Prairies pâturées

Rédacteur : Geneviève Gueret

Physionomie – écologie

Les prairies pâturées mésophiles sont dominées par une strate herbacée basse irrégulière. L’aspect est hétérogène, formé de touffes, de taches plus hautes et souvent raides – refus du bétail – et de zones plus rases, plus broutées et piétinées. On repère des traces de déjections. Ces prairies sont entourées de clôtures ou de haies, ces dernières les intègrent dans les paysages de bocage du nord-ouest ou de l’est du Poitou-Charentes. Les troupeaux sont le plus souvent des bovins, parfois des équins, des ovins dans la région de Montmorillon. Ces animaux jouent un rôle important sur l’habitat : ils choisissent leur nourriture, préfèrent les espèces plus tendres, les jeunes pousses et broutent selon leurs caractéristiques propres, les bovins par exemple coupant l’herbe à 10 cm tandis que chevaux et moutons tondent plus ras ; ils agissent également par leurs passages réguliers et leur poids, tassent le sol, réduisent sa porosité et sa perméabilité, favorisent un micro-relief ; des plantes résistantes, généralement vivaces, s’y sont adaptées. Cet habitat présente donc des touffes de Poacées comme la Crételle Cynosurus cristatus, le Ray-grass Lolium perenne, entre lesquelles se développe un tapis de plantes rampantes telles que le Trèfle blanc Trifolium repens et les rosettes de la Pâquerette Bellis perennis ou du Pissenlit Taraxacum officinale. Les espèces nitrophiles comme l’Ortie Urtica dioica, peuvent s’y implanter mais sont généralement délaissées, ainsi que les autres refus : herbes coriaces, âcres (Rumex Rumex sp.) ou toxiques, (Renoncules Ranunculus sp,) parfois buissons ligneux et (ou) épineux (Ronce Rubus gr. fruticosus, Prunellier Prunus spinosa).
Cet habitat est nettement marqué par les actions humaines et la conduite du pâturage est un facteur important de variabilité, notamment la date de mise à l’herbe du bétail, l’espèce animale, la charge, la durée, la fumure. On trouve des prairies régulièrement fertilisées et améliorées (par des sursemis d’espèces à bonne valeur fourragère) en vue d’un pâturage intensif (COR 81.1) ; la strate basse est dense, fermée par les Poacées à croissance rapide avec du Dactyle Dactylis glomerata, des Fétuques Festuca sp, le Ray-grass italien Lolium multiflorum ; entre ces touffes, les Fabacées -Trèfles Trifolium sp.- Luzernes Medicago sp.- profitant de l’ouverture du milieu par le pâturage, s’y développent ; l’ensemble forme une végétation serrée qui laisse peu de place à la flore spontanée. À l’opposé, les pâturages abandonnés (COR 38.13) se présentent comme des prairies envahies de rudérales, souvent piquantes, comme le Chardon des champs Cirsium arvense, et de broussailles ligneuses. En gestion extensive et peu fertilisée, on rencontre des pâturages où domine le Ray-grass anglais Lolium perenne (COR 38.111), fournissant un fourrage régulier tout l’été mais pauvres en espèces, et des pâturages plus riches avec de nombreuses plantes à fleurs, Centaurée de Thuillier Centaurea thuillieri, Renoncule âcre Ranunculus acris (COR 38.112).
Les prairies eutrophes de notre région se rattachent au Bromo-Cynosurenion cristati. Cependant la situation géologique est source de diversité dans le cas des prairies mésophiles : les roches cristallines ou métamorphiques du Massif Armoricain au nord-ouest du PC., et des contreforts du Massif Central à l’est donnent des sols acides favorables aux prairies mésotrophes acidiclines du Polygalo-Cynosurenion et, en milieu plus humide, aux prairies méso-hygrophiles acidiclines du Cardamino-Cynosurenion ; on rencontre également ces faciès de l’habitat sur les terres rouges et les terres de brandes issues de dépôts continentaux tertiaires. Sur roche-mère calcaire du Jurassique supérieur ou du Crétacé, on peut observer les prairies mésotrophes basiclines du Sanguisorbo-Cynosurenion. Les communautés piétinées, eutrophes, sont très ouvertes et très basses, avec le Pâturin annuel Poa annua, la Renouée des oiseaux Polygonum aviculare et le Plantain majeur Plantago major ; ces communautés, qui appartiennent au Lolio-Plantaginion majoris, sont fréquentes prés des reposoirs ou des entrées de parcelles.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Classe Arrhenatheretea elatioris Br.-Bl. 1949
Alliance Cynosurion cristati Tüxen 1947
sous-alliance Bromo mollis-Cynosurenion cristati Passarge 1969 communautés eutrophes
sous-alliance Sanguisorbo minoris-Cynosurenion cristati Passarge 1969 communautés mésotrophes neutrobasiclines
sous-alliance Polygalo vulgaris-Cynosurenion cristati Jurko 1974 communautés mésotrophes acidiclines
sous-alliance Cardamino pratensis-Cynosurenion cristati Passarge 1969 communautés mésohygrophiles acidiclines
Alliance Lolio perennis-Plantaginion majoris Sissingh 1969 communautés pâturées piétinées mésophiles

COR 1991

  • 38.1 Pâtures mésophiles
    38.11 Pâturages continus

    • 38.111 Pâturages à Ray-grass
    • 38.112 Pâturages à Cynosurus-Centaurea
    • 38.12 Pâturages interrompus par des fossés
    • 38.13 Pâturages abandonnés
  • 81.1 Prairies séches améliorées

Confusions possibles

Les prairies pâturées mésophiles peuvent être confondues avec les prairies humides avec lesquelles elles sont parfois en continuité dans une même parcelle agricole le long d’un gradient de pente mais dans ces dernières le sol est nettement hydromorphe et la composition floristique diffère.
La distinction -prairie de pâture/prairie de fauche- est en principe assez nette au niveau de la physionomie quand l’utilisation est distincte, mais dans la région où un régime mixte domine généralement, les limites sont plus floues : la plupart des prairies sont mises à pâturer l’été pour une utilisation extensive en raison d’une production de biomasse modérée à cette période de l’année, mais au printemps la vitesse de croissance est si élevée qu’elle est trop importante pour le bétail ; seule une partie des surfaces est mise en pacage (la moitié), le reste étant fauché pour récolter le foin ou faire de l’ensilage : ces prairies de pâture sont donc aussi des prairies de fauche (tout comme les prairies de fauche sont souvent pâturées sur le regain en automne).

Dynamique

Comme dans le cas des prairies de fauche, nous sommes en présence d’une dynamique régressive, issue de déforestations anciennes, et entretenue par la gestion du milieu. L’évolution du tapis prairial en cas d’abandon dépend beaucoup de son environnement : les prairies entourées de haies seront colonisées plus rapidement à partir des lisières que les parcelles isolées au sein d’espaces cultivés intensivement. Dans le premier cas, les ourlets, riches en dicotylédones, s’étendent rapidement en nappes, bientôt ponctuées par des ligneuses nomades (anémochores et zoochores), alors que dans le second, la densification se fait plutôt à partir du fonds graminéen préexistant (forte dominance des espèces stolonifères comme l’Agropyre) mais avec des remaniements d’abondance-dominance entre les espèces. Le surpâturage, par la consommation préférentielle de certaines espèces, la pression sur les autres, et l’installation d’annuelles conduisent à une déstructuration des communautés hémicryptophytiques et à une transition vers les pelouses thérophytiques nitrophiles (Polygono-Poetea annuae). Dans les milieux plus hydromorphes, le piétinement intense tasse le sol et l’imperméabilise, favorisant l’apparition d’espèces prairiales hygrophiles. Les prairies pâturées constituent donc un habitat à l’équilibre instable dépendant directement de la pression de gestion exercée.

Espèces indicatrices

[plante2] Bellis perennis, Cardamine pratensis, Cynosurus cristatus, Eryngium campestre, Lolium perenne, Phleum pratense, Plantago major, Poa annua, Rumex crispus, Rumex obtusifolius, Trifolium repens, Veronica serpyllifolia
[plante1] Achillea millefolium, Anthoxanthum odoratum, Bromus hordeaceus, Carex caryophyllea, Cerastium fontanum triviale, Cirsium arvense, Cynodon dactylon, Festuca rubra, Lepidium squamatum, Luzula campestris, Matricaria discoidea, Polygonum aviculare, Ranunculus acris, Ranunculus bulbosus, Ranunculus repens, Trifolium fragiferum, Trifolium hybridum ssp elegans
[briophytes] Brachythecium albicans, Eurhynchium hians
[champignons] Agaricus albertii, A. campestris, Bolbitius vitellinus, Bovista plumbea, Calocybe constricta, Coprinus comatus, Crinipellis scabella, Cuphophyllus niveus, C. pratensis, C. virgineus, Entoloma sericeum, E. serrulatum, Galerina laevis, Hygrocybe chlorophana, H. psittacina, H. tristis, Langermannia gigantea, Leucoagaricus leucothites, Mycena olivaceomarginata, Panaeolus foenisecii, P. semiovatus, P. sphinctrinus, Stropharia coronilla, Vascellum pratense
[coleopteres] Geotrupes stercorarius
[orthopteres] Chorthippus biggutulus, Chorthippus brunneus, Oedipoda caerulescens

Valeur biologique

Les espèces végétales des prairies pâturées ne présentent pas de caractère de rareté et la flore y est plus pauvre que dans les prairies de fauche. En revanche, l’hétérogénéité du milieu, avec ses touffes de refus, ses broussailles, ses zones tassées, égratignées, ses arbres isolés, ses haies périphériques, ses déjections plus ou moins localisées, constitue une mosaïque intéressante pour la faune ; les invertébrés, notamment les coprophages, entretiennent tout un cortège de prédateurs et sont au centre de nombreuses chaînes alimentaires intégrant l’avifaune.

Menaces

Depuis une cinquantaine d’années, on assiste à une forte régression de ces milieux par retournement et mise en culture en raison de différentes orientations de l’exploitation agricole : l’intensification des productions, l’utilisation de races moins rustiques, les méthodes d’élevage orientées sur la stabulation avec foin et ensilage en remplacement de la mise au pré, et enfin la concentration des élevages dans certains secteurs de la région.
L’abandon du milieu conduit rapidement à un embroussaillement, et à l’installation de communautés préforestières ;
le pâturage intensif destructure l’habitat ; une fumure excessive banalise le milieu en sélectionnant les espèces les plus exigeantes. Cet habitat nécessite un suivi de sa physionomie et de son cortège floristique pour en assurer un entretien régulier, avec un pâturage modéré quant à la charge ou dans le temps, une mise à l’herbe en fin de printemps (mai, juin) et au moins une fauche des refus par an. Des coupes d’entretien favorisent le maintien de la structure et de la diversité floristique. Si le milieu est trop dégradé, il ne peut plus être restauré.

Statut régional

Cet habitat couvre encore des surfaces importantes sur les terres médiocres de la bordure méridionale du Massif Armoricain (nord Deux-Sèvres) et sur la lisière occidentale du Massif Central (sud-est 86, est 16) mais son état de conservation s’est beaucoup altéré en raison de l’intensification. Ailleurs, il est en voie de disparition.

