Pelouses calcicoles mésophiles

Rédacteur : Jean-Pierre Sardin

Physionomie – écologie

Les pelouses calcicoles mésophiles sont des formations herbacées basses et denses qui se développent sur des sols carbonatés ou basiques formés sur les calcaires secondaires du Jurassique (au centre de la région) et du Crétacé supérieur (au sud et au nord). Il s’agit de sols de type rendzine (terres de « groies » ou de « champagne »), de sols bruns calciques (sur les pentes du relief) ou de sols particuliers liés à des roches typiques (tuffeau du nord de la Vienne, calcaires marneux du sud Charente, gypse de Cognac…).
Ces sols ont de bonnes capacités de rétention d’eau et limitent les effets de la sécheresse estivale. Outre les sols, les variations du climat, la situation topographique (pentes faibles ou fortes, plateau…) et l’orientation géographique expliquent la grande diversité typologique de ces pelouses, la région comptant au moins 6 associations végétales reconnues.

Les graminées (Brome dressé, Fétuques esp.pl., Brachypode penné….) dominent la physionomie de ces pelouses, qui sont caractérisées par de nombreuses hémicryptophytes et, parfois, de riches populations d’orchidées. Ce dernier caractère particulier permet d’ailleurs de déterminer des « sites d’orchidées remarquables », en fonction du nombre d’espèces, et/ou de la présence d’espèces très rares.
La diversité de ces pelouses est aussi liée à la confluence de deux contingents floristiques qui alimentent le cortège des pelouses calcicoles ouest-européennes : un contingent méridional, à caractère subméditerranéen, marqué en particulier dans le sud de la région (Mesobromion aquitanien de Charente et Charente-maritime), et un contingent steppique oriental à caractère eurosibérien (Mesobromion ligérien du nord de la Vienne par exemple). On pourra ainsi distinguer les pelouses à brome (Bromus erectus) des pelouses à Seslérie (Sesleria caerulea).

L’hétérogénéité de la physionomie de cet habitat est aussi souvent liée (selon les conditions physiques) au glissement localisé du cortège floristique vers des pelouses plus acides (décarbonatation du sol), vers des bas-marais (influence d’une nappe phréatique) ou des pelouses xérophiles (présence d’une dalle rocheuse…).

Mais l’élément essentiel est son caractère secondaire, qui s’inscrit dans un contexte agropastoral plus ou moins extensif. Dans la région, les pelouses mésophiles sont toujours héritées de l’action des animaux herbivores, les espèces domestiques (moutons, chèvres), voire sauvages (lapins, chevreuils), ayant modulé considérablement la structure et la composition des ensembles floristiques.
En raison de tous ces paramètres, ces pelouses ont un caractère instable. En l’absence du pastoralisme, on observe un processus dynamique qui les fait évoluer naturellement vers les végétations à hautes herbes et les fourrés calcicoles, prélude à l’installation pérenne du boisement calcicole. Cet habitat présente donc une forte capacité évolutive, et sa conservation est directement liée à l’action anthropique.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Alliance Mesobromion erecti (Br.-Bl. & Moor 1938) Oberdorfer 1957
Sous-alliances
Mesobromenion erecti Br.-Bl. & Moor 1938
Tetragonolobo maritimi-Mesobromenion erecti Royer 1991
Teucrio montani-Mesobromenion erecti Royer 1991
Seslerio caerulae-Mesobromenion erecti Oberd.1957
Festucenion timbalii Boullet 1986

COR 1991

  • 34.32 Pelouses calcaires subatlantiques semi-arides
  • 34.322 Pelouses semi-sèches médio-européennes à Bromus erectus
    • 34.322G Mesobromion ligérien
    • 34.322H Mesobromion aquitanien
  • 34.323 Faciès à Brachypodium pinnatum du 34.322
  • 34.324 Pelouses alluviales et humides du Mesobromion
  • 34.325 Pelouses semi-sèches médio-européennes dominées par Sesleria caerulea

Directive habitat 1992

6210 Pelouses sèches semi-naturelles et faciès d’embuissonnement sur calcaire prioritaires lorsque les populations d’orchidées sont importantes.

Confusions possibles

Les pelouses calcicoles mésophiles peuvent être avant tout confondues avec les pelouses calcicoles du Xerobromion, souvent imbriquées, avec interpénétration de certaines espèces physionomiques comme le Brome (Bromus erectus), mais qui ont un taux de recouvrement moins important et un cortège d’annuelles plus développé. À un moindre degré, elles peuvent aussi présenter des problèmes d’identification avec les pelouses pionnières à thérophytes, ainsi qu’avec les faciès à Brachypode des ourlets calcicoles du Geranion sanguinei ou du Trifolion medii

Dynamique

Formations secondaires issues de déforestations historiques anciennes et d’un régime anthropozoogène (pacage), parfois aussi d’une reconstitution séculaire du tapis végétal après abandon de cultures, les pelouses calcicoles mésophiles évoluent naturellement vers la forêt calcicole, en passant par plusieurs phases dynamiques : phase de vieillissement avec densification et extension des espèces à forte colonisation végétative comme le Brachypode penné (Brachypodium pinnatum), développement en mosaïque de la flore arbustive du fourré calcicole, puis constitution de jeunes chênaies pubescentes.
En raison du caractère secondaire de cet habitat, on peut observer une dynamique particulière avec l’intensification du pâturage, qui conduit en général à des variantes appauvries.

