Vergers

Rédacteur : Anthony Le Fouler

Physionomie – écologie

Par définition, les vergers sont des espaces de terrain dévolus à la culture d’arbres ou arbustes dans le but d’en exploiter leurs fruits. En cela, ils s’opposent aux cultures de ligneux destinés à produire du bois (voir fiche « Plantation de feuillus »). Une première distinction peut être faite selon la hauteur de la strate ligneuse : on distingue ainsi les vergers de hautes tiges des verges arbustifs.

En Poitou-Charentes, les principales essences arborées exploitées sont des Rosacées à fruits à pépins (pommiers, poiriers) ou à noyau (cerisier, pruniers), le Noyer et, dans une moindre mesure, le Châtaignier pour l’exploitation des châtaignes (appelées alors à tort « marrons »).

Dans la région, les vergers arbustifs correspondent principalement aux vignes. En dehors des zones actuelles de grands vignobles du sud-ouest Charente et sud-est de la Charente-Maritime, les vignes recouvraient autrefois de grandes superficies ; elles sont été pour la plupart arrachées et reconverties en vergers de hautes tiges ou en cultures, seules subsistant çà et là quelles vignes familiales de très faible surface.

Quelques rares vergers de pommiers ou de poiriers traités en espaliers rentrent également dans cette catégorie.

La présence et le type de végétation associée dans la strate basse est dépendante du mode de travail du sol. Celui-ci est parfois labouré, sarclé, biné mais le plus souvent traité aux herbicides et donc exempt de toute plante spontanée. Autrefois, les vignes présentaient une flore riche et spécifique. Mais suite à l’utilisation massive de produits phytosanitaires, cette flore s’est fortement banalisée et n’est plus observée que très rarement. Un travail modéré et superficiel du sol favorise les plantes annuelles ou bi-annuelles comme le Souci des champs (Calendula arvensis), les véroniques (Veronica sp.), le Mibora (Mibora minima), les lamiers (Lamium sp.)

Les plantes vivaces sont ici le plus souvent des géophytes à bulbe
comme le Muscari en grappe (Muscari neglectum), l’Ornithogale en ombelle (Ornithogalum gr.umbellatum) et divers ails (Allium sp.pl.), qui sont favorisés par le travail régulier du sol dispersant les bulbes et les caïeux (multiplication végétative). Une des caractéristiques de la flore associée aux vignes régionales est sa richesse en plantes à affinités subméditerranéennes : la vigne, ici proche de la limite nord de sa culture en France, est souvent plantée sur des sols grossiers superficiels (cailloux, sables), à faible rétention d’eau et sur des pentes bien exposées, facteurs favorables à l’implantation de végétaux thermophiles.

Dans les vergers à Rosacées, la végétation se rapporte plutôt à des groupements prairiaux appauvris, artificialisés et eutrophisés sur sols profonds.

Le pH du sol influence aussi les cortèges :

  • sur les sols calcaires, le groupement végétal peut être rapproché du MUSCARO RACEMOSI-ALLION VINEALI (alliance toutefois non reconnue par PVF 2004). Ce cortège a pour plantes caractéristiques l’Ail des vignes (Allium vineale), l’Ail à tête ronde (Allium sphaerocephalon), le Torilis noueux (Torilis nodosa), le Muscari à toupet (Muscari comosum) et le Muscari à grappe (Muscari neglectum). Les véroniques comme la Véronique de Perse (Veronica persica), la Véronique à feuilles de lierre (V. hederaefolia) ou la Véronique luisante (V.polita), manquent rarement.
  • sur sols siliceux, l’association végétale typique associe le Souci des champs et le Mibora du printemps (MIBORO-CALENDULETUM ARVENSIS) ; c’est le domaine de la Véronique à feuilles d’acinos (Veronica acinifolia), malheureusement fortement raréfiée.

Lorsque l’entretien de la vigne devient plus intense, on observe un groupement plus proche du PANICO CRUS-GALLI-SETARION VIRIDIS caractérisé par l’Amaranthe réfléchie, la Barbarée commune, le Laiteron des champs et de nombreux chénopodes.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

STELLARIETEA MEDIAE Tüxen, Lohmeyer & Preising ex von Rochow 1951

  • Chenopodietalia albi Tüxen, Lohmeyer & Preising ex von Rochow 1951 : plantes annuelles des cultures sarclées sur sol eutrophe
    • Veronico agrestis-Euphorbion peplus Sissingh ex Passarge 1964 : communautés eurosibériennes d’annuelles sur sol très fertile et enrichi en matière organique
      • Panico crus-galli-Setarion viridis Oberdorfer 1957 : communautés eurosibériennes sur sols à dominante sableuse ou limoneuse

COR 1991

  • 83.1 – Vergers de hautes tiges
    • 83.12 – Châtaigneraies
    • 83.13 – Vergers à noyers
    • 83.15 – Vergers de Rosacées
  • 83.2 – Vergers arbustifs
    • 83.21 – Vignobles
    • 83.22 – Vergers de basses tiges (espaliers de différentes Rosacées)

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

Nc.

Confusions possibles

Aucune confusion n’est possible lorsque les arbres et arbustes à fruits sont agencés, organisés de manière volontaire dans l’espace (alignements, plantations en quinconce ou en espaliers).

Dynamique

Dans le cas d’abandon du verger, survient rapidement un embroussaillement par les ronces, les arbustes (prunelier, cornouiller), les lianes (clématites, lierre) et enfin par les arbres avec, en premier lieu, l’Orme champêtre.

En cas d’intensification du travail du sol, sans traitement aux pesticides, les vivaces disparaissent et le cortège évolue vers les communautés d’annuelles des moissons du Scleranthion annui ou du Caucalidion lappulae selon la nature du sol.

