements touristiques ou urbanistiques. En effet, situés en arrière de la dune grise, à l’abri des atteintes directes de la mer et des embruns, ils ont souvent été les premiers touchés par les aménagements. La sensibilité de l’habitat aux variations de la nappe phréatique le rend par ailleurs très dépendant des pompages agricoles et prélèvements divers effectués à proximité immédiate des cordons dunaires. L’invasion par des xénophytes (Séneçon en arbre) est une cause identifiée de l’extinction d’un des sites majeurs de cet habitat en arrière de la baie de Bonne Anse quelques années seulement après la réalisation de la station de la Palmyre.
Des causes plus accidentelles telles que le ras de marée qui a accompagné l’ouragan « Martin » de décembre 1999 sont susceptibles également de perturber durablement l’habitat (salinisation de la nappe, apport de vases et matières organiques dans des systèmes naturellement oligotrophes etc..).

Statut régional

Habitat présent uniquement sur le littoral de Charente-Maritime et des îles où il est partout très menacé. Toutes les sites de quelque importance ont été intégrés dans les inventaires ZNIEFF et NATURA 2000.

Sites remarquables et/ou représentatifs

17 : Réserve Naturelle des Marais d’Yves, Aytré, arrière-dune de la forêt de Saint-Trojan et des Saumonards sur Oléron