Prairies flottantes à petits hélophytes

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie – écologie

Cet habitat occupe les rives des petits ruisseaux ou des plans d’eau et constitue souvent des nappes végétales flottantes. Il se rencontre au contact des roselières basses à moyennes ou hautes ou se développe directement depuis la rive. Ces prairies flottantes sont constituées d’espèces vivaces, hélophytes de petites tailles ou d’hémicryptophytes se développant en touffes ou en nappes au ras de l’eau grâce à l’émission de nombreux rhizomes ou stolons. Les espèces végétales que l’on rencontre au sein de ces nappes flottantes sont pour la plupart sociales et ont l’habitude de former des colonies distinctes. Elles sont plutôt tolérantes aux variations des conditions d’ensoleillement et supportent assez bien les perturbations mécaniques telles que le faucardage. Elles ont en effet la capacité à se régénérer rapidement. Les ruisseaux bordés par ce type d’habitat sont généralement des cours d’eau qui subissent de faibles variations de leur niveau d’eau et qui présentent un courant modéré à très faible. Cet habitat est fréquent sur les cours d’eau peuplés par des herbiers à Ranunculus penicillatus ou à Callitriche obtusangula et ayant une profondeur peu importante. Cette caractéristique impose parfois à la végétation de ces prairies flottantes, une alternance de phases inondée et exondée. Le substrat est d’origine alluvial c’est-à-dire plutôt limoneux à graveleux, riche en nutriments et toujours humide à gorgé d’eau. En revanche le sol est rarement très chargé en matière organique ou tourbeux.

Cet habitat présente peu de variations dans son apparence mais plutôt dans les abondances relatives au sein de sa composition spécifique, notamment en fonction de la vitesse du courant.

En bordure d’eaux courantes, le Cresson de fontaine Nasturtium officinale domine et l’Ache nodiflore Apium nodiflorum présent en faible quantité, reste submergée ou peu développée hors de l’eau. Dans les eaux où le courant est ralenti à faible, l’Ache nodiflore est alors de grande taille et se développe considérablement au détriment des autres espèces caractéristiques de l’habitat. Il peut envahir tout le lit du ruisseau en mélange avec la Petite Berle Berula erecta.

Là où le courant est très faible ou nul, la profondeur également faible et où les teneurs en matières organiques et nitrates sont élevées le Cresson de cheval Veronica beccabunga, la Menthe aquatique Mentha aquatica et le Myosotis des marais Myosotis scorpioides deviennent prédominants.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Glycerio-Nasturtietea Officinalis Géhu et Géhu-Franck 1987
Nasturtio -Glycerietalia fluitantis Pignatti 1953

Glycerio-Sparganion Br.-Bl. Sissingh in Boer 1942 : bords d’eaux stagnantes

Apion nodiflori Segal in Westhoff den Held 1969 : bords des cours d’eau

COR 1991

53.4 Petits hélophytes des eaux dormantes ou courantes

Confusions possibles

Cet habitat s’identifie facilement ce qui exclue toutes confusions avec d’autres habitats. Cependant, il s’agit d’un habitat linéaire, plutôt de faible largeur qui est souvent pénétré par des espèces d’habitats voisins tels que les mégaphorbiaies, les magnocaricaies ou les prairies humides, ce qui ne facilite pas toujours l’identification et la distinction de ces prairies flottantes à petits hélophytes. D’autre part, si les périodes d’assecs des cours d’eaux sont fréquentes et prolongées la végétation des roselières basses à moyennes de type Phalaridaie (CB : 53.16) peut s’installer et se mélanger au cortège spécifique de cet habitat.

Dynamique

Si le régime hydrologique des cours d’eau sur lesquels est présent cet habitat se modifie et notamment si le courant ralentit, on va pouvoir assister au développement des grands hélophytes des roselières basses à moyennes (CB : 53.14 à 53.17) et des roselières hautes (CB : 53.11 à 53.13). Les espèces des prairies flottantes peuvent alors subsister encore quelque temps en mélange avec celles des roselières et constituer un semblant de strate inférieure de ces dernières. L’habitat, assez fortement héliophile, est sensible au développement d’une couverture forestière dense. En cas d’extension de la forêt alluviale (ou, plus souvent, de plantations de peupliers), il régressera au point de disparaître totalement si l’ombrage devient trop intense.

Espèces indicatrices

[plante2] Apium nodiflorum, Berula erecta, *Catabrosa aquatica, Glyceria fluitans, Myosotis scorpioides, Nasturtium officinale, Sparganium emersum, Sparganium erectum ssp. neglectum, Veronica anagallis-aquatica ssp.anagallis-aquatica, Veronica beccabunga
[plante1] Alisma plantago-aquatica, Mentha aquatica
[briophytes] Fontinalis antipyretica, Rhynchostegium riparioides
[mammiferes] Neomys fodiens
[poissons] Gasterosteus aculeatus
[odonates] Calopteryx haemorrhoidalis , Calopteryx virgo meridionalis, Coenagrion mercuriale

Valeur biologique

Ce sont des habitats d’interface entre le milieu aquatique et le milieu terrestre qui ont une fonction importante dans le cycle annuel de développement d’insectes dont les larves sont aquatiques tels que les Odonates et les Ephémères. Les plantes constitutives peuvent être utilisées comme supports de pontes par certaines espèces d’amphibiens et comme sites d’alimentation et de reproduction pour la faune piscicole. Ces petits hélophytes jouent un important rôle filtreur et épurateur auxquels certains cours doivent le maintien de leur qualité d’eau. Certaines communautés végétales peuvent servir à diagnostiquer rapidement le niveau trophique des eaux. Elles accueillent parfois des espèces végétales rares comme la Canche aquatique Catabrosa aquatica.

Menaces

La simplification et les modifications (recalibrage, enrochements, bétonnage…) apportées aux petits cours d’eau parfois considérés comme de « vulgaires fossés » portent gravement atteinte au maintien de ces habitats.
D’autre part les modifications du régime hydrique des cours d’eau (prélèvements d’eau en période d’étiage), se traduisant par des kilomètres d’assec, ne sont pas pour favoriser le maintien de cet habitat qui va alors être colonisé par des espèces moins hygrophiles plus compétitives ou laisser la place à des stades dynamiques plus évolués comme certains faciès de roselières sèches très appauvris.
La pollution généralisée des cours d’eau affecte gravement cet habitat qui peut totalement disparaître sur les parcours les plus pollués, notamment en aval des villes et villages. Plusieurs plantes indicatrices de conditions trophiques moyennes à faibles sont en nette régression de nos jours : Berula erecta, herbiers flottants de Menthe aquatique.

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, ce type de milieu reste assez commun. Certains faciès de l’habitat ont cependant considérablement régressé à la suite du recalibrage des petits cours d’eau, de la durée croissante des assecs estivaux, importants dans les secteurs fortement altérés par l’agriculture intensive, et de la pollution générale des milieux aquatiques.

Les sites les plus remarquables :

16 : sources et cours supérieur de la Touvre
17 : rives de la Seugne
86 : cours supérieur de la Clouère, de la Vonne. Tronçons non canalisés de la Dive du Nord. Bords de l’Auxance , de la Petite Blourde