Ourlet maigre xéro-thermophile

Rédacteur : Guy Chézeau

Physionomie-écologie

L’ourlet forestier désigne le milieu de transition établi selon une bande assez étroite entre la pelouse et le manteau préforestier.

En Poitou-Charentes, l’ourlet xérothermique apparaît sur des sols calcaires filtrants peu profonds de type rendzines. Ces sols se sont formés sur les calcaires marneux du Jurassique ou du Crétacé ; ils sont en conséquence bien développés en Charente et Charente-Maritime mais beaucoup plus rares en Deux-Sèvres et Vienne. Cet habitat est exclusivement associé à la chênaie pubescente.

L’analyse phytosociologique conduit à distinguer en lisière de bois ou en clairière une succession la plupart du temps soumise à une dynamique et constituée par :

  • la végétation d’ourlet, toujours la plus riche floristiquement (Geranion sanguinei) ;
  • le manteau arbustif (Berberidion vulgaris) ;
  • la chênaie de Chêne pubescent (Quercion pubescentis)

Les espèces de l’ourlet sont héliophiles ou de demi-ombre pour certaines ; inféodées aux sols secs et chauds, elles sont dites thermo-xérophiles.
On note la très nette prédominance d’espèces vivaces hémi cryptophytes associées à des chaméphytes ou à des nanophanérophytes (ex. Rosa pimpinellifolia), l’ensemble indiquant le passage de la pelouse rase au manteau arbustif.

Les floraisons sont abondantes et prolongées, aussi l’ourlet constitue-t-il un milieu particulièrement fréquenté par l’entomofaune et, corrélativement, par les prédateurs de cette dernière.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • TRIFOLIO MEDII-GERANIETEA SANGUINEI Müller 1962 : pelouses pré-forestières héliophiles à hémi-sciaphiles, calcicoles à acidiclines
    • Geranion sanguinei Tüxen in Müller 1962 : communautés thermophiles, plus ou moins xérophiles

COR 1991

34.41 Lisières thermo-xérophiles

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

nc.

Confusions possibles

S’il est assez aisé de distinguer la végétation de l’ourlet de celle de la pelouse du Mesobromion qui la précède et du manteau qui lui succède lorsqu’on se déplace en direction du milieu forestier, il est en revanche plus délicat de faire la distinction entre l’ourlet xérothermophile (le Geranion sanguinei) de l’ourlet mésophile calcicole (le Trifolion medii)

Dans le second cas, cependant, on note la présence d’un certain nombre d’espèces prairiales absentes dans l’ourlet xérophile.

Plusieurs espèces, notamment des Orchidées, se retrouvent au niveau du Mesobromion en même temps que du Geranion sanguinei : Ophrys apifera, Ophrys scolopax, Orchis ustulata, Anacamptis pyramidalis…d’autres espèces comme Limodorum abortivum, Senecio doronicum, Hypochoeris maculata et Geranium sanguineum signent l’ourlet forestier.

Dynamique

Dans les stations les plus sèches, la dynamique est lente voire nulle ; ailleurs, on assiste au déplacement du manteau, les espèces arbustives puis arborescentes peuvent alors envahir l’ourlet. Lorsque les clairières ou les allées sont de dimension réduite, l’ourlet peut ainsi totalement disparaître.

Valeur biologique

Avec 19 espèces végétales inscrites sur la Liste Rouge régionale, l’ourlet xéro-thermophile est un habitat très original et précieux sur le plan botanique : le Séneçon du Rouergue Senecio doronicum ssp. ruthenensis, Astéracée endémique française inscrite au Livre Rouge National comme taxon prioritaire, y possède ses rares stations régionales. Beaucoup des autres espèces rares de l’habitat sont des plantes méridionales en limite d’aire de répartition (Scorzonera hirsuta, Inula spiraeifolia) ou en aire disjointe (Astragalus hypoglottis, Centaurea triumfetti, Xanthoselinum austriacum).

