Parois calcaires

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie – écologie

Les falaises calcaires du Poitou-Charentes sont pour la plupart composées de calcaire du Jurassique moyen et supérieur qui a la propriété d’être assez dur et de calcaire plus tendrecomme le tuffeau du Crétacé supérieur. Ces parois sont souvent façonnées par l’érosion qui permet le rajeunissement du milieu. Le substrat issu de la dégradation de la roche est riche en base et généralement pauvre en azote. L’enrichissement en matières azotées est un facteur de variabilité et favorise l’apparition de plantes nitrophiles ( Parietarietalia judaicae ) telles que Chelidonium majus et/ou Geranium robertianum. L’exposition au soleil et les conditions d’hygrométrie influent sur la composition spécifique de la végétation des parois calcaires. Cette dernière héberge souvent des espèces naturalisées échappées des jardins telles que Centranthus ruber, Dianthus caryophyllus, Cheiranthus cheiri ou encore le figuier Ficus carica, parfois naturalisé dans certaines falaises du sud de la région.

On distingue 2 types de communautés différentes pouvant s’installer sur ces parois selon le niveau d’éclairement. La première, plutôt héliophile et thermophile, se rencontre sur les falaises continentales sèches ( Potentilletalia caulescentis ) avec Asplenium ruta-muraria, Parietaria judaica et Ceterach officinarum. La végétation, composée surtout de plantes vasculaires, est généralement clairsemée et localisée au niveau des fissures.

La seconde, sciaphile, comprend au moins 5 communautés végétales distinctes, dont 4 sont rares et localisées :

  • une communauté basale, répandue, à Scolopendre et divers Asplenium, colonisant les rochers calcaires forestiers de toute la région ;
  • une communauté à Polypodium cambricum, thermo-sciaphile, connue surtout dans la moitié sud de la région ;
  • une communauté à Asplenium trichomanes ssp.pachyrachis, continentale-thermophile, connue seulement des environs de Poitiers, d’ Angles-sur-l’Anglin et d’Angoulême ;
  • une très rare communauté à Cystopteris fragilis, et diverses autres fougères, de talus forestier en ambiance climatique fraîche (nettes affinités avec la végétation des falaises calcaires ombragées collinéennes ou montagnardes) ;
  • une communauté thermophile et hygrophile se développant au niveau de suintements ombragés et de sources calcaires, généralement en exposition sud et dominée par Adiantum capillus-veneris (Adiantetea capilli-veneris). L’abondance de cette fougère facile à reconnaître confère à ce groupement végétal une physionomie en forme de draperie tout à fait particulière. Cette communauté, d’origine méditerranéenne, est surtout répandue en Charente (environs d’Angoulême) mais elle se raréfie fortement plus au nord.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF2004

ADIANTETEA CAPILLI-VENERIS Braun-Blanquet

ADIANTETALIA CAPILLI-VENERIS Braun-Blanquet

Adiantion capilli-veneris Braun-Blanquet

ASPLENIETEA TRICHOMANIS Br.-Bl. In Meier Braun-Blanquet

POTENTILLETALIA CAULESCENTIS Br.-Bl. In Braun-Blanquet Jenny

Potentillion caulescentis Br.-Bl. In Braun-Blanquet Jenny

Cystopteridion fragilis (Nordhagen) Richard

PARIETARIETALIA JUDAICAE Rivas-Martinez ex Rivas-Goday

Parietario judaicae-Centranthion rubri Rivas-Martinez

CORINE 1991

62.1- Végétation des falaises continentales calcaires sèches
62.51– Falaises continentales humides méditerranéennes
62.52– Falaises continentales humides septentrionales

Directive Habitats 1992

8210– Pentes rocheuses calcaires avec végétation chasmophytique

Confusions possibles

Il n’existe pas de confusion possible avec un autre habitat naturel. En effet les falaises calcaires se distinguent non seulement par la nature de la roche mais aussi par une végétation relativement différente des parois siliceuses, même si quelques fougères, indifférentes à la nature de la roche, telles que Asplenium trichomanes, peuvent être présentes dans les deux cas.

D’autre part, quelques espèces des falaises humides septentrionales se retrouvent au sein d’autres habitats naturels, souvent en contact avec ce dernier lorsqu’elles sont insérées en contexte forestier. Il s’agit des forêts de pentes sur calcaire ( Tilio-acerion  ; COR : 41.41) dont la strate herbacée comporte aussi une certaine abondance de Phyllitis scolopendrium.

Dynamique

L’érosion naturelle des parois calcaires contribue au rajeunissement permanent de la végétation. D’autre part, le sol de très faible profondeur, parfois quasi inexistant, ne permet généralement pas l’installation d’espèces ligneuses. Dans les fissures les plus profondes et les plus stables, ou sur des corniches, les ligneux arrivent tout de même à s’installer pour former des fourrés de corniche tels que les fourrés à Prunus mahaleb, Rhamnus alaternus, Rhamnus saxatilis (en Charente seulement) ou sous une forme plus nitrophile à Ulmus minor et Sambucus nigra.