Espèces indicatrices

[plante2] (Actinidia chinensis), Allium vineale, A. sphaerocephalon, *Anemone coronaria, Aristolochia clematitis, Calendula arvensis, *Gagea villosa, Malus domestica, Mibora minima, Muscari comosum, M. neglectum, Ornithogalum gr.umbellatum, Physalis alkekengi, Prunus avium cv., Prunus cerasus cv., Prunus domestica, Pyrus communis, *Tulipa sylvestris ssp. sylvestris, *Veronica acinifolia, Vitis vinifera
[plante1] Carduus nutans, Chenopodium album, *Diplotaxis muralis, Erodium cicutarium, Euphorbia helioscopia, Euphorbia peplus, Fumaria officinalis, Geranium dissectum, G. molle, Heliotropium europaeum, Lagoseris sancta, Lamium amplexicaule, L. purpureum, Papaver rhoeas, Polygonum aviculare, Portulaca oleracea, Ranunculus ficaria, Raphanus raphanistrum, Senecio vulgaris, Setaria verticillata, Setaria viridis, Sinapis arvensis, Solanum nigrum, Sonchus asper, Sonchus oleraceus, Stellaria media, Tordylium maximum, Veronica agrestis, V.hederaefolia, V. persica, V. polita
[briophytes] Bryum argenteum, Bryum bicolor, Ceratodon purpureus, Eurhynchium hians, Eurhynchium praelongum, Riccia sorocarpa, Sphaerocarpos michelii
[oiseaux] Athene noctua, Emberiza hortulana, Jynx torquilla, Lanius senator
[lepidopteres] Saturnia pyri

Valeur biologique

La valeur biologique est variable selon le type et le mode d’exploitation du verger. Les vignobles sont aujourd’hui exploités de manière intensive et leur flore spontanée et spécifique a pratiquement disparu du Poitou-Charentes.

Ainsi, la plupart d’entre eux ne possède plus qu’une faible valeur biologique. Seules les petites vignes ancestrales et artisanales sont susceptibles d’abriter encore des cortèges intéressants, voire des espèces en voie de disparition comme la Gagée des champs (Gagea arvensis) (disparue de la région depuis les années 1970), la Tulipe sauvage (Tulipa sylvestris) ou encore l’Anémone couronnée (Anemone coronaria) (3 vignes en 17).

D’un point de vue faunistique, les vignes et leur végétation adventice peuvent constituer un refuge pour les petits vertébrés et une source d’alimentation pour certains oiseaux comme divers fringilles (linottes, chardonnerets, verdiers).

Dans la Vienne, il semble que les dernières populations régionales de Bruant ortolan soient très liées à la présence de vignobles familiaux parsemés d’arbres fruitiers où cette espèce trouve à la fois des postes de chant et les graines indispensables à sa survie.

Les vergers de hautes-tiges traditionnels profitent à bon nombre de papillons de nuit, dont le rare Grand Paon de Nuit, attirés non pas par la couleur des fleurs des Rosacées, puisque celles-ci sont blanches, mais par l’odeur suave et enivrante de leur nectar produit en plus grande quantité pendant la nuit. Les vergers attirent alors des rapaces nocturnes comme la Chouette chevêche ou encore des chauves-souris qui profitent de cette abondance de petites proies volantes.

Les vergers à Rosacées sont plus intéressants en fait pour la diversité des variétés cultivées que pour leur flore herbacée associée. En effet, ils constituent un refuge pour un nombre considérable de variétés anciennes menacées par le faible choix proposé par la grande distribution. Il existe en Poitou-Charentes des vergers conservatoires qui perpétuent les variétés traditionnelles et conservent ainsi le patrimoine génétique fruitier local et régional. Par exemple, le verger de Saint-Marc-La-Lande en Deux-Sèvres conserve 107 variétés de pommes, 58 de poires, 18 de raisins et 17 de rosiers.

Menaces

La principale menace est sans conteste l’utilisation massive et irraisonnée des herbicides. La France, en tant que second consommateur européen, a vu sa flore spontanée se réduire comme une peau de chagrin en moins de 30 ans. A cela se rajoute l’application de techniques agricoles orientées pour une production fruitière de masse, totalement incompatible avec la conservation du patrimoine floristique (labours répétés au cours de l’année, semis et enrichissement des inter-rangs, tonte rase et bi-semestrielle, etc).

Aujourd’hui, la plus grande part des cortèges floristiques et faunistiques des vignes et vergers a disparu ou est dans un état de conservation alarmant. L’utilisation massive de pesticides sur certains vergers intensifs peut même localement être une menace pour l’environnement proche, notamment pour les cours d’eau où se retrouvent de nombreuses molécules dangereuses pour la faune et la flore aquatiques.

Statut régional

Les vignes sont surtout présentes en sud 16 et sud 17. Les autres types de vergers sont très disséminés.

L’Anémone couronnée (Anemone coronaria) est une Renonculacée méditerranéenne présente dans 3 vignes de l’est de Charente-Maritime qui constituent sa limite nord-occidentale en France. Sa spontanéité y est toutefois sujette à caution : la beauté de ses grandes corolles mauves en fait un sujet prisé des jardiniers et fleuristes et il est possible que les stations charentaises soient des reliquats d’une ancienne introduction horticole.

 

Espèces typiques des vignobles peu intensifiés : le Mibora du printemps (Mibora minima) (à g.), l’Ornithogale en ombelle (Ornithogalum umbellatum) et le Muscari à grappe (Muscari neglectum) (à dr.).

Remarquer la localisation stricte de l’ornithogale et du muscari sous le rang de vigne, là où un travail du sol est effectué régulièrement.