Gazons de petites annuelles éphémères

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie – écologie

Les gazons de petites annuelles éphémères se rencontrent typiquement en bordure de différents types de plans d’eau peu profonds (lacs, étangs, mares, fossés), sur des substrats très variables, mais en général plutôt oligotrophes, grossiers (sables) ou fins (limons), acides ou neutres. Certains faciès se développent également sur les chemins forestiers plus ou moins inondables ou sur des coupe-feux humides traversant des landes calcifuges, plus rarement en bordure de dépressions arrière-dunaires ou au sein de prairies saumâtres. Dans tous les cas, le niveau de l’eau connaît des variations saisonnières permettant d’opposer une phase inondée de l’habitat et une phase exondée. L’éclairement doit être maximal dans la plupart des situations et le développement d’une végétation arborée entraîne une régression marquée des espèces caractéristiques. L’habitat supporte bien en général le piétinement, notamment dans les conditions eutrophes où la végétation vivace a tendance à concurrencer fortement les annuelles. Dans de nombreux cas, l’habitat ne peut même se maintenir qu’à la faveur d’actions anthropiquestelles que la création d’ornières par le passage d’engins lourds. Tout en étant indispensables à l’habitat, les fluctuations du niveau de l’eau selon les années en fonction de la pluviométrie sont responsables par ailleurs de sa grande variabilité au fil des années et expliquent sa forte sensibilité à toute artificialisation d’origine humaine.

Avec une douzaine d’associations végétales distinctes recensées, recouvrant 5 alliances, l’habitat est remarquablement diversifié au sein de la région. Cette différenciation tient à l’intrication de 4 gradients dont les différentes combinaisons permettent l’expression de communautés hautement distinctes : un gradient géographique opposant les communautés à affinités atlantiques aux continentales (ces dernières très localisées sur la marge orientale de la Vienne et de la Charente), un gradient trophique opposant les situations méso- à eutrophes aux situations oligotrophes, un gradient topographique opposant les faciès de bas-niveau (donc longuement inondables) aux faciès de niveaux moyen à supérieur (précocement exondés) et un gradient édaphique opposant les communautés acidiphiles (les plus nombreuses) aux communautés basophiles.

L’habitat se présente comme un fin gazon de plantes annuelles naines dominé par des Joncacées et des Cypéracées, formant des taches de quelques dm² à quelques m² disposées tantôt en mosaïque avec des végétations vivaces hygrophiles, tantôt en situation pionnière sur le sol nu. Le recouvrement est toujours faible et le substrat en général visible entre les thérophytes. La stratification est nulle ou peu apparente du fait de la faible taille des végétaux structurants. La phénologie est tardive (estivale à pré-automnale), surtout pour les faciès de l’habitat liés aux bas niveaux topographiques où la végétation doit attendre l’exondation du milieu pour se développer. La floraison de nombreuses espèces est souvent discrète (faible taille), fugace (quelques semaines seulement peuvent s’écouler entre germination et fructification) et connaît de fortes variations inter annuelles liées aux fluctuations des conditions hydriques.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Alliance Cicendion filiformis (Rivas Goday) Br.-Bl.1967
Thermo-atlantique, oligotrophe, niveau topographique moyen à supérieur
Alliance Heleochloion schoenoidis (Rivas Goday) Br.-Bl.1956
Méditerranéo-atlantique, eutrophe, bas niveau topographique
Alliance Elatino-Eleocharition ovatae Pietsch 1969

Continentale, sols oligo- à mésotrophes

Alliance Nanocyperion flavescentis Koch ex Libbert 1932

Continentale, niveau topo.moyen, sol argileux/tourbeux

Alliance Radiolion linoidis Pietsch 1971

Continentale, niveau topo.moyen, sol sableux

COR 1991

22.32 Communautés amphibies annuelles septentrionales

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

3130 Eaux stagnantes oligotrophes à mésotrophes avec végétation des Littorelletea et/ou des Isoeto-Nanojuncetea
3130-3 Communautés annuelles mésotrophiques à eutrophiques, de bas niveau topographique, d’affinités continentales
3130-4 Communautés annuelles oligotrophiques à mésotrophiques, de bas niveau topographique, d’affinités atlantiques
3130-5 Communautés annuelles oligotrophiques à mésotrophiques, de niveau topographique moyen
3130-6 Communautés annuelles oligotrophiques à mésotrophiques, neutrophiles à basophiles, de niveau topographique moyen

Confusions possibles

Par ses caractéristiques stationnelles et sa structure de gazon ras dominé par des nano-thérophytes, l’habitat ne peut guère être confondu. Dans certaines situations toutefois, l’eutrophisation du milieu (substrat, eau) peut entraîner son introgression par diverses plantes nitrophiles – renouées, bidents, oseilles – qui brouillent l’interprétation. Par ailleurs, dans le cas de communautés annuelles mosaïquées avec des faciès vivaces, la séparation des deux synusies n’est pas toujours aisée et même, parfois, impossible

Dynamique

Les gazons à petites annuelles éphémères constituent un habitat de type pionnier, plus ou moins instable dans l’espace et dans le temps, à caractère nomade, dont la dynamique naturelle est largement tributaire de la dynamique hydrique. En cas d’assèchement prolongé du milieu, l’habitat cède la place à des formes sèches beaucoup moins originales avec perte d’une grande partie du cortège caractéristique. A l’inverse, une hygrophilisation marquée du milieu (par stabilisation du plan d’eau par exemple) risque d’entraîner la destruction rapide de l’habitat par l’invasion de grandes plantes hygrophiles coloniales (espèces de mégaphorbiaies, de roselières). Dans les sites où l’habitat forme des mosaïques instables avec des communautés vivaces – bas-marais, prairies oligotrophes, landes calcifuges – un minimum de pressions biotiques (piétinement, fauche) est nécessaire pour éviter la disparition des fragiles espèces annuelles.

Espèces indicatrices

[plante2] *Anagallis minima, *Blackstonia imperfoliata, *Carex bohemica, Centaurium pulchellum, *Centaurium spicatum, Centaurium tenuiflorum, *Cicendia filiformis, Cyperus fuscus, *Cyperus flavescens, *Cyperus michelianus, *Damasonium alisma, *Elatine hexandra, *Eleocharis ovata, *Exaculum pusillum, *Isolepis cernua, Isolepis setacea, Juncus capitatus, Juncus pygmaeus, *Kickxia cirrhosa, *Limosella aquatica, *Lythrum tribracteatum, Montia fontana ssp.chondrosperma, *Myosurus minimus, *Potentilla supina, *Pulicaria vulgaris, *Pycreus flavescens, Radiola linoides, *Ranunculus nodiflorus, *Sedum villosum, Veronica acinifolia
[plante1] Gnaphalium uliginosum, *Gypsophila muralis, Juncus bufonius, Juncus tenageia, Lythrum hyssopifolia, Lythrum portula, Polygonum aviculare, Pseudognaphalium luteo-album, Ranunculus sardous
[briophytes] Aphanoregma patens, Archidium alternifolium, Bryum alpinum, Fossombronia pusilla, Fossombronia wondraczekii, Micromitrium tenerum, Philonotis fontana, Physcomitrium eurystomum, Physcomitrium sphaericum Racomitrium elongatum Riccia beyrichiana, Riccia canaliculata, Riccia cavernosa, Riccia ciliifera, Riccia fluitans, Riccia huebeneriana, Riccia nigrella
[champignons] Alnicola melinoides, A. scolecina, Cortinarius saniosus, Hebeloma pallidoluctuosum, Inocybe agardhii, I. curvipes, I. flavella fo. roseipes, I. lanuginosa, I. paludinella, I. squarrosa, Lactarius lacunarum, Pholiota gummosa, Xerocomus ripariellus

Valeur biologique

Avec 38 espèces végétales caractéristiques dont 22 inscrites sur la Liste Rouge régionale, l’habitat possède une très haute valeur patrimoniale sur le plan floristique : c’est dans cet habitat par exemple que se localisent la seule station régionale de Renoncule nodiflore Ranunculus nodiflorus, taxon inscrit au Livre Rouge National, les 2 stations du Poitou-Charentes de Linaire à vrilles Kickxia cirrhosa, Scrophulariacée méditerranéenne en aire disjointe, ou encore les seules localités pour la Laîche de Bohême Carex bohemica, Cypéracée continentale atteignant sa limite d’aire occidentale dans notre région. Son caractère éphémère et fugace le rend en revanche peu attractif pour la faune.

Menaces

Du fait de sa nature très ponctuelle, le sort de cet habitat est lié le plus souvent à celui des complexes écologiques auxquels il s’intègre : étangs et leurs rives, landes calcifuges, dépressions arrière-dunaires. Sa localisation fréquente en périphérie de plans d’eau utilisés pour des activités de loisirs ou de pêche l’expose notamment à diverses menaces : stabilisation du plan d’eau, eutrophisation des eaux, surpiétinement, artificialisation des rives. La fermeture de milieux autrefois exploités et aujourd’hui abandonnés signifie la disparition de biotopes où l’habitat pouvait s’implanter. Le développement de la sylviculture intensive du Pin maritime a eu en revanche un impact favorable sur l’habitat par la multiplication des pare-feux régulièrement entretenus où de nombreuses espèces caractéristiques peuvent s’observer (l’exemplaire le plus riche de l’habitat au niveau régional se trouve dans un pare-feu sablonneux isolant une voie ferrée d’une grande zone de landes).

Statut régional

Habitat très disséminé, présent surtout dans les régions d’étangs et sur les substrats géologiques favorables (dépôts sableux tertiaires, socle granitique) : partie armoricaine de 79, Double charentaise, sud-est de la Vienne, est Charente.

De nombreux sites abritant des échantillons riches ou représentatifs de l’habitat ont été intégrés et décrits dans les inventaires du patrimoine naturel récents (ZNIEFF, NATURA 2000) auxquels on se reportera pour plus de détails.

16 : landes de la Double, Confolentais

17 : landes de Cadeuil, landes de Montendre, lèdes d’Oléron

86 : étangs et landes du Montmorillonnais

79 : mares et étangs de la partie armoricaine

 

Tourbières bombées à sphaignes

Rédacteur : Guy Chezeau

Physionomie – écologie

Par définition, une tourbière est un milieu humide au sein duquel se développe une végétation constituée de sphaignes, c’est-à-dire de mousses dont la partie aérienne supérieure poursuit son développement tandis que la partie inférieure dans l’eau se décompose incomplètement par anaérobiose pour donner la tourbe.
Le milieu aquatique est acide avec un pH compris entre 3,5 et 5, il est oligotrophe, uniquement alimenté par les eaux très faiblement minéralisées de la nappe superficielle affleurante ou par les pluies et la tourbière est alors dite ombrotrophe.