Espèces indicatrices

[plante2] Anthericum ramosum, Aquilegia vulgaris, Aster linosyris, *Astragalus hypoglottis, *Bellis sylvestris ssp.pappulosa, Bupleurum falcatum, Campanula persicifolia, *Centaurea triumfetti, Cephalanthera longifolia, Digitalis lutea, *Euphorbia esula ssp.tristis Filipendula vulgaris, Fragaria viridis, Geranium sanguineum, Helleborus foetidus, Hypericum montanum, *Hypochoeris maculata, Inula salicina, *Inula spiraeifolia, *Laserpitium latifolium, Lathyrus latifolius, Limodorum abortivum, *Limodorum trabutianum, Lithospermum purpureocaeruleum, Melampyrum cristatum, Orobanche gracilis, *Peucedanum officinale, *Rosa pimpinellifolia, *Scorzonera hirsuta, *Scorzonera hispanica, Securigera varia, *Senecio doronicum ssp. ruthenensis, *Seseli libanotis, Stachys heraclea, Tanacetum corymbosum, *Thalictrum minus, Trifolium rubens, Veronica austriaca ssp. teucrium, Vicia tenuifolia, Vincetoxicum hirundinaria, *Viola alba, *Viola suavis, *Xanthoselinum austriacum
[plante1] Brachypodium pinnatum, Bromus erectus, Campanula rapunculus, Carex hallerana, Festuca marginata, Helianthemum nummularium, Lathyrus niger, Melittis melissophyllum, Origanum vulgare, Pulmonaria longifolia, Rubia peregrina, Viola hirta
[briophytes] Ctenidium molluscum, Ditrichum flexicaule, Entodon concinnus, Hypnum lacunosum, Pleurochaete squarrosa,
Scleropodium purum
[champignons] Amanita ovoidea, Calocybe gambosa, Tuber aestivum, T. brumale, T. excavatum, T. melanosporum, T. mesentericum
[reptiles] Hierophis viridiflavus, Lacerta bilineata
[orthopteres] Oecanthus pellucens, Pholidoptera griseoaptera, Platycleis albopunctata, Platycleis tessellata

Menaces

On est là en présence d’un habitat menacé. Les profondes modifications dans la gestion des espaces forestiers (enrésinements, mécanisation de l’entretien…) mettent en péril le Geranion sanguinei. La chênaie pubescente produit peu de bois de valeur, elle est exploitée pour le bois de feu et valorisée par la chasse, l’entretien des allées peut être négligé.

Ailleurs, la mise en culture des terrains jusqu’à l’extrême limite du manteau forestier a fait totalement disparaître l’ourlet.

Le maintien d’un ourlet conséquent et en bon état est fortement dépendant d’une bonne gestion. A l’intérieur des boisements, il est nécessaire de favoriser le maintien de secteurs ouverts conséquents, clairières et chemins forestiers. L’entretien du manteau est alors, de manière idéale, manuel et à défaut mécanique, l’ourlet étant soumis à une fauche retardée.
L’ourlet externe doit être favorisé par l’existence d’une bande non cultivée et son entretien soumis aux mêmes règles.

L’ourlet xéro-thermophile constitue l’habitat de nombreuses plantes rares du Poitou-Charentes

Statut régional

L’habitat est présent dans les 4 départements, quoique avec des fréquences variables. Les plus beaux exemplaires se rencontrent sur calcaires jurassiques durs du nord 17, extrême sud 79 et nord-est 16, en lisière de bosquets relictuels de chênaies pubescentes correspondant à l’ancienne « sylve d’Argenson ».

16 : forêt de Boixe, forêt de Tusson, bois des environs d’Aigre

17 : bois de St Christophe, bois de Benon, forêt de Benon

79 : bois du Grand Breuil, forêt de Chizé, Chênaie de Viron, bois de Breuillac

86 : vallée du Talbat, coteau des Pendants, bois des environs de Vendeuvre-du-Poitou