Structures paysagères d’origine anthropique

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie – écologie

Cet habitat peut prendre l’aspect de haie champêtre, d’alignement d’arbre ou de bosquet.

Les bosquets sont des formations arborées de petites surfaces (moins d’un hectare en général) insérées dans le paysage agricole. Leur composition spécifique, lorsqu’elle est spontanée, est similaire à celles des forêts proches.

Les haies, quant à elles, diffèrent beaucoup en fonction de la gestion courante réalisée par les agriculteurs ou par les agents techniques des communes en charge de leur entretien. Ainsi, c’est le nombre de strates qui va déterminer leur physionomie. On distingue donc des haies de haut-jet ou haies arborées avec un bourrage arbustif entre chaque arbre. Si ce bourrage manque, on parlera plutôt d’un alignement d’arbres.

Lorsque les arbres sont absents de la haie ou lorsque la haie est jeune, la haie est dite arbustive et ne dépasse pas les 5 à 7 mètres.

Dans le cas d’un entretien trop drastique, la haie ne dépasse guère 1 mètre à 1 mètre 50, on la désigne comme basse-arbustive.

La composition spécifique des alignements d’arbres, des haies et des bosquets ne dépend pas uniquement de la nature du sol, du climat et de l’aire biogéographique dans laquelle elle se trouve, mais aussi du choix de l’homme qui est ici prépondérant. Ainsi, il est tout à fait possible de trouver des espèces non locales, horticoles, telles que le Cerisier à grappe, Prunus padus, couramment planté dans les jeunes haies des plaines agricoles, mais aussi parfois des variétés horticoles d’espèces locales comme cela peut être observé pour le Troëne commun Ligustrum vulgare.

Les haies peuvent aussi comporter des espèces envahissantes, comme les alignements d’Erables négundo Acer negundo dans les villes et les villages, ou bien encore la présence de Robinier faux-acacia Robinia pseudacacia, dans certaines haies. Cette dernière espèce est même parfois appréciée pour la qualité imputrescible de son bois et également pour son caractère mellifère (voir fiche « Autres forêts caducifoliées »). C’est ainsi, que l’on peut rencontrer des bosquets constitués presque exclusivement de robiniers.

Les haies jouent un rôle écologique important dans les agrosystèmes : brise-vents, tampon thermique, lutte contre l’érosion des sols, réservoirs d’auxiliaires des cultures, corridors biologiques…

Les haies forestières anciennes relictuelles ont la particularité de présenter une diversité biologique importante contrairement aux haies récentes, généralement plantées qui sont pauvres en espèces.

C’est pourquoi la composition spécifique des haies, plantées par exemple dans le cadre de mesures agri-environnementales, doit être soigneusement réfléchie et doit être le reflet de la composition des bois et forêts qui se sont développés spontanément dans son environnement proche.

Leur composition va être influencée par la nature du sol.

Dans notre région, les Terres rouges à Châtaignier du Civraisien, du Ruffecois et du pays Mellois, les sols à argile à silex et les sols plus ou moins granitiques de la Gâtine Poitevine, du Montmorillonnais, du Lussacois et du Confolentais, sont propices à l’expression des espèces des chênaies acidophiles (COR 41.5) dans les haies, telles que le Châtaignier Castanea sativa bien sûr, mais aussi le Néflier Mespilus germanica, le Houx Ilex aquifolium ou encore la Bourdaine Frangula dodonei subsp. dodonei.

En revanche, sur les sols d’origine calcaire, comme par exemple les Terres de Groies des plaines agricoles du Mirebalais-Neuvillois, du Niortais, de la Saintonge et de l’Angoumois, on rencontre préférentiellement les espèces appartenant à la chênaie-charmaie (41.2) telles le Frêne Fraxinus excelsior, le Merisier Prunus avium ou le Charme Carpinus betulus. Le Chêne pubescent Quercus pubescens et d’autres espèces plus thermophiles comme le Cormier Sorbus domestica ou le Cornouiller mâle Cornus mas, peuvent entrer dans la composition des haies lorsque le sol devient relativement mince et repose sur la roche calcaire.

Enfin, sur les sols riches en azote des grandes plaines céréalières, s’ajoutent les espèces de l’ormaie rudérale tels que l’Orme champêtre Ulmus minor, l’Erable sycomore Acer platanoides ou le Prunellier Prunus spinosa.

On considère que les haies jouent le rôle de forêts linéaires, structurant le paysage. Historiquement les haies servaient de clôtures naturelles séparant entre elles les pâtures de petites tailles. Ce maillage dense de haies et de prairies forme le paysage caractéristique du bocage. Ce paysage aujourd’hui en fort déclin, au profit de l’agriculture céréalière intensive, résiste encore dans les secteurs d’élevage de notre région où les sols sont trop pauvres pour permettre le développement de la céréaliculture : la Gâtine Poitevine et le Confolentais en Charente et en Vienne.

L’un des multiples héritages et richesses du bocage est l’arbre têtard, anciennement taillé à plus de 2 mètres de haut pour le bois de chauffage afin que les bêtes ne puissent pas brouter les jeunes pousses de l’arbre l’année suivante. Cette pratique a aujourd’hui tendance à se perdre dans nos campagnes et les arbres têtards sont pour la plupart tous de vieux arbres.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Nc.

COR 1991

  • 84.1 Alignement d’arbres
  • 84.2 Haies
  • 84.3 Bosquets
  • 84.4 Bocages

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

Nc.

Confusions possibles

Il n’existe pas de confusion possible pour ces types d’habitats que l’on identifie surtout par la structure dans cette fiche. Quant à la composition spécifique des haies spontanées, le lecteur pourra se référer aux fiches des chênaies oligotrophes (COR 41.5), de la chênaie-charmaie (COR 41.2), de la chênaie pubescente (COR 41.711) et de l’ormaie (COR 41.F11).

