Eaux courantes

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie-structure

Les eaux courantes caractérisent les ruisselets, ruisseaux, rivières et les fleuves. Il s’agit d’écosystèmes où l’eau est en mouvement plus ou moins rapide en fonction du débit, de la déclivité – c’est-à-dire du relief -, de la surface de friction et de la rugosité du fond du cours d’eau. Les petits ruisselets proches des sources, étroits, de température toujours froide, au courant rapide dévalant une pente souvent prononcée, se jettent dans des ruisseaux et rivières plus larges et plus profonds, au débit plus important au fur et à mesure des différentes confluences et de la contribution des affluents. La pente s’amortit progressivement, ce qui a pour conséquence de ralentir le courant. Les rivières se jettent enfin dans les fleuves encore plus larges, s’écoulant sur des pentes faibles propices au méandrage du cours d’eau et rejoignant l’océan par l’intermédiaire de leur estuaire.
Le courant d’une rivière non artificialisée en zone de plaine est hétérogène. La présence de gros obstacles et d’embâcles dans le lit de la rivière est à l’origine de tourbillons et de dépressions. On peut observer alors une succession de faciès lentiques, courant rapide au niveau des radiers, et de faciès lotiques, courant lent au niveau des souches par exemple.
Les cours d’eau sont alimentés par des apports en sédiments et en nutriments en provenance de l’amont, c’est-à-dire extérieurs ou « allochtones », ce qui correspond à un écosystème « ouvert ». Les rivières, par leur courant et leur débit, libèrent constamment de l’énergie à l’origine de l’érosion naturelle des berges, accompagnée d’un phénomène de sédimentation dans les zones de courant plus faible. Les rivières ont donc, depuis les temps géologiques, façonné les paysages, creusé des vallées plus ou moins encaissées en fonction des matériaux et de la force du courant, constitué des méandres et des bras morts dans les zones moins pentues de plaine.
Les hydrosystèmes sont liés à leur environnement terrestre proche, qui va jouer le rôle de surface collectrice des eaux de pluie, appelée bassin versant ou bassin hydrologique. Ces eaux météoriques vont en effet rejoindre la rivière, soit par ruissellement après que le sol saturé en eau ait joué un rôle d’éponge, soit par les sources et les eaux souterraines après une longue infiltration au travers des sols et de la roche mère perméable (souvent calcaire, réseau karstique).
Une rivière subit donc des variations de régime hydrique parfois importantes en fonction des saisons. En Poitou-Charentes, l’hiver et le printemps sont souvent propices aux inondations, alors que l’été correspond à une période de sécheresse plus ou moins marquée durant laquelle le débit est très faible, voire interrompu. On distingue le lit d’étiage, quand la rivière est réduite à un chenal au sein du lit mineur qui se forme lors des plus basses eaux (en été en général), le lit mineur qui correspond au cheminement normal de la rivière recouvrant ainsi tout le fond habituel et le lit majeur ou lit d’inondation, correspondant à une partie de la surface de plaine où les eaux vont pouvoir s’étendre lors des crues. Il est aujourd’hui admis que, plus les sols avoisinant d’un cours d’eau sont dépourvus de végétation, moins la violence et l’importance des crues sont régulées par l’absorption racinaire et par l’évapotranspiration des végétaux. C’est au moment des plus hautes eaux, c’est-à-dire des crues, que la rivière va le plus modifier le paysage par des transports et dépôts de matériaux alluvionnaires.
Enfin, la physionomie de certains petits cours d’eau, probablement sinueux dans un passé proche, a été profondément transformée lors des dernières décennies, le plus souvent pour les besoins de l’agriculture intensive : certains ruisseaux sont ainsi devenus de simples fossés rectilignes, ou ont été busés pour le passage d’une route ou encore bétonnés, rendus souterrains, devenus collecteurs d’égouts à la traversée des villes…