Si on se réfère aux cartes des Cahiers d’habitats édités par le ministère de l’écologie, la région Poitou-Charentes est vierge de tourbières bombées actives. L’ouvrage très complet édité chez
Delachaux et Niestlé en 2006 intitulé « Le monde des tourbières et des marais de France… » recense de manière très précise l’ensemble des tourbières connues sur le territoire national. On constate que le Poitou-Charentes ne retient que deux sites : la tourbière alcaline du Bourdet (79) et une microtourbière acide sur la RNN du Pinail (86). Il est donc permis de s’interroger sur le bien fondé qu’il y a à retenir ce type d’habitat pour la région.
Dans le sud de la Charente-Maritime, le substrat acide, imperméable est constitué par les sables et argiles appartenant au sidérolithique. Il s’agit de dépôts détritiques ferrugineux du début de l’ère tertiaire (Eocène) résultant du démantèlement par l’érosion des massifs et reliefs formés au cours de l’orogenèse pyrénéenne. On les rencontre en placages plus ou moins épais sur les calcaires karstifiés du secondaire où ils donnent « la Double saintongeaise ». S’y développent des landes sèches et des landes tourbeuses, les tourbières « vraies » y sont par contre rarissimes. En Charente limousine, il est également possible de retrouver le même milieu.
Une pluviosité assez mal répartie sur l’année avec une période estivale nettement déficitaire, associée à des températures soumises à des écarts faibles, y ont cependant permis l’installation de communautés dites des hauts-marais atlantiques abritant un certain nombre d’espèces caractéristiques des régions occidentales comme le Narthécie ossifrage, la Bruyère à quatre angles, le Rhynchospore brun ou le Rossolis à feuilles rondes. On les considèrera comme des tourbières relictuelles.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Alliance Oxycocco palustris-Ericion tetralicis Nordhagen ex Tüxen 1937
Tourbières hautes atlantiques

COR 1991

51.1 Tourbières hautes à peu près naturelles
51.2 Tourbières à Molinie bleue

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

7110* Végétation des tourbières hautes actives
7120 Tourbières hautes dégradées encore susceptibles de régénération naturelle

Confusions possibles

Cet habitat est très complexe car il présente plusieurs « sous-habitats » généralement étroitement imbriqués en mosaïque. Ainsi, s’’il est possible sans grande difficulté de distinguer la végétation des buttes de sphaignes, les sous-habitats constitués par les chenaux, les mares ou encore les prés-bois tourbeux sont plus délicats à définir d’autant qu’ils apparaissent dans la nomenclature du code CORINE sous des appellations différentes de celles des tourbières.
Les confusions sont alors possibles avec :

  • les landes tourbeuses, particulièrement bien représentées dans la Double Saintongeaise ;
    – les tourbières hautes dégradées.
    Bien entendu, on évitera également les confusions avec les tourbières alcalines au sein desquelles les sphaignes sont toujours absentes.

Dynamique

La végétation des tourbières hautes actives se caractérise en premier lieu par la présence de buttes de Sphaignes ombrothrophes. C’est l’élément typique de ces milieux que l’on peut considérer comme le stade optimum de la dynamique de la végétation des hauts-marais. Le déficit pluviométrique estival que l’on rencontre dans le Poitou-Charentes freine de toute évidence le développement de ces buttes de sphaignes en les asséchant. Ces buttes dérivent généralement de l’évolution dynamique progressive de stades de végétation antérieurs, aquatiques ou hygrophiles, et évoluent généralement elles-mêmes vers des stades moins hygrophiles selon une dynamique d’assèchement et de minéralisation pouvant conduire, à terme, à ce que cessent les processus d’élaboration et d’accumulation de la tourbe (turfigènèse). Peuvent apparaitre alors des chaméphytes entrainant le développement de landes puis de pré-bois.

Espèces indicatrices

[plante2] *Carex echinata, *Carex rostrata, *Drosera intermedia, *Drosera rotundifolia, Erica tetralix, *Eriophorum angustifolium, *Menyanthes trifoliata, *Myrica gale, *Narthecium ossifragum, *Potentilla palustris, *Rhynchospora alba, *Rhynchospora fusca, *Sparganium minimum, *Trichophorum cespitosum
[plante1] Calluna vulgaris, Erica ciliaris, Frangula alnus, Molinia caerulea, Ulex minor, *Utricularia intermedia, *Utricularia minor, *Wahlenbergia hederacea
[briophytes] Aulacomnium palustre, Cephalozia connivens, Dicranum bonjeani, Kurzia pauciflora, Odontoschisma sphagni, Polytrichum commune, Sphagnum capillifolium, Sphagnum palustre, Sphagnum subnitens
[champignons] Cortinarius palustris, Hypholoma udum
[lepidopteres] Coenonympha oedippus, Heteropterus morpheus
[odonates] Ceriagrion tenellum, Orthetrum caerulescens, Somatochlora flavomaculata, Somatochlora metallica

Valeur biologique

Cet habitat possède une très grande valeur patrimoniale, notamment lorsqu’il se trouve dans ses formes typiques au sein des hauts-marais ombrotrophes. Les tourbières hautes actives constituent de véritables reliques postglaciaires qui ne se trouvent cantonnées sous nos latitudes qu’en de rarissimes secteurs où elles trouvent leurs derniers refuges. Des espèces végétales comme les Rossolis (ou Drosera), les 2 rhynchospores (Rhynchospora) ou le rare papillon Fadet des laiches Coenonympha oedippus – espèce de l’annexe II de la Directive habitats – bénéficient de protections réglementaires. Les tourbières accueillent un certain nombre d’autres espèces d’invertébrés ou de vertébrés dont la dépendance vis-à-vis de ces milieux est plus ou moins forte.

Menaces

L’intensification de l’agriculture et le développement de la sylviculture constituent les premières menaces qui pèsent sur les tourbières. En effet dans les deux cas, on pratique d’abord un drainage ayant pour effet d’abaisser la nappe superficielle. Le creusement et l’aménagement d’un plan d’eau avec des objectifs aussi divers que celui de la réalisation d’une réserve DFCI (défense contre l’incendie) ou celui d’un lac à vocation touristique ont les mêmes effets entrainant à plus ou moins brève échéance la disparition de la tourbière. Il en est de même lorsqu’on modifie la qualité des eaux en amont (apports de pesticides, minéralisation, modification du pH…..). La principale tourbière de Charente-Maritime, à côté de Montendre, a ainsi beaucoup souffert des aménagements touristiques réalisés en bordure de l’étang où elle se trouve. Une petite tourbière, située sur la commune de Cercoux (17), a échappé de peu, il y a quelques années, à sa disparition, à la suite d’un aménagement d’une retenue DFCI.
L’exploitation de la tourbe ne semble plus être d’actualité, mais il reste nécessaire de se montrer vigilant.

Statut régional

Habitat rarissime et toujours fragmentaire en région Poitou-Charentes.

16 : micro-tourbières des landes de la Borderie en Charente limousine (commune de Montrollet)
17 : tourbière de l’étang Baron Desqueyroux (Montendre)
86 : micro-tourbière au sein de la RN du Pinail.

Les rhynchospores sont des Cypéracées très rares en région Poitou-Charentes, en général liés aux complexes de tourbières acides et de landes tourbeuses

 

Mégaphorbiaie marécageuse

Rédacteur : Anthony Le Fouler

Physionomie -écologie

Il s’agit d’une formation herbacée naturelle à dominance de dicotylédones à larges feuilles et à inflorescences vives. Cette végétation inféodée aux zones humides atteint souvent plus d’un mètre de hauteur, avec un recouvrement important d’un petit nombre d’espèces. Elle se développe sur la partie supérieure des berges des cours d’eau, en lisière de forêts humides, dans les prairies hygrophiles en absence d’actions anthropiques et parfois dans les peupleraies à gestion extensive. La taille et la forme de cet habitat varient donc du linéaire sur de courtes distances à de grandes étendues spatiales. Les plantes caractéristiques des mégaphorbiaies sont pour la plupart des dicotylédones sociales très dynamiques. Elles colonisent avec vigueur les milieux humides dès leur abandon, et ce, particulièrement en situation exposée à la lumière (après une coupe par ex.) et sur des sols engorgés une grande partie de l’année. Cette végétation s’épanouit à partir de juin sur des sols profonds, enrichis annuellement par les débris des pousses de l’année. Les inondations occasionnelles apportent également des limons et de la matière organique. La production de biomasse dans ces milieux est souvent très importante. Malgré cette richesse en matières nutritives, les sols restent relativement pauvres en azote (milieu mésotrophe).

La flore des mégaphorbiaies marécageuses est relativement peu diversifiée, le fort pouvoir colonisateur des quelques plantes dominantes rendant ce milieu défavorable aux plantes de plus petite taille. Néanmoins, selon la nature et l’acidité du sol, cet habitat présente une certaine diversité en termes de composition floristique. Sur les sols alcalins, trois associations sont présentes dans la région. La mégaphorbiaie à Epilobe hirsute et Prêle géante (EPILOBIO HIRSUTI-EQUISETETUM TELMATEIAE) se rencontre en situation pionnière sur des substrats à texture très fine, surtout de type marneux, sur des sols frais à humides, voire suintants. La mégaphorbiaie à Grand Pigamon et Guimauve officinale (THALICTRO FLAVI-ALTHAEAETUM OFFICINALIS), est plutôt liée aux substrats limoneux des grandes vallées. La troisième association, d’influence thermo-atlantique, occupe les petites vallées des zones calcaires (EUPHORBIO VILLOSAE-FILIPENDULETUM ULMARIAE). Une mégaphorbiaie marécageuse liée aux sols acidiclines, le JUNCO ACUTIFLORI-FILIPENDULETUM ULMARIAE, se rencontre préférentiellement sur la zone armoricaine du département des Deux-Sèvres et présente une composition floristique différente, dominée par la Reine des près Filipendula ulmaria, le Jonc acutiflore Juncus acutiflorus et l’Oenanthe safranée Oenanthe crocata.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

FILIPENDULO ULMARIAE – CONVOLVULETEA SEPIUM Géhu & Géhu-Frank 1987

  • Filipenduletalia umariae de Foucault & Géhu : communautés mésotrophes des dépressions sujettes à inondation phréatique, sur sol riche en matière organique
    • Thalictro-Filipendulion ulmariae B. Foucault 1984

COR 1991

  • 37.1 Peuplements de Reine des prés et communautés associées

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 6430 Mégaphorbiaies hydrophiles d’ourlets planitiaires et des étages montagnard et alpin
    • 6430-1 Mégaphorbiaies mésotrophes collinéennes

Confusions possibles

Cet habitat peut être confondu avec les mégaphorbiaies eutrophes des eaux douces et les lisières forestières nitrophiles, des communautés végétales plutôt dominées par des espèces nitrophiles comme l’Ortie Urtica dioica et le Liseron des haies Calystegia sepium (37.7 – Lisières humides à grandes herbes). La végétation des mégaphorbiaies marécageuses est souvent en mélange avec celle des magnocaricaies. Le mode de pollinisation des plantes de ces deux habitats diffère et constitue donc un moyen de les distinguer : entomogamie (propagation des pollens par les insectes butineurs) pour les mégaphorbiaies et anémogamie (propagation des pollens par le vent) pour les magnocaricaies. Il existe également une difficulté de caractérisation de l’habitat lorsque celui-ci se présente sous la forme intermédiaire entre une prairie humide récemment abandonnée et la mégaphorbiaie. Ce cas de figure peut parfois être rattaché au Calthion palustris (37.25 – Prairies humides de transition à hautes herbes). De manière générale, une mégaphorbiaie marécageuse ne présente pas ou très peu de graminées prairiales.

