Pelouses calcicoles dominées par des annuelles

Rédacteur : David Suarez

Physionomie – écologie

Les pelouses à thérophytes sont des formations végétales pionnières à dominante d’annuelles qui se développent aux étages planitiaire et collinéen, sur des roches-mères carbonatées : plateaux calcaires tabulaires durs et compacts du Jurassique ou du Crétacé, et leurs rebords. Sur ces plateaux, l’altération du calcaire en surface provoque la formation d’un sol squelettique de type rendzine rouge. Cet habitat, qui se présente sous l’aspect de pelouses fortement écorchées, avec un recouvrement de moins de 50%, se développe dans les zones de tonsures provoquées par le pâturage (ovin principalement, et parfois lapins) ou l’érosion, mais également sur les chemins et les zones décapées par le passage des engins tout-terrain. Il est composé en grande partie d’annuelles à durée de vie courte, accompagnées de chaméphytes et hémicryptophytes pionniers des pelouses calcicoles xérophiles du Xerobromion. En fonction de la proximité de la table calcaire sous-jacente, des chaméphytes succulents du genre Sedum peuvent également être présents. La floraison printanière des annuelles, parfois spectaculaire, lui confère un aspect caractéristique mais fugace. En fonction des conditions météorologiques (pluviométrie, gelées tardives…), cet habitat peut revêtir un aspect très variable d’une année sur l’autre.
Dans la région, les surfaces occupées par cet habitat sont généralement faibles au sein de complexes de pelouses calcicoles associant les pelouses du Xerobromion, des Thero-brachypodietea et de l’Alysso-Sedion albi (tricénose pelouse vivace/tonsure annuelle/dalle à Crassulacées).
3 associations végétales originales existent en Poitou-Charentes :
En Charente, sur les plateaux calcaires tabulaires durs du Turonien, aux environs d’Angoulême, se développent les tonsures à Lin des collines et Sabline des chaumes (LINO COLLINAE-ARENARIETUM CONTROVERSAE), caractérisées par le Brachypode à 2 épis (Brachypodium distachyon), la Sabline des chaumes (Arenaria controversa) et le Lin des collines (Linum austriacum ssp collinum).
En Charente Maritime, sur des calcaires durs du Cénomanien, en un unique site près de Saint-Savinien, se développe la tonsure à Evax à fruits velus Evax carpetana et Lin à 3 styles Linum trigynum , communauté très originale puisque enrichies en éléments acidiphiles, avec Evax carpetana, Linum trigynum, la Canche élégante Aira elegantissima.
Lorsque le sol est enrichi, notamment par les déjections des troupeaux, on observe l’apparition d’une association plus nitrophile, d’un intérêt biologique moindre : la tonsure à Vulpie ciliée et Crépide fétide (VULPIO CILIATAE-CREPIDETUM FOETIDAE) avec la Vulpie ciliée Vulpia ciliata, la Crépide fétide Crepis foetida, le Catapode rigide Catapodium rigidum

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Classe : Stipo capensis Trachynietea distachyae Brullo 1985
Ordre : Brachypodietalia distachyae Rivas-Martinez 1978
Alliance : Trachynion distachyae Rivas-Martinez ex Rivas Mart., Fern.-Gonz. & Loidi 1999

COR 1991

  • 34.51 Pelouses xériques de la Méditerranée occidentale
    • 34.5131 Communautés annuelles calciphiles de l’ouest méditerranéen

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

6220*- 4 Pelouses à thérophytes mésothermes thermo-atlantiques

Confusions possibles

Cet habitat peut être confondu avec les autres pelouses des sols calcaires squelettiques, notamment celles du Xerobromion, à dominance de vivaces, et celles de l’Alysso-Sedion albi, avec lesquelles il est toujours étroitement imbriqué, formant ainsi une mosaïque complexe.

Dynamique

Formations secondaires issues de déforestations historiques anciennes et de régimes agro-pastoraux (pacage), parfois aussi d’une reconstitution séculaire du tapis végétal après abandon des cultures, les pelouses à thérophytes évoluent naturellement vers les pelouses calcicoles xérophiles du Xerobromion, puis vers la forêt calcicole, en passant par plusieurs phases dynamiques (pelouses calcicoles mésophiles, ourlets de la forêt calcicole, fourrés puis jeune chênaie pubescente). Cette évolution est généralement lente, en raison de la très faible épaisseur de sol ; néanmoins, en l’absence d’actions permettant le maintien de zones dites « de tonsure » (pâturage extensif, présence de lapins, chemins, passage d’engins…), les pelouses à thérophytes disparaissent rapidement au profit des pelouses xérophiles. En cas de charge pastorale trop forte (cas devenu exceptionnel de nos jours mais d’occurrence possible sur certains sites gérés par des associations ou divers conservatoires), une dérive nitrophile de l’habitat peut être observée avec régression/disparition des espèces les plus caractéristiques et remplacement par des thérophytes nitrophiles comme la Vulpie ciliée ou la Vulpie d’Espagne.

Espèces indicatrices

[plante2] *Aira elegantissima, *Arenaria controversa, Bombycilaena erecta, *Brachypodium distachyon, Bupleurum baldense, Catapodium rigidum, *Crucianella angustifolia, Euphorbia exigua, *Evax carpetana, *Linum austriacum ssp.collinum, *Linum strictum, Linum trigynum, Ranunculus paludosus, Vulpia unilateralis
[plante1] Acinos arvensis, Alyssum alyssoides, Cerastium pumilum, Medicago minima, Trifolium scabrum, Vulpia ciliata
[briophytes] Ditrichum flexicaule, Pleurochaete squarrosa, Trichostomum crispulum
[orthopteres] Calliptamus barbarus, Calliptamus italicus, Oedipoda caerulescens

Valeur biologique

Cet habitat rare en Poitou-Charentes présente une très forte valeur biologique, due à la présence de 2 espèces protégées au niveau national : l’endémique française Arenaria controversa, et la subendémique Evax carpetana (dans son unique localité française). 2 autres espèces sont protégées au niveau régional, Linum austriacum et Brachypodium distachyon, et plusieurs autres sont inscrites sur la liste rouge régionale des espèces végétales menacées.

Menaces

Cet habitat, en régression continue depuis le début du XXe siècle, a surtout souffert de l’abandon du pastoralisme extensif permettant le maintien d’un complexe « pelouse-tonsure-dalle », indispensable à sa survie. L’extension urbaine et industrielle a également provoqué la destruction ou la réduction de plusieurs sites exceptionnels, notamment aux abords d’Angoulême. Les carrières d’exploitation de la roche calcaire peuvent aussi constituer une menace pour cet habitat. La pratique intensive des véhicules tout-terrain et la surfréquentation des sites en périphérie urbaine peuvent être néfastes au maintien des fragiles espèces de ce groupement. Le rare Evax carpetana, qui apparaît sporadiquement, a fait l’objet d’un pillage botanique…

Statut régional

Habitat très ponctuel : présent surtout en 16, plus sporadiquement en 86 et 17

Les sites comportant des surfaces significatives de cet habitat ont presque tous été intégrés et décrits dans les inventaires du patrimoine naturel récent (ZNIEFF, Natura 2000) auxquels on se reportera pour plus de détails.

16 : plateaux calcaires d’Angoulême, chaumes du Vignac, coteaux de Châteauneuf, chaumes de Soubérac
17 : chaumes de Sèche-Bec, chaumes de St Porchaire
86 : pelouses dolomitiques des environs de Lussac-les-Châteaux