Parvocaricaie acidophile (bas-marais acides)

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie-écologie

Les bas-marais acides sont alimentés par des eaux pauvres en base. Ils se sont développés à la faveur d’écoulements lents et de suintements (bas-marais soligènes), au sein de lieux où la nappe aquifère est affleurante ou au sein de micro-reliefs (cuvettes, fonds de vallées) collecteurs d’eau (bas-marais topogènes). Ils occupent généralement des surfaces plutôt réduites et sont en mosaïque avec d’autres habitats humides acides. Le niveau d’eau est toujours situé à proximité ou au dessus de la surface du sol. Cet engorgement permanent est une condition nécessaire à la formation de la tourbe (matière organique peu décomposée). Les bas-marais acides sont composés de communautés de laîches (Carex echinata, Carex curta, Carex canescens), de joncs (Juncus acutiflorus, Juncus articulatus) et d’une strate muscinale à mousses brunes et sphaignes. Ils sont souvent associés aux prairies humides acidiclines (JUNCO-MOLINON), aux communautés de grandes laîches (MAGNOCARICION) et des roselières (PHRAGMITION).

L’abondance des joncs marque parfois la transition de cet habitat vers les groupements de prairies acidiclines du MOLINION.

La variabilité de cet habitat va être marquée principalement par des variations au niveau de l’abondance d’espèces ou de groupes
d’espèces. Ainsi on peut distinguer des marais acides dominés par :

  • les laîches (COR 54.4221), notamment Carex canescens . La strate des mousses brunes peut être parfois très fragmentaire ;
  • les laîches et les joncs (COR 54.4222), notamment Carex canescens, C. echinata, et Juncus acutiflorus. La strate muscinale de mousses pleurocarpes est présente ;
  • les laîches et sphaignes (COR 54.4223), Eriophorum angustifolium peut être présent en complément des carex cités plus haut. Les sphaignes sont abondantes ;
  • les laîches, joncs et sphaignes (COR 54.4224), Eriophorum angustifolium peut être présent en complément des carex et joncs cités plus hauts. Les sphaignes sont abondantes ;
  • la Linaigrette à feuilles étroites Eriophorum angustifolium (COR 54.46) avec généralement un tapis de sphaignes (notamment Sphagnum cuspidatum).

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF2004

Classe : SCHEUCHZERIO PALUSTRIS-CARICETEA FUSCAE Tüxen 1937

  • CARICETALIA FUSCAE W.Koch 1926
    • Caricion fuscae W.Koch 1926 : communautés sur sol tourbeux à paratourbeux, oligotrophe et peu oxygéné
    • Carici canescentisAgrostietum caninae Tüxen 1937

CORINE 1991

  • 54.42 Tourbières basses à Carex nigra, C. curta, C. echinata
    • 54.422 Bas-marais subatlantiques à Carex nigra, C. curta, C. echinata
      • 54.4221 Bas-marais subatlantiques à Carex (dominés par les laîches)
      • 54.4222 Bas-marais subatlantiques à Carex et Juncus (J. acutiflorus + strate muscinale à Pleurocarpes)
      • 54.4223 Bas-marais acides subatlantiques à Carex et Sphagnum (tourbières à sphaignes avec Carex dominants et Eriophorum angustifolium)
      • 54.4224 Bas-marais subatlantiques à Carex, Juncus et Sphagnum (tourbières à sphaignes avec Carex et Juncus codominants et Eriophorum angustifolium)
  • 54.46 Bas-marais à Eriophorum angustifolium

Directive Habitats 1992

Non concerné

Confusions possibles

Des confusions peuvent être possibles entre les différentes déclinaisons de l’habitat. D’autre part, les bas-marais acides peuvent présenter des faciès de transition vers des habitats associés tels que les prairies humides acides à Molinie, ce qui peut rendre leur identification difficile. Ils occupent généralement des surfaces plutôt réduites et forment des mosaïques avec d’autres habitats humides tourbeux ou paratourbeux qui leur sont parfois très proches.

Dynamique

Dans notre région la pluviosité est plutôt modérée, ce qui ne favorise pas les tourbières ombrogènes dont le développement est généralement centrifuge. Les bas-marais acides sont donc majoritairement topogènes, alimentés par les eaux de ruissellement et connaissent généralement une progression centripète.