16 Confolentais
86 Montmorillonnais
79 Gâtine de Parthenay, Bocage bressuirais

 

Prairies de fauche

Rédacteur : Geneviève Gueret

Physionomie – écologie

Les prairies de fauche sont des formations herbacées hautes (plus d’1 mètre en général), à forte biomasse, dominées par des graminées sociales dont les plus fréquentes sont l’Avoine élevée Arrhenatherum elatius, la Gaudinie fragile Gaudinia fragilis, l’Avoine dorée Trisetum flavescens et le Brome mou Bromus hordeaceus. Diverses dicotylédones – des Apiacées comme les oenanthes, des Astéracées comme les centaurées ou la Marguerite commune Leucanthemum vulgare viennent compléter cette strate haute. En conditions plutôt mésotrophes, la strate basse peut être très diversifiée et comprendre de nombreuses espèces à port semi-érigé et dont la floraison abondante attire de nombreux pollinisateurs : Fabacées appartenant aux genres Trifolium, Vicia, Lathyrus, Lotus mais également diverses petites graminées des genres Agrostis, Bromus ou Vulpia, notamment. Les parcelles les plus eutrophisées – ou « améliorées » dans une optique de production agricole – font état généralement d’une diversité floristique amoindrie, et sont réduites alors à des faciès graminéens dominés par quelques Poacées très productives et de bonne qualité fourragère.
Ces prairies occupent des sols plutôt profonds et assez riches en nutriments mais une grande diversité de conditions stationnelles s’observe à travers toute la région, responsable d’une forte variabilité de l’habitat :

  • en fonction d’un gradient trophique, depuis les prairies mésotrophes dérivant de pelouses oligotrophes avec lesquelles elles peuvent être encore en contact spatial dans les systèmes peu intensifiés et au cortège desquelles elles empruntent encore quelques espèces relictuelles jusqu’au prairies très fertilisées où tout souvenir de la végétation originelle est perdu et où même la nature du substrat n’influe plus que de manière négligeable sur la flore ;
  • en fonction d’un gradient hydrique, les prairies mésophiles pouvant occuper des stations alluviales non ou faiblement inondables où elles différencient alors des faciès méso-hygrophiles riches en espèces caractéristiques des prairies humides (Agrostietalia stoloniferae) ;
  • le gradient édaphique joue un rôle de différenciation (communautés acidophiles/communautés calcicoles) dans les terroirs peu intensifiés mais tend à s’estomper avec la fertilisation croissante des parcelles.
    Les modalités de la pratique de fauche elles-mêmes, et de la conduite de la parcelle prairiale dans son ensemble, constituent une 2e série de facteurs se superposant aux conditions stationnelles : la date de la coupe, sa fréquence (une coupe annuelle unique ou plusieurs coupes successives), la nature et la quantité de fertilisation mise en œuvre, la réalisation d’un « déprimage » (pâturage précoce et bref d’une prairie de fauche), l’éventualité d’un pâturage du regain, la pratique d’un sursemis occasionnel (semis après hersage superficiel de semences de graminées fourragères destiné à « rattraper » une prairie « en dérive ») sont autant de facteurs influant sur la structure et les communautés végétales ou animales de l’habitat.
    Malgré une grande diversité de faciès observables sur des terroirs très contrastés de la région, la typologie de l’habitat est encore mal connue en Poitou-Charentes, situation d’autant plus regrettable que l’intensification agricole des dernières décennies a entraîné sa rapide banalisation et, probablement, la perte ou l’altération irrémédiable de plusieurs types originaux.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Classe Arrhenatheretea elatioris Br.-Bl. 1949 nom.nud
Alliance Brachypodio rupestris-Centaureion nemoralis Br.-Bl.1967 (=Lino biennis-Gaudinion fragilis (Br.-Bl.1967) de Foucault 1989)

COR 1991

38.2 Prairies de fauche de basse altitude
38.21 Prairies de fauche atlantiques

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 6510 Pelouses maigres de fauche de basse altitude
    • 6510-1 Prairies fauchées thermo-atlantiques méso-hygrophiles du Sud-Ouest
    • 6510-3 Prairies fauchées mésophiles à méso-xérophiles thermo-atlantiques

Confusions possibles

En situations optimales, l’habitat est difficile à confondre, la fauche conférant au tapis prairial après mais aussi avant celle-ci une physionomie très facilement reconnaissable : hauteur et homogénéité de structure.
Dans les situations de régime mixte fauche-pâture, toutes les
transitions existent et il peut être alors difficile de trancher entre les 2 types. Par ailleurs, un apport massif de fertilisants et /ou une pratique régulière de sursemis peut faire basculer ces prairies semi-naturelles vers des prairies artificielles, objet d’une autre fiche.

Dynamique

La plupart des formes de cet habitat s’inscrivent dans des séries forestières – chênaies thermophiles acidiphiles, chênaies-frênaies, chênaies-charmaies atlantiques – dont elles sont issues à la suite de défrichements historiques. L’arrêt de toute exploitation peut entraîner un retour vers des habitats forestiers plus ou moins éloignés des types originels selon la durée et l’intensité de l’exploitation prairiale passée, en passant par des stades pionniers où les essences nomades telles que les saules, les frênes, les ormes, les bouleaux et les érables jouent un rôle clef.

Espèces indicatrices

[plante2] Alopecurus pratensis, Arrhenatherum elatius, Bromus hordeaceus, Centaurea thuillieri, Centaurea gr.nigra, Galium mollugo, Gaudinia fragilis, Heracleum sphondylium, Lathyrus pratensis, Linum bienne, Malva moschata, Oenanthe pimpinelloides, Rhinanthus minor, Trisetum flavescens
[plante1] Agrostis capillaris, Bromus racemosus, Crepis vesicaria taraxacifolia, Dactylis glomerata, Daucus carota, Festuca arundinacea, Festuca pratensis, Galium verum, Knautia arvensis, Leucanthemum vulgare, Lotus corniculatus , Luzula campestris, Lychnis flos-cuculi, Phleum pratense, Ranunculus bulbosus, Rumex acetosa, Senecio jacobea, Trifolium dubium, Trifolium pratense, Vicia sativa
[oiseaux] Cisticola juncidis, Miliaria calandra
[lepidopteres] Melanargia galathea, Pyrgus malvae

Valeur biologique

Les prairies de fauche mésophiles abritent une plus forte diversité d’espèces végétales que les prairies pâturées mais peu d’espèces rares ou menacées, lesquelles ne leur sont d’ailleurs pas liées exclusivement mais proviennent en général des pelouses dont ces prairies dérivent : orchidées diverses dont le Sérapias langue Serapias lingua ou l’Ophrys sombre Ophrys fusca, Narcisse Narcissus poeticus dans ses rares stations de la vallée de la Gartempe Les types les moins intensifiés, riches en dicotylédones, sont activement fréquentés par de nombreux groupes d’insectes, dont les Papillons, dont la régression alarmante au cours des dernières décennies est à mettre en relation avec l’appauvrissement floristique drastique de ces prairies.

Menaces

L’habitat est lié à un mode de gestion traditionnel – la fauche – qui permet seul de conserver sa structure et son cortège d’espèces. Les différentes modalités de cette pratique sont toutefois plus ou moins favorables à divers groupes d’espèces, notamment faunistiques (fauches retardées permettant à certains oiseaux ou insectes d’accomplir la totalité de leur cycle, par exemple). L’abandon qui entraîne la dérive vers des communautés préforestières, la surfertilisation qui provoque un appauvrissement extrême et un changement qualitatif d’habitat, le traitement mixte mal conduit (pâturage du regain trop précoce ou avec des charges trop fortes), la reconversion en cultures intensives, constituent les principales menaces pesant sur les prairies de fauche régionales.

Statut régional

L’habitat est aujourd’hui très disséminé et souvent dans un mauvais état de conservation (cortèges spécifiques appauvris). Les échantillons les mieux conservés – hors systèmes alluviaux traités dans la fiche « Prairie humide atlantique eutrophe » – ne s’observent plus que par cas isolés aux flancs de petites vallées encore peu touchées par l’agriculture intensive (est 86, est et sud 16, sud 17, nord 79).

 

Pelouses calcicoles dominées par des annuelles

Rédacteur : David Suarez

Physionomie – écologie

Les pelouses à thérophytes sont des formations végétales pionnières à dominante d’annuelles qui se développent aux étages planitiaire et collinéen, sur des roches-mères carbonatées : plateaux calcaires tabulaires durs et compacts du Jurassique ou du Crétacé, et leurs rebords. Sur ces plateaux, l’altération du calcaire en surface provoque la formation d’un sol squelettique de type rendzine rouge. Cet habitat, qui se présente sous l’aspect de pelouses fortement écorchées, avec un recouvrement de moins de 50%, se développe dans les zones de tonsures provoquées par le pâturage (ovin principalement, et parfois lapins) ou l’érosion, mais également sur les chemins et les zones décapées par le passage des engins tout-terrain. Il est composé en grande partie d’annuelles à durée de vie courte, accompagnées de chaméphytes et hémicryptophytes pionniers des pelouses calcicoles xérophiles du Xerobromion. En fonction de la proximité de la table calcaire sous-jacente, des chaméphytes succulents du genre Sedum peuvent également être présents. La floraison printanière des annuelles, parfois spectaculaire, lui confère un aspect caractéristique mais fugace. En fonction des conditions météorologiques (pluviométrie, gelées tardives…), cet habitat peut revêtir un aspect très variable d’une année sur l’autre.
Dans la région, les surfaces occupées par cet habitat sont généralement faibles au sein de complexes de pelouses calcicoles associant les pelouses du Xerobromion, des Thero-brachypodietea et de l’Alysso-Sedion albi (tricénose pelouse vivace/tonsure annuelle/dalle à Crassulacées).
3 associations végétales originales existent en Poitou-Charentes :
En Charente, sur les plateaux calcaires tabulaires durs du Turonien, aux environs d’Angoulême, se développent les tonsures à Lin des collines et Sabline des chaumes (LINO COLLINAE-ARENARIETUM CONTROVERSAE), caractérisées par le Brachypode à 2 épis (Brachypodium distachyon), la Sabline des chaumes (Arenaria controversa) et le Lin des collines (Linum austriacum ssp collinum).
En Charente Maritime, sur des calcaires durs du Cénomanien, en un unique site près de Saint-Savinien, se développe la tonsure à Evax à fruits velus Evax carpetana et Lin à 3 styles Linum trigynum , communauté très originale puisque enrichies en éléments acidiphiles, avec Evax carpetana, Linum trigynum, la Canche élégante Aira elegantissima.
Lorsque le sol est enrichi, notamment par les déjections des troupeaux, on observe l’apparition d’une association plus nitrophile, d’un intérêt biologique moindre : la tonsure à Vulpie ciliée et Crépide fétide (VULPIO CILIATAE-CREPIDETUM FOETIDAE) avec la Vulpie ciliée Vulpia ciliata, la Crépide fétide Crepis foetida, le Catapode rigide Catapodium rigidum

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Classe : Stipo capensis Trachynietea distachyae Brullo 1985
Ordre : Brachypodietalia distachyae Rivas-Martinez 1978
Alliance : Trachynion distachyae Rivas-Martinez ex Rivas Mart., Fern.-Gonz. & Loidi 1999

COR 1991

  • 34.51 Pelouses xériques de la Méditerranée occidentale
    • 34.5131 Communautés annuelles calciphiles de l’ouest méditerranéen

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

6220*- 4 Pelouses à thérophytes mésothermes thermo-atlantiques

Confusions possibles

Cet habitat peut être confondu avec les autres pelouses des sols calcaires squelettiques, notamment celles du Xerobromion, à dominance de vivaces, et celles de l’Alysso-Sedion albi, avec lesquelles il est toujours étroitement imbriqué, formant ainsi une mosaïque complexe.

