Pelouses calcifuges dominées par des annuelles

Rédacteur : Patrick Gatignol

Physionomie – écologie

Les pelouses calcifuges à annuelles sont des communautés végétales pionnières et éphémères qui se développent sur des sols oligotrophes peu développés et de texture légère : arènes granitiques situées aux pourtours des dalles siliceuses (HELIANTHEMION) et sols plus ou moins sableux, y compris dans les chemins des landes acidophiles qui se développent sur des podzosols (THERO-AIRION).

Les contraintes écologiques sont très fortes du fait de la faible rétention en eau de ces sols qui entraîne une xéricité très accusée. Néanmoins des écoulements d’eau de type suintement qui surviennent dans certaines zones permettent l’installation de communautés méso-hygrophiles particulières (cf. fiche « Gazons de petites annuelles éphémères »).

L’aspect est généralement celui d’un gazon bas très ouvert avec de nombreux espaces de sol nu ou, parfois, plus ou moins recouverts d’une strate lichéno-bryologique.

Selon le cas il s’agit de communautés plus ou moins thermophiles (cf. HELIANTHEMION).

Ces groupements sont capricieux et très variables d’une année sur l’autre en fonction des précipitations qui engendrent leur développement plus ou moins important.

Leur phénologie est principalement printanière mais ils peuvent réapparaître partiellement en automne à la faveur de conditions microclimatiques favorables.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

HELIANTHEMETEA GUTTATI (ex Rivas goday 1958) Rivas Goday & Rivas Mart. 1963

  • Helianthemetalia guttati Braun-Blanq. In Braun-Blanq., Molin. & He.Wagner 1940 : communautés non littorales
    • Helianthemion guttati Braun-Blanq. In Braun-Blanq., Molin. & He.Wagner 1940 : communautés vernales méditerranéennes des sables xériques
    • Thero-airion Tuxen ex Oberd. 1957 (=Airion caryophylleo-praecocis) : communautés vernales à estivales des sols xériques, atlantiques à médio européennes, sur sables, arènes et dalles siliceuses

CORINE 1991

  • 35.21 Prairies siliceuses à annuelles naines
  • 35.3 Pelouses méditerranéennes siliceuses.

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

Nc.

Confusions possibles

Du fait de leur composition riche en thérophytes et de leur aspect caractéristique les confusions semblent difficiles. Néanmoins, certaines communautés globalement calcicoles peuvent présenter dans certaines conditions (lithosols à végétation très ouverte) un certain nombre d’espèces réputées calcifuges et qui semblent ici profiter de l’oligotrophie et de la structure du substrat. Il en est ainsi des tonsures de Sèchebec (17) où se mêlent aux espèces calcicoles du THERO-BRACHYPODION (Crucianella angustifolia, Gastridium ventricosum, Hornungia petraea, etc.) des espèces de l’helianthemion (Tuberaria guttata, Evax lasiocarpa, Aira elegantissima, etc.)

D’autre part, il faut remarquer que ces groupements ne sont pas toujours bien individualisés et ils se présentent souvent en superposition avec des groupements de vivaces qui les masquent plus ou moins, en particulier au niveau des arènes granitiques (cf. fiche « Végétation des dalles siliceuses »).

Dynamique

En l’absence d’un rajeunissement permanent du sol, ces groupements d’annuelles sont étouffés par les groupements de vivaces qui prennent progressivement leur place.

Puis on assiste lentement à un envahissement par des arbustes (ajoncs, rosiers, aubépines, genêts selon les sites et la nature du sol) ou, dans les milieux plus acides, à l’installation ou l’extension d’une lande sèche à Erica cinerea et Calluna vulgaris.

Enfin, viennent les premiers arbres qui préfigurent le climax : forêt acidophile de la chênaie sessiliflore au niveau des zones de landes acidophiles ou chênaie à Chêne pubescent plus ou moins mêlé au Chêne sessile en conditions plus thermophiles, voire chênaie à Chêne tauzin et Pin maritime dans le sud-ouest de la région (16 et 17).

Cette évolution est en général plus rapide au niveau des habitats du THERO-AIRION où l’on constate rapidement l’apparition d’une chênaie sessiliflore thermophile avec Quercus petraea, Q. pubescens et leur hybride.

Au niveau de l’HELIANTHEMION, les caractéristiques pédologiques et géomorphologiques (pentes rocheuses) de la plupart des stations contribuent à une évolution plus lente. Néanmoins, dans certains secteurs on constate l’apparition de fourrés à Cytisus scoparius qui précèdent l’apparition d’une chênaie mixte à chênes pubescent et sessile.

Le pâturage par les ovins et la présence de lapins permettent le maintien de l’habitat.

