Pelouses calcicoles xérophiles

Rédacteur : David Suarez

Physionomie-écologie

Les pelouses calcicoles xérophiles sont des formations herbacées rases et écorchées qui se développent sur des substrats carbonatés ou basiques, généralement squelettiques, formés sur les calcaires secondaires du Jurassique et du Crétacé supérieur. Les hémicryptophytes et les chaméphytes adaptés aux conditions xérophiles y sont dominants, et leur floraison, au printemps et en début d’été, donne alors à ces pelouses un aspect très coloré. Un important cortège d’orchidées est parfois présent, notamment sur les calcaires tendres, conférant alors à cet habitat un caractère prioritaire aux yeux de la directive Habitats. Les plateaux tabulaires, rebords de corniches et pentes raides en exposition sud où se développe cet habitat, entretiennent des conditions de sécheresse estivale prononcée et exercent une forte sélection au profit d’espèces adaptées à ces conditions xérophiles. Sur les calcaires tabulaires durs, ces pelouses s’insèrent fréquemment dans des ensembles pelousaires complexes où elles sont associées aux pelouses pionnières sur dalles rocheuses calcaires (Sedo albi-Scleranthetea biennis, COR 34.11 & 34.12, UE 6110) et aux pelouses thérophytiques (Thero-Brachypodietea, COR 34.51, UE 6220). En fonction des conditions stationnelles, ces pelouses peuvent revêtir un caractère primaire, notamment sur les corniches rocheuses ou les fortes pentes soumises à de fortes contraintes érosives bloquant la dynamique évolutive naturelle de cet habitat. En dehors de ces conditions particulières, il s’agit de pelouses secondaires instables issues de pratiques agropastorales extensives anciennes. En l’absence de pastoralisme, la dynamique évolutive naturelle conduit vers la fermeture progressive du milieu, avec l’apparition d’ourlets puis de fourrés, préludes à l’installation du boisement calcicole (chênaie pubescente, chênaie verte atlantique).
En Poitou-Charentes, la variabilité de cet habitat est importante puisque 6 associations végétales différentes sont présentes :
En Charente, sur les plateaux calcaires tabulaires durs du Turonien, aux environs d’Angoulême, se développe la pelouse xérophile à Crapaudine de Guillon et Koelérie du Valais, représentées ici par une sous-association originale (GLOBULARIETOSUM VALENTINAE), avec Globularia gr. vulgaris (ex Globularia valentina), Sideritis guillonii, Convolvulus cantabricus, Festuca auquieri, Koeleria vallesiana, Thesium divaricatum, Leucanthemum graminifolium, Trinia glauca
Sur les calcaires marneux du sud-est de la Charente, on observe la pelouse xéromarnicole à Stéhéline douteuse et Germandrée petit-chêne, avec là encore une sous-association synendémique de la moitié sud du département (AVENULETOSUM PRATENSIS), avec Staehelina dubia, Avenula pratensis, Astragalus monspessulanus, et un important cortège d’orchidées dont notamment Ophrys lutea.
Sur les corniches rocheuses dominant la Gironde juste au sud de Royan, en Charente Maritime, subsistent la pelouse à Seslérie et Stipe plumeuse avec Stipa pennata, Leucanthemum graminifolium, Sesleria caerulea, Trinia glauca.<br
Dans diverses localités sur calcaires durs entre Saintes et La Rochelle, en Charente-Maritime, on observe la pelouse xérophile à Grande Pâquerette et Fétuque de Leman, avec Festuca lemanii, Festuca timbalii, Bellis pappulosa.
Sur les calcaires bajociens du Thouarsais, en Deux-Sèvres et en bordure de la Vienne, se développe un Xerobromion particulier, dit du « Thouarsais », caractérisé par la présence de Helianthemum salicifolium, Linum strictum, Linum corymbulosum, Crucianella angustifolia.
Sur les craies marneuses du Campanien (Crétacé supérieur) à l’ouest de la Charente et en Charente Maritime, existe la pelouse xérophile à Cupidone bleue et Fétuque marginée avec Catananche caerulea, Astragalus monspessulanus, Dorycnium pentaphyllum, Odontites lutea, Linum strictum, Linum corymbulosum, Aster linosyris, Hyssopus officinalis ssp canescens.
Cette diversité fait des pelouses calcicoles xérophiles du Poitou-Charentes un des habitats les plus riches botaniquement et faunsitiquement du Centre-Ouest, accueillant à la fois des taxons végétaux endémiques et en limite d’aire de répartition, des associations végétales originales et une faune riche et variée (notamment les invertébrés).

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Alliance : Xerobromion erecti (Braun-Blanq. & Moor 1938) Moravec 1967
Sous-alliances : Xerobromenion erecti Br.-Bl. & Moor 1938, Seslerio caeruleae-Xerobromenion erecti Oberdorfer 1957
Associations : SIDERITIDO GUILLONII-KOELERIETUM VALLESIANAE, BELLIDI PAPPULOSAE-FESTUCETUM LEMANII, STAEHELINO DUBIAE-TEUCRIETUM CHAMAEDRYOS, CATANANCHO CAERULEAE-FESTUCETUM TIMBALII, pelouse à Seslérie et Stipa pennata, Xerobromenion du Poitou

COR 1991

34.33 Pelouses calcaires subatlantiques très sèches
34.332 Pelouses médio-européennes du Xerobromion
34.332D Xerobromion ligérien
34.332E Xerobromion aquitanien

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

6210 – 26 Pelouses calcicoles xérophiles atlantiques et thermophiles
62-10 – 27 Pelouses calcicoles xéromarnicoles atlantiques et thermophiles
6210- 28 Pelouses calcicoles xérophiles atlantiques, psammophiles et thermophiles
62-10- 32 Pelouses calcicoles xérophiles atlantiques des mésoclimats frais

Confusions possibles

Cet habitat peut être confondu avec les autres pelouses des sols calcaires squelettiques, notamment celles des Thero-Brachypodietea à dominance d’annuelles, et celles de l’Alysso-Sedion albi sur la roche-mère nue, avec lesquelles il est souvent étroitement imbriqué, notamment sur les plateaux calcaires tabulaires durs, formant ainsi une mosaïque complexe.

