Landes humides

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie – écologie

Les landes humides se développent sur des sols pauvres en substances nutritives, très acides (pH4.5), de type podzols, sur des roches-mères variées – sables siliceux des dépôts continentaux tertiaires (Eocène), meulière issues de la silicification de marnes lacustres (Oligocène), roches cristallines et métamorphiques du socle primaire – et dans des situations topographiques diversifiées : cuvettes et dépressions au sein des grands complexes de landes, bords d’étangs oligotrophes, versants avec suintements d’eau tellurique. Dans tous les cas, une nappe d’eau, temporaire ou permanente, à fluctuations saisonnières plus ou moins marquées, est présente à faible profondeur et imprègne une partie du profil, générant la formation d’un pseudogley (voire parfois d’un gley véritable). Selon le degré d’hydromorphie du sol, le substrat est plus ou moins minéral ou organique, et entraîne des différences dans le cortège végétal : la présence de sphaignes notamment caractérise les faciès les plus fortement engorgés alors que celles-ci manquent dans les variantes moins humides.
La différenciation des landes humides se fait sur des critères à la fois climatiques et floristiques. En Poitou-Charentes, deux associations de lande humide sont présentes : la lande thermo-atlantique à Bruyère à balais, B. à 4 angles et Bruyère ciliée, et la lande mésotherme à Ajonc nain et Bruyère à balais, en dehors de l’aire régionale de la Bruyère ciliée.
Comme dans les autres types de landes, la physionomie est marquée par la dominance des chaméphytes (bruyères et Callune) et des nanophanérophytes (Erica scoparia, ajoncs), la présence systématique de la Bruyère à 4 angles étant le meilleur réactif floristique de la lande humide. Selon les faciès, la structure verticale peut toutefois varier : strate basse de 0.3 à 0.7m de hauteur pour la lande à Ajonc nain et Bruyère à 4 angles, strate moyenne atteignant 2.5m pour la lande à Bruyère à balais et Bruyère à 4 angles. Dans certaines situations (landes dégradées surtout), la dominance de la Molinie peut induire un aspect nettement herbacé alors que la présence de tapis discontinus de sphaignes, parfois bombés, caractérise les variantes les plus hygrophiles.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Alliance Ulicion minoris Malcuit 1929

Sous-Alliance Ulici minoris-Ericenion ciliaris (Géhu 1975) Géhu et Botineau 2004

Groupe d’associations Ulici-Ericeta tetralicis (landes humides non tourbeuses) :

  • Ericetum scopario-tetralicis (Rallet 1935) J.M.Géhu et J.Géhu 1975 (lande thermo-atlantique de répartition aquitano-ligérienne)
  • Ulici minoris-Ericetum tetralicis (Allorge 1922) Lemée 1937 emend.J.M et J.Géhu 1975 (lande atlantique mésotherme)

COR 1991

31.11 Landes humides atlantiques septentrionales

31.12 Landes humides atlantiques méridionales

31.13 Landes humides à Molinia caerulea

Directive Habitats 1992

4010 Landes humides atlantiques septentrionales à Erica tetralix

4020 Landes humides atlantiques tempérées à Erica ciliaris et Erica tetralix

Confusions possibles

La distinction entre les landes atlantiques septentrionales et méridionales n’est pas aisée, ces dernières étant avant tout caractérisées par la co-présence de la Bruyère ciliée et de la Bruyère à 4 angles, alors que dans les premières seule la Bruyère à 4 angles existe (dans ces situations, la Bruyère ciliée est reléguée dans des landes plus mésophiles où la Bruyère à 4 angles manque).
Dans les grands complexes de landes, la lande humide vient souvent en contact avec la lande mésophile : l’absence d’Erica tetralix permet alors de distinguer celle-ci de celle-là.
Dans les milieux les plus engorgés, la lande humide à sphaignes peut passer progressivement à une tourbière acide : seul l’examen du spectre biologique (balance chaméphytes / sphaignes) et de la composition floristique (poids des espèces turficoles comme Eriophorum angustifolium) permet alors de trancher.

Dynamique

Comme les landes sèches ou mésophiles, les landes humides du Poitou-Charentes résultent toutes de défrichements plus ou moins anciens suivis d’un entretien souvent pluriséculaire par la fauche (pour la litière), le pâturage et les incendies courants qui ont empêché indéfiniment la régénération de la forêt initiale. Depuis leur sortie du circuit économique agropastoral et la cessation des modalités de gestion qui assuraient leur entretien et leur pérennité, les landes humides – à l’égal des autres types de landes – sont devenues des espaces « improductifs » repris par l’évolution progressive de la végétation. De nos jours, en l’absence de rajeunissement, les landes humides ont tendance à vieillir (homogénéisation structurale et perte de diversité floristique : sur-développement de la Callune, invasion par la Molinie, la Fougère aigle) tout en étant progressivement envahies par des arbustes pionniers plus ou moins hygrophiles tels que la Bourdaine, le Saule roux, le Piment royal, voire le Pin maritime ou le Chêne pédonculé quand des porte graines existent à proximité (cas fréquent dans la région où les landes font l’objet d’enrésinements massifs). Si la prolifération des sangliers peut entraîner localement une réouverture du milieu, cela ne suffit pas toutefois à empêcher la lente restauration d’un milieu forestier qui va peu à peu faire disparaître les espèces typiques, en général strictement héliophiles.

Espèces indicatrices

[plante2] Erica ciliaris, Erica tetralix
[plante1] Agrostis canina, Calluna vulgaris, *Carex binervis, Carum verticillatum, Cirsium dissectum, Dactylorhiza maculata, Erica scoparia, *Eriophorum angustifolium, Frangula alnus, Genista anglica, *Gentiana pneumonanthe, Hydrocotyle vulgaris, Juncus acutiflorus, Lobelia urens, Molinia caerulea, *Myrica gale, *Narthecium ossifragum, Pedicularis sylvatica, Polygala serpyllifolia, Potentilla erecta, Pseudarrhenatherum longifolium, Salix atrocinerea, *Salix repens, Schoenus nigricans, Scorzonera humilis, Scutellaria minor, Serratula tinctoria, Ulex minor
[briophytes] Aulacomnium palustre, Dicranum bonjeani, Hypnum jutlandicum, Microlepidozia setacea, Rhytidiadelphus squarrosus, Sphagnum auriculatum, Sphagnum compactum, Sphagnum inundatum
[oiseaux] Sylvia undata, Circus cyaneus
[reptiles] Anguis fragilis, Vipera aspis
[lepidopteres] Carterocephalus palaemon, Celastrina argiolus, Coenonympha oedippus, Heteropterus morpheus, Maculinea alcon
[orthopteres] Chrysochraon dispar, Locusta migratoria, Pteronemobius heydenii

Statut régional

Habitat rare et très localisé, ne subsistant plus que dans les grands ensembles de landes régionaux : Double saintongeaise et charentaise, Montmorillonais, nord de Poitiers. Les autres localités, très ponctuelles, sont très menacées par le drainage et la reconversion sylvicole.
Les sites comportant encore des surfaces significatives de cet habitat ont presque tous été intégrés et décrits dans les inventaires du patrimoine naturel récents (ZNIEFF, NATURA 2000) auxquels on se reportera pour plus de détails.

16 : landes des cantons de Blanzac, Montmoreau, Chalais
17 : landes de Montendre, landes de Cadeuil
86 : landes du Pinail, camp militaire de Montmorillon
79 : brandes de l’Hôpiteau, environs d’Argenton-Château