Prairies de fauche

Rédacteur : Geneviève Gueret

Physionomie – écologie

Les prairies de fauche sont des formations herbacées hautes (plus d’1 mètre en général), à forte biomasse, dominées par des graminées sociales dont les plus fréquentes sont l’Avoine élevée Arrhenatherum elatius, la Gaudinie fragile Gaudinia fragilis, l’Avoine dorée Trisetum flavescens et le Brome mou Bromus hordeaceus. Diverses dicotylédones – des Apiacées comme les oenanthes, des Astéracées comme les centaurées ou la Marguerite commune Leucanthemum vulgare viennent compléter cette strate haute. En conditions plutôt mésotrophes, la strate basse peut être très diversifiée et comprendre de nombreuses espèces à port semi-érigé et dont la floraison abondante attire de nombreux pollinisateurs : Fabacées appartenant aux genres Trifolium, Vicia, Lathyrus, Lotus mais également diverses petites graminées des genres Agrostis, Bromus ou Vulpia, notamment. Les parcelles les plus eutrophisées – ou « améliorées » dans une optique de production agricole – font état généralement d’une diversité floristique amoindrie, et sont réduites alors à des faciès graminéens dominés par quelques Poacées très productives et de bonne qualité fourragère.
Ces prairies occupent des sols plutôt profonds et assez riches en nutriments mais une grande diversité de conditions stationnelles s’observe à travers toute la région, responsable d’une forte variabilité de l’habitat :

  • en fonction d’un gradient trophique, depuis les prairies mésotrophes dérivant de pelouses oligotrophes avec lesquelles elles peuvent être encore en contact spatial dans les systèmes peu intensifiés et au cortège desquelles elles empruntent encore quelques espèces relictuelles jusqu’au prairies très fertilisées où tout souvenir de la végétation originelle est perdu et où même la nature du substrat n’influe plus que de manière négligeable sur la flore ;
  • en fonction d’un gradient hydrique, les prairies mésophiles pouvant occuper des stations alluviales non ou faiblement inondables où elles différencient alors des faciès méso-hygrophiles riches en espèces caractéristiques des prairies humides (Agrostietalia stoloniferae) ;
  • le gradient édaphique joue un rôle de différenciation (communautés acidophiles/communautés calcicoles) dans les terroirs peu intensifiés mais tend à s’estomper avec la fertilisation croissante des parcelles.
    Les modalités de la pratique de fauche elles-mêmes, et de la conduite de la parcelle prairiale dans son ensemble, constituent une 2e série de facteurs se superposant aux conditions stationnelles : la date de la coupe, sa fréquence (une coupe annuelle unique ou plusieurs coupes successives), la nature et la quantité de fertilisation mise en œuvre, la réalisation d’un « déprimage » (pâturage précoce et bref d’une prairie de fauche), l’éventualité d’un pâturage du regain, la pratique d’un sursemis occasionnel (semis après hersage superficiel de semences de graminées fourragères destiné à « rattraper » une prairie « en dérive ») sont autant de facteurs influant sur la structure et les communautés végétales ou animales de l’habitat.
    Malgré une grande diversité de faciès observables sur des terroirs très contrastés de la région, la typologie de l’habitat est encore mal connue en Poitou-Charentes, situation d’autant plus regrettable que l’intensification agricole des dernières décennies a entraîné sa rapide banalisation et, probablement, la perte ou l’altération irrémédiable de plusieurs types originaux.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Classe Arrhenatheretea elatioris Br.-Bl. 1949 nom.nud
Alliance Brachypodio rupestris-Centaureion nemoralis Br.-Bl.1967 (=Lino biennis-Gaudinion fragilis (Br.-Bl.1967) de Foucault 1989)

COR 1991

38.2 Prairies de fauche de basse altitude
38.21 Prairies de fauche atlantiques

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 6510 Pelouses maigres de fauche de basse altitude
    • 6510-1 Prairies fauchées thermo-atlantiques méso-hygrophiles du Sud-Ouest
    • 6510-3 Prairies fauchées mésophiles à méso-xérophiles thermo-atlantiques

Confusions possibles

En situations optimales, l’habitat est difficile à confondre, la fauche conférant au tapis prairial après mais aussi avant celle-ci une physionomie très facilement reconnaissable : hauteur et homogénéité de structure.
Dans les situations de régime mixte fauche-pâture, toutes les
transitions existent et il peut être alors difficile de trancher entre les 2 types. Par ailleurs, un apport massif de fertilisants et /ou une pratique régulière de sursemis peut faire basculer ces prairies semi-naturelles vers des prairies artificielles, objet d’une autre fiche.