Dynamique

Les mégaphorbiaies sont des communautés transitoires qui s’inscrivent dans une dynamique de boisements humides. En conditions défavorables, les plantes de cet habitat se maintiennent dans des refuges : en lisières forestières, sur les chemins ou encore disséminées dans les prairies. La mégaphorbiaie débute sa reformation dès l’abandon des activités pastorales sur les prairies humides ou lors de la destruction de forêts riveraines due aux crues ou aux coupes forestières. Dans de bonnes conditions de luminosité et d’hygrométrie, des plantes vigoureuses colonisent alors rapidement le milieu perturbé ou délaissé. Les espèces prairiales et forestières sont rapidement exclues du cortège. Dans une dynamique naturelle, la mégaphorbiaie va être peu à peu colonisée par des espèces arbustives capables de supporter les contraintes hydriques du sol (saules, Bourdaine, Viorne obier, Nerprun purgatif). Ces fourrés marécageux vont quant à eux évoluer jusqu’à un stade forestier mature : chênaie-frênaie-ormaie ou aulnaie-frênaie.

Espèces indicatrices

[plante2] *Aconitum lycoctonum, *Aconitum napellus, Althaea officinalis, Angelica sylvestris, Epilobium hirsutum, Equisetum telmateia, Eupatorium cannabinum, *Euphorbia palustris, Euphorbia villosa, Filipendula ulmaria, *Lathyrus palustris, Lysimachia vulgaris, Lythrum salicaria, Oenanthe crocata, *Petasites hybridus, Stachys palustris, Symphytum officinale, Thalictrum flavum
[plante1] Achillea ptarmica, Caltha palustris, Cardamine pratensis, Equisetum palustre, Iris pseudacorus, Juncus acutiflorus, Juncus effusus, Heracleum sphondylium, Lychnis flos-cuculi, Lysimachia nummularia, Mentha aquatica, Phalaris arundinacea, Polygonum amphibium, Polygonum bistorta, Ranunculus acris, Ranunculus flammula, Ranunculus repens, Rumex acetosa, Urtica dioica
[briophytes] Amblystegium riparium, Calliergonella cuspidata, Drepanocladus aduncus, Eurhynchium hians, Eurhynchium stokesii
[mammiferes] Arvicola sapidus, Lutra Lutra, Micromys minutus, Mustela lutreola
[reptiles] Natrix maura, Natrix natrix
[oiseaux] Acrocephalus scirpaceus, Cisticola juncidis, Locustella lucinioides
[lepidopteres] Aglais urticae, Araschnia levana, Proserpinus proserpina, Thersamolycaena dispar
[orthopteres] Conocephalus discolor, Conocephalus dorsalis, Mecostethus parapleurus, Metrioptera roeseli, Paracinema tricolor, Stetophyma grossum
[mollusques] Helix pomatia, Hygromia limbata, Succinea putris, Vertigo antivertigo, Vertigo moulinsiana
[coleopteres] Oplia caerulea

Valeur biologique

Les plantes des mégaphorbiaies, vigoureuses et à feuillage dense, forment souvent des groupements végétaux peu diversifiés, avec une nette dominance d’un petit nombre d’espèces. Bien que cet habitat présente une diversité floristique modeste, il héberge potentiellement quelques plantes rares qui lui sont plus ou moins inféodées : Euphorbe des marais Euphorbia palustris, Gesse des marais Lathyrus palustris ou Aconit napel Aconitum napellus, cette dernière très rare et connue d’une unique localité du centre-est de la Charente. Sa capacité d’accueil pour la faune invertébrée est également remarquable : les espèces végétales constitutives, avec leur floraison abondante et leur production élevée, sont une ressource alimentaire essentielle pour les insectes pollinisateurs et phytophages. Leur présence entraîne par la suite celle des insectivores (oiseaux, micromammifères) et des prédateurs associés (Couleuvre à collier, Couleuvre vipérine). Les mégaphorbiaies jouent également un rôle non négligeable dans l’épuration des eaux.

Menaces

La mégaphorbiaie marécageuse est un milieu naturel. Donc, toutes activités agropastorales (fauche, pâturage,…) sont considérées comme des causes de dégradation, voire de destruction de l’habitat. Or, l’exploitant agricole est plus souvent tenté d’agir sur ses prairies à hautes herbes, compte tenu de leur très faible valeur fourragère. La mégaphorbiaie est également un milieu humide. Ainsi, toutes modifications du régime hydraulique des vallées et terrasses alluviales concourent à leur disparition (réduction des inondations du lit majeur, drainage des prairies, endiguement des cours d’eau,…). L’eutrophisation de l’eau (liée à des pollutions diverses) peut conduire au passage à des types de mégaphorbiaies eutrophes. Cette tendance est observée sur de nombreuses rivières du fait des multiples rejets : agricoles (engrais), domestiques (eaux usées non traitées) ou industriels. Même si certaines mégaphorbiaies peuvent se maintenir dans les peupleraies, la plupart du temps, ces dernières sont exploitées de manière intensive (recours aux produits chimiques pour la maîtrise de la végétation herbacée et semis trop denses des peupliers diminuant ainsi l’éclairage favorable aux plantes héliophiles). Les mégaphorbiaies riveraines peuvent enfin être victimes de l’envahissement par des plantes exotiques qui utilisent les vallées comme couloirs de dispersion et peuvent supplanter les espèces indigènes : la Balsamine de l’Himalaya Impatiens glandulifera et la Renouée du Japon Reynoutria japonica sont de ce point de vue les espèces les plus agressives ; elles sont maintenant bien implantées dans le bassin de la Vienne et dans le nord des Deux-Sèvres, notamment. En conséquence, les mégaphorbiaies marécageuses sont en nette régression, et ce particulièrement dans les zones d’agriculture intensive où les prairies sont surexploitées, asséchées ou peu à peu transformées en cultures. Seules les zones humides en déprise agricole, comme localement dans la Venise Verte (79), voient leur surface de mégaphorbiaies s’étendre, mais si, et seulement si, celles-ci ne font pas l’objet – comme c’est souvent le cas – d’une valorisation économique par la plantation de peupliers.

Statut régional

L’habitat est dispersé sur l’ensemble du territoire concerné, notamment le long des principaux cours d’eau :

16 : Charente, Antenne, Tardoire, Né, Echelle, Boëme, Tude, Lizonne

17 : Charente, Boutonne, Antenne, Seugne, Lary, Palais

79 : Argenton, Thouet, Thouaret, Sèvre niortaise, Dive, Autize

86 : Vienne, Clain, Gartempe, Clouère, Vonne, Boivre, Auxances, Salleron

 

Dépressions sur substrat tourbeux

Rédacteur : Pierre Plat

Physionomie-écologie

Les communautés à Rhynchospora alba, pionnières, se développent sur des zones de sol nu au sein des landes humides ou des sources suintantes, sur sols acides. Elles sont généralement imbriquées dans une mosaïque complexe d’habitats où elles profitent des zones décapées naturellement par le ruissellement ou artificiellement par le passage d’animaux (sentiers, abreuvoirs…), voire par un étrépage intentionnel à but conservatoire.

La végétation présente l’aspect d’une pelouse hygrophile rase, plus ou moins ouverte, où les phanérogames sont souvent mêlées d’algues et de bryophytes. La présence de plusieurs plantes carnivores (genres Drosera et Pinguicula) est remarquable, de même que celle de petites Cypéracées du genre Rhynchospora, qui trouvent dans cet habitat leur biotope exclusif.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF2004

SCHEUCHZERIO PALUSTRIS-CARICETEA FUSCAE Tüxen 1937

  • SCHEUCHZERIETALIA PALUSTRIS NORDH. 1936
    • Rhynchosporion albae W.Koch 1926 : communautés des gouilles des tourbières de transition

CORINE 1991

  • 54.6 Communautés à Rhynchospora alba (RHYNCHOSPORION ALBAE)

Directive Habitats 1992

7150 Dépressions sur substrat tourbeux du Rhynchosporion

Confusions possibles

L’identification est relativement facile par la présence de plages de sol nu, détrempé, et par l’abondance de certaines espèces comme
les rhynchospores et les droséras.

Dynamique

Dans la plupart des cas, les surfaces sont réduites et quand les conditions d’hydromorphie changent (drainage, sylviculture) l’envahissement par des plantes plus compétitives (bruyères, laîches, bouleaux, molinie, pins, saules, ronces) est rapide. Une dynamique régressive est également possible par une surfréquentation régulière des grands mammifères (piétinement, bauges…).

Espèces indicatrices

[plante2] Anagallis tenella, *Carex echinata, Carex laevigata, *Drosera intermedia, *Drosera rotundifolia, Epilobium obscurum, *Eriophorum angustifolium, Hypericum helodes, *Lycopodiella inundata, Myosotis secunda, *Pinguicula lusitanica, Potamogeton polygonifolius, *Rhynchospora alba, *Rhynchospora fusca
[plante1] Carex demissa, Carex hostiana, Carex pulicaris, Coeloglossum viride, Erica tetralix, Hydrocotyle vulgaris, Isolepis setacea, Juncus acutiflorus, Juncus bulbosus, Molinia caerulea, Orchis laxiflora
[briophytes] Aulacomnium palustre, Campylium polygamum, Sphagnum palustre, Sphagnum subnitens, Sphagnum subsecundum
[orthopteres] Pteronemobius heydenii
[arachnides] Dolomedes fimbriatus

Valeur biologique

Cet habitat naturel est extrêmement rare et menacé à l’échelle régionale, ainsi qu’au niveau national et européen (inscrit à l’Annexe I de la Directive habitats). Il est souvent associé à d’autres habitats humides et sert de refuge pour des espèces végétales et animales originales souvent rares et menacées à l’échelle régionale et nationale, et bénéficiant parfois d’un statut de protection. Cet habitat et les espèces associées font partie de la biodiversité remarquable de la région Poitou-Charentes.