Dynamique

Formations secondaires issues de déforestations historiques anciennes et de régimes agro-pastoraux (pacage), parfois aussi d’une reconstitution séculaire du tapis végétal après abandon des cultures, les pelouses à thérophytes évoluent naturellement vers les pelouses calcicoles xérophiles du Xerobromion, puis vers la forêt calcicole, en passant par plusieurs phases dynamiques (pelouses calcicoles mésophiles, ourlets de la forêt calcicole, fourrés puis jeune chênaie pubescente). Cette évolution est généralement lente, en raison de la très faible épaisseur de sol ; néanmoins, en l’absence d’actions permettant le maintien de zones dites « de tonsure » (pâturage extensif, présence de lapins, chemins, passage d’engins…), les pelouses à thérophytes disparaissent rapidement au profit des pelouses xérophiles. En cas de charge pastorale trop forte (cas devenu exceptionnel de nos jours mais d’occurrence possible sur certains sites gérés par des associations ou divers conservatoires), une dérive nitrophile de l’habitat peut être observée avec régression/disparition des espèces les plus caractéristiques et remplacement par des thérophytes nitrophiles comme la Vulpie ciliée ou la Vulpie d’Espagne.

Espèces indicatrices

[plante2] *Aira elegantissima, *Arenaria controversa, Bombycilaena erecta, *Brachypodium distachyon, Bupleurum baldense, Catapodium rigidum, *Crucianella angustifolia, Euphorbia exigua, *Evax carpetana, *Linum austriacum ssp.collinum, *Linum strictum, Linum trigynum, Ranunculus paludosus, Vulpia unilateralis
[plante1] Acinos arvensis, Alyssum alyssoides, Cerastium pumilum, Medicago minima, Trifolium scabrum, Vulpia ciliata
[briophytes] Ditrichum flexicaule, Pleurochaete squarrosa, Trichostomum crispulum
[orthopteres] Calliptamus barbarus, Calliptamus italicus, Oedipoda caerulescens

Valeur biologique

Cet habitat rare en Poitou-Charentes présente une très forte valeur biologique, due à la présence de 2 espèces protégées au niveau national : l’endémique française Arenaria controversa, et la subendémique Evax carpetana (dans son unique localité française). 2 autres espèces sont protégées au niveau régional, Linum austriacum et Brachypodium distachyon, et plusieurs autres sont inscrites sur la liste rouge régionale des espèces végétales menacées.

Menaces

Cet habitat, en régression continue depuis le début du XXe siècle, a surtout souffert de l’abandon du pastoralisme extensif permettant le maintien d’un complexe « pelouse-tonsure-dalle », indispensable à sa survie. L’extension urbaine et industrielle a également provoqué la destruction ou la réduction de plusieurs sites exceptionnels, notamment aux abords d’Angoulême. Les carrières d’exploitation de la roche calcaire peuvent aussi constituer une menace pour cet habitat. La pratique intensive des véhicules tout-terrain et la surfréquentation des sites en périphérie urbaine peuvent être néfastes au maintien des fragiles espèces de ce groupement. Le rare Evax carpetana, qui apparaît sporadiquement, a fait l’objet d’un pillage botanique…

Statut régional

Habitat très ponctuel : présent surtout en 16, plus sporadiquement en 86 et 17

Les sites comportant des surfaces significatives de cet habitat ont presque tous été intégrés et décrits dans les inventaires du patrimoine naturel récent (ZNIEFF, Natura 2000) auxquels on se reportera pour plus de détails.

16 : plateaux calcaires d’Angoulême, chaumes du Vignac, coteaux de Châteauneuf, chaumes de Soubérac
17 : chaumes de Sèche-Bec, chaumes de St Porchaire
86 : pelouses dolomitiques des environs de Lussac-les-Châteaux

 

Pelouses calcifuges dominées par des vivaces

Rédacteur : David Suarez

Physionomie-écologie

Les pelouses calcifuges dominées par des vivaces sont des formations herbacées plus ou moins denses, dominées par des graminées sociables parfois hautes (Pseudarrhenatherum longifolium notamment) entre lesquelles se développent des espèces vivaces plus petites, lorsque l’espace laissé disponible est suffisant. On observe aussi parfois un cortège d’Orchidées assez intéressant au sein de certaines pelouses ouvertes et bien orientées.

Elles colonisent les sols acides tels que les grès, granites, schistes (nord des Deux-Sèvres, sud-est de la Vienne, nord-est de la Charente) ou sables décalcifiés (sud de la Charente et de la Charente-Maritime) maintenus ouverts par divers facteurs comme le pâturage, la fauche, le piétinement, l’érosion naturelle, l’exploitation de la roche-mère… de préférence sur des sols peu profonds et bien ensoleillés. Ce sont des habitats secondaires, dont la dynamique évolutive naturelle doit être bloquée par des pratiques de gestion pour le maintien d’un cortège floristique caractéristique. En effet, en l’absence d’entretien régulier, ces pelouses évoluent assez rapidement vers la lande sèche, puis vers le boisement acidiphile. En Poitou-Charentes, région à dominante calcaire, cet habitat est peu représenté et occupe généralement des surfaces restreintes, limitées au bordures des falaises granitiques, prairies pentues généralement pâturées, chemins et layons au sein de complexes de landes, clairières de boisements silicicoles…

Néanmoins, les secteurs à sols acides de la région correspondent à 3 entités distinctes : sud du Socle armoricain dans le nord des Deux-Sèvres avec des formations végétales plutôt atlantiques, bordure ouest du Massif Central dans l’est de la Vienne et de la Charente présentant des formations subatlantiques du GALIO SAXATILIS-FESTUCION FILIFORMIS avec Galium saxatile, Festuca filiformis, Nardus stricta…, et sables tertiaires de la Double dans le sud de la Charente et de la Charente-Maritime, avec des affinités thermo-atlantiques, caractérisées par la présence de Agrostis curtisii, Pseudarrhenatherum longifolium, Simethis mattiazzii, Viola lactea, et appartenant à l’AGROSTION CURTISII. On observe également dans les boisements silicicoles un habitat pionnier souvent fugace qui se développe à la faveur de trouées dues à des chablis ou en bordure de layons forestiers, avec Calamagrostis epigejos, Hypericum pulchrum, Veronica officinalis

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • Nardetea strictae Rivas Goday in Rivas Goday & Rivas-Martinez 1963
    • Nardetalia strictae Oberdorfer ex Preising 1949
      • Agrostion curtisii de Foucault 1986 : communautés thermo- à eu-atlantiques
      • Galio saxatilis-Festucion filiformis de Foucault 1994 : communautés sub- à nord-atlantiques

COR 1991

  • 35.11 Gazons à Nardus stricta
  • 35.12 Pelouses mésophiles fermées à Agrostis ssp et Festuca ssp
  • 35.13 Pelouses à Deschampsia flexuosa
  • 35.14 Pelouses intra-forestières à Calamagrostis epigejos
  • 35.22 Pelouses siliceuses ouvertes pérennes à Agrostis capillaris, Agrostis vinealis

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 6230* Formations herbeuses à Nardus, riches en espèces, sur substrat siliceux des zones montagnardes et submontagnardes de l’Europe continentale
    • 6230*- 5 Pelouses acidiphiles thermo-atlantiques
    • 6230*- 8 Pelouses acidiphiles subatlantiques à nord-atlantiques

Confusions possibles

Cet habitat peut être confondu avec d’autres formations herbacées des sols acides, notamment les pelouses calcifuges du Thero-Airion ou du Tuberarion guttatae, à dominante d’annuelles, ou les pelouses des dalles siliceuses colonisant les rochers, qui forment souvent avec les pelouses à vivaces une mosaïque complexe. La lande sèche de l’Ulicion minoris, qui se développe en contact direct, est également très proche des pelouses à qui elle succède naturellement : on observe alors une phase de transition marquée par la colonisation des Ericacées. Cette complexité, liée à la présence de plusieurs habitats imbriqués constituant les premiers stades d’évolution de la végétation sur les terrains acides, s’observe également sur sol calcaire, avec une morphologie similaire (Brometalia erecti) ; néanmoins le cortège végétal y est nettement différent et permet de les identifier facilement, ainsi que la nature de la roche.

Dynamique

Les pelouses calcifuges sont des formations secondaires issues de déforestations historiques anciennes et de régimes agri-pastoraux (pacage), parfois aussi d’une reconstitution séculaire du tapis végétal après abandon des cultures. Habitat transitoire, elles évoluent naturellement vers la lande sèche de l’Ulicenion minoris ou l’ourlet silicicole du Trifolion medii, suivant la nature et la profondeur du sol, puis vers la forêt acidiphile (Quercion robori-petraeae ou Quercion robori-pyrenaicae). Cette évolution peut être plus ou moins lente, en fonction de la nature du terrain ; certaines pelouses calcifuges peuvent même être considérées comme stables à l’échelle humaine, notamment en bordure des corniches rocheuses et sur les fortes pentes, où l’érosion empêche l’accumulation d’humus et la densification du tapis végétal. L’action de pacage, et dans certains cas la présence de populations importantes de lapins, permet de maintenir un couvert végétal bas et empêche l’apparition d’espèces ligneuses, bloquant ainsi la dynamique évolutive naturelle des pelouses. Par contre, un pâturage trop intensif peut être néfaste à cet habitat car les espèces qui le composent sont très sensibles à l’enrichissement du sol dû aux déjections animales : les pelouses évoluent alors vers des prairies du Cynosurion cristati d’un moindre intérêt biologique.