Dans le cas de fissures prononcées ou lorsque que la pente devient moins abrupte il est possible d’observer une végétation proche de celle des corniches caractérisée par la présence de divers sedums et parfois même celle des pelouses sèches calcicoles (pelouse à Seslérie bleue, par exemple).

Enfin, il arrive parfois que le lierre « escalade » la falaise pour former une nappe dense et uniforme au détriment de la végétation chasmophytique caractéristique de ce type de parois.

Espèces indicatrices

[plante2] *Adiantum capillus-veneris , Asplenium adiantum-nigrum, Asplenium ruta-muraria, Asplenium trichomanes ssp.pachyrachis, Asplenium trichomanes ssp.quadrivalens, Ceterach officinarum, *Cystopteris fragilis, Parietaria judaica, Phyllitis scolopendrium, Polypodium cambricum, Polypodium interjectum, Sedum album, Sedum rupestre, Silene nutans
[plante1] *Campanula rotundifolia, Cardamine hirsuta, Centranthus ruber, Cheiranthus cheiri, Cymbalaria muralis, Dianthus caryophyllus, Draba muralis, Ficus carica, Geranium lucidum, Geranium robertianum, Hedera helix
[briophytes] Anomodon viticulosus, Cephaloziella baumgartneri, Conocephalum conicum, Didymodon tophaceus, Eucladium verticillatum, Fissidens gracilifolius, Frullania dilatata, Grimma crinita, Grimmia orbicularis, Grimmia tergestina, Gymnostomum calcareum, Gyroweisia tenuis, Jungermannia atrovirens, Leptobarbula berica, Orthotrichum anomalum, Porella arboris-vitae, Porella platyphylla, Radula complanata, Scorpidium circinatum, Seligeria pusilla, Southbya nigrella, Southbya tophacea, Tortella inflexa, Tortella nitida, Tortella tortuosa, Tortula marginata, Weisia crispata
[lichens] Aspicilia calcarea, Caloplaca heppiana, Caloplaca saxicola, Collema cristatum, Lecanora crenulata, L. dispersa, Opegrapha sp., Placynthium nigrum, Protoblastenia rupestris, Verrucaria glaucina, V. nigrescens
[mollusques] Abida secale, Chilostoma squamatinum, Chondrina avenacea, Cochlostoma septemspirale, Granopupa granum, Helicigona lapicida, Pyramidula spp.

VALEUR BIOLOGIQUE

Les parois rocheuses calcaires sèches ensoleillées ( Potentilletalia caulescentis ) abritent une flore originale et très spécialisée participant à la biodiversité ordinaire du Poitou-Charentes. Certaines fougères comme les Asplenium trouvent ici leur milieu de prédilection avec les vieux murs en pierres calcaires qui constituent un milieu de substitution à ce type de végétation.
Les suintements et une exposition ensoleillée (thermophile mais pas héliophile stricte) sur parois calcaires font partie des exigences écologiques d’Adiantum capillus veneris, petite fougère inscrite sur la Liste Rouge des espèces rares et menacées de la région Poitou-Charentes.

Les parois rocheuses servent de support de nidification à certains oiseaux rares dans la région et protégés tels que le Faucon pèlerin, ou simplement d’habitat de chasse et d’hivernage à d’autres espèces telles que le Tichodrome..

Menaces

La végétation des parois rocheuses se développe sur un sol quasi inexistant et de ce fait est très sensible à l’érosion et au piétinement. Ainsi, la pratique – parfois intensive à la bonne saison – de « sports de nature » tels que l’escalade, peut porter préjudice à ce type d’habitat, d’autant qu’elle est parfois accompagnée de traitements herbicides de la roche. Les plantes, à croissance relativement difficile et lente, mettront beaucoup de temps à recoloniser ce type de milieu après de telles perturbations anthropiques.

La proximité des activités humaines telles que la présence d’une zone urbaine dans l’environnement proche des falaises contribue parfois à la banalisation des espèces de cet habitat soit par apparition d’espèces exogènes envahissantes échappées des jardins voisins soit par une gestion plutôt « jardinée » de ces espaces parfois pratiquée par les services municipaux. Ce type de gestion se traduit souvent par l’introduction d’espèces horticoles et par l’usage d’herbicides.

Statut régional

En Poitou-Charentes, région de plaine, ce type de milieu est rare et disséminé, malgré l’importance des sédiments calcaires. C’est en Charente qu’il est le mieux représenté, puis en Vienne et en Charente-Maritime, les Deux-Sèvres, pour partie situés sur le socle armoricain, faisant figure de « parent pauvre »

Sites remarquables :

16 : vallées des Eaux Claires, de l’Anguienne, de la Boême (environs d’Angoulême)
17  : falaises de Meschers (estuaire Gironde)
86 : Vallée de l’Anglin, Rocher du Porteau à Poitiers, coteau de Mauroc à St Benoit

Deux faciès contrastés de l’habitat

Deux fougères rares des falaises calcaires régionales