Cultures extensives

Rédacteur : Geneviève Gueret

Physionomie – écologie

Ce sont les champs, quelquefois de céréales, mais également les cultures maraîchères, cultures florales, de petits fruits, jardins familiaux, cultivés de façon traditionnelle, sur la base du volontariat de l’exploitant, où la réduction du coût des intrants compense le manque à gagner d’un rendement plus faible. Les parcelles sont généralement plus petites que dans les cultures intensives, souvent entourées de haies, et la densité des cultures y est moins forte, laissant un espace disponible pour les adventices. Mais extensification ne signifie pas nécessairement respect de l’environnement : pour augmenter la rentabilité l’agriculteur peut être tenté d’acheter des produits moins chers mais pas moins dangereux (comme le chlorate de soude par exemple en désherbage). Parfois même, la dose de pesticides se révèle insuffisante pour être efficace, mais suffisante pour polluer. On peut recourir à l’agriculture intégrée en remplaçant la protection chimique systématique par les moyens biologiques et physiques adaptés, et ne faire appel aux pesticides que lorsque cela est inévitable, utilisant des produits à courte rémanence et faible mobilité dans le sol ; dans ce cas, on accepte de maintenir les ennemis des cultures à un niveau tolérable (notion de « seuil de nuisibilité »). L’agriculture raisonnée vise à concilier la rentabilité économique et la protection de la nature par un engagement volontaire sur toute l’exploitation. L’agriculture biologique se caractérise par le refus de l’utilisation de produits issus de l’industrie chimique de synthèse. Dans tous les cas, les cultures extensives se présentent comme un habitat herbacé assez peu
homogène, abritant une importante flore messicole. Il arrive que
les bordures et angles des champs, conduits de manière conventionnelle, présentent ces caractéristiques, dans la mesure où ils échappent aux différents traitements phytosanitaires. Souvent il est maintenu une couverture végétale sur le sol toute l’année, ce qui augmente encore la richesse biologique du milieu.

Les supports géologiques et pédologiques sont les mêmes que ceux des cultures intensives ; les cycles des plantes cultivées sont identiques ; aussi, on retrouve les mêmes groupements végétaux, mais avec une plus grandes richesse.

Le long des vallées, dans les jardins, on y rencontre la Spergule des champs, la Porcelle glabre, sur les sols sableux acides, et la Matricaire, ainsi que la Cotonnière des champs, sur les sols sablo-limoneux modérément acides, et en milieu plus humide la Renoncule sarde (Scleranthion annui).

Sur roche-mère calcaire qui couvre les plus grandes surfaces en Poitou-Charentes, on a le Peigne de Vénus, et l’Ammi élevé Ammi majus,et peut-être la chance de voir le Bleuet (du Caucalion lappulae). Au nord-ouest et à l’est de notre région, sur les sols plus acides, on observe d’autres cortèges de messicoles : la Digitaire sanguine, le Céraiste aggloméré et le Pourpier, (sous-alliance du Panico-Setarenion viridis) sont présents sur les sols sableux, tandis que la Renouée persicaire, l’Epiaire des champs, (sous-alliance de l’Eu-Polygono persicariae-Chenopodenion polyspermi ) se trouvent sur des terrains plus limoneux. La Fumeterre officinale, la Moutarde des champs ou le Souci des champs, révèlent quant à eux des sols très fertiles, enrichis en matière organique.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Stellarietea mediae Tüxen, Lohmeyer Preising Végétation annuelle nitrophile commensale des cultures annuelles ou sarclées

Aperetalia spicae-venti Tüxen et Tüxen in Malato-Beliz, J. Tüxen et Tüxen 1960 Communautés des cultures et moissons sur sols sablonneux plus ou moins acides

Scleranthion annui (Kruseman et Vlieger) Sissingh

Arnoseridenion minimae (Malato-Beliz, J. Tüxen et Tüxen) Oberdorfer 1983 communautés des sols sableux acides

Scleranthenion annui Kruseman et Vlieger 1939 communautés des sols sablo-limoneux modérément acides

Centauretalia cyani Tüxen, Lohmeyer Preising

Caucalidion lappulae Tüxen 1950 nom. nud. Communautés eurosibériennes des cultures sur sol neutro-alcalin

Chenopodietalia albi Tüxen et Lohmeyer ex von Rochow 1951 communautés de cultures sarclées, estivales, thermophiles, sur sol eutrophe

Panico crus-galli-Setarion viridis communautés sur sol acidicline à dominance limoneuse ou sableuse

Panico crus-galli-Setarenion viridis, communautés des sols sableux

Eu-Polygono persicariae-Chenopodienion polyspermi, communautés des sols limoneux

Veronico agrestis-Euphorbion peplis sur sol très fertile et enrichi en matière organique

COR 1991

82.3 Cultures extensives

Confusions possibles

En culture extensive les groupements d’adventices sont généralement mieux typés, plus faciles à identifier que dans
les cultures intensives.

Dynamique

Ce type de culture est généralement mis en place derrière des cultures intensives. Il suppose une reconversion de l’agriculteur, et demande plusieurs années de transition. Par contre, l’abandon de la culture suit très vite la même évolution que dans le cas de l’abandon d’une culture intensive, avec un embroussaillement rapide.