Espèces indicatrices

[plante2] *Aira caryophyllea, Aira praecox, *Anthoxanthum aristatum, Aphanes australis,*Briza minor, Crassula tillaea, *Cynosurus echinatus, Filago pyramidata, Filago vulgaris, Hypochoeris glabra, Lathyrus angulatus, *Linaria pelisseriana, Linum gallicum, Logfia arvensis, Logfia gallica, Logfia minima, Lotus angustissimus, Micropyrum tenellum, Myosotis discolor, Ornithopus compressus, Ornithopus perpusillus, *Ornithopus pinnatus, Radiola linoides,*Scleranthus polycarpos, *Sedum andegavense, Silene gallica, *Spergula morisonii, *Teesdalia coronopifolia, Teesdalia nudicaulis, *Tolpis barbata, Trifolium arvense, *T. bocconei, T. glomeratum, T. micranthum, T. ornithopodioides, T. striatum, T. strictum, T. subterraneum, Tuberaria guttata, Vulpia bromoides, Vulpia myuros
[plante1] Agrostis capillaris, Jasione montana, Leontodon saxatilis, Mibora minima, Myosotis ramosissima, Plantago coronopus, Poa bulbosa, Potentilla argentea, Rumex acetosella, *Silene vulgaris bastardii, Thymus pulegioides, Trifolium dubium, Veronica arvensis
[briophytes] Brachythecium albicans, Ceratodon purpureus, Bryum subapiculatum, Campylopus introflexus, Racomitrium elongatum

Valeur biologique

Les pelouses du THERO-AIRION constituent un habitat assez rare et moyennement menacé, alors que celles de l’HELIANTHEMION sont très rares et moyennement menacées.

Sur le plan floristique, plusieurs espèces végétales y ont leurs uniques stations régionales : Trèfle de Boccone (Trifolium bocconei),
Teesdalie à feuilles de sénebière (Teesdalia coronopifolia), Canche élégante (Aira elegantissima), Orpin d’Angers (Sedum andegavense), Spergule de Morison (Spergula morisonii), Linaire de Pélicier (Linaria pelisseriana), Flouve aristée (Anthoxanthum aristatum) etc.

Dans les sites les plus riches comme ceux des corniches
rocheuses entre Argenton-Château et Thouars dans le nord 79, elles forment des complexes avec des pelouses vivaces (à Gagée de Bohême (Gagea saxatilis)), des végétations rupicoles (à Scléranthe vivace (Scleranthus perennnis)), des pelouses hygrophiles (à Isoète épineux (Isoetes hystrix)) d’un très grand intérêt qui ont motivé leur inscription au réseau NATURA 2000. Dans d’autres sites, comme ceux sur podzols du sud 17 (landes de Montendre), elles entrent parfois en contact avec des pelouses hygrophiles, elle-même très riches.

Menaces

La menace principale est la fermeture progressive du milieu. En effet l’abandon généralisé du pâturage provoque l’appauvrissement par fermeture du tapis végétal et parfois la quasi-disparition de ces communautés sur certains sites. En effet la végétation optimale doit présenter un recouvrement faible pour permettre la survie des thérophytes.

Dans certains secteurs la sur fréquentation de certaines zones pour les loisirs : motocross, escalade, etc. peut aussi entraîner une dégradation de ces milieux. Paradoxalement, ces pratiques, lorsqu’elles ne sont pas trop intensives, permettent de maintenir l’ouverture du milieu et favorisent cet habitat.

Enfin les dépôts sauvages peuvent entraîner des préjudices localisés.

Statut régional

Les pelouses du THERO-AIRION constituent un habitat assez disséminé ; quoique encore bien présentes, elles sont le plus souvent dégradées et leur richesse en espèces très amoindrie.

Les pelouses de l’HELIANTHEMION sont plus localisées. Les affleurements de roches cristallines sont rares en Poitou-Charentes, et les surfaces concernées par cet habitat sont relativement faibles.

Néanmoins certaines d’entre elles sont encore très riches.

16 : Confolentais, Double

17 : landes de Cadeuil, landes de Montendre

79 : Gâtine, environs de Thouars et d’Argenton-Château (optimum de l’Helianthemion)

86 : Châtelleraudais, Loudunais, vallée de la Gartempe et environs de Ligugé

Une localisation typique de l’habitat : sur les corniches rocheuses granitiques, ici en contact ou en mosaïque avec une pelouse vivace à Saxifraga granulata et Orchis morio (nord des Deux-Sèvres)
La Flouve aristée (Anthoxanthum aristatum) est une espèce rare mais en général abondante dans ses stations
L’Hélianthème tacheté (Tuberaria guttata) caractérise le faciès thermophile de l’habitat
Sur les pentes et corniches rocheuses, la succession végétale s’effectue par un fourré primaire à Genêt à balais (Cytisus scoparius)