Menaces

Cet habitat, comme les tourbières de transition, a connu un important déclin au cours du XXème siècle. Certaines parcelles inscrites, il y a trente ans, à l’inventaire des ZNIEFF du Poitou-Charentes ont aujourd’hui disparu, le plus souvent victimes d’une forme ou l’autre de mise en valeur économique (drainage, remblai, création d’étang…).

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, cet habitat est très rare et n’occupe que de très faibles surfaces.

16 : landes de la Double charentaise

17 : landes de Montendre, landes de Cadeuil

79 : apparemment absent (les espèces indicatrices de l’habitat ne sont pas connues de ce département)

86 : source diffuses (appelées « pâtis ») sur la bordure limousine, rives d’étangs du Montmorillonnais

La Rhynchospore blanche Rhynchospora alba et la Rhynchospore brune Rhynchospora fusca forment les 2 seules espèces du genre présentes en France ; en Poitou-Charentes, ce sont 2 espèces extrêmement rares, strictement localisées aux dépressions tourbeuses.

 

Tourbières de transition

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie-écologie

Les tourbières de transition sont des habitats qui occupent les dépressions humides. Elles sont alors alimentées par les eaux de la nappe phréatique (soligènes) et par les eaux de pluie (ombrogènes). Les eaux de pluies très peu minéralisées confèrent au milieu des conditions de pH plutôt acides. Cet habitat se développe donc dans des conditions intermédiaires entre oligotrophie et mésotrophie, acides à neutres (entre pH 4,5 et pH 7,5). Les tourbières de transition se rencontrent donc, soit sur des milieux terrestres mais toujours engorgés en eau formant des pelouses ou gazons tremblants, soit à la surface des eaux stagnantes telles que les mares ou les étangs alimentés par les eaux de pluie ou par une nappe perchée, soit en contexte de pente sur des affleurement argileux (plus rare). Les tourbières alcalines peuvent aussi s’acidifier localement lorsque l’eau collectée en surface est principalement d’origine météorique. Les tourbières de transition occupent alors des superficies variables, de quelques dizaine de cm², en mosaïque ou en périphérie des mares, avec des superficies beaucoup plus grandes dans le cas de radeaux. La végétation dominée par les sphaignes forme des bombement ou des buttes en mélange avec des cypéracées de petite à moyenne taille, constituant ainsi des pelouses ou gazons tremblants sur milieux terrestres et des radeaux ou tremblants lorsque les cariçaies de transition se développent à même la surface de l’eau. Cette accumulation de sphaignes permet une formation active de tourbe suite à la décomposition partielle de ces bryophytes. Cet habitat peut présenter un micro-relief assez varié avec des alternances de buttes de sphaignes perchées au dessus de la nappe d’eau généralement éloignées du front de colonisation, de gouilles et de fossés plus profonds, de secteurs de terre nue et de secteurs colonisés par les ligneux.

On peut rencontrer diverses communautés en fonction du stade d’évolution et de la profondeur de la lame d’eau :

  • les radeaux ou tremblants à Trèfle d’eau Menyanthes trifoliata et Potentille des marais Potentilla palustris. Il s’agit d’une formation pionnière intermédiaire entre les habitats aquatiques à potamots et les habitats terrestres de prairies à Juncus acutiflorus et Molinia caerulea ;
  • les radeaux de sphaignes en mélange avec la Linaigrette à feuilles étroites (Eriophorum angustifolium), flottant sur les mares permanentes. Les droséras peuvent être abondantes au sein de cet habitat. Ce stade succède généralement à la déclinaison précédente.

Phytosociologie et correspondances

PVF2004

SCHEUCHZERIO PALUSTRIS-CARICETEA FUSCAE Tüxen 1937

  • SCHEUCHZERIETALIA PALUSTRIS NORDH. 1936

    Caricion lasiocarpae Vanden Berghen 1949 : communautés des tourbières de transition, souvent sur radeaux et tremblants

CORINE 1991

  • 54.58 Radeaux de sphaignes et d’Eriophorum angustifolium flottants sur les mares permanentes
  • 54.59 Radeaux à Menyanthes trifoliata et Potentilla palustris

Directive Habitats 1992

  • 7140-1 Tourbières de transition et tremblants

Confusions possibles

Malgré une identification rendue relativement facile par la présence abondante de certaines espèces, notamment de laîches, des confusions restent possibles.

En relation dynamique et spatiale parfois étroite avec la végétation des bas-marais et des tourbières hautes actives dont certaines espèces caractéristiques se retrouvent dans le groupement, cet habitat peut être parfois confondu avec ces derniers. Par ailleurs, les tourbières de transition, à l’interface entre les milieux aquatiques et les milieux terrestres, présentent des caractéristiques intermédiaires pouvant troubler l’analyse du cortège.

Dynamique

La dynamique va dépendre de la situation initiale et du milieu dans lequel l’habitat s’installe.

Les tourbières de transition se développant au sein de bas-marais neutro-basophiles vont s’installer en mosaïque par taches de petites superficies. L’évolution progressive de l’habitat est liée à une alimentation en eau qui est majoritairement d’origine météorique (pluie). Cette eau pauvre en minéraux va favoriser l’apparition d’espèces acidiclines et modifier la composition des bryophytes. Les sphaignes oligotrophes, ou plus rarement mésotrophes, vont progressivement s’organiser en tapis serrés et vont finalement former des bombements ou des buttes. Il s’agit des prémices de l’évolution de cet habitat vers les haut-marais actifs acides.

Lorsque les tourbières de transition se développent au sein de bas-marais acides, l’évolution sera identique mais moins marquée puisque les espèces acidophiles sont déjà présentes.

Les tourbières de transition en voie de colonisation des eaux stagnantes (mares et étangs) vont être à l’origine du phénomène d’atterrissement. Les radeaux ou tremblants à sphaignes, laîches et autres espèces associées, évoluent progressivement vers le centre de la mare. Le tapis de sphaignes va s’épaissir de plus en plus et s’élever par rapport au niveau d’eau de la mare. Cet habitat va donc progressivement s’affranchir de l’alimentation en eau en provenance de la mare, progressivement remplacée par les eaux de pluie. La formation de ces bombements va conduire à l’acidification du milieu, favorable aux groupements des hauts-marais actifs acides. Ces buttes à sphaignes vont peu à peu se rejoindre et former un tapis de grande superficie.

Au sein des stations les moins hygrophiles, le boisement est possible mais généralement lent. Il se compose de bouleaux (Betula pubescens, Betula pendula), de saules et d’Aulne glutineux dans les communautés acidiphiles, et de saules, d’aulne et de bourdaine dans les communautés baso-neutrophiles.

Une dynamique régressive est possible notamment du fait de la fréquentation régulière des grands mammifères (piétinement, bauges, …).

Espèces indicatrices

[plante2] Anagallis tenella, *Carex curta, *Carex echinata, *Carex lasiocarpa, *Carex rostrata, *Drosera rotundifolia, Equisetum fluviatile, *Eriophorum angustifolium, *Lycopodiella inundata, *Menyanthes trifoliata, *Potentilla palustris, *Rhynchospora alba, *Viola palustris
[plante1] *Betula pubescens, Epilobium palustre, Hypericum helodes, Juncus acutiflorus, Juncus bulbosus,*Spiranthes aestivalis, thelypteris palustris
[odonates] Ceriagrion tenellum, Leucorrhina caudalis, Leucorrhina pectoralis, Orthetrum coerulescens, Pyrrhosoma nymphula
[lepidopteres] Coenonympha oedipus

Valeur biologique

Cet habitat naturel de zones humides tourbeuses est extrêmement rare et menacé à l’échelle de notre région, de même qu’au niveau national et européen (inscrit à l’Annexe I de la Directive Habitats). Il est souvent associé à d’autres habitats de tourbière, eux aussi d’une grande valeur patrimoniale et en grande raréfaction. Les tourbières de transition sous forme de radeaux au sein des mares sont des formations végétales très originales qui présentent des caractéristiques intermédiaires entre habitats terrestres et aquatiques. Elles sont un habitat pour des espèces végétales et animales originales souvent rares et menacées à l’échelle régionale et nationale et bénéficiant parfois d’un statut de protection. Cet habitat et les espèces associées font partie de la biodiversité remarquable de la région Poitou-Charentes.

Menaces

Cet habitat a connu un important déclin au cours du XXème siècle.
Tout ce qui porte atteinte à la qualité, la quantité d’eau et à l’écoulement naturel des eaux, est néfaste à sa conservation. C’est ainsi que les modifications des pratiques agricoles liées à leur intensification, les opérations de drainage (assèchement, altération de la qualité de l’eau), l’épandage d’engrais et de produits phytosanitaires (eutrophisation), le comblement par des remblais, les modifications du fonctionnement hydrologique des cours d’eau (canalisation, barrage…) ont conduit à la destruction et la raréfaction de ces habitats tourbeux.

Certaines tourbières de transition et les habitats tourbeux associés ont été aussi directement détruits dans le cadre d’hypothétiques valorisations économiques de ces surfaces (mise en culture, boisement, enrésinement…).

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, ce type de milieu est très rare et n’occupe que de très faibles surfaces. Il semble absent des Deux-Sèvres.

16 : Butte de Frochet (limite 87), étangs des environs de Brigueuil et de Montrollet, Double Charentaise

17 : Landes de Montendre, landes de Cadeuil

79 : pas de données

86 : Etangs et mares du Montmorillonais, mares de la RN du Pinail

 

Parvo-cariçaies neutro-basiclines (bas-marais alcalins)

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie – écologie

Les bas-marais alcalins sont liés à une importante alimentation du sol en eau chargée en calcaire, pouvant être méso à oligotrophe et de pH compris entre 6 et 8. Ils sont localisés principalement au sein d’argiles plaquées sur les roches calcaires où le niveau des nappes se maintient toujours relativement proche de la surface du sol malgré de possibles variations saisonnières et se développent sur des substrats divers, le plus souvent humiques ou holorganiques (tourbe à pleurocarpes). L’hydromorphie du sol bloque les processus biologiques d’humification et forme ainsi une sorte d’humus inachevé. Ces conditions édaphiques particulières sont rendues possibles dès lors que la pluviométrie, ou les eaux de ruissellement (liées à la topographie du site), deviennent supérieures à l’évapotranspiration. Or, en région Poitou-Charentes les précipitations sont relativement modérées et seule la topographie va pouvoir conditionner la présence de tourbières alcalines. Ces dernières ne se rencontrent donc qu’à la faveur de sources et de suintements au sein des pentes calcicoles (tourbières soligènes), de dépressions (proches du niveau d’eau des nappes aquifères souterraines) sur sols calcaires ou subissant des influences calcaires par les eaux de ruissellement ou encore et enfin au niveau des marges régulièrement inondées de certaines rivières (tourbières de fond de vallée ou fluviogènes).

