Coupes et clairières sur sol acide

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie – écologie

La végétation des clairières sur sols acides, se développe par taches au sein de forêts acidiphiles, mésophiles à xérophiles, au gré des coupes forestières. Elle se caractérise bien évidemment par l’absence de strates arbustive et arborée suite à l’abattage des ligneux (coupe à blanc). La coupe des arbres induit un changement climatique local important pour la strate herbacée des sous-bois. Avec l’augmentation de l’ensoleillement au niveau du sol, les variations de température et d’humidité sont plus marquées. Ainsi les espèces sciaphiles disparaissent progressivement au profit des espèces plus héliophiles. La lumière va provoquer la germination souvent massive des graines d’espèces végétales stockées depuis plusieurs années dans le sol. Les espèces sylvatiques se mélangent donc peu à peu avec d’autres espèces, notamment des nitrophiles et parfois des adventices des cultures. On y rencontre également assez fréquemment des espèces des milieux frais et humides (hydrophytes) car la réserve en eau du sol qui n’est plus pompée par les arbres, augmente et se rapproche de la surface du sol. Les espèces qui s’y développent, généralement avec un fort taux de recouvrement, sont essentiellement des annuelles et des bisannuelles telles que la Digitale pourpre Digitalis purpurea L. et l’Epilobe en épi Epilobium hirsutum L.. Cette profusion de fleurs rend ces clairières très attractives pour de nombreux insectes pollinisateurs, notamment les papillons et les hyménoptères, qui y sont souvent très abondants. L’expression de cet habitat transitoire est optimale à partir de la deuxième année suivant la coupe, avant la recolonisation rapide par les espèces ligneuses arbustives puis arborées du boisement proche lorsqu’aucun entretien n’est réalisé.

Les coupes effectuées dans les forêts hygrophiles favorisent en général le développement de grands hélophytes en peuplements denses tels que les carex, puis un retour rapide à la forêt, qui ne permet pas l’expression de cet habitat temporaire. La végétation des clairières calcifuges s’exprime dans notre région, au sein des forêts à Chêne sessile et Chêne pédonculé (COR 41.5 ; Quercion robori-petraeae) ou des chênaie-hêtraies à Houx (COR 41.12 ; Ilici-Fagenion). Dans le cas des forêts humides sur sols acides, telles que les chênaies acidophiles à Molinie (COR 41.51 ; Molinio caeruleae-Quercion roboris), la coupe conduit le plus souvent à une prairie pauvre dominée par la Molinie en peuplement dense, ne permettant pas non plus l’expression de la végétation des clairières sur sols acides.

La végétation des coupes forestières peut prendre un tout autre aspect lorsqu’elle est colonisée par des espèces sociales telles que les ronces, la Fougère aigle ou encore la Callune suite à des coupes à blanc. Le retour à la forêt devient alors difficile, voire impossible, tant l’occupation du sol par ces espèces est importante. En effet, la Fougère aigle Pteridium aquilinum lorsqu’elle est déjà présente en sous bois avant l’abattage des arbres, se trouve stimulée par l’apport de lumière. Elle forme alors une nappe quasi continue (COR 31.86 ; Holco mollis-Pteridion aquilini), excluant les autres espèces du groupement végétal, hormis le Muguet Convallaria majalis L. qui arrive parfois à subsister.

La coupe forestière peut également conduire à une podzolisation importante du sol favorisant l’expression d’une lande sèche à mésophile (voir fiche des landes sèches à mésophiles COR 31.23). La Callune Calluna vulgaris (L.) Hull y est alors très abondante et la reconstitution forestière est difficile.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • EPILOBIETEA ANGUSTIFOLII Tüxen & Preising ex von Rochow 1951 : végétation herbacée pionnière des chablis et coupes forestières
    • Epilobion angustifolii Tüxen ex Eggler 1952 : communautés méso-acidiphiles à acidiphiles des sols faiblement enrichis en azote
  • MELAMPYRO PRATENSIS-HOLCETEA MOLLIS H.Passarge 1994 : pelouses pré-forestières et ourlets, sur sols acides oligotrophes
    • Holco mollis-Pteridion aquilini (H.Passarge 1994) Rameau all. nov. et stat. prov. : communautés de lisières, dominées par Pteridium aquilinum

COR 1991

  • 31.8711 Coupe, clairière sur substrat acide : clairière à épilobes et digitales (EPILOBION ANGUSTIFOLII)
  • 31.86 Landes à Pteridium aquilinum

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

Nc.