Caractéristiques biologiques

La composition faunistique et floristique est conditionnée par plusieurs facteurs abiotiques intrinsèques de la rivière interdépendants entre eux, notamment l’intensité du courant (liée à la pente et la largeur du cours d’eau), l’oxygénation et la température de l’eau.
La végétation aquatique se répartit en fonction du courant, des conditions de trophie et d’acidité des eaux. Les potamots, les myriophylles, les callitriches, les renoncules aquatiques, les nénuphars… peuvent constituer la flore typique de nos cours d’eau. Il n’est pas rare qu’une pellicule d’algues colonise le substrat rocheux (épilithon) et les plantes macrophytes (épiphyton).
Lorsque le courant n’est pas trop rapide, la Jussie, redoutable colonisatrice, peut couvrir toute la surface de la rivière et ainsi priver de lumière indispensable à la vie les espèces du fond de la rivière.
De nombreux mollusques détritivores, filtreurs (bivalves) ou brouteurs (limnées) fréquentent le fond des rivières à la recherche de nourriture (algues, plantes, matières organiques détritiques). Si certains bivalves participent au cycle de reproduction de certains poissons tels que la Bouvière (Unio sp. Anodonta sp.), d’autres se servent des poisons pour assurer la protection de leurs larves (glochidies) qui se fixent à leur branchies. L’équilibre fragile des populations de bivalves indigènes de nos rivières est aujourd’hui mis en péril par l’invasion d’une espèce exogène : la Corbicule.
Les rivières sont aussi le milieu de prédilection de certains cortèges de libellules et d’insectes aquatiques inféodés aux eaux courantes, tels les éphémères, trichoptères et certains diptères particulièrement bien adaptés aux forts courants (aplatissement dorso-ventral, fuselage du corps et des ailes, ventouse et système d’accroche aux rochers efficace …).
Dans les ruisseaux et les petites rivières bien oxygénés, il est encore possible de rencontrer la très rare Ecrevisse à pattes blanches, là où elle n’a pas été supplantée par ses cousines américaines.
L’icthyofaune connaît des variations qualitatives et quantitatives du peuplement en fonction du zonage auquel appartient la rivière concernée (épipotamon, mésopotamon…) et du courant (faciès lotiques et lentiques).
La région Poitou-Charentes n’est pas concernée par la zone à Truites, correspondant aux petits ruisseaux de montagne proches des sources, fraîches et bien oxygénées (rhithron). La température estivale de nos rivières atteignant en effet fréquemment les 20°C, il s’agit du potamon. La partie supérieure des rivières de plaines (épipotamon) est le domaine du Barbeau accompagné du Hotu, de la Vandoise et du Chevaisne (zone à Barbeau) et du Vairon accompagné du Saumon, du Chabot, de la Lamproie de planer, de la Loche franche et du Goujon (zone à Ombre). Les parties moyenne et inférieure des rivières de plaine (métapotamon ou hypopotamon) se caractérisent par un régime lentique avec des eaux chargées de matières en suspension, pauvres en oxygène et une température estivale souvent supérieure à 20°C, donc proches des milieux stagnants. C’est le domaine privilégié de la Brème, accompagnée du Gardon, du Rotengle, de la Carpe et de la Tanche.
La ripisylve constitue le garde-manger du Castor d’Europe, en voie de recolonisation de la région depuis la Loire, via le bassin de la Vienne. Ce dernier, en se nourrissant de feuilles et d’écorces de troncs d’arbres, va ainsi entretenir et façonner les berges par recepage de la ripisylve. La Loutre, présente dans les quatre départements du Poitou-Charentes, est un autre mammifère qui fréquente les rivières particulièrement poissonneuses.

Espèces caractéristiques

Callitriche sp., Ceratophyllum sp., Myriophyllum sp., Potamogeton sp., Ranunculus fluitans
Arvicola sapidus, Castor fiber, Lutra lutra, Mustela lutreola
Actitis hypoleucos, Alcedo atthis, Motacilla cinerea
Abramis brama, Barbus barbus, Chondrostoma nasus, Cottus gobio, Cyprinus carpio, Esox lucius, Leuciscus leuciscus, Perca fluviatilis, Phoxinus phoxinus, Rutilus rutilus, Scardinius erythrophtalmus, Tinca tinca
Unio sp., Anodonta sp., Sphaeridium sp., Pisidium sp., Corbiculidées, Planorbes, Limnées, Physes
Gammarus sp., Orconectes limosus (exogène)
Gomphidae, Calopterygidae, Platycnemidae
Insectes aquatiques : Trichoptères, Plécoptères, Diptères (Simulium sp.), Ephèméroptères,…
Annélidés : Sangsue, Planaire, Oligochètes (Tubifex sp.)

Classification

Lit mineur des rivières x Végétation immergée des rivières

  • Zone inférieure des cours d’eau montagnards et collinéens. Zone à Ombre
  • Zone supérieure (épipotamon) des rivières de plaine. Zone à Barbeau
  • Zone moyenne et inférieure (métapotamon et hypotamon) des rivières de plaine. Zone à Brème
  • Cours d’eau intermittents
  • Bancs de graviers ou de sables sans végétation
  • Bancs de graviers ou de sables végétalisés
  • Vases alluviales dépourvues de végétation
  • Végétation des rivières oligotrophes acidiphiles (Myriophyllum alterniflorum, Callitriche hamulata)
  • Végétation des rivières oligotrophes riches en calcaire (Potamogeton coloratus…)
  • Végétation des rivières mésotrophes (Berula erecta, Groenlandia densa, Callitriche obtusangula)
  • Végétation des rivières eutrophes (Ranunculus fluitans, Myriophyllum spicatum)

Végétation des sources