Cinq associations végétales, apparentées aux bas-marais alcalins (appartenant à l’alliance Hydrocotylo vulgaris – Schoenion nigricantis) s’observent en Poitou-Charentes. Elles représentent chacune, des stades évolutifs différents, avec une physionomie qui les distingue les unes des autres.

En milieu ouvert, se développent des groupements de petites plantes basses essentiellement non graminiformes telles que Anagallis tenella, Parnassia palustris, Eleocharis quinqueflora (COR 54.2G, Anagallido tenellae-Eleocharetum quinqueflorae, Junco subnodulosi-Pinguiculetum lusitanicae sur tourbes neutro-acidiphiles dénudées).

Le cortège des stades pionniers laisse peu à peu la place au stade optimal des tourbières alcalines où les strates herbacées (Schoenus nigricans) et muscinales sont denses (COR 54.21, Cirsio dissecti-Schoenetum nigricantis ) ou, sur les sols faiblement tourbeux, à des prés tourbeux dominés par le Jonc noueux (Juncus subnodulosus) (COR 54.21, Hydrocotylo vulgaris-Juncetum subnodulosi ).

Il se forme parfois un épais tapis de bryophytes hypnacées, constituant ainsi un bombement sur lesquels on peut rencontrer quelques espèces caractéristiques de ce type de tourbière telles que Schoenoplectus tabernaemontani.

Lorsque le niveau trophique augmente, certains bas-marais alcalins sont rapidement envahis par de « hautes herbes » telles que Lysimachia vulgaris, Lythrum salicaria, Eupatorium cannabinum ou si le sol est très engorgé en eau, par les hélophytes de roselières hautes tels que Phragmites australis, Typha latifolia ou Cladium mariscus conduisant parfois à des peuplements pauvres en espèces (COR 54.2I, Lathyro palustris-Lysimachietum vulgaris ).

Le groupement optimal des bas-marais alcalin, à Choin noirâtre et mousses Pleurocarpes peut être une végétation très riche en espèces avec une majorité d’hémicryptophytes assorties d’un grand nombre de géophytes tels que les orchidées dont certaines peuvent d’ailleurs aussi se rencontrer au sein du Mesobromion des coteaux calcaires (Gymnadenia odoratissima).

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF2004

MOLINIO CAERULEAE-CARICETALIA DAVALLIANAE Julve 83 em.de Foucault 84

Hydrocotylo-vulgaris-Schoenion nigricantis de Foucault 84 em.Julve 89

Anagallido tenellae-Eleocharetum quinqueflorae, Junco subnodulosi-Pinguiculetum lusitanicae, Cirsio dissecti-Schoenetum nigricantis, Hydrocotylo vulgaris-Juncetum subnodulosi

 

CARICETALIA ELATAE Pignatti 53 apud 54

Caricion rostratae (J.duvigneaud 58) Balatova-Tulackova 63

Lathyro-palustris-Lysimachietum vulgaris

 

CORINE 1991

54.21 Bas-marais à Schoenus nigricans (Hydrocotylo-Schoenion nigricantis)

54.2G Bas-marais à petites espèces non graminoïdes (Anagallis, Parnassia)

54.2I Bas-marais envahis par Eupatorium, Lysimachia vulgaris, Cladium, Phragmites.

Directive Habitats 19927230 Tourbières basses alcalines

Confusions possibles

Lorsque cet habitat se présente sous sa forme caractéristique et que le cortège floristique est bien représenté, les risques de confusion sont relativement faibles.
En revanche lorsque le cortège des bas-marais alcalins est appauvri en espèces caractéristiques et envahi par des espèces d’habitats voisins, des erreurs d’interprétation peuvent être alors commises avec les roselières (COR 53.1), les formations à grandes Laîches (COR 53.2), les marais à Cladium mariscus (COR 53.3, UE 7210), les prairies à joncs (notamment prairies à Joncs noueux COR 37.218) ou encore les prairies humides oligotrophes à Molinie sur calcaire (COR 37.311, UE 6410).

Dynamique

Les groupements végétaux des bas marais alcalins dépendent de plusieurs facteurs abiotiques tels que la nature du sol, le niveau trophique, l’hydromorphie et les fluctuations de la nappe ou encore le pH.

Si la nappe se maintient à proximité de la surface, mais observe des fluctuations saisonnières permettant une certaine oxygénation du sol, le cortège des petites plantes basses essentiellement non graminiformes (COR 54.2G, Anagallido

 

tenellae-Eleocharetum quinqueflorae, Junco subnodulosi-Pinguiculetum lusitanicae sur tourbes neutro-acidiphiles dénudées) des bas marais alcalins subit une dynamique progressive qui le conduit vers une formation végétale à Choin noirâtre Schoenus nigricans où les strates herbacée et muscinale sont denses (tourbière optimale, Cirsio dissecti-Schoenetum nigricantis ).

En absence d’entretien, le groupement d’espèces caractéristiques s’appauvrit au profit de formations ligneuses à Saules Salix sp., Aulne glutineux Alnus glutinosa et Bourdaine Frangula alnus. Parfois le Choin noirâtre Schoenus nigricans forme un peuplement très dense, relativement pauvre en espèces ne permettant pas l’installation de tels ligneux.

Un sol très engorgé et une circulation de l’eau superficielle vont être favorables à l’installation de formations à hélophytes de type caricaie-cladiaie avec des peuplements parfois denses de massettes Typha sp., de Roseau Phragmites australis, de Marisque Cladium mariscus ou de grandes Laîches Carex sp.

La modification de l’hydromorphie du sol, souvent liée aux activités humaines (drainage, plantation de peupleraie, prélèvements dans les eaux de surface et dans les nappes pour l’irrigation…) entraîne un assèchement irrémédiable de la tourbe et le groupement végétal caractéristique évolue alors vers des formations végétales généralement plus pauvres de type prairies tourbeuses à Molinie (COR 37.31, UE 6410, Molinion caerulae ) ou dominées par le Jonc noueux Juncus subnodulosus (COR 54.21, Hydrocotylo vulgaris-Juncetum subnodulosi ).

L’assèchement et l’oxygénation du sol lèvent alors partiellement les conditions bloquantes (encore relativement asphyxiques) qui empêchaient le boisement et conduisent ainsi à une formation de type taillis tourbeux à fougères (COR 44.91, Alnion glutinosae ). Ce type boisement peut aussi succéder à la Cladiaie turficole lorsque les ligneux arrivent à s’y implanter.

L’intensification du drainage du sol entraîne une banalisation des milieux et des espèces encore plus accrue conduisant ainsi progressivement à des formes pauvres de la charmaie-chênaie.

Espèces indicatrices

[plante2] *Carex lasiocarpa, Carex lepidocarpa, *Carex mairei, *Dactylorhiza elata, *Epipactis palustris, *Eleocharis quinqueflora, *Eriophorum latifolium, *Liparis loeseli, *Parnassia palustris, *Pinguicula vulgaris
[plante1] Anagallis tenella, Carex hostiana, Carex panicea, Cirsium tuberosum, Cladium mariscus , *Dactylorhiza incarnata, Gymnadenia conopsea, Hydrocotyle vulgaris, Juncus subnodulosus, Molinia caerulea, Oenanthe lachenali, *Orchis palustris, Schoenoplectus tabernaemontani, Schoenus nigricans
[briophytes] Campylium protensum, Campylium stellatum, Cratoneurion filicinum, Drepanocladus lycopioides
[lepidopteres] *Coenonympha oedippus, *Maculinea teleius
[orthopteres] Conocephalus discolor, Pteronemobius heydenii
[mollusques] Vertigo moulinsiana

Valeur biologique

Il s’agit d’un habitat qui a connu une très forte régression au cours du siècle dernier liée au développement d’un certain nombre d’activités humaines.

La plupart des tourbières de la région ont fait l’objet de mesures d’inventaire (ZNIEFF de type 1 et 2) ou ont été intégrées dans les périmètres des Sites d’Intérêt Communautaire (SIC) du réseau Natura 2000, afin d’essayer de garantir leur conservation, ainsi que celle de leur faune et de leur flore.Les tourbières alcalines à leurs différents stades évolutifs (54.21, 24.2G, 54.2I) présentent un très grand intérêt pour de nombreuses espèces végétales et animales très spécialisées, rares et menacées en Poitou-Charentes ainsi qu’à l’échelle nationale telles que la Grassette commune Pinguicula vulgaris, la Linaigrette à feuilles larges Eriophorum latifolium, le Liparis de Loesel Liparis loeseli, la Laîche de Maire Carex mairei, l’Orchis élevé Dactylorhiza elata, le Scirpe pauciflore Eleocharis quinqueflora, l’Azuré de la Sanguisorbe Maculinea teleius.

Menaces

Les espèces végétales rencontrées dans les tourbières alcalines ont souvent des exigences écologiques très strictes, notamment en ce qui concerne la saturation du sol en eau. Les modifications du fonctionnement écologique de leur habitat sont souvent d’origine anthropique et peuvent s’exercer à l’échelle très localisée de la tourbière elle-même (drainage, plantation…) mais aussi parfois à l’échelle plus vaste d’un territoire ou d’un bassin versant (ponctions importantes d’eau dans les nappes et les rivières en amont de la tourbière). Elles vont entraîner la plupart du temps la disparition irréversible de ces espèces rares.
La tourbe active une fois asséchée ne peut plus se réhydrater car l’eau ne peut plus remonter par capillarité jusqu’à la surface qui se trouve ainsi déconnectée de la nappe qui l’alimentait jadis.
Enfin, si l’exploitation manuelle traditionnelle de la tourbe peut parfois présenter quelques intérêts au niveau floristique (rajeunissement du milieu), son exploitation constitue en revanche une menace sérieuse pour la conservation du milieu (utilisation d’herbicides, assèchement total avant extraction…).

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, ce type de milieu est rare et très disséminé. La plupart du temps présent sur de faibles surfaces, cet habitat se rencontre trop souvent en mauvais état de conservation (relictuel) et dégradé de façon irréversible au profit des activités humaines.

Sites remarquables :

16 : Tourbières de Vendoire (vallée de la Lizonne)
17 : Tourbière de la Châtaigneraie
79 : Tourbière du Bourdet (APPB, Natura 2000 : Marais Poitevin)
86 : Tourbière alcaline Les Régeasses (Montmorillonais), Vallée du Rivau (Pinail)

 

Parvocaricaie acidophile (bas-marais acides)

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie-écologie

Les bas-marais acides sont alimentés par des eaux pauvres en base. Ils se sont développés à la faveur d’écoulements lents et de suintements (bas-marais soligènes), au sein de lieux où la nappe aquifère est affleurante ou au sein de micro-reliefs (cuvettes, fonds de vallées) collecteurs d’eau (bas-marais topogènes). Ils occupent généralement des surfaces plutôt réduites et sont en mosaïque avec d’autres habitats humides acides. Le niveau d’eau est toujours situé à proximité ou au dessus de la surface du sol. Cet engorgement permanent est une condition nécessaire à la formation de la tourbe (matière organique peu décomposée). Les bas-marais acides sont composés de communautés de laîches (Carex echinata, Carex curta, Carex canescens), de joncs (Juncus acutiflorus, Juncus articulatus) et d’une strate muscinale à mousses brunes et sphaignes. Ils sont souvent associés aux prairies humides acidiclines (JUNCO-MOLINON), aux communautés de grandes laîches (MAGNOCARICION) et des roselières (PHRAGMITION).

