Dépressions inondées à utriculaires

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie – écologie

Cet habitat occupe de petites dépressions naturelles ou des fosses issues d’une ancienne exploitation de tourbe, au sein de marais acides ou neutro-alcalins. Plus rarement, il existe aussi dans des mares creusées lors de l’extraction de matériaux minéraux (meulière, pierres calcaires…). Les communautés végétales associées sont donc peu exigeantes vis-à-vis de la minéralisation du substrat. Il s’agit d’habitats couvrant en général de faibles superficies, dont l’optimum écologique est atteint lorsque la lame d’eau est peu profonde (environ 30 cm) et que le niveau de trophie se situe entre des conditions oligotrophes et mésotrophes. Les eaux sont souvent de couleur brune car relativement riches en acide humique (dystrophie) sur un substrat qui peut être vaseux ou tourbeux. Les mares où prospère l’habitat, bien exposées au soleil, peuvent subir parfois des assèchements estivaux sans que cela nuise toutefois à sa pérennité dès lors que ceux-ci ne sont pas trop prononcés. La végétation est généralement pauvre en espèces et présente une certaine variabilité physionomique liée à la minéralisation du substrat. Le recouvrement, en général faible, est structuré par des végétaux supérieurs de petite taille, rampants et dominant un tapis bryophytique plus ou moins dense.
En Poitou-Charentes, on distingue 3 communautés végétales différentes. L’une d’entre elles est plutôt acidiphile et supporte des pH relativement bas (pH=4). Cette communauté composée de sphaignes (Sphagnum cuspidatum) et d’utriculaires (U. minor et U. australis) est caractéristique des mares acides, des dépressions et des chenaux des tourbières acides à sphaignes ( Sphagno cuspidati-Utricularietum minoris ).
Les 2 autres communautés s’expriment lorsque les conditions du substrat sont plutôt neutro-alcalines (jusqu’à pH=8). Elles se rencontrent généralement au sein des mares, des étangs, des dépressions ou fosses de tourbage et des bas marais alcalins. Lorsque le substrat est peu acide, oligo-mésotrophe et riche en acide humique, on rencontrera plutôt des communautés à Rubanier nain (Sparganium minimum) et Utriculaires (Utricularia minor et U. australis) ( Sparganietum minimi ). En revanche s’il s’agit de mares ou dépressions situées au sein de bas-marais alcalins, donc en conditions plus basiques, on notera plutôt la présence de communautés à Petite Utriculaire (Utricularia minor) et à bryophytes pleurocarpes des genres Calliergonella, Drepanocladus ou Scorpidium ( Scorpidio scorpidioidis-Utricularietum minoris) .

Phytosociologie et correspondances typologiques

Utricularietea intermedio-minoris Pietsch ex Krausch 1968

Utricularietalia intermedio-minoris Pietsch ex Krausch 1968

  • Communautés acidiphiles :
    Sphagno cuspidati-Utricularion minoris Müller & Görs 1960
  • Communautés neutro-alcalines :
    Scorpidio scorpidioidis-Utricularion minoris Pietsch ex Krausch 1968

COR 1991

22.45 Mares de tourbières à sphaignes et utriculaires

Directive Habitats 1992
3160 Mares dystrophes naturelles

Confusions possibles

Les mares dystrophes à utriculaires peuvent être confondues avec d’autres communautés à utriculaires (Utricularia vulgaris, Utricularia australis) qui font partie de l’alliance phytosociologique de l’Hydrocharition des mares et lacs eutrophes. Ces dernières s’expriment dans des eaux verdâtres à gris sale plus ou moins troubles, pauvres en acides humiques, plus profondes et avec des niveaux de trophie plus importants (eaux méso-eutrophes).
Le cortège floristique est très différent de celui des mares dystrophes naturelles ou dépressions inondées à utriculaires et inclut en général des espèces des communautés à potamots (Potametea). L’habitat correspond alors aux « Plans d’eau eutrophes avec dominance de macrophytes submergés » (COR 22.12 & 22.13 X 22.41 et EUR 3150).

Dynamique

Il s’agit d’un habitat relativement stable présentant une dynamique naturelle lente lorsqu’il se trouve au sein de dépressions naturelles de tourbières acides ou neutro-alcalines. En revanche lorsqu’il s’agit d’anciennes fosses d’extraction (de tourbe) ou de chenaux artificiels, la colonisation par des bryophytes, divers hélophytes tels que les Carex spp., Juncus spp., Cladium mariscus et finalement par les ligneux (Salix spp.) est possible et peut conduire à la disparition du groupement au profit d’autres formations végétales. En règle générale, la sécheresse estivale et la faible profondeur du sol induisent toutefois une évolution relativement lente de ce type de groupement.

Espèces indicatrices

[plante2] *Sparganium minimum, *Utricularia australis, *Utricularia intermedia, *Utricularia minor
[odonates] Cordulia aenea, Leucorrhinia albifrons, Leucorrhinia caudalis, Leucorrhinia pectoralis, Libellula quadrimaculata, Somatochlora flavomaculata, Somatochlora metallica
[briophytes] Amblystegium riparium, Calliergonella cuspidata, Drepanocladus aduncus, Drepanocladus lycopodioides, Scorpidium scorpidioides, Sphagnum spp.

Valeur biologique

Les mares dystrophes naturelles ou dépressions inondées à utriculaires sont des habitats souvent relictuels et originaux, encore très mal connus dans la région. Ils abritent une flore spécialisée dont la plupart des espèces caractéristiques sont rares et menacées. Leur intérêt pour les amphibiens est élevé car elles sont généralement peu propices aux poissons (faible profondeur, assèchement estival, déconnexion du réseau hydraulique). Par ailleurs, ce sont des habitats pour un certain nombre d’espèces d’insectes dont les larves sont aquatiques telles que les odonates. Certains d’entre eux sont caractéristiques des milieux oligotrophes

Menaces

Les menaces qui pèsent sur cet habitat sont plus d’origine anthropique que liées à la dynamique propre de la végétation.
La modification des conditions hydriques (drainage, diminution du niveau des nappes de surface …) et du niveau trophique par apports de matières nutritives (nitrates, phosphates, matières organiques …) a un impact très négatif sur l’habitat. Les projets de pisciculture ou d’équipements de loisirs qui visent souvent à une rentabilisation économique des zones humides ont en général des conséquences drastiques sur cet habitat très fragile par les aménagements qu’ils supposent.

D’autre part, le cortège floristique de l’habitat comprend essentiellement des plantes peu compétitives telles que les utriculaires, soumises très facilement, notamment à basse altitude, à l’invasion par des espèces végétales moins spécialisées mais plus adaptables.

Photo (c) J. Terrisse

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, cet habitat est très rare, très localisé et n’occupe que des surfaces infimes.

Les sites les plus remarquables :

16 : Double charentaise
17 : landes de Montendre (mares de Corignac), landes de Cadeuil
86 : mares du Pinail, fosses de tourbage de la vallée de la Dive du Nord, étangs du sud-est du département