Dynamique

Formations secondaires issues de déforestations historiques anciennes et de régimes agro-pastoraux (pacage), parfois aussi d’une reconstitution séculaire du tapis végétal après abandon des cultures, les pelouses calcicoles xérophiles évoluent naturellement vers la forêt calcicole, en passant par plusieurs phases dynamiques (pelouses calcicoles mésophiles, ourlets de la forêt calcicole, fourrés puis jeune chênaie pubescente). Cette évolution est généralement lente, en raison de la très faible épaisseur du sol ; certaines pelouses xérophiles peuvent même être considérées comme stables à l’échelle humaine, notamment sur les corniches rocheuses et les fortes pentes où l’érosion empêche l’accumulation d’humus et la densification du tapis végétal. L’action de pacage par les ovins, et dans certains cas la présence de populations importantes de lapins, permet de maintenir un couvert végétal bas et empêche l’apparition d’espèces ligneuses, bloquant ainsi la dynamique évolutive naturelle des pelouses.

Espèces indicatrices

[plante2] *Argyrolobium zanonii, Aster linosyris, *Astragalus monspessulanus, *Bellis pappulosa, *Biscutella guillonii, Carex humilis, Catananche caerulea, *Convolvulus cantabricus, Dorycnium pentaphyllum, Festuca auquieri, Festuca lemanii, Festuca marginata, *Globularia gr. vulgaris, *Helianthemum canum, *Helianthemum salicifolium, Helichrysum stoechas, *Hyssopus officinalis ssp.canescens, Koeleria vallesiana, *Leucanthemum graminifolium, Linum suffruticosum, Odontites lutea , Ononis striata, *Sideritis guillonii, *Staehelina dubia, *Stipa pennata, *Thesium divaricatum, Trinia glauca, *Veronica prostrata
[plante1] *Artemisia alba, Avenula pratensis, Carex halleriana, Coronilla minima, *Crucianella angustifolia, *Epipactis atrorubens, Euphorbia seguieriana, Fumana procumbens, Helianthemum apenninum, Inula montana, *Linum strictum, Linum corymbulosum, *Ononis pusilla, *Ophrys lutea, * Ranunculus gramineus, *Scorzonera hirsuta, Sedum ochroleucum, Sesleria caerulea, Teucrium montanum
[briophytes] Didymodon acutus, Ditrichum flexicaule, Pleurochaete squarrosa
[lepidopteres] Arethusana arethusana, Colias alfacariensis, Cupido minimus, Lysandra bellargus, Lysandra coridon, Maculinea arion, Polyommatus escheri, Pseudophilotes baton , Zygaena fausta, Zygaena loti
[coleopteres] Ascalaphus ssp, Empusa pennata
[orthopteres] Oedipode caerulescens, Oedipode germanica, Omocestus petraeus, Platycleis albopunctata, Sphingonotus caerulescens
[mollusques] Candidula unifasciata, Cernuella virgata, Helicella itala, Monacha cartusiana, Trochoidea elegans, Vallonia excentrica

Valeur biologique

Cet habitat peu fréquent en Poitou-Charentes présente une très forte valeur biologique, due à la présence de nombreuses espèces végétales protégées au niveau régional (Argyrolobium zanonii, Sideritis guillonii, Globularia vulgaris, Hyssopus officinalis ssp.canescens, Leucanthemum graminifolium, Thesium divaricatum, Helianthemum canum, Staehelina dubia, Bellis pappulosa, Astragalus monspessulanus, Ranunculus gramineus, Scorzonera hirsuta) ou inscrites sur les listes rouges nationale et régionale. Parmi ces espèces, beaucoup sont d’affinités méditerranéennes, certaines en limite d’aire de répartition. Les pelouses abritent également de nombreuses espèces animales, notamment des invertébrés.

Menaces

La plupart des pelouses calcicoles de la région sont les témoins d’action anthropiques anciennes, et notamment du pâturage par les ovins des coteaux, et ce depuis des siècles. Depuis le milieu du XXe siècle, cet habitat a connu une régression due à différents facteurs comme l’abandon du pastoralisme, qui conduit peu à peu à des boisements de moindre intérêt biologique, l’enrésinement systématique des coteaux, la mise en culture des secteurs à faible pente, l’exploitation des carrières de calcaire, l’urbanisation… et plus récemment l’engouement pour les véhicules tout-terrain. Ces espaces, généralement considérés comme des « terrains vagues », sont également souvent utilisés comme lieux de dépôts sauvages d’ordures et matériaux divers.

Statut régional

Habitat disséminé : présent surtout en 16 et en 86

Les sites comportant des surfaces significatives de cet habitat ont presque tous été intégrés et décrits dans les inventaires du patrimoine naturel récent (ZNIEFF, Natura 2000) auxquels on se reportera pour plus de détails.

16 : plateaux calcaires autour d’Angoulême, chaumes du Vignac, coteaux de Châteauneuf, chaumes de Soubérac
17 : chaumes de Sèchebec, pointe du Chay, conches de Royan, estuaire de la Gironde
86 : sites dolomitiques de Lussac-les-Châteaux, plateau de Thorus
79 : environs de Thouars, d’Airvault