Confusions possibles

Il n’existe pas de confusion possible pour ce type d’habitat. Malgré tout, il est possible de rencontrer d’autres types de végétation en milieu ouvert intra forestier : la végétation des ourlets mésophiles ou des ourlets méso-hygrophiles (voir la fiche des ourlets mésophiles (COR 34.42 ; Trifolion medii) et des ourlets nitrophiles mésophiles à méso-hygrophiles (COR 37.72 ; Galio-Alliarietalia).

Dynamique

La première année suivant la coupe, les espèces du sous-étage forestier se maintiennent sans qu’aucune nouvelle espèce ne vienne enrichir la composition spécifique. En revanche, à partir de la deuxième année, de nombreuses annuelles et bisannuelles se mélangent souvent en masse aux espèces des sous-bois les plus tolérantes aux changements climatiques induits par la coupe des arbres. La dynamique naturelle de cet habitat conduit en général au retour rapide à la forêt (chênaie acidophile, chênaie-hêtraie…) si aucun entretien n’est réalisé. Suite à une coupe à blanc, la recolonisation par les ligneux forestiers est parfois rendue difficile, voire impossible, lorsque certaines espèces sociales (Fougère aigle, ronces, callune…) se sont développées en nappe dense ou lorsque la coupe induit une podzolisation importante du sol (groupement à Callune).

Espèces indicatrices

[plante2] Carex pilulifera, Carex ovalis, Carex pallescens, (Conyza canadensis), Digitalis purpurea, Epilobium angustifolium, (Erigeron annuus), Fallopia dumetorum, Fragaria vesca, Holcus mollis, Hypericum pulchrum, Linaria repens, (Phytolacca americana), Pteridium aquilinum, Rubus sp., Senecio sylvaticus, Veronica officinalis.
[plante1] Agrostis capillaris, Asphodelus albus, *Calamagrostis arundinacea, Calluna vulgaris, Centaurium erythraea, Hieracium lachenalii, Hieracium sabaudum, Luzula campestris, Malva moschata, Pulmonaria longifolia, Rumex acetosella, Ulex europaeus, Viola riviniana
[briophytes] Atrichum undulatum, Hylocomium splendens, Hypnum jutlandicum, Pleurozium schreberi, Polytrichum formosum
[lepidopteres] Callopistria juventina, Mellicta athalia, Petrophora chlorosata, Saturnia pavonia
[orthopteres] Gomphocerippus rufus, Nemobius sylvestris, Pholidoptera griseoaptera, Platycleis tessellata, Tettigonia viridissima
[champignons] Boletus calopus, Boletus erythropus

Valeur biologique

Les clairières sont un facteur de diversité biologique favorisant les espèces végétales de lumière, généralement absentes des sous-bois sombres. Il s’agit d’un habitat généralement riche en fleurs et donc très attractif pour les insectes pollinisateurs. C’est en effet une source de nourriture pour de nombreux insectes notamment pour les lépidoptères et les hyménoptères. Les clairières sont également un lieu de gagnage pour les mammifères herbivores qui y trouvent une nourriture en quantité plus abondante que dans les sous-bois. C’est également un terrain de chasse pour de nombreux oiseaux insectivores tels que la Bondrée apivore qui se nourrit essentiellement d’hyménoptères ou encore le Faucon hobereau.

Les milieux ouverts intra-forestiers sont également utilisés par certains grands mammifères pour le rapprochement des sexes, tels que le Cerf à la période du brame.

Menaces

Les clairières sont propices au développement d’espèces végétales pionnières adventices dont certaines peuvent se révéler être envahissantes comme, par exemple, le Raisin d’Amérique Phytolacca americana L.. Par ailleurs, la circulation fréquente d’engins lourds pour les travaux forestiers aura tendance à tasser ou déstructurer le sol ce qui ne sera pas de nature à favoriser la diversité de ce milieu.

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, ce type de milieu est fréquent. On le rencontre partout où il y a des massifs forestiers installés sur des placages d’argiles, de sables du quaternaire, ou sur les sols issus de la dégradation des roches métamorphiques (granits, schistes, grés…) de la Gâtine Poitevine (79), du pays Montmorillonnais (86) et du Confolentais (16).

Il peut manquer toutefois sur de vastes surfaces dominées par des terrains sédimentaires riches en calcaire (terres de groies, sols de Champagne) : parties centrales de la Charente et la Charente-Maritime, île de Ré etc.