Plantations de feuillus

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie – écologie

Cette rubrique comprend divers types de plantations d’arbres feuillus destinés à la production de bois. Leur physionomie et leur écologie sont très variées selon l’essence impliquée mais, dans la plupart des cas, la structure verticale de l’habitat est très simplifiée par rapport à celle des forêts « naturelles » avec, le plus souvent, une seule strate ligneuse appartenant à une unique classe d’âge ; de plus, les pratiques courantes d’entretien – labour, broyage, désherbage chimique, coupes d’élagage ou d’éclaircie – visant à supprimer toute concurrence vis-à-vis de l’essence-cible contribuent beaucoup à appauvrir les strates arbustive et herbacée qui peuvent même parfois manquer totalement. Dans ces écosystèmes simplifiés à la flore appauvrie, les niches possibles pour la faune sont peu nombreuses (hormis pour certains insectes ravageurs !) et peu d’espèces animales y trouvent un lieu de vie, se contentant le plus souvent de traverser les plantations lorsqu’elles sont en contact avec d’autres zones d’habitats naturels.

les plantations de peupliers : elles occupent environ 20 000ha en Poitou-Charentes, situées pour la plupart sur des sols alluviaux argileux, correctement aérés (nappe située à 40cm de profondeur au moins à l’étiage) et à pH proche de la neutralité. Les peupliers cultivés représentés autrefois par des cultivars d’espèces pures (Populus nigra, Populus deltoides), sont aujourd’hui des cultivars issus d’hybrides entre ces 2 espèces et connus sous l’appellation générique de « peupliers euraméricains ». Les clones les plus représentés dans la région sont le « Blanc du Poitou », cultivar rustique exploitable à 25 ans, le I 45-51 et le I 214 cultivars performants exploitables à 20 ans et le Dorskamp, très performant et support d’une populiculture intensive avec 204 tiges/ha (contre 156 pour les précédents) et une exploitation au bout de 15 ans seulement, avec une productivité supérieure à 15 m3/ha/an.

Le principal débouché pour ces bois tendres est le déroulage pour le contreplaqué ou l’emballage (60 % des contreplaqués « peupliers » produits en France, sont fabriqués en Poitou-Charentes). Selon l’option choisie par le populiculteur, la peupleraie peut offrir des visages très différents : dans le cas de la voie intensive, le travail du sol préparatoire, la fertilisation initiale puis le désherbage chimique durant les 5 premières années et les broyages d’entretien bisannuels laissent peu de place à la biodiversité, l’habitat se réduisant alors à une culture d’arbres ; dans le cas de la voie extensive, sans travail du sol préparatoire, ni désherbage chimique et avec un broyage d’entretien restreint à un seul passage annuel, le sous-bois peut être occupé par une mégaphorbiaie eutrophe, mêlant hautes herbes hygrophiles comme la Reine des prés Filipendula ulmaria ou la Grande salicaire Lythrum salicaria et nitrophytes tels que le Grand Liseron Calystegia sepium, le Gaillet gratteron Galium aparine, des épilobes etc ; dans certains contextes, une flore de type nettement forestier peut même s’implanter avec la Ficaire, le Lierre, le Lierre terrestre etc.

les plantations d’eucalytus : des plantations expérimentales ont été tentées en Charente au début des années 1980 dans le cadre d’un programme de recherches sur la valorisation possible de cette essence dans le sud de la France mais elles ont été abandonnées.

les plantations de chênes exotiques : le Chêne rouge Quercus rubra, arbre originaire de l’est de l’Amérique du Nord, fait l’objet de reboisements limités en région Poitou-Charentes – Confolentais, argiles à silex, Double – sur sols légers et acides. C’est une essence à croissance juvénile forte qui peut atteindre 200 ans mais dont l’âge d’exploitabilité optimal se situe vers 50-70 ans. Son bois, de qualité inférieure à celui des chênes indigènes, est utilisé pour le tranchage, en ébénisterie et en menuiserie. La densité des tiges et l’intensité de l’entretien (sous-solage initial, désherbage anti-graminées, coupes d’éclaircie fréquentes) nécessités par la volonté de produire du bois d’œuvre, font de ces plantations des cultures d’arbres plutôt que de véritables forêts et la biodiversité y est réduite.