Dynamique

La plupart des formes de cet habitat s’inscrivent dans des séries forestières – chênaies thermophiles acidiphiles, chênaies-frênaies, chênaies-charmaies atlantiques – dont elles sont issues à la suite de défrichements historiques. L’arrêt de toute exploitation peut entraîner un retour vers des habitats forestiers plus ou moins éloignés des types originels selon la durée et l’intensité de l’exploitation prairiale passée, en passant par des stades pionniers où les essences nomades telles que les saules, les frênes, les ormes, les bouleaux et les érables jouent un rôle clef.

Espèces indicatrices

[plante2] Alopecurus pratensis, Arrhenatherum elatius, Bromus hordeaceus, Centaurea thuillieri, Centaurea gr.nigra, Galium mollugo, Gaudinia fragilis, Heracleum sphondylium, Lathyrus pratensis, Linum bienne, Malva moschata, Oenanthe pimpinelloides, Rhinanthus minor, Trisetum flavescens
[plante1] Agrostis capillaris, Bromus racemosus, Crepis vesicaria taraxacifolia, Dactylis glomerata, Daucus carota, Festuca arundinacea, Festuca pratensis, Galium verum, Knautia arvensis, Leucanthemum vulgare, Lotus corniculatus , Luzula campestris, Lychnis flos-cuculi, Phleum pratense, Ranunculus bulbosus, Rumex acetosa, Senecio jacobea, Trifolium dubium, Trifolium pratense, Vicia sativa
[oiseaux] Cisticola juncidis, Miliaria calandra
[lepidopteres] Melanargia galathea, Pyrgus malvae

Valeur biologique

Les prairies de fauche mésophiles abritent une plus forte diversité d’espèces végétales que les prairies pâturées mais peu d’espèces rares ou menacées, lesquelles ne leur sont d’ailleurs pas liées exclusivement mais proviennent en général des pelouses dont ces prairies dérivent : orchidées diverses dont le Sérapias langue Serapias lingua ou l’Ophrys sombre Ophrys fusca, Narcisse Narcissus poeticus dans ses rares stations de la vallée de la Gartempe Les types les moins intensifiés, riches en dicotylédones, sont activement fréquentés par de nombreux groupes d’insectes, dont les Papillons, dont la régression alarmante au cours des dernières décennies est à mettre en relation avec l’appauvrissement floristique drastique de ces prairies.

Menaces

L’habitat est lié à un mode de gestion traditionnel – la fauche – qui permet seul de conserver sa structure et son cortège d’espèces. Les différentes modalités de cette pratique sont toutefois plus ou moins favorables à divers groupes d’espèces, notamment faunistiques (fauches retardées permettant à certains oiseaux ou insectes d’accomplir la totalité de leur cycle, par exemple). L’abandon qui entraîne la dérive vers des communautés préforestières, la surfertilisation qui provoque un appauvrissement extrême et un changement qualitatif d’habitat, le traitement mixte mal conduit (pâturage du regain trop précoce ou avec des charges trop fortes), la reconversion en cultures intensives, constituent les principales menaces pesant sur les prairies de fauche régionales.

Statut régional

L’habitat est aujourd’hui très disséminé et souvent dans un mauvais état de conservation (cortèges spécifiques appauvris). Les échantillons les mieux conservés – hors systèmes alluviaux traités dans la fiche « Prairie humide atlantique eutrophe » – ne s’observent plus que par cas isolés aux flancs de petites vallées encore peu touchées par l’agriculture intensive (est 86, est et sud 16, sud 17, nord 79).