Espèces indicatrices

[plante2] Agrostis curtisii, *Avenula lodunensis, Carex pilulifera, Centaurea nigra, Danthonia decumbens, Hieracium gr. pilosella, Festuca filiformis, Festuca rubra, *Galium saxatile, *Gladiolus illyricus, Luzula campestris, Luzula multiflora, *Nardus stricta, Polygala serpyllifolia, Pseudarrhenatherum longifolium, *Scilla verna, Simethis mattiazzii, Viola lactea
[plante1] Achillea millefolium, Agrimonia eupatoria, Agrostis capillaris, Agrostis vinealis, Anacamptis morio, Anthemis nobilis, Anthoxanthum odoratum, Arenaria montana, *Arnoseris minima, Calamagrostis epigejos, *Carex binervis, Carex caryophyllea, Dactylorhiza fuschii, Deschampsia flexuosa, Dianthus armeria, Erica cinerea, *Halimium lasianthum alyssoides, *Halimium umbellatum, Hypericum pulchrum, *Hypochaeris maculata, Hypochaeris radicata, Jasione montana, Lathyrus linifolius, Linum trigynum, Molinia caerulea, Neottinea ustulata, *Ophrys funerea, Orchis mascula, Pedicularis sylvatica, Potentilla argentea, Potentilla erecta, Pteridium aquilinum, Saxifraga granulata, Scorzonera humilis, Serapia lingua, Spiranthes spiralis, Stachys officinalis, Succisa pratensis, Veronica officinalis, Vicia sativa ssp. nigra
[briophytes] Brachythecium albicans, Bryum gemmiferum, Bryum subapiculatum, Ceratodon purpureus, Pleuridium acuminatum
[champignons] Hygrocybe splendidissima
[orthopteres] Aiolopus thalassinus, Chorthippus brunneus, Euchorthippus declivus, Platycleis tessellata, Gryllus campestris

Valeur biologique

Cet habitat rare en Poitou-Charentes, inscrit à l’annexe 1 de la Directive « Habitats » et considéré comme prioritaire, présente paradoxalement un intérêt floristique relativement faible, en terme d’espèces patrimoniales. En effet, même si elles peuvent accueillir un cortège végétal très diversifié, ces pelouses n’abritent qu’une seule espèce protégée (le Glaïeul d’Illyrie Gladiolus illyricus), contrairement à leurs homologues calcicoles. Néanmoins, quelques plantes sont inscrites sur la liste rouge régionale : Galium saxatile, Halimium umbellatum, Nardus stricta, Scilla verna, Simethis mattiazzii… On y observe aussi des orchidées – Anacamptis morio, Dactylorhiza fuschii, Neottinea ustulata, Ophrys funerea, Orchis mascula, Serapia lingua, Spiranthes spiralis – dont beaucoup sont aujourd’hui en forte régression. De plus, de nombreuses espèces animales, plus particulièrement des invertébrés et des reptiles, profitent de la diversité floristique et de l’ensoleillement important de cet habitat, mais aussi souvent de son contact avec la lande, qui crée un effet de « lisière » très favorable à la faune d’une manière générale.

Menaces

Cet habitat transitoire est principalement menacé par sa dynamique naturelle, qui tend à le faire rapidement évoluer vers la lande ou le boisement acidophile en cas d’abandon d’entretien régulier par pacage ou fauche. Ces pelouses sont aussi très sensibles à la fertilisation des sols, notamment par les déjections animales en cas de pression de pâturage trop importante. Par contre, les effets indirects de la tempête de 1999, à savoir le décapage complet de parcelles de pins sinistrées, lui ont été favorables (surtout au sud de la région, dans le secteur de la Double Saintongeaise). Ce phénomène n’est toutefois que temporaire, puisque ces parcelles ont été rapidement replantées et que ces pelouses disparaîtront lorsque les pins auront pris de l’ampleur.

En Poitou-Charentes, le Nard raide Nardus stricta ne forme jamais de peuplements denses comme dans les prairies de montagne, mais tout au plus des colonies éparses au sein d’un tapis graminéen où il n’est jamais la graminée dominante.

Statut régional

Habitat disséminé et rare, manquant totalement dans les secteurs calcaires.

Sites remarquables ou typiques :

16 : Vallées de la Tardoire et de l’Issoire, Double Saintongeaise

17 : Landes de Montendre et de Cadeuil

79 : Landes et roches du Thouarsais et d’Argenton-Château

86 : Pinail, région de Montmorillon

 

Pelouses calcicoles xérophiles

Rédacteur : David Suarez

Physionomie-écologie

Les pelouses calcicoles xérophiles sont des formations herbacées rases et écorchées qui se développent sur des substrats carbonatés ou basiques, généralement squelettiques, formés sur les calcaires secondaires du Jurassique et du Crétacé supérieur. Les hémicryptophytes et les chaméphytes adaptés aux conditions xérophiles y sont dominants, et leur floraison, au printemps et en début d’été, donne alors à ces pelouses un aspect très coloré. Un important cortège d’orchidées est parfois présent, notamment sur les calcaires tendres, conférant alors à cet habitat un caractère prioritaire aux yeux de la directive Habitats. Les plateaux tabulaires, rebords de corniches et pentes raides en exposition sud où se développe cet habitat, entretiennent des conditions de sécheresse estivale prononcée et exercent une forte sélection au profit d’espèces adaptées à ces conditions xérophiles. Sur les calcaires tabulaires durs, ces pelouses s’insèrent fréquemment dans des ensembles pelousaires complexes où elles sont associées aux pelouses pionnières sur dalles rocheuses calcaires (Sedo albi-Scleranthetea biennis, COR 34.11 & 34.12, UE 6110) et aux pelouses thérophytiques (Thero-Brachypodietea, COR 34.51, UE 6220). En fonction des conditions stationnelles, ces pelouses peuvent revêtir un caractère primaire, notamment sur les corniches rocheuses ou les fortes pentes soumises à de fortes contraintes érosives bloquant la dynamique évolutive naturelle de cet habitat. En dehors de ces conditions particulières, il s’agit de pelouses secondaires instables issues de pratiques agropastorales extensives anciennes. En l’absence de pastoralisme, la dynamique évolutive naturelle conduit vers la fermeture progressive du milieu, avec l’apparition d’ourlets puis de fourrés, préludes à l’installation du boisement calcicole (chênaie pubescente, chênaie verte atlantique).
En Poitou-Charentes, la variabilité de cet habitat est importante puisque 6 associations végétales différentes sont présentes :
En Charente, sur les plateaux calcaires tabulaires durs du Turonien, aux environs d’Angoulême, se développe la pelouse xérophile à Crapaudine de Guillon et Koelérie du Valais, représentées ici par une sous-association originale (GLOBULARIETOSUM VALENTINAE), avec Globularia gr. vulgaris (ex Globularia valentina), Sideritis guillonii, Convolvulus cantabricus, Festuca auquieri, Koeleria vallesiana, Thesium divaricatum, Leucanthemum graminifolium, Trinia glauca
Sur les calcaires marneux du sud-est de la Charente, on observe la pelouse xéromarnicole à Stéhéline douteuse et Germandrée petit-chêne, avec là encore une sous-association synendémique de la moitié sud du département (AVENULETOSUM PRATENSIS), avec Staehelina dubia, Avenula pratensis, Astragalus monspessulanus, et un important cortège d’orchidées dont notamment Ophrys lutea.
Sur les corniches rocheuses dominant la Gironde juste au sud de Royan, en Charente Maritime, subsistent la pelouse à Seslérie et Stipe plumeuse avec Stipa pennata, Leucanthemum graminifolium, Sesleria caerulea, Trinia glauca.<br
Dans diverses localités sur calcaires durs entre Saintes et La Rochelle, en Charente-Maritime, on observe la pelouse xérophile à Grande Pâquerette et Fétuque de Leman, avec Festuca lemanii, Festuca timbalii, Bellis pappulosa.
Sur les calcaires bajociens du Thouarsais, en Deux-Sèvres et en bordure de la Vienne, se développe un Xerobromion particulier, dit du « Thouarsais », caractérisé par la présence de Helianthemum salicifolium, Linum strictum, Linum corymbulosum, Crucianella angustifolia.
Sur les craies marneuses du Campanien (Crétacé supérieur) à l’ouest de la Charente et en Charente Maritime, existe la pelouse xérophile à Cupidone bleue et Fétuque marginée avec Catananche caerulea, Astragalus monspessulanus, Dorycnium pentaphyllum, Odontites lutea, Linum strictum, Linum corymbulosum, Aster linosyris, Hyssopus officinalis ssp canescens.
Cette diversité fait des pelouses calcicoles xérophiles du Poitou-Charentes un des habitats les plus riches botaniquement et faunsitiquement du Centre-Ouest, accueillant à la fois des taxons végétaux endémiques et en limite d’aire de répartition, des associations végétales originales et une faune riche et variée (notamment les invertébrés).

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Alliance : Xerobromion erecti (Braun-Blanq. & Moor 1938) Moravec 1967
Sous-alliances : Xerobromenion erecti Br.-Bl. & Moor 1938, Seslerio caeruleae-Xerobromenion erecti Oberdorfer 1957
Associations : SIDERITIDO GUILLONII-KOELERIETUM VALLESIANAE, BELLIDI PAPPULOSAE-FESTUCETUM LEMANII, STAEHELINO DUBIAE-TEUCRIETUM CHAMAEDRYOS, CATANANCHO CAERULEAE-FESTUCETUM TIMBALII, pelouse à Seslérie et Stipa pennata, Xerobromenion du Poitou

COR 1991

34.33 Pelouses calcaires subatlantiques très sèches
34.332 Pelouses médio-européennes du Xerobromion
34.332D Xerobromion ligérien
34.332E Xerobromion aquitanien

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

6210 – 26 Pelouses calcicoles xérophiles atlantiques et thermophiles
62-10 – 27 Pelouses calcicoles xéromarnicoles atlantiques et thermophiles
6210- 28 Pelouses calcicoles xérophiles atlantiques, psammophiles et thermophiles
62-10- 32 Pelouses calcicoles xérophiles atlantiques des mésoclimats frais

Confusions possibles

Cet habitat peut être confondu avec les autres pelouses des sols calcaires squelettiques, notamment celles des Thero-Brachypodietea à dominance d’annuelles, et celles de l’Alysso-Sedion albi sur la roche-mère nue, avec lesquelles il est souvent étroitement imbriqué, notamment sur les plateaux calcaires tabulaires durs, formant ainsi une mosaïque complexe.

Dynamique

Formations secondaires issues de déforestations historiques anciennes et de régimes agro-pastoraux (pacage), parfois aussi d’une reconstitution séculaire du tapis végétal après abandon des cultures, les pelouses calcicoles xérophiles évoluent naturellement vers la forêt calcicole, en passant par plusieurs phases dynamiques (pelouses calcicoles mésophiles, ourlets de la forêt calcicole, fourrés puis jeune chênaie pubescente). Cette évolution est généralement lente, en raison de la très faible épaisseur du sol ; certaines pelouses xérophiles peuvent même être considérées comme stables à l’échelle humaine, notamment sur les corniches rocheuses et les fortes pentes où l’érosion empêche l’accumulation d’humus et la densification du tapis végétal. L’action de pacage par les ovins, et dans certains cas la présence de populations importantes de lapins, permet de maintenir un couvert végétal bas et empêche l’apparition d’espèces ligneuses, bloquant ainsi la dynamique évolutive naturelle des pelouses.