L’abondance des joncs marque parfois la transition de cet habitat vers les groupements de prairies acidiclines du MOLINION.

La variabilité de cet habitat va être marquée principalement par des variations au niveau de l’abondance d’espèces ou de groupes
d’espèces. Ainsi on peut distinguer des marais acides dominés par :

  • les laîches (COR 54.4221), notamment Carex canescens . La strate des mousses brunes peut être parfois très fragmentaire ;
  • les laîches et les joncs (COR 54.4222), notamment Carex canescens, C. echinata, et Juncus acutiflorus. La strate muscinale de mousses pleurocarpes est présente ;
  • les laîches et sphaignes (COR 54.4223), Eriophorum angustifolium peut être présent en complément des carex cités plus haut. Les sphaignes sont abondantes ;
  • les laîches, joncs et sphaignes (COR 54.4224), Eriophorum angustifolium peut être présent en complément des carex et joncs cités plus hauts. Les sphaignes sont abondantes ;
  • la Linaigrette à feuilles étroites Eriophorum angustifolium (COR 54.46) avec généralement un tapis de sphaignes (notamment Sphagnum cuspidatum).

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF2004

Classe : SCHEUCHZERIO PALUSTRIS-CARICETEA FUSCAE Tüxen 1937

  • CARICETALIA FUSCAE W.Koch 1926
    • Caricion fuscae W.Koch 1926 : communautés sur sol tourbeux à paratourbeux, oligotrophe et peu oxygéné
    • Carici canescentisAgrostietum caninae Tüxen 1937

CORINE 1991

  • 54.42 Tourbières basses à Carex nigra, C. curta, C. echinata
    • 54.422 Bas-marais subatlantiques à Carex nigra, C. curta, C. echinata
      • 54.4221 Bas-marais subatlantiques à Carex (dominés par les laîches)
      • 54.4222 Bas-marais subatlantiques à Carex et Juncus (J. acutiflorus + strate muscinale à Pleurocarpes)
      • 54.4223 Bas-marais acides subatlantiques à Carex et Sphagnum (tourbières à sphaignes avec Carex dominants et Eriophorum angustifolium)
      • 54.4224 Bas-marais subatlantiques à Carex, Juncus et Sphagnum (tourbières à sphaignes avec Carex et Juncus codominants et Eriophorum angustifolium)
  • 54.46 Bas-marais à Eriophorum angustifolium

Directive Habitats 1992

Non concerné

Confusions possibles

Des confusions peuvent être possibles entre les différentes déclinaisons de l’habitat. D’autre part, les bas-marais acides peuvent présenter des faciès de transition vers des habitats associés tels que les prairies humides acides à Molinie, ce qui peut rendre leur identification difficile. Ils occupent généralement des surfaces plutôt réduites et forment des mosaïques avec d’autres habitats humides tourbeux ou paratourbeux qui leur sont parfois très proches.

Dynamique

Dans notre région la pluviosité est plutôt modérée, ce qui ne favorise pas les tourbières ombrogènes dont le développement est généralement centrifuge. Les bas-marais acides sont donc majoritairement topogènes, alimentés par les eaux de ruissellement et connaissent généralement une progression centripète.

Les bas-marais acides sont le résultat d’une très lente évolution du sol et des communautés végétales associées. La tourbe brune, où les végétaux (principalement les sphaignes) sont partiellement décomposés, est le résultat d’environ 2000 ans d’évolution et la tourbe noire, où la matière organique est plus dégradée, est le fruit de plus de 5000 ans d’évolution.

Lorsque les conditions d’hydromorphie du sol s’atténuent, le boisement par les ligneux devient possible. On assiste alors à l’installation de quelques espèces du cortège de l’aulnaie marécageuse et/ou de la lande humide avec Betula pubescens, Salix aurita, Calluna vulgaris, Erica teralix, Thelypteris palustris, Alnus glutinosa

Dans les stades régressifs, c’est-à-dire les zones écorchées, de terre nue, de bas-marais creusés par des fossés ou fosses d’extraction de tourbe, le cortège du RHYNCHOSPORION ALBAE peut réapparaître.

Espèces indicatrices

[plante2] Agrostis canina, Anagallis tenella, *Carex echinata, Carex laevigata, *Carex nigra, Carex viridula oedocarpa, Carum verticillatum, Cirsium dissectum, *Deschampsia setacea, *Epilobium palustre, *Eriophorum angustifolium, Juncus acutiflorus, Lobelia urens, Lotus uliginosus, *Menyanthes trifoliata, *Pedicularis palustris, *Pinguicula lusitanica, Scorzonera humilis, Scutellaria minor, *Viola palustris, *Wahlenbergia hederacea
[plante1] *Carex lasiocarpa, Carex panicea, Carex pulicaris, Dactylorhiza maculata, *Drosera intermedia, *Drosera rotundifolia, Galium uliginosum, Hydrocotyle vulgaris, Juncus articulatus, Molinia caerulea, Ranunculus flammula, *Salix repens, Succisa pratensis, *Valeriana dioica, Veronica scutellata
[odonates] Somatochlora flavomaculata, Sympetrum danae
[lepidopteres] Coenomympha oedipus

Valeur biologique

Les bas-marais acides sont des habitats naturels à très forte valeur patrimoniale régionale, souvent refuge d’espèces végétales et animales rares et menacées à l’échelle régionale, nationale et parfois même européenne. Ils s’intègrent souvent à un complexe d’écosystèmes et d’habitats naturels liés aux zones humides, riches et originaux.

Avec 15 espèces de la Liste Rouge Régionale, les phanérogames sont particulièrement bien représentés ; la plupart sont des espèces de flore « froide » – médio-européennes, continentales ou sub-boréales – qui atteignent souvent leur limite de distribution occidentale sur la marge orientale de la région Poitou-Charentes : Violette des marais Viola palustris, Laîche blanchâtre Carex curta, Laîche noire Carex nigra, Pédiculaire des marais Pedicularis palustris (non revu toutefois de sa dernière localité en Charente depuis le milieu des années 1970)… D’après les données des anciens catalogues floristiques, il semble que la majorité de ces espèces ait connu un important déclin régional qui ne serait pas imputable seulement à la disparition des habitats – bien qu’il s’agisse aussi d’une cause importante – mais probablement aussi à un changement climatique, sensible depuis la fin du XIXème siècle.

Les bryophytes sont généralement abondants et diversifiés, et sont représentés principalement par des mousses pleurocarpes et des sphaignes.

Il s’agit enfin d’un habitat de reproduction ou de chasse pour quelques libellules rares et menacées inféodées aux milieux oligotrophes, telles que la Cordulie à taches jaunes Somatochlora flavomaculata (espèce en danger), ou pour des papillons très raréfiés dans toute l’Europe comme le Fadet des laîches Coenonympha oedipus.

Menaces

Les bas-marais acides, comme la plupart des zones humides et tourbeuses, ont subi un très fort déclin au cours du XXème siècle.
Compte tenu de leur très lente évolution, la destruction de l’habitat paraît irréversible. Les principales menaces à l’origine de sa raréfaction sont l’agriculture (retournement pour la mise en culture, amendements, apport d’engrais et produits phytosanitaires dans les eaux de ruissellement, populiculture, drainage…), les projets de développement des infrastructures ou encore l’urbanisme.

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, ce type de milieu est rare, très disséminé et n’occupe toujours que de très faibles surfaces.

16 : cantons de Confolens, Chabanais, Montemboeuf, Montbron

17 : Double saintongeaise, landes de Cadeuil

79 : partie armoricaine du département

86 : réserve naturelle du Pinail (86), cantons de Montmorillon, de l’Isle-Jourdain

 

Magnocariçaies

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie-écologie

Les communautés de grandes laîches occupent les zones de dépressions humides en bords de cours d’eau ou en queue d’étangs. Elles sont constituées de laîches mesurant généralement plus d’un mètre de hauteur. Cet habitat est très souvent caractérisé par la dominance d’une espèce de Carex social formant, soit une nappe uniforme parfois dense lorsqu’il s’agit de géophytes comme Carex acutiformis ou Carex acuta, soit des ensembles de touradons séparés entre eux par des couloirs, lorsqu’il s’agit d’espèces hémicryptophytes telles que Carex elata ou Carex paniculata. C’est entre les touradons que quelques espèces végétales plus petites peuvent parfois s’exprimer. Dans le cas des cariçaies en nappe uniforme, si le peuplement n’est pas trop dense, d’autres hélophytes peuvent se mélanger aux laîches tels l’Iris des marais, la Reine des prés, la Lysimaque vulgaire ou encore la Salicaire.

Les cariçaies à C. acutiformis, C. riparia et C. acuta occupent les sols plutôt minéraux généralement alcalins, à légèrement acides. La caricaie à Carex acutiformis forme de grandes nappes au bord de nombreux cours d’eau de la région Poitou-Charentes mais peut aussi se rencontrer au sein de prairies humides ou de boisements alluviaux (la plante forme alors souvent de vastes peuplements qui fleurissent peu et s’étendent surtout grâce à leur système de stolons), ou même dans des stations assez éloignées de zones d’inondation régulières.

En Poitou-Charentes, la cariçaie à touradons est composée de deux espèces : sur la bordure limousine, Carex paniculata fréquente surtout les sols organiques près des sources tourbeuses et autour des étangs ; en plaine, Carex elata remplace totalement l’espèce précédente qui se réfugie, cependant, près des sources aux eaux froides.

Lorsque la cariçaie à touradons ne s’est pas encore installée, Carex vesicaria ceinture les rives et queues d’étangs. Les bas-marais acides à sphaignes sont, quant à eux, le domaine de prédilection du Carex rostrata, dans des stations généralement plus oligotrophes que le Carex précédent.

La cariçaie à Carex pseudocyperus se rencontre dans des conditions plutôt mésotrophes, sur des sols vaseux non consolidés (fossés non curés, bords de pièces d’eau à forte dynamique d’atterrissement).

Les magnocaricaies accompagnent aussi parfois d’autres habitats de milieux humides tels que les bas-marais alcalins ou acides, les roselières et communautés de petits hélophytes, les prairies humides et les forêts ripariales (saulaies, aulnaies).

