Landes sèches à mésophiles

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie – écologie

Les landes sèches à mésophiles occupent des sols sableux, ou sablo-argileux, oligotrophes, généralement acides à pH5 (mais la lande à Bruyère vagabonde colonise des stations peu acides, souvent en contexte calcaire), parfois podzoliques, à réserve en eau faible à moyenne sauf dans quelques variantes fraîches de l’habitat où il peut y avoir présence d’une nappe battante (présence d’un pseudogley à faible profondeur), sur des roches-mères variées : sédiments détritiques transportés depuis le Massif Central à l’Eocène dans la Double charentaise et saintongeaise (dépôts du Sidérolithique, podzols de la région de Montendre 17), épandages argilo-sableux à bancs de grès indurés des « terres de brandes » du Montmorillonnais 86, altérites sur granites roses de la vallée de l’Issoire 16, doucins sableux de la région de Cadeuil 17, argile à meulière recouvrant des marnes et des calcaires lacustres cénomaniens au Pinail 86 etc.. Les situations topographiques sont aussi très diverses – plateaux, pentes faibles, crêtes rocheuses – mais ne comprennent jamais des cuvettes qui sont en principe occupées alors par la lande humide ou tourbeuse.

Avec 8 associations végétales recensées à ce jour en PC, la variabilité régionale est importante, la différenciation typologique se faisant sur des critères à la fois édaphiques et climatiques (landes arides/sèches/fraîches, landes thermophiles/landes tempérées) alors que la reconnaissance sur le terrain s’appuie souvent sur l’espèce physionomiquement dominante. On distinguera ainsi deux landes dominées par la Bruyère cendrée Erica cinerea, une par la Bruyère vagabonde Erica vagans, deux par la Bruyère ciliée Erica ciliaris, une par la Bruyère à balais Erica scoparia et deux par des Cistacées ligneuses, l’Hélianthème en ombelle Halimium umbellatum et l’Hélianthème faux-alysson Halimium alyssoides.

En corrélation avec la diversité typologique, la physionomie est assez variable : landes rases à moyennes (20 à 80cm de hauteur) pour la majorité des faciès, mais landes hautes (jusqu’à 2m, voire 2.5m) dès que la Bruyère à balais est présente ou que la dynamique pré-forestière est active. Par ailleurs, la structure horizontale varie elle aussi beaucoup en fonction de la topographie, du stade évolutif et des facteurs anthropo-zoogènes : couverture sub-continue de chaméphytes dans les sites non perturbés ou « rajeunis » ou nappes ouvertes d’Ericacées trouées de clairières occupées par des hémicryptophytes divers, voire des cryptogames (lichens, bryophytes). Enfin, l’habitat se présente rarement isolément mais forme plutôt des mosaïques ou des séquences selon un gradient topographique par exemple avec la lande humide ou divers autres habitats oligotrophiques.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Alliance Ulicion minoris Malcuit 1929

Sous-Alliance Ulicenion minoris Géhu et Botineau 2004

Groupe d’associations Ulici minoris-Ericeta cinereae (landes sèches atlantiques à Ulex minor) : Rubio peregrinae-Ericetum vagantis, Potentillo montanae-Ericetum cinereae, Helianthemo umbellati-Ericetum cinereae, Ulici minoris-Ericetum cinereae

Groupe d’associations Helianthemo alyssoidis-Ericeta cinereae (landes arides, thermo-atlantiques, dégradées) : Arrhenathero thorei-Helianthemetum alyssoidis

Sous-Alliance Ulici minoris-Ericenion ciliaris (Géhu 1975) Géhu et Botineau 2004

Groupe d’associations Ericeta scopario-ciliaris (landes mésophiles thermophiles) : Arrhenathero thorei-Ericetum cilaris, Scorzonero humilis-Ericetum ciliaris, Ulici minoris-Ericetum scopariae

 

COR 1991

31.23 Landes atlantiques à Erica et Ulex

31.24 Landes ibéro-atlantiques à Erica, Ulex, Cistus

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

4030 Landes sèches européennes

4030-4 Landes sèches thermo-atlantiques

4030-7 Landes atlantiques subsèches

4030-8 Landes atlantiques fraîches méridionales

Confusions possibles

Les landes sèches à Erica vagans ou Erica cinerea ne présentent guère de risques de confusion. Celles à Erica ciliaris devront en revanche être distinguées soigneusement des « landes humides méridionales » où cette espèce co-domine avec Erica tetralix. Par ailleurs, la présence d’Erica scoparia ne suffit pas à « signer » l’appartenance à la lande mésophile puisque cette espèce de grande amplitude écologique peut se rencontrer à la fois dans les landes sèches avec la Bruyère cendrée et les landes humides avec la Bruyère à 4 angles, voire même dans des manteaux méso-oligotrophes qui ne sont plus de véritables landes au sens strict du terme : dans ces cas-là, la totalité du cortège végétal doit être prise en compte pour statuer précisément sur la nature de l’habitat.