Espèces indicatrices

[plante2] *Argyrolobium zanonii, Aster linosyris, *Astragalus monspessulanus, *Bellis pappulosa, *Biscutella guillonii, Carex humilis, Catananche caerulea, *Convolvulus cantabricus, Dorycnium pentaphyllum, Festuca auquieri, Festuca lemanii, Festuca marginata, *Globularia gr. vulgaris, *Helianthemum canum, *Helianthemum salicifolium, Helichrysum stoechas, *Hyssopus officinalis ssp.canescens, Koeleria vallesiana, *Leucanthemum graminifolium, Linum suffruticosum, Odontites lutea , Ononis striata, *Sideritis guillonii, *Staehelina dubia, *Stipa pennata, *Thesium divaricatum, Trinia glauca, *Veronica prostrata
[plante1] *Artemisia alba, Avenula pratensis, Carex halleriana, Coronilla minima, *Crucianella angustifolia, *Epipactis atrorubens, Euphorbia seguieriana, Fumana procumbens, Helianthemum apenninum, Inula montana, *Linum strictum, Linum corymbulosum, *Ononis pusilla, *Ophrys lutea, * Ranunculus gramineus, *Scorzonera hirsuta, Sedum ochroleucum, Sesleria caerulea, Teucrium montanum
[briophytes] Didymodon acutus, Ditrichum flexicaule, Pleurochaete squarrosa
[lepidopteres] Arethusana arethusana, Colias alfacariensis, Cupido minimus, Lysandra bellargus, Lysandra coridon, Maculinea arion, Polyommatus escheri, Pseudophilotes baton , Zygaena fausta, Zygaena loti
[coleopteres] Ascalaphus ssp, Empusa pennata
[orthopteres] Oedipode caerulescens, Oedipode germanica, Omocestus petraeus, Platycleis albopunctata, Sphingonotus caerulescens
[mollusques] Candidula unifasciata, Cernuella virgata, Helicella itala, Monacha cartusiana, Trochoidea elegans, Vallonia excentrica

Valeur biologique

Cet habitat peu fréquent en Poitou-Charentes présente une très forte valeur biologique, due à la présence de nombreuses espèces végétales protégées au niveau régional (Argyrolobium zanonii, Sideritis guillonii, Globularia vulgaris, Hyssopus officinalis ssp.canescens, Leucanthemum graminifolium, Thesium divaricatum, Helianthemum canum, Staehelina dubia, Bellis pappulosa, Astragalus monspessulanus, Ranunculus gramineus, Scorzonera hirsuta) ou inscrites sur les listes rouges nationale et régionale. Parmi ces espèces, beaucoup sont d’affinités méditerranéennes, certaines en limite d’aire de répartition. Les pelouses abritent également de nombreuses espèces animales, notamment des invertébrés.

Menaces

La plupart des pelouses calcicoles de la région sont les témoins d’action anthropiques anciennes, et notamment du pâturage par les ovins des coteaux, et ce depuis des siècles. Depuis le milieu du XXe siècle, cet habitat a connu une régression due à différents facteurs comme l’abandon du pastoralisme, qui conduit peu à peu à des boisements de moindre intérêt biologique, l’enrésinement systématique des coteaux, la mise en culture des secteurs à faible pente, l’exploitation des carrières de calcaire, l’urbanisation… et plus récemment l’engouement pour les véhicules tout-terrain. Ces espaces, généralement considérés comme des « terrains vagues », sont également souvent utilisés comme lieux de dépôts sauvages d’ordures et matériaux divers.

Statut régional

Habitat disséminé : présent surtout en 16 et en 86

Les sites comportant des surfaces significatives de cet habitat ont presque tous été intégrés et décrits dans les inventaires du patrimoine naturel récent (ZNIEFF, Natura 2000) auxquels on se reportera pour plus de détails.

16 : plateaux calcaires autour d’Angoulême, chaumes du Vignac, coteaux de Châteauneuf, chaumes de Soubérac
17 : chaumes de Sèchebec, pointe du Chay, conches de Royan, estuaire de la Gironde
86 : sites dolomitiques de Lussac-les-Châteaux, plateau de Thorus
79 : environs de Thouars, d’Airvault

 

Pelouses calcicoles mésophiles

Rédacteur : Jean-Pierre Sardin

Physionomie – écologie

Les pelouses calcicoles mésophiles sont des formations herbacées basses et denses qui se développent sur des sols carbonatés ou basiques formés sur les calcaires secondaires du Jurassique (au centre de la région) et du Crétacé supérieur (au sud et au nord). Il s’agit de sols de type rendzine (terres de « groies » ou de « champagne »), de sols bruns calciques (sur les pentes du relief) ou de sols particuliers liés à des roches typiques (tuffeau du nord de la Vienne, calcaires marneux du sud Charente, gypse de Cognac…).
Ces sols ont de bonnes capacités de rétention d’eau et limitent les effets de la sécheresse estivale. Outre les sols, les variations du climat, la situation topographique (pentes faibles ou fortes, plateau…) et l’orientation géographique expliquent la grande diversité typologique de ces pelouses, la région comptant au moins 6 associations végétales reconnues.

Les graminées (Brome dressé, Fétuques esp.pl., Brachypode penné….) dominent la physionomie de ces pelouses, qui sont caractérisées par de nombreuses hémicryptophytes et, parfois, de riches populations d’orchidées. Ce dernier caractère particulier permet d’ailleurs de déterminer des « sites d’orchidées remarquables », en fonction du nombre d’espèces, et/ou de la présence d’espèces très rares.
La diversité de ces pelouses est aussi liée à la confluence de deux contingents floristiques qui alimentent le cortège des pelouses calcicoles ouest-européennes : un contingent méridional, à caractère subméditerranéen, marqué en particulier dans le sud de la région (Mesobromion aquitanien de Charente et Charente-maritime), et un contingent steppique oriental à caractère eurosibérien (Mesobromion ligérien du nord de la Vienne par exemple). On pourra ainsi distinguer les pelouses à brome (Bromus erectus) des pelouses à Seslérie (Sesleria caerulea).

L’hétérogénéité de la physionomie de cet habitat est aussi souvent liée (selon les conditions physiques) au glissement localisé du cortège floristique vers des pelouses plus acides (décarbonatation du sol), vers des bas-marais (influence d’une nappe phréatique) ou des pelouses xérophiles (présence d’une dalle rocheuse…).

Mais l’élément essentiel est son caractère secondaire, qui s’inscrit dans un contexte agropastoral plus ou moins extensif. Dans la région, les pelouses mésophiles sont toujours héritées de l’action des animaux herbivores, les espèces domestiques (moutons, chèvres), voire sauvages (lapins, chevreuils), ayant modulé considérablement la structure et la composition des ensembles floristiques.
En raison de tous ces paramètres, ces pelouses ont un caractère instable. En l’absence du pastoralisme, on observe un processus dynamique qui les fait évoluer naturellement vers les végétations à hautes herbes et les fourrés calcicoles, prélude à l’installation pérenne du boisement calcicole. Cet habitat présente donc une forte capacité évolutive, et sa conservation est directement liée à l’action anthropique.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Alliance Mesobromion erecti (Br.-Bl. & Moor 1938) Oberdorfer 1957
Sous-alliances
Mesobromenion erecti Br.-Bl. & Moor 1938
Tetragonolobo maritimi-Mesobromenion erecti Royer 1991
Teucrio montani-Mesobromenion erecti Royer 1991
Seslerio caerulae-Mesobromenion erecti Oberd.1957
Festucenion timbalii Boullet 1986

COR 1991

  • 34.32 Pelouses calcaires subatlantiques semi-arides
  • 34.322 Pelouses semi-sèches médio-européennes à Bromus erectus
    • 34.322G Mesobromion ligérien
    • 34.322H Mesobromion aquitanien
  • 34.323 Faciès à Brachypodium pinnatum du 34.322
  • 34.324 Pelouses alluviales et humides du Mesobromion
  • 34.325 Pelouses semi-sèches médio-européennes dominées par Sesleria caerulea

Directive habitat 1992

6210 Pelouses sèches semi-naturelles et faciès d’embuissonnement sur calcaire prioritaires lorsque les populations d’orchidées sont importantes.

Confusions possibles

Les pelouses calcicoles mésophiles peuvent être avant tout confondues avec les pelouses calcicoles du Xerobromion, souvent imbriquées, avec interpénétration de certaines espèces physionomiques comme le Brome (Bromus erectus), mais qui ont un taux de recouvrement moins important et un cortège d’annuelles plus développé. À un moindre degré, elles peuvent aussi présenter des problèmes d’identification avec les pelouses pionnières à thérophytes, ainsi qu’avec les faciès à Brachypode des ourlets calcicoles du Geranion sanguinei ou du Trifolion medii

Dynamique

Formations secondaires issues de déforestations historiques anciennes et d’un régime anthropozoogène (pacage), parfois aussi d’une reconstitution séculaire du tapis végétal après abandon de cultures, les pelouses calcicoles mésophiles évoluent naturellement vers la forêt calcicole, en passant par plusieurs phases dynamiques : phase de vieillissement avec densification et extension des espèces à forte colonisation végétative comme le Brachypode penné (Brachypodium pinnatum), développement en mosaïque de la flore arbustive du fourré calcicole, puis constitution de jeunes chênaies pubescentes.
En raison du caractère secondaire de cet habitat, on peut observer une dynamique particulière avec l’intensification du pâturage, qui conduit en général à des variantes appauvries.

Espèces indicatrices

[plante2] Anacamptis pyramidalis, Anthericum ramosum, Cirsium acaule, Gymnadenia conopsea, Linum tenuifolium, Ophrys araneola, *Ophrys argensonensis, *Ophrys fuciflora, Ophrys insectifera, *Ophrys santonica, Orchis militaris, Orchis purpurea, Orchis ustulata, Plantago media, Polygala calcarea, Prunella laciniata, Thesium humifusum
[plante1] Aceras anthropophorum, Asperula cynanchica, Aster linosyris, Avenula pratensis, *Biscutella guillonii, Blackstonia perfoliata, Briza media, Brachypodium pinnatum, Bromus erectus, Carduncellus mitissimus, Carex flacca, Carex tomentosa, Carlina vulgaris Catananche caerulea, Carex hallerana, Centaurium erythraea, Cirsium tuberosum, Coronilla minima, Euphorbia brittingeri, Festuca marginata, Festuca lemanii, Globularia punctata, *Globularia vulgaris, Helianthemum apenninum, Hieracium pilosella, Hippocrepis comosa, Koeleria vallesiana, Linum suffruticosum, Ononis repens, *Ophrys gr.fusca, *Ophrys lutea, Ophrys scolopax, Orchis morio, Pimpinella saxifraga, Potentilla neumanniana, Scabiosa columbaria, Sesleria albicans, Teucrium chamaedrys
[briophytes] Entodon concinnus, Scleropodium purum, Thuidium philibertii
[mollusques] Candidula intersecta, Monacha cartusiana
[lepidopteres] Brintesia cirse, Lysandra bellargus, Maculinea arion, Polyommatus bellargus
[coleopteres] Empusa pennata, Libelluloides spp.
[orthopteres] Euchorthippus pulvinatus, Pezotettix giornai

Valeur biologique

Depuis l’abandon des pratiques pastorales favorables, cet habitat – en bon état de conservation – est devenu rare dans la région. Il est souvent appauvri en raison de la dynamique naturelle de fermeture. Moins riche en espèces végétales rares que le Xerobromion, il peut cependant présenter de remarquables cortèges d’orchidées (parfois plus de 25 espèces sur le même site), certaines étant rares dans la région – Orchis singe Orchis simia, Ophrys jaune Ophrys lutea, Ophrys bourdon Ophrys fuciflora – ou à l’échelle nationale : Ophrys miroir Ophrys speculum, Limodore à éperon court Limodorum trabutianum. Il constitue également un biotope pour divers taxons végétaux micro-endémiques comme l’Ophrys d’Argenson Ophrys argensonensis, l’Ophrys de Saintonge Ophrys santonica ou la Biscutelle de Guillon Biscutella guillonii.
En raison de la grande diversité des espèces végétales et de la réduction importante des espaces favorables, cet habitat devient aujourd’hui un élément essentiel pour certaines espèces d’insectes, en particulier les lépidoptères dont les chenilles sont souvent inféodées à des plantes liées à ces pelouses. Un important travail de recherche reste à faire dans ce domaine.