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF2004

  • PHRAGMITO AUSTRALIS – MAGNOCARICETEA ELATAE in Klika et Novak 1941
  • MAGNOCARICETALIA ELATAE Pignatti 1954 : communautés des sols riches en matière organique, à éléments fins, mésotrophes à eutrophes
    • Caricion gracilis Neuhäusl 1959 : sols argilo-humifères eutrophes
    • Caricetum gracilis Neuhäusl 1959
    • Caricetum ripario-acutiformis Kobendza 1930
  • Magnocaricion elatae Koch 1926 : sols souvent tourbeux, mésotrophes à dystrophes
    • Caricetum rostratae Rübel 1912
    • Caricetum vesicariae Chouard 1924
    • Caricetum elatae Koch 1926
    • Eupatorio cannabinae-Caricetum paniculatae (Tüxen 1962) Passarge 1999
  • Carici pseudocyperi-Rumicion hydrolapathi Passarge 1964 : sols vaseux non consolidés

CORINE 1991

  • 53.21 Peuplements de grandes laîches (MAGNOCARICION)
    • 53.212 Cariçaies à Carex acuta et/ou C. acutiformis
      • 53.2121 Cariçaies à Carex acuta
      • 53.2122 Cariçaies à Carex acutiformis
    • 53.213 Cariçaies à Carex riparia
    • 53.214 Cariçaies à Carex rostrata et C. vesicaria
      • 53.2141 Cariçaies à Carex rostrata
      • 53.2142 Cariçaies à Carex vesicaria
    • 53.215 Cariçaies à Carex elata et C. cespitosa
      • 53.2151 Cariçaies à Carex elata
    • 53.216 Cariçaies à Carex paniculata
    • 53.218 Cariçaies à Carex pseudocyperus

Directive Habitats 1992

Non concerné.

Confusions possibles

Il arrive que les magnocaricaies soient en mélange avec d’autres habitats du bord des eaux tels que les mégaphorbiaies ou les phragmitaies, ou constituent la strate herbacée de certaines forêts ripariales, ce qui ne facilite pas leur analyse et leur identification. Elles peuvent aussi constituer des ceintures associées aux roselières localisées aux bords des étangs ou des cours d’eau.

Cependant, lorsque les peuplements de laîches sont relativement purs, en nappe ou en touradons homogènes, aucune confusion n’est possible.

Dynamique

La dynamique de ces habitats est souvent liée au niveau d’engorgement du sol par les inondations (fonction de la fréquence et de la durée d’immersion). En effet, certains Carex sont plus tolérants que d’autres à l’exondation. Les inondations prolongées bloquent souvent l’installation des espèces ligneuses dont très peu sont véritablement adaptées à ces conditions plutôt asphyxiantes.

Les fauches répétées et le drainage du sol favorisent l’apparition de prairies plus ou mois humides.

Lorsque le fonctionnement de l’hydrosystème ou de l’étang auquel les cariçaies sont associées n’est pas profondément modifié, ces dernières sont généralement stables.

Espèces indicatrices

[plante2] Carex acuta, Carex acutiformis, Carex disticha, Carex paniculata, Carex elata, Carex pseudocyperus, Carex riparia, Carex rostrata, Carex vesicaria
[plante1] Eleocharis palustris, Eleocharis uniglumis, *Euphorbia palustris, Filipendula ulmaria, Galium palustre, Iris pseudacorus, Lycopus europaeus, Lysimachia vulgaris, Lythrum salicaria, Mentha aquatica, Oenanthe fistulosa, Phalaris arundinacea, Rumex hydrolapathum, Scutellaria galericulata
[briophytes] Calliergonella cuspidata, Amblystegium riparium, Bryum pseudotriquetrum
[orthopteres] Conocephalus discolor, Conocephalus dorsalis, Pteronemobius heydenii, Ruspolia nitidula
[mollusques] Carychium minimum, Deroceras leave, Euconulus spp, Oxyloma elegans, Succinea putris, Vertigo moulinsiana, Vertigo antivertigo, Zonitoides nitidus

Valeur biologique

Les cariçaies en contexte alluvial jouent un rôle important de filtration et d’épuration des eaux lié à l’absorption racinaire des laîches. Elles sont aussi un lieu de vie et de chasse pour de nombreuses espèces animales et notamment les libellules qui se hissent à l’état larvaire le long des tiges de Carex pour muer et passer au stade d’adulte.

Les cariçaies sont relativement pauvres en espèces mais la présence de certains Carex peu communs à l’échelle de notre région, tels que Carex paniculata, C pseudocyperus ou encore de Carex rostrata, en peuplements denses présente un intérêt patrimonial.

Menaces

Toutes les modifications du régime hydrologique des cours d’eau (canalisation, barrage, drainage, pompage en rivière…), conduisant à régulariser et modifier les variations de débits et les inondations périodiques des cours d’eau, sont de nature à porter préjudice à la conservation de cet habitat naturel dont certaines déclinaisons ne supportent que très modérément les exondations.

Statut régional

Les communautés à grandes laîches sont relativement abondantes et disséminées de façon homogène en région Poitou-Charentes. Cet habitat peut couvrir des surfaces importantes.

 

Prairies flottantes à petits hélophytes

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie – écologie

Cet habitat occupe les rives des petits ruisseaux ou des plans d’eau et constitue souvent des nappes végétales flottantes. Il se rencontre au contact des roselières basses à moyennes ou hautes ou se développe directement depuis la rive. Ces prairies flottantes sont constituées d’espèces vivaces, hélophytes de petites tailles ou d’hémicryptophytes se développant en touffes ou en nappes au ras de l’eau grâce à l’émission de nombreux rhizomes ou stolons. Les espèces végétales que l’on rencontre au sein de ces nappes flottantes sont pour la plupart sociales et ont l’habitude de former des colonies distinctes. Elles sont plutôt tolérantes aux variations des conditions d’ensoleillement et supportent assez bien les perturbations mécaniques telles que le faucardage. Elles ont en effet la capacité à se régénérer rapidement. Les ruisseaux bordés par ce type d’habitat sont généralement des cours d’eau qui subissent de faibles variations de leur niveau d’eau et qui présentent un courant modéré à très faible. Cet habitat est fréquent sur les cours d’eau peuplés par des herbiers à Ranunculus penicillatus ou à Callitriche obtusangula et ayant une profondeur peu importante. Cette caractéristique impose parfois à la végétation de ces prairies flottantes, une alternance de phases inondée et exondée. Le substrat est d’origine alluvial c’est-à-dire plutôt limoneux à graveleux, riche en nutriments et toujours humide à gorgé d’eau. En revanche le sol est rarement très chargé en matière organique ou tourbeux.

Cet habitat présente peu de variations dans son apparence mais plutôt dans les abondances relatives au sein de sa composition spécifique, notamment en fonction de la vitesse du courant.

En bordure d’eaux courantes, le Cresson de fontaine Nasturtium officinale domine et l’Ache nodiflore Apium nodiflorum présent en faible quantité, reste submergée ou peu développée hors de l’eau. Dans les eaux où le courant est ralenti à faible, l’Ache nodiflore est alors de grande taille et se développe considérablement au détriment des autres espèces caractéristiques de l’habitat. Il peut envahir tout le lit du ruisseau en mélange avec la Petite Berle Berula erecta.

Là où le courant est très faible ou nul, la profondeur également faible et où les teneurs en matières organiques et nitrates sont élevées le Cresson de cheval Veronica beccabunga, la Menthe aquatique Mentha aquatica et le Myosotis des marais Myosotis scorpioides deviennent prédominants.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Glycerio-Nasturtietea Officinalis Géhu et Géhu-Franck 1987
Nasturtio -Glycerietalia fluitantis Pignatti 1953

Glycerio-Sparganion Br.-Bl. Sissingh in Boer 1942 : bords d’eaux stagnantes

Apion nodiflori Segal in Westhoff den Held 1969 : bords des cours d’eau

COR 1991

53.4 Petits hélophytes des eaux dormantes ou courantes

Confusions possibles

Cet habitat s’identifie facilement ce qui exclue toutes confusions avec d’autres habitats. Cependant, il s’agit d’un habitat linéaire, plutôt de faible largeur qui est souvent pénétré par des espèces d’habitats voisins tels que les mégaphorbiaies, les magnocaricaies ou les prairies humides, ce qui ne facilite pas toujours l’identification et la distinction de ces prairies flottantes à petits hélophytes. D’autre part, si les périodes d’assecs des cours d’eaux sont fréquentes et prolongées la végétation des roselières basses à moyennes de type Phalaridaie (CB : 53.16) peut s’installer et se mélanger au cortège spécifique de cet habitat.

Dynamique

Si le régime hydrologique des cours d’eau sur lesquels est présent cet habitat se modifie et notamment si le courant ralentit, on va pouvoir assister au développement des grands hélophytes des roselières basses à moyennes (CB : 53.14 à 53.17) et des roselières hautes (CB : 53.11 à 53.13). Les espèces des prairies flottantes peuvent alors subsister encore quelque temps en mélange avec celles des roselières et constituer un semblant de strate inférieure de ces dernières. L’habitat, assez fortement héliophile, est sensible au développement d’une couverture forestière dense. En cas d’extension de la forêt alluviale (ou, plus souvent, de plantations de peupliers), il régressera au point de disparaître totalement si l’ombrage devient trop intense.

Espèces indicatrices

[plante2] Apium nodiflorum, Berula erecta, *Catabrosa aquatica, Glyceria fluitans, Myosotis scorpioides, Nasturtium officinale, Sparganium emersum, Sparganium erectum ssp. neglectum, Veronica anagallis-aquatica ssp.anagallis-aquatica, Veronica beccabunga
[plante1] Alisma plantago-aquatica, Mentha aquatica
[briophytes] Fontinalis antipyretica, Rhynchostegium riparioides
[mammiferes] Neomys fodiens
[poissons] Gasterosteus aculeatus
[odonates] Calopteryx haemorrhoidalis , Calopteryx virgo meridionalis, Coenagrion mercuriale

Valeur biologique

Ce sont des habitats d’interface entre le milieu aquatique et le milieu terrestre qui ont une fonction importante dans le cycle annuel de développement d’insectes dont les larves sont aquatiques tels que les Odonates et les Ephémères. Les plantes constitutives peuvent être utilisées comme supports de pontes par certaines espèces d’amphibiens et comme sites d’alimentation et de reproduction pour la faune piscicole. Ces petits hélophytes jouent un important rôle filtreur et épurateur auxquels certains cours doivent le maintien de leur qualité d’eau. Certaines communautés végétales peuvent servir à diagnostiquer rapidement le niveau trophique des eaux. Elles accueillent parfois des espèces végétales rares comme la Canche aquatique Catabrosa aquatica.