Les bas-marais acides sont le résultat d’une très lente évolution du sol et des communautés végétales associées. La tourbe brune, où les végétaux (principalement les sphaignes) sont partiellement décomposés, est le résultat d’environ 2000 ans d’évolution et la tourbe noire, où la matière organique est plus dégradée, est le fruit de plus de 5000 ans d’évolution.

Lorsque les conditions d’hydromorphie du sol s’atténuent, le boisement par les ligneux devient possible. On assiste alors à l’installation de quelques espèces du cortège de l’aulnaie marécageuse et/ou de la lande humide avec Betula pubescens, Salix aurita, Calluna vulgaris, Erica teralix, Thelypteris palustris, Alnus glutinosa

Dans les stades régressifs, c’est-à-dire les zones écorchées, de terre nue, de bas-marais creusés par des fossés ou fosses d’extraction de tourbe, le cortège du RHYNCHOSPORION ALBAE peut réapparaître.

Espèces indicatrices

[plante2] Agrostis canina, Anagallis tenella, *Carex echinata, Carex laevigata, *Carex nigra, Carex viridula oedocarpa, Carum verticillatum, Cirsium dissectum, *Deschampsia setacea, *Epilobium palustre, *Eriophorum angustifolium, Juncus acutiflorus, Lobelia urens, Lotus uliginosus, *Menyanthes trifoliata, *Pedicularis palustris, *Pinguicula lusitanica, Scorzonera humilis, Scutellaria minor, *Viola palustris, *Wahlenbergia hederacea
[plante1] *Carex lasiocarpa, Carex panicea, Carex pulicaris, Dactylorhiza maculata, *Drosera intermedia, *Drosera rotundifolia, Galium uliginosum, Hydrocotyle vulgaris, Juncus articulatus, Molinia caerulea, Ranunculus flammula, *Salix repens, Succisa pratensis, *Valeriana dioica, Veronica scutellata
[odonates] Somatochlora flavomaculata, Sympetrum danae
[lepidopteres] Coenomympha oedipus

Valeur biologique

Les bas-marais acides sont des habitats naturels à très forte valeur patrimoniale régionale, souvent refuge d’espèces végétales et animales rares et menacées à l’échelle régionale, nationale et parfois même européenne. Ils s’intègrent souvent à un complexe d’écosystèmes et d’habitats naturels liés aux zones humides, riches et originaux.

Avec 15 espèces de la Liste Rouge Régionale, les phanérogames sont particulièrement bien représentés ; la plupart sont des espèces de flore « froide » – médio-européennes, continentales ou sub-boréales – qui atteignent souvent leur limite de distribution occidentale sur la marge orientale de la région Poitou-Charentes : Violette des marais Viola palustris, Laîche blanchâtre Carex curta, Laîche noire Carex nigra, Pédiculaire des marais Pedicularis palustris (non revu toutefois de sa dernière localité en Charente depuis le milieu des années 1970)… D’après les données des anciens catalogues floristiques, il semble que la majorité de ces espèces ait connu un important déclin régional qui ne serait pas imputable seulement à la disparition des habitats – bien qu’il s’agisse aussi d’une cause importante – mais probablement aussi à un changement climatique, sensible depuis la fin du XIXème siècle.

Les bryophytes sont généralement abondants et diversifiés, et sont représentés principalement par des mousses pleurocarpes et des sphaignes.

Il s’agit enfin d’un habitat de reproduction ou de chasse pour quelques libellules rares et menacées inféodées aux milieux oligotrophes, telles que la Cordulie à taches jaunes Somatochlora flavomaculata (espèce en danger), ou pour des papillons très raréfiés dans toute l’Europe comme le Fadet des laîches Coenonympha oedipus.

Menaces

Les bas-marais acides, comme la plupart des zones humides et tourbeuses, ont subi un très fort déclin au cours du XXème siècle.
Compte tenu de leur très lente évolution, la destruction de l’habitat paraît irréversible. Les principales menaces à l’origine de sa raréfaction sont l’agriculture (retournement pour la mise en culture, amendements, apport d’engrais et produits phytosanitaires dans les eaux de ruissellement, populiculture, drainage…), les projets de développement des infrastructures ou encore l’urbanisme.

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, ce type de milieu est rare, très disséminé et n’occupe toujours que de très faibles surfaces.

16 : cantons de Confolens, Chabanais, Montemboeuf, Montbron

17 : Double saintongeaise, landes de Cadeuil

79 : partie armoricaine du département

86 : réserve naturelle du Pinail (86), cantons de Montmorillon, de l’Isle-Jourdain