Menaces

Les pelouses calcicoles mésophiles de la région sont les témoins des pratiques agropastorales exercées depuis le Moyen-Age. À partir du milieu du XXe siècle, l’abandon de ces pratiques a provoqué une évolution naturelle lente vers l’ourlet puis le boisement calcicole. Cette évolution devient très marquée aujourd’hui, et s’ajoute à l’enrésinement, à la mise en culture des secteurs à faible pente, à la destruction par exploitation de carrières de calcaire, aux loisirs motorisés. De plus, ces espaces, souvent considérés comme non productifs et inutiles, peuvent être utilisés comme dépôts de déchets. Enfin, à proximité des zones urbanisées, diverses espèces végétales invasives originaires des jardins alentours entrent progressivement en compétition avec les espèces indigènes.

Statut régional

Habitat disséminé, couvrant en général des surfaces moyennes de quelques ares à quelques hectares. Présent surtout en Charente, puis dans un ordre décroissant en Charente-Maritime, dans le nord de la Vienne et le sud des Deux-Sèvres.

Les sites majeurs (surfaces importantes, diversité végétale optimale, riches cortèges d’orchidées…) ont pour la plupart été intégrés dans les inventaires récents du patrimoine naturel (ZNIEFF, NATURA 2000), auxquels on se reportera pour plus de détails.

16 Coteaux de Marsac et des Bouchauds, coteaux du Montmorélien, Chaumes Boissières
17 Coteaux de la Champagne saintongeaise, coteaux de l’estuaire de la Gironde
79 Pelouses de Pamproux-Avon, pelouses de Hanc
86 Pelouses de Lussac-les-Châteaux

 

Végétation des dalles calcaires et pelouses pionnières sur sables calcaires

Rédacteur : David Suarez

Physionomie – écologie

Les pelouses rupicoles calcaires sont des formations végétales pionnières à dominante de vivaces qui se développent sur les corniches et vires rocheuses des bordures de plateaux calcaires durs ainsi que sur les gros blocs rocheux détachés des falaises jonchant certains versants. Sur ces dalles, notamment en exposition sud, les contraintes écologiques sont extrêmes : sols squelettiques, déficit hydrique et ensoleillement important. Les conditions de sécheresse qui en résultent entraînent l’installation d’une flore xérophile très spécialisée qui a développé diverses stratégies d’adaptation telles que la succulence des feuilles, la réduction des surfaces foliaires…
L’abondance des espèces du genre Sedum donne habituellement à l’habitat sa physionomie caractéristique, complétée au printemps par la floraison discrète et fugace de quelques annuelles. Il s’agit de pelouses rases, écorchées et peu recouvrantes, dominées par les thérophytes et les chaméphytes crassulescents, souvent accompagnés par de nombreux lichens. Cet habitat peut présenter un aspect très variable d’une année sur l’autre, en fonction des conditions météorologiques et notamment de la pluviométrie.
Un habitat voisin se rencontre sur sables continentaux peu stabilisés dans le nord de la Vienne (Loudunais) – la pelouse pionnière à Corynéphore blanchâtre – dont la flore constituante emprunte de nombreux éléments à la flore dunaire littorale (Laîche des sables, Corynéphore, Silène conique, Silène à petites fleurs). Elle se développe sur sables verts cénomaniens (les « varennes ») mais aussi sur les groies dolomitiques de la région de Lussac-les-Châteaux.
Dans la région Poitou-Charentes, les surfaces occupées par ces 2 habitats sont très faibles, limitées à quelques m2, sur des rochers dénudés, des dalles affleurantes, en bordure de falaises pour le premier et sur quelques rares dépôts sablo-calcaires affleurants pour le second.
Les espèces végétales qui composent les pelouses rupicoles calcaires se rencontrent également parfois au sommet des vieux murs ou sur les corniches des bâtiments anciens, qui constituent alors des supports de substitution réunissant les conditions écologiques favorables à ces plantes spécialisées.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004
Classe : Sedo albi – Scleranthetea biennis Br.-Bl 1955
Ordre : Alysso alyssoidis – Sedetalia albi Moravec 1967
Alliance : Alysso alyssoidis – Sedion albi Oberdorfer & Müller 1961

Classe : Koelerio glaucae – Corynephoretea canescentis Klika & V. Novak 1941
Ordre : Corynephoretalia canescentis Klika 1934
Alliances : Sileno conicae – Cerastion semidecandri Korneck 1974

COR 1991

  • 34.11 Pelouses médio-européennes sur débris rocheux calcaires
    • 34.111 Pelouses à Sedum sp
    • 34.114 Communautés thérophytiques médio-européennes
  • 34.12 Pelouses des sables calcaires
  • 62.3 Dalles rocheuses

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

6110*- 1 Pelouses pionnières des dalles calcaires planitiaires et collinéennes
61 20*-1 Pelouses pionnières à post-pionnières sur sable silico-calcaires plus ou moins stabilisés

Confusions possibles

Les pelouses rupicoles peuvent être confondues avec les pelouses thérophytiques (Thero-Brachypodion), dominées par les annuelles et les pelouses calcicoles xérophiles (Xerobromion erecti) composées principalement de vivaces. La distinction de ces 3 groupements est parfois difficile, car ils sont le plus souvent présents ensemble dans les mêmes stations et imbriqués étroitement.
Les pelouses pionnières sur sables présentent de fortes affinités avec les pelouses rupicoles vers lesquelles elles peuvent d’ailleurs évoluer en cas de piétinement excessif (stabilisation du substrat). La nature de la roche-mère et l’analyse de la flore suffisent en principe toutefois à les distinguer. On notera qu’un habitat équivalent se développe sur les dalles siliceuses, appartenant à l’association du Sedo albi-Veronicion dillenii. Malgré une morphologie assez proche, la nature très différente de la roche permet de les distinguer assez facilement.

Dynamique

Les pelouses rupicoles constituent la première phase de végétalisation de la roche calcaire nue. Lorsque le sol s’épaissit, on observe l’apparition des pelouses thérophytiques, puis celle des pelouses calcicoles xérophiles.
Les pelouses rupicoles peuvent être considérées comme relativement stables, notamment au niveau des stations situées en bordure de falaise ou sur les rochers, où l’érosion naturelle due aux précipitations et aux vents ne permet pas l’accumulation d’humus et l’installation des vivaces présageant l’apparition des pelouses calcicoles xérophiles.
Le passage répété d’engins, le surpiétinement, le pâturage intensif par des ovins ou des lapins des pelouses calcicoles xérophiles peuvent permettre, en mettant les sols à nu, le maintien ou l’extension de cet habitat, alors souvent associé aux pelouses thérophytiques. Le décapage du sol ou la mise à nu de la roche-mère calcaire, lors de la création de carrières notamment, peut également être favorable au développement de cet habitat.
Malgré l’extrême aridité de leur substrat, les pelouses pionnières sur sables sont plus exposées que les précédentes à une dynamique progressive de densification – implantation des graminées cespiteuses, apparition d’essences ligneuses nomades – en cas d’arrêt des facteurs de blocage (pâturage) ou de rajeunissement (grattis par les lapins).

Espèces indicatrices

[plante2] Allium sphaerocephalon, Carex arenaria, Cerastium pumilum, Cerastium semidecandrum, Corynephorus canescens, *Hornungia petraea, Medicago minima, Micropyrum tenellum, Minuartia hybrida, Petrorhagia prolifera, Poa bulbosa, Potentilla neumanniana, Saxifraga tridactylites, Scilla autumnalis, Sedum acre, Sedum album, Sedum ochroleucum, *Sedum rubens, Silene conica, *Silene otites, Thymus praecox, Trifolium scabrum
[plante1] Arenaria leptoclados, Catapodium rigidum, Erodium cicutarium, Erophila verna, Hypochoeris glabra, *Melica ciliata, Mibora minima, Sedum reflexum, Stachys recta, Teucrium chamaedrys
[briophytes] Bryum caespiticium, Hypnum cupressiforme, Pleurochaete squarrosa, Tortula ruraliformis
[lichens] Aspicilia calcarea, Cladonia furcata, Cladonia pyxidata, Cladonia rangiformis, Collema cristatum, Collema tenax, Peltigera rufescens, Verrucaria nigrescens
[lepidopteres] Chazara briseis
[orthopteres] Calliptamus italicus, Myrmeleotettix maculatus, Oedipoda caerulescens
[mollusques] Abida secale, Chondrula tridens, Granopupa granum, Jaminia quadridens, Pupilla bigranata, Pyramidula pusilla, Truncatellina callicratis, Truncatellina claustralis

Valeur biologique

La valeur biologique importante de ces 2 habitats en Poitou-Charentes est due à leur rareté intrinsèque et à leur faible superficie. D’un point de vue floristique, les pelouses rupicoles sont moins riches en plantes patrimoniales que les pelouses vivaces denses qu’elles jouxtent généralement. Néanmoins, la Mélique ciliée Melica ciliata, l’Orpin rouge Sedum rubens et l’Hutchinsie des pierres Hornungia petraea, espèces inscrites sur la liste rouge régionale, leur sont inféodées. En revanche, les pelouses pionnières sur sables présentent un intérêt floristique considérable comme uniques localités non littorales d’espèces typiques de la flore dunaire : Corynephorus canescens, Silene conica, Silene otites, Armeria arenaria, Carex arenaria

Menaces

Les pelouses rupicoles, toujours très morcelées, se maintiennent assez bien en bordure de falaises ou sur les rochers. Dans le cas où elles sont imbriquées dans d’autres types de pelouses au sein d’ensembles pâturés, elles tendent à disparaître avec l’abandon du pâturage. La plus grande menace pour ce groupement reste aujourd’hui la surfréquentation de certaines zones pour les loisirs : véhicules tout-terrain, escalade, pique-nique, etc. Paradoxalement, ces pratiques, lorsqu’elles ne sont pas trop intensives, permettent de maintenir l’ouverture du milieu et favorisent cet habitat.
Quant aux pelouses pionnières sur sables, leur principale menace tient à l’ouverture de carrières exploitant les sables calcaires. La reconversion de celles-ci en dépôts d’ordures sauvages ou en zones de loisirs (étangs d’agrément, circuits pour motos tout-terrain) représente également un avatar fréquent. La fermeture du tapis végétal est par ailleurs un facteur d’appauvrissement marqué de ces habitats dont la végétation optimale doit présenter un recouvrement faible pour permettre la survie de nombreuses espèces naines (mousses, lichens, thérophytes).