les plantations de robiniers : celles-ci sont traitées dans la fiche AUTRES FORETS CADUCIFOLIEES .

les plantations de noyers : le Noyer commun Juglans regia (originaire des Balkans mais introduit en Europe de l’Ouest depuis l’époque romaine) est l’arbre emblématique des terroirs argilo-calcaires du Poitou-Charentes. En régression depuis la mécanisation de l’agriculture, il est de plus en plus remplacé pour la production de bois depuis les années 1990 par le Noyer noir Juglans nigra (originaire d’Amérique du Nord) et, surtout, par l’hybride entre ces 2 espèces Juglans X intermedia. Ce dernier, moins exigeant sur le pH du sol, est adapté à une plus large gamme de situations. Le bois des noyers, de très grande valeur, est très recherché pour l’ébénisterie, la tournerie, les placages décoratifs etc. Les plantations, par la densité des tiges et la sévérité des entretiens, s’apparentent plus à des vergers qu’à des forêts naturelles. Elles sont parfois utilisées en reboisement de terres agricoles.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Nc.

COR 1991

  • 83.32 Plantations d’arbres feuillus
    • 83.321 Plantations de peupliers
    • 83.322 Plantations d’Eucalyptus
    • 83.323 Plantations de Chênes exotiques
    • 83.324 Plantations de Robiniers
    • 83.325 Autres plantations d’arbres feuillus

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

Nc.

Confusions possibles

Aucune.

Dynamique

Dans la mesure où il s’agit de plantations, il n’y a pas de dynamique propre des peuplements.

Espèces indicatrices

[plante2] Juglans nigra, Juglans regia, Juglans x intermedia, Populus X canadensis, Quercus rubra, Robinia pseudacacia
[plante1] peupleraies : Calystegia sepium, Eupatorium cannabinum, Filipendula ulmaria, Galium aparine, Humulus lupulus, Lythrum salicaria, Phalaris arundinacea, Rubus caesius, Sambucus nigra, Solanum dulcamara, Symphytum officinale, Urtica dioica
[oiseaux] peupleraies : Dendrocopos major, Dendrocopos minor, Oriolus oriolus
[coleopteres] peupleraies : Cryptorrhynchus lapathi, Melasoma populi, Melasoma phyllodecta, Saperda carcharias, Saperda populnea
[lepidopteres] peupleraies : Aegeria apiformis, Cossus cossus, Sciapteron tabaniformis, Zeuzera pyrina
[champignons] peupleraies : Agrocybe aegerita, Amanita malleata, Hebeloma populinum, Hemipholiota populnea, Lactarius controversus, Leccinum aurantiacum, Leccinum duriusculum, Tricholoma populinum

Valeur biologique

La valeur biologique des plantations de feuillus est très faible, la fréquence et l’intensité des traitements d’entretien y limitant fortement les potentialités pour la flore et la faune. Seules les peupleraies à gestion extensive peuvent présenter un intérêt quelconque : lorsque l’entretien s’y limite à un unique broyage annuel, une végétation à hautes herbes s’y développe en sous-strate, présentant de forte affinités avec les véritables mégaphorbiaies ; la peupleraie peut alors constituer un habitat de substitution pour certaines espèces végétales et animales.

Menaces

Nc.

Statut régional

  • plantations de peupliers : répandues sur l’ensemble des vallées alluviales de la région
  • plantations de Chêne rouge d’Amérique : çà et là hors secteurs calcaires (Confolentais, Terres Rouges, Double)
  • plantations de Robinier : surtout au nord de la Vienne, sur les sols sableux du Saumurois-Loudunais (50% du total régional) ; sinon, disséminées partout ailleurs
  • plantations de noyers : Terres rouges, Terres de groies, Saumurois, Loudunais, Champagne et Saintonge, Plaines de Thouars et Moncontour.