Espèces indicatrices

[plante2] Anacamptis pyramidalis, Anthericum ramosum, Cirsium acaule, Gymnadenia conopsea, Linum tenuifolium, Ophrys araneola, *Ophrys argensonensis, *Ophrys fuciflora, Ophrys insectifera, *Ophrys santonica, Orchis militaris, Orchis purpurea, Orchis ustulata, Plantago media, Polygala calcarea, Prunella laciniata, Thesium humifusum
[plante1] Aceras anthropophorum, Asperula cynanchica, Aster linosyris, Avenula pratensis, *Biscutella guillonii, Blackstonia perfoliata, Briza media, Brachypodium pinnatum, Bromus erectus, Carduncellus mitissimus, Carex flacca, Carex tomentosa, Carlina vulgaris Catananche caerulea, Carex hallerana, Centaurium erythraea, Cirsium tuberosum, Coronilla minima, Euphorbia brittingeri, Festuca marginata, Festuca lemanii, Globularia punctata, *Globularia vulgaris, Helianthemum apenninum, Hieracium pilosella, Hippocrepis comosa, Koeleria vallesiana, Linum suffruticosum, Ononis repens, *Ophrys gr.fusca, *Ophrys lutea, Ophrys scolopax, Orchis morio, Pimpinella saxifraga, Potentilla neumanniana, Scabiosa columbaria, Sesleria albicans, Teucrium chamaedrys
[briophytes] Entodon concinnus, Scleropodium purum, Thuidium philibertii
[mollusques] Candidula intersecta, Monacha cartusiana
[lepidopteres] Brintesia cirse, Lysandra bellargus, Maculinea arion, Polyommatus bellargus
[coleopteres] Empusa pennata, Libelluloides spp.
[orthopteres] Euchorthippus pulvinatus, Pezotettix giornai

Valeur biologique

Depuis l’abandon des pratiques pastorales favorables, cet habitat – en bon état de conservation – est devenu rare dans la région. Il est souvent appauvri en raison de la dynamique naturelle de fermeture. Moins riche en espèces végétales rares que le Xerobromion, il peut cependant présenter de remarquables cortèges d’orchidées (parfois plus de 25 espèces sur le même site), certaines étant rares dans la région – Orchis singe Orchis simia, Ophrys jaune Ophrys lutea, Ophrys bourdon Ophrys fuciflora – ou à l’échelle nationale : Ophrys miroir Ophrys speculum, Limodore à éperon court Limodorum trabutianum. Il constitue également un biotope pour divers taxons végétaux micro-endémiques comme l’Ophrys d’Argenson Ophrys argensonensis, l’Ophrys de Saintonge Ophrys santonica ou la Biscutelle de Guillon Biscutella guillonii.
En raison de la grande diversité des espèces végétales et de la réduction importante des espaces favorables, cet habitat devient aujourd’hui un élément essentiel pour certaines espèces d’insectes, en particulier les lépidoptères dont les chenilles sont souvent inféodées à des plantes liées à ces pelouses. Un important travail de recherche reste à faire dans ce domaine.

Menaces

Les pelouses calcicoles mésophiles de la région sont les témoins des pratiques agropastorales exercées depuis le Moyen-Age. À partir du milieu du XXe siècle, l’abandon de ces pratiques a provoqué une évolution naturelle lente vers l’ourlet puis le boisement calcicole. Cette évolution devient très marquée aujourd’hui, et s’ajoute à l’enrésinement, à la mise en culture des secteurs à faible pente, à la destruction par exploitation de carrières de calcaire, aux loisirs motorisés. De plus, ces espaces, souvent considérés comme non productifs et inutiles, peuvent être utilisés comme dépôts de déchets. Enfin, à proximité des zones urbanisées, diverses espèces végétales invasives originaires des jardins alentours entrent progressivement en compétition avec les espèces indigènes.

Statut régional

Habitat disséminé, couvrant en général des surfaces moyennes de quelques ares à quelques hectares. Présent surtout en Charente, puis dans un ordre décroissant en Charente-Maritime, dans le nord de la Vienne et le sud des Deux-Sèvres.

Les sites majeurs (surfaces importantes, diversité végétale optimale, riches cortèges d’orchidées…) ont pour la plupart été intégrés dans les inventaires récents du patrimoine naturel (ZNIEFF, NATURA 2000), auxquels on se reportera pour plus de détails.

16 Coteaux de Marsac et des Bouchauds, coteaux du Montmorélien, Chaumes Boissières
17 Coteaux de la Champagne saintongeaise, coteaux de l’estuaire de la Gironde
79 Pelouses de Pamproux-Avon, pelouses de Hanc
86 Pelouses de Lussac-les-Châteaux