Friches rudérales pluriannuelles mésophiles

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie – écologie

Les friches rudérales pluriannuelles mésophiles, communément dénommées friches à hautes herbes, sont généralement localisées sur les talus des bords de routes, les vieilles jachères (plus 3 ans au moins) et les friches ouvertes périurbaines. Elles sont composées de nombreuses vivaces et bisannuelles (hémicryptophytes). Elles présentent donc une strate herbacée relativement haute (environ 1 mètre) qui domine un tapis herbacé bas. La terre nue y est relativement rare ce qui ne permet plus aux adventices et plantes messicoles annuelles de s’y développer en grande abondance.

Ce type de friche semble indifférent à la nature des sols. Il se développe aussi bien sur sols calcaires, argileux ou sableux. Plusieurs faciès peuvent être observés en Poitou-Charentes :

  • les friches à carottes et Picris hieracioides, sur sols neutres à basiques où la Picride et la Carotte sauvage, particulièrement abondantes, donnent son aspect à l’habitat.
  • les friches sur sols sableux à Viperine Echium vulgare, molènes Verbascum sp. et onagres Oenothera sp..
  • les friches des bords de route avec une certaine abondance du Fromental Arrhenatherum elatius, de l’Armoise Artemisia vulgaris et, plus rarement dans notre région, de la Tanaisie Tanacetum vulgare.

En automne et en hiver, lorsque l’habitat n’est pas fauché, les restes secs de l’armoise, de la carotte ou encore des molènes persistent au sein d’une nappe de graminées sèches couleur paille généralement plus basse.

A l’inverse, la fauche fréquente des friches pluriannuelles mésophiles contraint les espèces vivaces et bisannuelles à un stade végétatif bas, sous la forme de rosettes et peut donner à l’habitat l’aspect de pelouses entretenues, type gazon. Ainsi la gestion différenciée appliquée aux pelouses des espaces verts urbains ou des pelouses de jardins particuliers habituellement tondus tous les quinze jours permet généralement l’expression d’une friche à hautes herbes, parfois plus ou moins proche d’un stade plus évolué : les prairies mésophiles de fauche à Fromental.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • ARTEMISIETEA VULGARIS Lohmeyer, Preising et Tüxen ex von Rochow 1951
    • ONOPORDETALIA ACANTHII Braun-Blanq. & Tüxen ex Klika in Klika & Hadač 1944
      • Dauco carotae-Melilotion albi Görs 1966 : communautés subouvertes de hautes herbes, non thermophiles, de substrats grossiers, souvent rapportés

COR 1991

87.1 x 87.2 Friches moyennement sèches à hautes herbes (carottes, mélilots, onagres) sur sols pauvres

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

Nc.

Confusions possibles

Les confusions peuvent exister lorsqu’il y a persistance de quelques espèces d’autres types de friches de stades dynamiques différents, tels que les friches rudérales thermophiles (chardons) et les friches rudérales annuelles (adventices nombreuses). On peut
également parfois confondre cet habitat avec son stade dynamique postérieur, les prairies mésophiles de fauche, dont il partage quelques espèces comme, par exemple, le Fromental Arrhenatherum elatius.

Dynamique

La dynamique des friches rudérales pluriannuelles mésophiles va dépendre de la fréquence et du type de fauche réalisés.

La fauche tardive avec exportation de la matière va entraîner un appauvrissement du sol qui va être propice à son évolution vers le stade des prairies mésophiles de fauche. Généralement, les jachères et les bords de route sont broyés sans que la matière issue de la coupe ne soit exportée ce qui a tendance à maintenir l’habitat au stade de la friche à hautes herbes.

En revanche l’abandon de la fauche conduit l’habitat au boisement. La friche laisse alors assez rapidement la place à l’ormaie rudérale.

Si le sol est légèrement décapé (tonte trop rase, passage de la herse-étrille), les stades régressifs peuvent alors se développer avec l’apparition des chardons et/ou des adventices et plantes messicoles annuelles.

Espèces indicatrices

[plante2] Artemisia vulgaris, Cichorium intybus, Daucus carota, Echium vulgare, Hypericum perforatum, Linaria vulgaris, Pastinaca sativa, Picris hieracioides, Malva sylvestris, Melilotus officinalis, Melilotus albus, Oenothera sp., Reseda lutea, Reseda luteola, Senecio jacobaea, Tanacetum vulgare, Tragopogon porrifolius subsp. porrifolius, Verbascum thaspsus, Verbascum pulverulentum, Verbena officinalis
[briophytes] Eurhynchium hians, Eurhynchium stokesii, Plagiomnium undulatum
[champignons] Agaricus arvensis, Agaricus bitorquis, Agaricus romagnesii, Volvariella gloiocephala, Volvariella murinella
[mammiferes] Lepus europaeus, Oryctolagus cunniculus
[oiseaux] Alectoris rufa, Burhinus oedicnemus, Carduelis cannabina, Carduelis carduelis, Phasianus colchicus, Tetrax tetrax
[reptiles] Coluber viridiflavus, Lacerta viridis
[orthopteres] Euchorthippus declivus, Meconema thalassinum, Oecanthus pellucens, Phaneroptera falcata, Platycleis albopunctata, Platycleis tessellata, Tettigonia viridissima
[lepidopteres] Iphiclides podalirius
[coleopteres] Graphosoma italicum
[mollusques] Helicella itala

Valeur biologique

En été, ce type d’habitat est particulièrement riche en insectes et notamment en orthoptères, qui peuvent être parfois relativement abondants. Ces friches constituent alors de véritables réservoirs alimentaires pour l’avifaune de plaine et/ou urbaine (oedicnème, perdrix, outarde, pouillot, rouge-gorge …). Lorsque ces friches se rapprochent de la composition spécifique des prairies mésophiles, il arrive qu’elles soient riches en fleurs et donc attractives pour de nombreux insectes butineurs (syrphes, papillons, abeilles sauvages et domestique…). Par ailleurs il n’est pas rare de voir chasser des oiseaux de proie tels que le faucon crécerelle à la recherche de quelques micro-mammifères parfois abondants au sein de ce type d’habitat.

Le maintien de la population d’Outarde canepetière, espèce menacée à l’échelle européenne, tout comme l’Oedicnème criard, en Poitou-Charentes, dépend étroitement de celui des jachères dans le paysage agricole intensif.

Menaces

Les friches à hautes herbes ne sont pas particulièrement menacées. Cependant la promotion des agro-carburants, rendant obsolète le seuil de 10% de gel agricole obligatoire, porte un coup fatal au maintien des jachères dans les plaines agricoles. Ainsi, certaines vieilles jachères jusqu’alors inexploitées risquent d’être labourées pour les besoins de l’agriculture intensive.

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, ce type de milieu est très fréquent. On le rencontre principalement au sein des vieilles jachères des plaines agricoles, des friches périurbaines, des espaces verts urbains et des bords de route.