Dynamique

Les haies peuvent constituer des structures stables et permanentes dans le cadre d’une gestion régulière mais elles auront sans doute tendance à s’élargir et gagner sur les surfaces voisines si elles ne sont pas régulièrement entretenues soit par la fauche soit par le pâturage.

Il est possible de recéper la haie, ce qui suppose de couper à la base les arbustes qui la composent. Les haies traitées ainsi ne devraient pas avoir de mal à repartir et reformer assez rapidement une formation arbustive. Néanmoins cette pratique doit être opérée par petites touches (environ 50 à 100 m d’un seul tenant maximum) afin de ne pas altérer la fonction de corridor biologique de la haie.

Espèces indicatrices

[plante2] Acer campestre, Acer pseudoplatanus, Carpinus betulus, Castanea sativa, Clematis vitalba, Cornus sanguinea, Cornus mas, Crataegus monogyna, Frangula dodonei subsp. dodonei, Fraxinus excelsior, Ilex aquifolium, Ligustrum vulgare, Malus sylvestris, Mespilus germanica, Platanus sp., Prunus avium, Prunus spinosa, Pyrus communis, Quercus robur, Quercus petraea, Quercus pubescens, Rhamnus cathartica, Rosa canina, Rosa arvensis, Rubus sp., Sorbus domestica, Sorbus torminalis, Tilia x vulgaris, Ulmus minor, Viburnum lantana, Viburnum opulus
[briophytes] Amblystegium serpens, Brachythecium rutabulum, Eurhynchium hians, Eurhynchium stokesii, Fissidens taxifolius, Hypnum cupressiforme
[champignons] Calocybe gambosa, Entoloma clypeatum, Entoloma saudersii,Entoloma sepium, Lactarius pyrogalus, Tubaria autochtona
[oiseaux] Emberiza citrinella, Sylvia atricapilla, Sylvia borin, Sylvia communis
[reptiles] Coluber viridiflavus, Lacerta viridis
[lepidopteres] Aporia crataegi, Iphiclides podalirius, Satyrium pruni, Satyrium W-album, Thecla betulae
[coleopteres] Cerambyx cerdo, Lucanus cervus, Osmoderma eremita

Valeur biologique

Les haies entourant les maisons particulières ou les fermes sont souvent constituées d’espèces sempervirentes tel le Thuya ou le Laurier. Ces haies ne présentent que très peu d’intérêt biologique.
En revanche, les haies composées d’espèces locales des plaines agricoles et du bocage jouent un rôle écologique important. Elles structurent le paysage et relient les boisements et les milieux naturels entre eux. Ce sont des corridors biologiques ou des « couloirs de déplacement » parfois indispensable pour la faune (oiseaux, mammifères « terrestres », chauves-souris, reptiles…). Leur diversité spécifique présente plusieurs intérêts pour la faune. La floraison a lieu depuis le mois de février (Cornus mas, Prunus spinosa) jusqu’au milieu de l’été (Rosa sp. Rubus sp.), ce qui est attractif pour les insectes butineurs et pollinisateurs, qui trouvent peu de fleurs en début de printemps.

Les haies portent des fruits et des baies comestibles pour la faune (oiseaux) jusqu’au plus fort de l’hiver (Néflier, Lierre…), période où la recherche de nourriture devient difficile.

Dans les agrosystèmes, la haie et la banquette herbeuse en pied de haie sont des abris pour une entomofaune variée, dont certains sont de précieux auxiliaires des cultures.

Les vieux arbres creux (arbres têtards) ou morts de la haie sont favorables aux larves d’insectes xylophages dont certains sont patrimoniaux pour notre région tels la Rosalie des Alpes Rosalia alpina (Gâtine Poitevine) ou le Piqueprune Osmoderma eremita. Tous deux sont des coléoptères protégés au niveau européen. Ces insectes (Capricorne, scolytes, taupins…) constituent également une réserve alimentaire pour de nombreux oiseaux (turdidés, fauvettes…).

Incapables de creuser le bois avec leur bec, les Chouettes chevêches sont à la recherche des cavités naturelles des vieux arbres et des arbres têtards pour y installer également leur progéniture.

Les haies sont donc à l’origine d’une richesse biologique importante et parfois patrimoniale.

Menaces

Les haies ont été victimes de la mécanisation et de l’industrialisation de notre agriculture traditionnelle paysanne. Le maillage des petites pâtures du bocage séparées de haies, a peu à peu laissé la place aux très grandes parcelles de l’agriculture céréalière intensive. Cette mutation a nécessité et nécessite encore au gré des remembrements, l’arrachage massif des haies champêtres. Seuls les secteurs d’élevage ont conservé le bocage et les haies arborées qui les structurent.

Les grandes plaines céréalières ont, quant à elles, conservé quelques fragments de haies souvent déconnectés de tout boisement ou milieu naturel. Les haies sont parfois replantées, souvent avec le soutien d’aides publiques. Cela pose le problème de l’artificialisation des espèces, de leur indigénat et des caractéristiques génétiques locales qui ne sont plus respectées.

On observe parfois dans les campagnes un entretien trop sévère, qui soit éclate les branches, soit contraint la haie à moins de 1 mètre de haut. Dans ce dernier cas il est évident que le rôle de corridor biologique de la haie est très amoindri. Enfin, l’abandon des techniques traditionnelles se traduit par l’absence de renouvellement des arbres têtards dans les haies, qui sont aujourd’hui tous ou presque tous de très vieux sujets.

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, les haies et bosquets sont répandus partout.

Les zones de bocages sont en revanche localisées à quelques secteurs particuliers : Gâtine en 79, Confolentais en 16 et Montmorillonnais en 86.