Espèces indicatrices

[plante2] *Adonis annua, *Agrostemma githago, Althaea hirsuta, Apera spica-venti, Bifora radians, Bromus arvensis, *Bromus secalinus, *Bupleurum protractum, *Bupleurum rotundifolium, Calendula arvensis, *Camelina sativa, *Caucalis platycarpos, *Centaurea cyanus, *Chrysanthemum segetum, *Consolida ambigua, *Consolida regalis, Euphorbia falcata, *Fumaria densiflora, Fumaria officinalis, Galeopsis angustifolia, *Galium tricornutum, *Gladiolus communis ssp. byzanthinus,* Gladiolus italicus, Hypochoeris glabra, *Legousia speculum-veneris, Lithospermum arvense, Logfia arvensis, Matricaria recutita, *Myagrum perfoliatum, *Nigella arvensis, Nigella damascena, *Odontites jaubertianus ssp.chrysanthus, *Papaver argemone, *Papaver hybridum, *Passerina annua, Ranunculus arvensis, Scandix pecten-veneris, *Sinapis alba, Sinapis arvensis, Stachys annua, Stachys arvensis, Valerianella rimosa, Viola arvensis, Viola tricolor
[plante1] Ajuga chamaepitys, Anchusa arvensis, Aphanes arvensis, *Arnoseris minima, *Briza minor, Calepina irregularis, Cerastium glomeratum, *Coronilla scorpioides, *Delia segetalis, Digitaria sanguinalis, Geranium pusillum, *Iberis amara, * Legousia hybrida, *Myosurus minimus, *Orobanche ramosa, Papaver dubium, Papaver rhoeas, Portulaca oleracea, Ranunculus sardous, Scleranthus annuus, Spergula arvensis, Vicia villosa ssp.villosa
[briophytes] Acaulon muticum, Barbula unguiculata, Bryum argenteum, Bryum bicolor, Bryum rubens, Bryum subapiculatum, Dicranella staphylina, Dicranella varia, Entosthodon fascicularis, Ephemerum serratum, Phaeoceros laevis, Phascum cuspidatum, Pleuridium acuminatum, Pottia truncatula, Pseudephemerum nitidum, Riccia glauca, Riccia sorocarpa, Riccia warnstorfii, Sphaerocarpos michelii
[champignons] Entoloma aprile, E. clypeatum, Macrolepiota rhacodes var. bohemica, M. venenata, Morchella rotunda, M. vulgaris
[mammiferes] Lepus europaeus, Micromys minutus
[oiseaux] Bruant proyer (Emberiza calandra), Busard cendré (Circus pygargus), Busard St Martin Circus cyaneus), Caille des blés (Coturnix coturnix), Oedicnème criard (Burhinus oedicnemus), Outarde canepetière (Tetrax tetrax), Perdrix rouge (Alectoris rufa)
[coleopteres] Aphis fabae, Melolonta melolonta, Sitobium avenae, Tipula sp.
[lepidopteres] Pieris brassicae, Pieris rapae

Valeur biologique

Les cultures extensives hébergeant des messicoles font partie de notre patrimoine naturel et sont un témoignage vivant des origines méditerranéennes et proche-orientales de notre agriculture : les messicoles ont souvent été introduites en même temps que les semences cultivées ; elles sont introduites à la fois par la nature et par l’homme ; elles ont évolué dans leur milieu d’adoption ; elles ont eu le mérite d’avoir créé de toutes pièces un écosystème de substitution.

Avec 44 espèces végétales inscrites sur la Liste Rouge du Poitou-Charentes, les messicoles constituent le groupe floristique le plus menacé au niveau régional : 13 espèces ont d’ores et déjà disparu – certaines depuis longtemps, d’autres au cours des 3 dernières décennies – et les 31 subsistant encore de nos jours tant bien que mal dans une agriculture toujours plus intensive sont toutes plus ou moins menacées. Les 13 espèces considérées comme disparues de la région sont les suivantes : Adonis aestivalis, Androsace maxima, Asperula arvensis, Bifora testiculata, Lolium temulentum, Neslia paniculata, Nigella gallica, Orlaya grandiflora, Polycnemum arvense, Polycnemum majus, Roemeria hybrida, Vaccaria hispanica, Turgenia latifolia.

Comme les cultures intensives, cet habitat est encore le biotope de plusieurs oiseaux rares et menacés en Europe dont la survie au niveau régional est gravement menacée par les évolutions de l’agriculture moderne : Outarde, Oedicnème, busards gris, Caille…Divers périmètres de « sauvegarde » de ces espèces ont été définis au cours de la dernière décennie et des mesures agri-environnementales proposées aux agriculteurs volontaires sous forme de contrats assortis de compensations financières.

Menaces

La principale menace est d’ordre économique. L’agriculture extensive est un choix professionnel ; pour être efficace, la démarche doit s’appliquer à l’ensemble de l’exploitation, et si possible à un maximum d’exploitations ; la mise en place technique doit être bien maîtrisée, bien suivie.

Les plaines agricoles font partie des territoires où l’érosion de la biodiversité a été la plus soutenue, et de nombreuses espèces messicoles sont actuellement en état critique de conservation. La région Poitou-Charentes serait ainsi celle qui a vu le plus d’espèces messicoles disparaître en France.

Statut régional

L’intensification de l’agriculture a touché la majeure partie des territoires agricoles de notre région, qui se sont vus profondément réorganisés, simplifiés, tant à l’échelle du paysage que des agro-écosystèmes. Aussi, ce type de culture est devenu marginal, voire accidentel.
De petits îlots de parcelles conduites de manière extensive se sont maintenus çà et là en Poitou-Charentes ou réapparaissent, sporadiquement, à la suite d’accidents culturaux.
Des initiatives en faveur de la biodiversité dans les champs cultivés émergent également dans certaines exploitations. Parfois les agriculteurs se regroupent en association.
Certains secteurs paraissent comme plus particulièrement privilégiés :

16 : vallée de la Charente, de la Tardoire
17 : val de Saintonge, Haute Saintonge
86 : vallée du Clain, Montmorillonnais, Loudunais
79 : Bressuirais, Gâtine, Mellois, val de Sèvre.