Menaces

La simplification et les modifications (recalibrage, enrochements, bétonnage…) apportées aux petits cours d’eau parfois considérés comme de « vulgaires fossés » portent gravement atteinte au maintien de ces habitats.
D’autre part les modifications du régime hydrique des cours d’eau (prélèvements d’eau en période d’étiage), se traduisant par des kilomètres d’assec, ne sont pas pour favoriser le maintien de cet habitat qui va alors être colonisé par des espèces moins hygrophiles plus compétitives ou laisser la place à des stades dynamiques plus évolués comme certains faciès de roselières sèches très appauvris.
La pollution généralisée des cours d’eau affecte gravement cet habitat qui peut totalement disparaître sur les parcours les plus pollués, notamment en aval des villes et villages. Plusieurs plantes indicatrices de conditions trophiques moyennes à faibles sont en nette régression de nos jours : Berula erecta, herbiers flottants de Menthe aquatique.

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, ce type de milieu reste assez commun. Certains faciès de l’habitat ont cependant considérablement régressé à la suite du recalibrage des petits cours d’eau, de la durée croissante des assecs estivaux, importants dans les secteurs fortement altérés par l’agriculture intensive, et de la pollution générale des milieux aquatiques.

Les sites les plus remarquables :

16 : sources et cours supérieur de la Touvre
17 : rives de la Seugne
86 : cours supérieur de la Clouère, de la Vonne. Tronçons non canalisés de la Dive du Nord. Bords de l’Auxance , de la Petite Blourde

 

Roselières hautes

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie – écologie

Les roselières hautes sont des habitats denses, généralement assez pauvres en espèces végétales car dominés par une espèce pouvant parfois constituer des peuplements presque purs. La végétation est structurée essentiellement par des hélophytes de grande taille et peut atteindre une hauteur de 3 mètres. Elle se développe sur un sol hydromorphe inondé (entre 0,2m et 1,8m de profondeur), souvent vaseux dans des eaux méso-eutrophes non ou légèrement acides. La richesse du sol en nutriments, l’importante disponibilité en eau et un éclairement intense sont les composantes nécessaires à l’expression et à la croissance rapide de végétaux de grande taille pourvus de puissants rhizomes. Ces hélophytes émettent chaque année une tige verte qui va mourir et sécher l’hiver suivant. Les restes secs subsistent jusqu’à leur remplacement par de nouvelles tiges vertes l’année suivante. Les roselières peuvent former des colonies très étendues au bord des eaux dormantes ou courantes. Elles participent au phénomène d’atterrissement en freinant et fixant les sédiments, mais aussi par la décomposition de la matière organique liée à leur importante production de biomasse favorisant l’envasement des rives. La richesse floristique dépend des conditions du milieu – sels nutritifs, lumière, inondabilité -, de facteurs biotiques – faucardage, brulis, curage – mais aussi de la connexion entre les différentes roselières. En effet, les roselières des mares isolées ou des lieux récemment inondés semblent présenter une richesse floristique moindre par rapport aux grandes roselières de marais ou des grandes vallées alluviales qui communiquent largement entre elles.

En Poitou-Charentes, cet habitat est représenté par trois formations végétales distinctes :

La phragmitaie Scirpo-Phragmitetum composée de peuplements denses de Roseau commun Phragmites australis. Cette espèce subcosmopolite est tolérante aux sols inondés à secs et à des eaux douces à saumâtres. Ainsi, ce type de roselière présente une forme régulièrement inondée ou une forme plus sèche sur des zones longuement asséchées l’été. Ces dernières sont parfois introgressées par des espèces d’autres habitats humides voisins tels que les mégaphorbiaies ou les prairies humides.
La scirpaie lacustre Scirpetum lacustris est dominée par le Jonc des Chaisiers Scirpus lacustris. Ce dernier ne tolère pas un assèchement trop prononcé ni trop prolongé et supporte une circulation assez vive de l’eau. Elle constitue souvent la ceinture la plus externe de la roselière.
Les typhaies individualisent deux faciès selon l’espèce de massette dominante : la typhaie à Masette à feuilles larges Typhaetum latifoliae est formée de peuplements plus pauvres, parfois purs de Massette à larges feuilles Typha latifolia. Cette espèce peut germer en absence d’oxygène et s’installe généralement dans des pièces d’eau artificielle (mares, étangs, fond de carrières inondées, gravières…). Elle tolère un assèchement important en été et est relativement insensible aux pollutions. La typhaie à Massette à feuilles étroites Typhaetum angustifoliae , moins liée à des biotopes perturbés que la précédente, occupe en général les bords d’eau stagnantes eutrophes, parfois saumâtres, notamment les fossés plus ou moins profonds à matrice vaseuse des grands marais arrière-littoraux.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF2004

PHRAGMITI AUSTRALIS-MAGNOCARICETEA ELATAE Klika in Klika & V.Novak 1941
PHRAGMITETALIA AUSTRALIS Koch 1926
Phragmition communis Koch 1926

CORINE 1991

53.11 Phragmitaies (SCIRPO-PHRAGMITETUM)
53.12 Scirpaies lacustres (SCHOENOPLECTETUM LACUSTRIS)
53.13 Typhaies

Confusions possibles

Les roselières hautes ne posent généralement pas de problème d’identification. Certaines roselières basses à moyennes peuvent toutefois présenter dans certaines conditions favorables de trophie ou d’hydromorphie une structure très voisine de celle des roselières hautes : c’est le cas notamment de la glycéraie à Glyceria maxima et, surtout, de la phalaridaie à Baldingère Phalaris arundinacea (CB : 53.16), formation végétale à physionomie proche de la roselière à Phragmites australis, avec laquelle elle forme souvent une communauté mixte, notamment dans les systèmes dégradés ou perturbés (fort rabattement de nappe). Dans la dynamique d’aterrissement naturel d’une roselière, la phalaridaie succède souvent à la phragmitaie, moins tolérante aux fortes variations du plan d’eau.

Dynamique

Les roselières des bords d’étangs progressent de façon centripète, c’est-à-dire vers le milieu de la pièce d’eau. C’est le phénomène d’atterrissement qui conduit, si rien n’est fait, à la fermeture des mares et des petits étangs peu profonds. On observe habituellement une succession de différentes ceintures de végétation en allant du plus profond (côté milieu de la pièce d’eau ou du cours d’eau) vers le moins profond (la rive). La ceinture externe (côté eau libre) est formée par la scirpaie lacustre qui supporte les eaux vives et/ou profondes, vient ensuite la phragmitaie tolérante à la submersion prolongée, parfois en mélange avec une roselière basse à moyenne (CB : 53.14 à 53.17) en sous étage à laquelle la phragmitaie a succédé. Côté terrestre, les roselières hautes se mélangent parfois avec les massettes et peuvent être flanquées d’un peuplement dense de Baldingère Phalaris arundinacea (phalaridaie). Dans les systèmes fluviaux, les roselières, en freinant le courant et favorisant ainsi les dépôts alluviaux, conduisent à un rétrécissement du lit mineur, puis à la constitution d’un bras mort. L’atterrissement devient alors de plus en plus rapide.

L’accumulation de matières organiques peut conduire à l’installation de cladiaies-phragmitaies sur sols tourbeux (CB : 53.33).

La plantation de Peupliers au sein des roselières associée au drainage permet le boisement et peut conduire à une forêt de type aulnaie-peupleraie à grandes herbes (CB : 44.33) avec la persistance du Roseau commun Phragmites australis et de la Baldingère Phalaris arundinacea qui résistent longtemps à l’assèchement.

Espèces indicatrices

[plante2] Phragmites australis, Scirpus lacustris, Typha angustifolia, Typha latifolia
[plante1] *Euphorbia palustris, Rumex hydrolapathum, Scrofularia aquatica, Stachys palustris, Thalictrum flavum
[oiseaux] Acrocephalus arundinaceus, Acrocephalus scirpaceus, Ardea purpurea, Botaurus stellaris, Circus aeruginosus, Ixobrychus minutus, Locustella luscinioides, Panurus biarmicus, Porzana porzana, Rallus aquaticus
[amphibiens] Hyla arborea, Hyla meridionalis
[lepidopteres] Archanara sparganii, Laelia coenosa, Nonagria typhae, Phragmataecia castaneae, Rhizedra lutosa, Senta flammea
[mollusques] Succinea putris
[coleopteres] Lipara lucens

Valeur biologique

Les roselières hautes – surtout la phragmitaie – constituent un habitat privilégié, voire exclusif, de reproduction, d’hivernage ou d’alimentation pour de nombreux oiseaux dont plusieurs espèces présentent un statut de conservation défavorable en Europe : Butor étoilé, Blongios nain, Héron pourpré… Quelques espèces végétales rares telles que la Grande douve Ranunculus lingua (espèce végétale protégée au niveau national) sont également inféodées à cet habitat. D’autre part les roselières en tant qu’interfaces entre le milieu aquatique et le milieu terrestre, permettent aux insectes dont les larves sont aquatiques tels que les Odonates et les Ephémères d’accomplir leur cycle annuel de développement. Elles constituent des supports de pontes pour certaines espèces d’amphibiens et sont parfois des habitats d’alimentation et de reproduction pour la faune piscicole. Enfin, par leur résistance à la pollution, les roselières jouent un rôle écologique général de premier plan d’épuration et de dénitrification des eaux surchargées en nutriments ou en polluants par les activités humaines.

Menaces

La simplification et les modifications (recalibrage, enrochements, bétonnage …) apportées aux cours d’eau portent gravement atteinte au maintien de ces habitats et ainsi au fonctionnement écologique global du cours d’eau et plus généralement des zones humides auxquelles ils appartiennent.
Le recreusement des berges d’étangs et de mares entraîne souvent la transformation de rives à pente douce en berges abruptes qui ne permettront plus la colonisation de ces dernières par les roselières.
Bien que le phragmite soit résistant à la pollution, l’eutrophisation importante de l’eau perturbe sa croissance et fragilise ses tiges, conduisant souvent à l’altération de la structure verticale de la roselière.
L’entretien par faucardage régulier est parfois nécessaire pour l’entretien des roselières. Lorsque celui-ci nécessite l’intervention d’engins motorisés lourd, il doit être réalisé à l‘aide de matériel spécialisé muni de pneus basse pression afin d’éviter un tassement du sol trop important.

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, l’habitat est assez fréquent sous ses différents faciès mais généralement dans un état altéré ou relictuel : faible surface (les grandes roselières à Phragmites d’une surface supérieure à 1 ha sont devenues exceptionnelles), structure simplifiée, composition floristique tronquée, cortège faunistique appauvri. La plupart des grands ensembles subsistant correspondent à des roselières très évoluées sur des substrats tourbeux et sont souvent en voie de boisement actif.

Les sites les plus remarquables :
17 : phragmitaies de l’estuaire de la Charente, de la Gironde
86 : roselières de Brion, St-Maurice-la-Clouère, Montreuil-Bonnin