Dynamique

Contrairement à certaines landes littorales ou montagnardes, climaciques, toutes les landes de la région sont des formations secondaires résultant de l’exploitation par l’homme d’anciennes forêts acidophiles : défrichement, pâturage extensif, fauche, incendies contrôlés destinés à faire régresser les sous-arbrisseaux ligneux au profit des végétaux herbacés. Toutes ces pratiques traditionnelles ont aujourd’hui presque totalement disparu en Poitou-Charentes, hormis sur certains espaces protégés (cf Réserve Naturelle du Pinail) où elles ont été réintroduites comme outils de gestion. En l’absence de facteurs de rajeunissement, la lande sèche ou mésophile « vieillit » et se trouve envahie plus ou moins rapidement – selon la profondeur et la richesse trophique du substrat – par des espèces pré-forestières, préfigurant le stade forestier terminal de la série : des espèces pionnières comme le Prunellier, l’Ajonc d’Europe, le Genêt à balais, les ronces, le Pin maritime, voire la Bourdaine ou le Saule roux dans les variantes fraîches, précèdent ainsi l’implantation d’essences nomades telles que les chênes (C.tauzin, C.pédonculé, voire C.pubescent dans quelques cas) dont l’arrivée va précipiter l’élimination de la majorité des espèces landicoles plus ou moins strictement héliophiles.

Espèces indicatrices

[plante2] *Ajuga occidentalis, *Allium ericetorum, *Avenula sulcata, Calluna vulgaris, *Daphne cneorum, Erica ciliaris, Erica cinerea, Erica scoparia, *Erica vagans, *Gladiolus illyricus, *Halimium alyssoides, *Halimium umbellatum, Simaethis planifolia, Ulex minor, Viola lactea
[plante1] Agrostis curtisii, Agrostis tenuis, Agrostis vinealis, Arenaria montana, Asphodelus albus, Cytisus scoparius, Danthonia decumbens, Deschampsia flexuosa, Euphorbia angulata, Genista anglica, Hypericum pulchrum, Lobelia urens, Polygala serpyllifolia, Potentilla montana, Pseudarrhenatherum longifolium, Pteridium aquilinum, Quercus pyrenaica, *Scilla verna, Scutellaria minor, Serratula tinctoria, Solidago virgaurea, Succisa pratensis, Ulex europaeus, Viola canina, Viola riviniana minor
[briophytes] Campylopus introflexus, Dicranum scoparium, Hypnum cupressiforme, Hypnum jutlandicum, Polytrichum juniperinum, Scleropodium purum
[lichens] Cladonia sp.pl.
[oiseaux] Acanthis cannabina, Caprimulgus europaeus, Circus cyaneus, Sylvia undata
[reptiles] Coronella austriaca, Lacerta lepida
[lepidopteres] Clossiana dia, Ematurga atomaria, Lycophotia porphyrea, Pavonia pavonia, Xestia agathina
[orthopteres] Chorthippus binotatus, Chrysochraon dispar, Gomphocerippus rufus, Myrmeleotettix maculatus
[coleopteres] Agapanthia asphodeli

Valeur biologique

Certains faciès de l’habitat – lande aride à Avoine de Thore et Hélianthème faux-alysson, lande sèche à Hélianthème en ombelle et Bruyère cendrée, lande calcicline à Garance voyageuse et Bruyère vagabonde, lande mésophile à Avoine de Thore et Bruyère ciliée – ne sont connus dans la région que d’une poignée de stations où ils représentent des localités marginales par rapport au barycentre sud-ouest européen de leur répartition. Cet habitat abrite de nombreuses espèces végétales rares ou menacées en Poitou-Charentes – Ail des bruyères, Daphné camélée, Bruyère vagabonde, Glaïeul d’Illyrie, Hélianthème faux-alysson, Hélianthème en ombelle, Ciste à feuilles de sauge (hors littoral) – tandis que d’autres, assez répandues dans la partie sud-occidentale de la dition (Double), deviennent très rares vers le nord-est où elles fonctionnent comme des « marqueurs biogéographiques » (Avoine de Thore, Phalangère à feuilles planes, Sabline des montagnes, Violette laiteuse…).

Menaces

Comme les prairies, les landes sèches et mésophiles sont des habitats dont l’expansion au cours de la période historique est le fruit de l’action humaine et de ses animaux qui ont permis leur épanouissement et leur maintien durant des siècles à partir d’un fonds d’espèces végétales et animales préexistantes. Depuis le milieu du XXe siècle au moins, cet habitat a connu une régression spectaculaire victime d’un double mouvement d’intensification se traduisant par un défrichement de la lande et son remplacement par des cultures, ou au contraire d’abandon, les espaces de landes étant réoccupés peu à peu par des forêts maigres de chênes. De nos jours, l’habitat n’occupe plus en Poitou-Charentes que des stations relictuelles, généralement sur des surfaces réduites et, le plus souvent, dans un état de conservation médiocre à mauvais (structure atypique, cortège incomplet, absence d’espèces caractéristiques). La valorisation sylvicole – surtout enrésinement à base de Pin maritime dans la région – reste aujourd’hui, avec le défrichement pour mise en culture, le principal facteur de menace des derniers grands secteurs de landes du Poitou-Charentes.

Statut régional

Habitat très disséminé : présent surtout en sud 17 et 16 (région de la Double), dans le Confolentais 16, et dans le Montmorillonnais 86. Très rare en 79.

Les sites comportant encore des surfaces significatives de cet habitat ont presque tous été intégrés et décrits dans les inventaires du patrimoine naturel récents (ZNIEFF, NATURA 2000) auxquels on se reportera pour plus de détails.

16 : landes de Touvérac, gorges de l’Issoire à St-Germain-de-Confolens.
17 : camp militaire de Bussac, landes de Cadeuil
86 : camp militaire de Montmorillon, brandes de la Pierre-là.
79 : brandes de l’Hôpiteau, environs d’Argenton-Château