Statut régional

Habitat très disséminé : les pelouses rupicoles ont leur fréquence maximale en 16 où les biotopes rocheux calcaires sont assez répandus et, à un moindre degré, en 86. Les pelouses pionnières sur sables sont essentiellement connues de 86 (Loudunais et région de Lussac-les Châteaux)

16 : plateaux calcaires d’Angoulême, chaumes du Vignac, coteaux de Châteauneuf
17 : chaumes de Sèchebec, chaumes de St Porchaire
86 : pelouses dolomitiques des environs de Lussac, pelouses sur « varennes » du Loudunais et du Châtellerauldais

 

Végétation des dalles siliceuses

Rédacteur : David Suarez

Physionomie-écologie

Les pelouses rupicoles siliceuses sont des formations végétales pionnières à dominante de vivaces qui se développent sur les corniches et vires rocheuses des bordures de falaises siliceuses, ainsi que sur les gros blocs rocheux détachés de celles-ci ou mis à nu par l’érosion. Sur ces roches, notamment en exposition sud, les contraintes écologiques sont extrêmes : sols squelettiques, déficit hydrique et ensoleillement important. Les conditions de sécheresse qui en résultent entraînent l’installation d’une flore xérophile très spécialisée qui a développé diverses stratégies d’adaptation telles que la succulence des feuilles, la réduction des surfaces foliaires…

L’abondance des espèces du genre Sedum donne habituellement à l’habitat sa physionomie caractéristique, complétée au printemps et parfois à l’automne par la floraison discrète et fugace de quelques annuelles. Il s’agit de pelouses très rases, écorchées et peu recouvrantes, dominées par les thérophytes et les chaméphytes crassulescents, accompagnés par de nombreux lichens. Cet habitat peut présenter un aspect très variable d’une année sur l’autre, en fonction des conditions météorologiques et, notamment, de la pluviométrie, qui influe directement sur l’abondance, voire l’absence des annuelles.

Dans la région Poitou-Charentes, les surfaces occupées par cet habitat sont très faibles, le plus souvent limitées à quelques m2, sur des rochers granitiques ou schisteux dénudés, des dalles affleurantes, en bordure de falaises naturelles ou artificielles (carrières) ou sur celles-ci, à la faveur de légers replats. On notera que les secteurs à roche-mère cristalline sont très localisés dans la région : Charente limousine (16), région de Lathus (86) et Gâtine armoricaine (79).

Certaines des espèces végétales qui composent les pelouses rupicoles siliceuses se rencontrent également parfois au sommet des vieux murs ou sur les corniches des bâtiments anciens, qui constituent alors des supports de substitution réunissant les conditions écologiques favorables à ces plantes spécialisées.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • Sedo albi – Scleranthetea biennis Br.-Bl 1955
    • Sedo albi – Scleranthetalia biennis Br.-Bl 1955 : communautés silicicoles
      • Sedo albi – Veronicion dillenii Oberdorfer ex Korneck 1974 : communautés subatlantiques à médio-européennes

COR 1991

  • 34.11 Pelouses médio-européennes sur débris rocheux siliceux
    • 34.111 Pelouses à Sedum sp
    • 34.114 Communautés thérophytiques médio-européennes
  • 62.3 Dalles rocheuses

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 8230 Pentes rocheuses avec végétation chasmophytique
    • 8230-4 Pelouses pionnières continentales et subatlantiques acidiclines des dalles siliceuses sèches et chaudes

Confusions possibles

Les pelouses rupicoles siliceuses peuvent être confondues avec les pelouses thérophytiques (Thero-Airion), dominées par les annuelles, et les pelouses calcifuges (Nardetalia strictae) composées principalement de vivaces. La distinction de ces 3 groupements est parfois difficile, car ils sont le plus souvent présents ensemble dans les mêmes stations et imbriqués étroitement. De même, sur certains rochers, on peut observer une juxtaposition entre les pelouses rupicoles et la végétation des parois siliceuses (Asplenio billotii-Umbilicion rupestris), où alternent des orpins (Sedum ssp) sur les rebords horizontaux et des fougères dans les fissures et zones verticales. On peut également observer une végétation similaire sur les sommets de vieux murs dont les pierres sont issues de roches cristallines : le cortège végétal y est alors appauvri, accompagné d’espèces exogènes échappées des rocailles de jardin. Il s’agit d’un habitat différent, appartenant au Centrantho-Parietarion.

On notera qu’un biotope équivalent se développe sur les dalles calcaires, appartenant à l’association de l’Alysso-Sedion albi. Malgré une morphologie assez proche, la nature très différente de la roche permet de les distinguer assez facilement.

Dynamique

Les pelouses rupicoles constituent la première phase de végétalisation de la roche siliceuse nue. Lorsque le sol s’épaissit, on observe l’apparition des pelouses à annuelles (Thero-Airion), puis celle des pelouses calcifuges à dominante de vivaces (Nardetalia strictae) et enfin une lande sèche s’installe (Ulicenion minoris).

Les pelouses rupicoles peuvent être considérées comme relativement stables, notamment au niveau des stations situées en bordure de falaise ou sur les rochers, où l’érosion naturelle due aux précipitations et aux vents ne permet pas l’accumulation d’humus et l’installation des vivaces préparant l’apparition des pelouses calcifuges.

Le passage répété d’engins, le surpiétinement, le pâturage intensif par des ovins, bovins ou des lapins des pelouses calcifuges peuvent permettre, en mettant les sols à nu, le maintien ou l’extension de cet habitat, alors souvent associé aux pelouses thérophytiques. Le décapage du sol ou la mise à nu de la roche-mère, lors de la création de carrières notamment, peut également être favorable à son développement.

Espèces indicatrices

[plante2] *Allium schoenoprasum, *Ceratocapnos claviculata, *Gagea bohemica, *Hypericum linariifolium, Micropyrum tenellum, *Plantago subulata, Poa bulbosa, Ranunculus paludosus, Rumex acetosella, Saxifraga tridactylites, Scilla autumnalis, *Scleranthus perennis, Sedum album, *Sedum andegavense, *Sedum forsterianum, Sedum rupestre, *Sedum rubens, *Silene vulgaris ssp bastardii, *Teesdalia coronopifolia, Teesdalia nudicaulis, Thymus praecox
[plante1] Acinos arvensis, Aira caryophyllea, Aira praecox, Allium sphaerocephalon, Andryala integrifolia, Arabidopsis thaliana, Arenaria leptoclados, *Arnoseris minima, *Bupleurum gerardi, Cerastium pumilum, Coincya cheiranthos, Digitalis purpurea, Draba muralis, Erodium cicutarium, Erophila verna, *Galium saxatile, *Halimium umbellatum, Hieracium gr pilosella, Jasione montana, *Linaria pelisseriana, Linaria repens, *Linum trigynum, Logfia gallica, Logfia minima, Mibora verna, Minuartia hybrida, *Moenchia erecta, Petrorhagia prolifera, Potentilla argentea, Potentilla tabernaemontani, Sedum acre, Seseli montanum, *Spergula morisonii, *Spergula pentandra, Stachys recta, Trifolium arvense, Trifolium glomeratum, Veronica arvensis, Vicia lathyroides
[briophytes] Bryum alpinum, Grimmia decipiens, Grimmia laevigata, Philonotis fontana, Racomitrium lanuginosum Riccia ciliifera, Riccia beyrichiana, Targionia hypophylla
[lichens] Cladonia furcata, C.portentosa, C.pyxidata, C.ramulosa, C.gr.coccifera, C.uncialis, Peltigera canina, P.membranacea, P.praetextata, P.rufescens
[reptiles] Podarcis muralis
[amphibiens] Alytes obstetricans
[orthopteres] Aiolopus thalassinus, Calliptamus italicus, Oedipoda caerulescens

Valeur biologique

La valeur biologique importante de cet habitat en Poitou-Charentes est due à sa rareté et sa faible superficie, ainsi qu’à la présence de nombreuses espèces végétales patrimoniales, protégées au niveau national comme la Gagée de bohème Gagea bohemica et l’Orpin d’Angers Sedum andegavense, régional comme le Millepertuis à feuilles de linaire Hypericum linariifolium et le Silène de Bastard Silene vulgaris ssp bastardii, ou inscrites sur les listes rouges nationales et régionales. De plus, ces milieux rocheux constituent un habitat de prédilection pour les reptiles et de nombreux invertébrés.

Menaces

Les pelouses rupicoles, toujours très morcelées, se maintiennent assez bien en bordure de falaises ou sur les rochers. Dans le cas où elles sont imbriquées dans d’autres types de pelouses au sein d’ensembles pâturés, elles tendent à disparaître avec l’abandon du pâturage. La plus grande menace pour cet habitat reste aujourd’hui la surfréquentation de certaines zones pour les loisirs : véhicules tout-terrain, escalade, pique-nique, etc. Paradoxalement, ces pratiques, lorsqu’elles ne sont pas trop intensives, permettent de maintenir l’ouverture du milieu et favorisent cet habitat.

La fermeture du tapis végétal est par ailleurs un facteur d’appauvrissement marqué de ces habitats dont la végétation optimale doit présenter un recouvrement faible pour permettre la survie de nombreuses espèces naines (mousses, lichens, thérophytes).

La Gagée de Bohême Gagea bohemica et l’Orpin d’Angers Sedum andegavense sont 2 espèces très rares (protégées au niveau national), caractéristiques de l’habitat. Leur seul centre de dispersion dans la région Poitou-Charentes se situe autour d’Argenton-Château et de Thouars, dans la partie armoricaine des Deux-Sèvres.

