Prés salés

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie-structure

Les prés salés constituent un groupe d’habitats côtiers dont l’occupation est centrée sur l’étage médio-littoral (ou estran = zone de balancement des marées)) mais qui déborde en partie sur l’étage supra-littoral et peut même pénétrer sous certaines circonstances à plusieurs kilomètres à l’intérieur des terres loin de l’influence marine directe (marais endigués, prairies saumâtres, partie aval des estuaires). Classiquement, l’estran est divisé en 2 compartiments écologiques majeurs en fonction de la fréquence et de la durée des submersions par la mer :

  • la slikke est la partie inférieure de l’estran ; constituée de vases molles, non ou peu consolidées, elle est recouverte à chaque marée haute et seule sa partie supérieure est colonisée par des îlots pionniers de salicornes annuelles (15.1) ou de spartines (15.2) ; sa partie inférieure est le domaine exclusif – dans les zones d’estuaires à sédimentation vaseuse – des herbiers de Zostère naine Zostera noltii ;
  • le schorre correspond à la zone de l’estran atteinte seulement par les hautes mers de vives eaux ; sur des vases stabilisées, la végétation de pré salé est en général très recouvrante (15.3, 15.6) et se différencie finement selon les accidents topographiques et le gradient de pente qui règle la durée annuelle de submersion par les eaux marines

Les marées, dont dépendent entièrement sur la côte atlantique les prés salés, correspondent à un phénomène périodique d’oscillation du niveau marin : au rythme biquotidien (2 marées par cycle de 24 heures) se superpose un rythme bimensuel, le marnage étant le plus important (les vives eaux) à la fois au moment de la pleine lune et lors de la nouvelle lune (syzygies). Le marnage, qui s’exprime par un coefficient s’étendant de 20 (mortes eaux) à 120 (vives eaux exceptionnelles) connaît par ailleurs son amplitude maximale au moment des équinoxes (mars et septembre) et son oscillation minimale lors des solstices. Toutes ces variations au cours d’un cycle annuel sont évidemment fondamentales pour comprendre la zonation et l’agencement des communautés de prés salés, la nature et la granulométrie des sédiments – vases, sables, graviers, amas coquilliers – ne jouant finalement qu’un rôle secondaire.
En ce qui concerne l’étage supra-littoral, les apports de sel sont effectués à la fois par les vagues (côtes rocheuses basses) et par les embruns, les vents d’ouest fréquents projetant des aérosols à plusieurs centaines de mètres de la frange littorale (beaucoup plus lors des tempêtes « sèches », sans pluie, où le sel peut griller les bourgeons des arbres exposés au vent à plusieurs kilomètres du littoral).

Caractéristiques biologiques

Les types biologiques des végétaux structurants et, donc, la physionomie, sont très variables selon l’habitat élémentaire concerné – vivaces ou annuels, herbacés ou ligneux – et pas moins de 6 classes différentes de végétation (sur les 76 décrites en France) sont présentes :

  • THERO-SUAEDETEA SPLENDENTIS : végétation pionnière annuelle des vases salées littorales ;
  • SPARTINETEA GLABRAE : végétation pionnière vivace sur vases molles salées ou saumâtres, longuement inondables ;
  • ASTERETEA TRIPOLII : végétation des prés salés atlantiques à dominance d’hémicryptophytes (également pelouses aérohalines sur falaises) ;
  • SALICORNIETEA FRUTICOSAE : végétation crassulescente à dominance de chaméphytes ou de nanophanérophytes des sols salés en zone méditerranéenne-atlantique ;
  • SAGINETEA MARITIMAE : végétation de petites annuelles halophiles (ou subhalophiles) des sols devenant secs en été, à texture sablo-limoneuse ou graveleuse ;
  • AGROSTIETEA STOLONIFERAE : végétation prairiale des sols minéraux engorgés ou inondables, mésotrophes à eutrophes.

La plupart des espèces végétales constituantes des prés salés sont des halophytes : cette appellation commode cache en fait une adaptation au sel des phanérogames très variable selon les espèces et les stades phénologiques : la germination des graines d’Aster tripolium est ainsi optimale en milieu salé mais certaines salicornes germent très bien en l’absence de sel ; durant la croissance, les taux de sels exigés/tolérés sont également très variables et ont amené à distinguer des halophytes strictes d’halophytes dites seulement préférantes.
Un trait morphologique commun à de nombreuses plantes de prés salés est par ailleurs la succulence de leurs organes végétatifs : rameaux charnus des salicornes, feuilles cylindriques des Suaeda. Cette adaptation qui génère un potentiel osmotique élevé permet à la plante de conserver un potentiel hydrique inférieur à la solution du sol et facilite son alimentation en eau.

Espèces caractéristiques

Aster tripolium, Halimione portulacoides, Limonium vulgare, Salicornia ramosissima
Anser anser, Anthus pratensis, Carduelis cannabina, Emberiza schoeniclus, Motacilla flava
Hydrobia ventrosa, Leucophysia (Auriculinella) bidentata, Myosotella myosotis, Peringia ulvae
Epacromius tergestinus

Classification

Végétations pionnières annuelles des sols salés

  • Communautés de salicornes annuelles THERO-SALICORNIETALIA DOLICHOSTACHYAE
  • Communautés de petites annuelles halophiles SAGINETALIA MARITIMAE

Prés à spartines

  • SPARTINION ANGLICAE

Prés salés atlantiques

  • Schorres inférieurs à moyens PUCCINELLION MARITIMAE
  • Niveaux hauts des schorres ARMERION MARITIMAE
  • Milieux saumâtres GLAUCO MARITIMAE-JUNCION MARITIMI

Prés salés méditerranéens et thermo-atlantiques

  • Prairies méso-hygrophiles thermo-atlantiques ALOPECURION UTRICULATI
  • Prairies méso-hygrophiles piétinées, eutrophes POTENTILLION ANSERINAE
  • Prairies atlantiques longuement inondables OENANTHION FISTULOSAE

Fourrés des prés salés

  • Communautés des schorres eu-halins cantabro-atlantiques à atlantiques HALIMIONION PORTULACOIDIS

Coefficient 115 le long du Havre de Brouage : les prés salés sont entièrement (...)

Coefficient 115 le long du Havre de Brouage : les prés salés sont entièrement submergés jusqu’à la frange de fourré à Soude arbrisseau à droite qui souligne la digue de protection

En Baie de l’Aiguillon, l’importance prise par l’Aster tripolium sur le (...)

En Baie de l’Aiguillon, l’importance prise par l’Aster tripolium sur le schorre témoigne probablement d’une eutrophisation du bassin versant

Les marais endigués sont souvent favorables à l’expression des communautés du (...)

Les marais endigués sont souvent favorables à l’expression des communautés du haut schorre, ici le fourré à Salicorne ligneuse (île d’Oléron)

La plus grande zone de prés salés du Fier d’Ars (île de Ré) résulte en fait de (...)

La plus grande zone de prés salés du Fier d’Ars (île de Ré) résulte en fait de la colonisation par les halophytes – ici de l’Obione – d’anciennes prises destinées à l’aquaculture mais aujourd’hui reprises par la mer