Statut régional

Habitats très disséminé : les affleurements de roches cristallines sont rares en Poitou-Charentes, et les surfaces concernées par cet habitat sont très faibles

16 : vallée de la Tardoire, vallée de l’Issoire

17 : absent

79 : Gâtine, environs de Thouars et d’Argenton le Château

86 : environs de Ligugé, vallée de la Gartempe

 

Gazon de petites annuelles sur sol salé

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie – écologie

En Poitou-Charentes, l’habitat occupe un certain nombre de biotopes humides temporaires caractéristiques de la frange arrière-littorale (jamais à plus de 5km de la mer) des côtes basses à sédimentation estuarienne : pourtour des mares abreuvoirs au sein des complexes de prairies saumâtres, pas inter-parcellaires piétinés et défoncés par le bétail, « jas » (anciennes salines isolées de l’eau marine par la poldérisation), dépressions, mares cynégétiques (gérées avec un assec estival), fossés à niveau d’eau variable, chemins du marais (non empierrés ni stabilisés par des matériaux exogènes) etc. Dans tous les cas, le substrat est argileux, à structure fondue, souvent compacté par le bétail, bien pourvu en calcaire et présente une chlorosité résiduelle (anciennes alluvions fluvio-marines déposées lors de la transgression flandrienne). Le milieu est inondé du milieu de l’automne à la fin du printemps, soit environ 7-8 mois, sous une fine couche d’eau d’origine météorique ou provenant du réseau syndical de fossés drainant le marais. L’exondation intervient courant juin et l’habitat connaît son optimal phénologique en juillet-août. L’habitat est structuré par une végétation rase, paucispécifique (6.3 espèces en moyenne sur 18 relevés effectués en 17) et peu recouvrante (recouvrement de 20 à 80% mais le plus souvent situé entre 20 et 40%. Les thérophytes représentent en général plus de la moitié du cortège et nombre d’entre eux possèdent des adaptations aux conditions stationnelles drastiques (succession de phases inondée/sèche, piétinement, sol salé peu évolué) : appareil végétatif prostré (Crypsis) ou très plastique morphologiquement (Atriplex). Le pâturage est un autre facteur essentiel car il bloque le développement des vivaces et permet le maintien de zones de sol nu où l’habitat se développe. Les Crypsis y sont remarquablement adaptés puisque leurs tiges rampant sur le sol se cassent très aisément et les « têtes florales » sont emportées entières par le bétail qui disperse ainsi l’espèce dans d’autres sites favorables. Sur le littoral de la Charente-maritime, la variabilité de l’habitat s’organise selon un gradient de salinité : le faciès méso-halin est caractérisé par divers halophytes tels que le Jonc de Gérard Juncus gerardii ou la Salicorne rameuse Salicornia ramosissima, alors que le pôle oligo-halin voit le Scirpe des marais Eleocharis palustris et l’Agrostide stolonifère Agrostis stolonifera prendre de l’importance. Les autres faciès de l’habitat, de nature physionomique, dépendent surtout des végétations en mosaïque avec le gazon à Crypsis : scirpaie maritime, scirpaie lacustre…

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Alliance Heleochloion schoenoidis Br.-Bl. 1956

Communautés eutrophiques halonitrophiles d’affinités subméditerranéennes

COR 1991

22.34 Gazons amphibies méridionaux

22.343 Gazons méditerranéens amphibies halo-nitrophiles

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

3170 Mares temporaires méditerranéennes

3170-3 Gazons méditerranéens amphibies halo-nitrophiles

Confusions possibles

Par son écologie et les biotopes très spécifiques qu’il occupe, l’habitat ne peut guère être confondu. Contrairement à la région méditerranéenne où l’habitat se décline en plusieurs habitats élémentaires, ses occurrences centre-atlantiques sont beaucoup moins variées. Néanmoins les situations mixtes sont nombreuses où le gazon à Crypsis forme une mosaïque ouverte avec la scirpaie maritime. De même, en cas de dérive nitrophile, des situations intermédiaires, avec des cortèges hybrides, peuvent se présenter entre le gazon eutrophe à Crypsis et la communauté nitrophile à Chénopode à feuilles grasses qui occupe des biotopes similaires mais dans des conditions de trophie distinctes.

Dynamique

Sous climat thermo-atlantique, le gazon à Crypsis connaît un équilibre dynamique fragile. L’intensité de la pluviométrie et la durée d’ensoleillement règlent la durée et les dates de la période d’exondation au cours de laquelle l’habitat se développe. En régle générale, le gazon à Crypsis succède dans le temps à des communautés aquatiques à callitriches (C.brutia, C.truncata, surtout) et renoncules du sous-genre Batrachium (R.baudotii, R.gr.trichophyllus) qu’il remplace après exondation du substrat. En cas d’assec trop tardif ou absent, le gazon ne s’exprime pas et risque d’être supplanté lors des années suivantes par les hélophytes. De même, la régression ou la disparition du pâturage, favorisent le développement des espèces vivaces très concurrentielles. Certains phénomènes climatiques exceptionnels, comme l’ouragan « Martin » de décembre 1999 qui a provoqué une submersion prolongée de la bande littorale par les eaux marines, semblent très favorables à l’habitat par l’apport massif de sel dans le substrat qui semble stimuler la germination du Crypsis.

Espèces indicatrices

[plante2] Atriplex prostrata, *Chenopodium chenopodioides, *Crypsis aculeata, *Crypsis schoenoides
[plante1] Agrostis stolonifera, Alopecurus bulbosus, *Centaurium spicatum, Centaurium tenuiflorum, Coronopus squamatus, Eleocharis palustris, Hordeum marinum, Juncus gerardii, Polygonum aviculare, Polypogon monspeliensis, Salicornia ramosissima, Scirpus maritimus, Spergularia salina

Valeur biologique

L’habitat constitue le milieu exclusif pour 2 Poacées du genre Crypsis, toutes les 2 inscrites au Livre Rouge de la Flore Menacée de France : le Crypsis piquant Crypsis aculeata, connu aujourd’hui encore de 4 des 5 grands marais arrière-littoraux de Charente-maritime (curieusement, la plante n’est pas connue des marais de Seudre où, pourtant, les biotopes favorables ne manquent pas), parfois en populations importantes (plusieurs milliers de pieds), notamment dans certains espaces protégés bénéficiant d’une gestion favorable (RN du Marais d’Yves, RN des marais de Moëze). Le Crypsis faux-choin Crypsis schoenoides, à l’inverse, connu jusque durant les années 1970 du marais de Rochefort et des marais de l’estuaire Gironde n’a pas été revu depuis près de 30 ans et est considéré comme disparu. Le reste du cortège végétal, qui emprunte ses éléments aux végétations en contact spatial – prairies subhalophiles thermo-atlantiques – ou liées dynamiquement – roselière oligo-haline à Scirpus maritimus, parvo-roselière à Eleocharis palustris – n’abrite en revanche que des espèces communes.

Menaces

Sur la façade atlantique, cet habitat très ponctuel est lié à des conditions hydriques et des modalités agro-pastorales bien précises dont l’altération signifie souvent sa disparition pure et simple. L’abandon du pâturage des prairies arrière-littorales induit une fermeture du tapis végétal et une disparition des zones de sol nu, notamment au niveau des anciennes mares-abreuvoirs qui constituent le biotope électif de l’habitat. En cas d’hygrophilisation (niveaux d’eau plus élevés et/ou plus prolongés), l’habitat est progressivement envahi par des hélophytes coloniaux – Scirpe maritime et Scirpe des marais, surtout – qui vont à terme détruire les gazons à Crypsis par réduction de l’éclairement et accumulation de litière organique sur le sol où les Crypsis ne peuvent plus germer. Le gazon eutrophe à Crypsis aculeata est alors remplacé par une communauté plus franchement nitrophile où l’Arroche prostrée est associée au Chénopode à feuilles grasses Chenopodium chenopodioides, très compétitif et très recouvrant. Par sa situation propé-littorale, l’habitat est par ailleurs exposé aux menaces propres à cette tranche convoitée de territoire : spéculations foncières, changements d’affectation, urbanisation…

Statut régional

Habitat présent uniquement sur la frange arrière-littorale de 17 et le long de l’estuaire de la Gironde, où il reste partout ponctuel et extrêmement localisé.

Tous les sites abritant l’habitat sont intégrés et décrits dans les inventaires du patrimoine naturel récents (ZNIEFF, NATURA 2000) auxquels on se reportera pour plus de détails.

17 : Réserve Naturelle du Marais d’Yves, Réserve Naturelle des Marais de Moëze, marais de Rochefort, prairies de l’estuaire Charente.

Deux situations typiques de l’habitat

 

Végétation de grandes annuelles nitrophiles

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie – écologie

L’habitat est susceptible d’occuper 3 types de milieux différents : les berges des rivières à courant lent, les rives de pièces d’eau à niveau variable (mares, étangs), ces 2 cas correspondant à des situations primaires, et certains sites sureutrophisés tels que les abords d’abreuvoirs, les zones d’épandage de lisiers ou de boues de stations d’épuration (situations secondaires). Dans tous les cas, le substrat présente une forte humidité saisonnière favorisée par les fluctuations du niveau de l’eau, une grande richesse en azote, phosphates et potassium et une couverture végétale vivace nulle ou très faible (favorisée en bordure des rivières par les crues régulières). L’habitat possède un caractère pionnier et instable manifeste, largement dépendant de la dynamique hydraulique (date et durée de l’étiage, intensité des crues).

La végétation est structurée par de grandes espèces annuelles appartenant surtout aux familles des Polygonacées (genre Polygonum, surtout, avec 6 espèces, genre Rumex), des Astéracées (genre Bidens avec 2 espèces spontanées et 1 adventice américaine) et des Chénopodiacées (genre Chenopodium). Plusieurs de ces espèces possèdent des semences pouvant rester dormantes dans le substrat durant de longues années, attendant des conditions favorables pour germer (plantes à éclipses). La phénologie est tardi-estivale à automnale, au moment de l’étiage, la végétation se développant alors très rapidement sous l’effet de la chaleur sur un substrat nu, encore humide et très riche en azote.

Comme ailleurs en France, la variabilité régionale de l’habitat est surtout sous la dépendance des conditions hydrologiques et de la granulométrie du substrat, la richesse en nutriments intervenant plus dans l’abondance de la biomasse que dans la différenciation des faciès. La typologie phytosociologique est mal connue en Poitou-Charentes mais plusieurs associations répandues dans une grande partie des plaines tempérées françaises sont manifestement présentes. Certains types méritent une mention particulière en raison d’une écologie plus spécifique : c’est le cas de la communauté à Arroche prostrée et Chénopode à feuilles grasses (Atriplici-Chenopodietum chenopodioidis) qui colonise les vases organiques légèrement salées des polders littoraux ; ou encore du Chenopodion rubri propre aux rives de la Loire (et entièrement dépendant du régime hydrologique de ce fleuve) qui pénètre dans l’extrême nord de la région en s’avançant le long de certains affluents majeurs tels que la Vienne.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Alliance Bidention tripartitae Tüxen, Lohmeyer Preising 1950

Communautés des sols limoneux et argileux

Alliance Chenopodion rubri (Poli et J.Tüxen 1960) Kopecky 1969 Lohmeyer Preising 1950

Communautés des sols sableux à graveleux

COR 1991

22.33 Groupements à Bidens tripartitus (eaux dormantes)

24.52 Groupements euro-sibériens annuels de vases fluviatiles

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

3170 Rivières avec berges vaseuses avec végétation du Chenopodion rubri p.p. et du Bidention p.p.

3170-1 Bidention des rivières et Chenopodion rubri (hors Loire)

3170-2 Chenopodion rubri du lit de la Loire

Confusions possibles

Des confusions restent possibles avec les formes eutrophisées des gazons amphibies des grèves lorsque ceux-ci s’enrichissent en espèces nitrophiles. Ces derniers présentent toutefois en principe une structure beaucoup plus basse. En situations secondaires, on remarquera que l’habitat possède de nombreuses espèces en commun avec la végétation adventice des cultures sur sol argilo-calcaire humide.

Dynamique

Par son caractère pionnier et annuel, cet habitat est très sensible à la concurrence des végétaux vivaces structurant les habitats situés souvent immédiatement en contact : roselières, magnocariçaies, mégaphorbiaies, saulaies arbustives. Toute modification des conditions hydrologiques risque alors de faire pencher la balance en faveur de ces dernières. Dans les situations en bordure des rivières, seules les crues régulières sont à même de bloquer cette implantation des vivaces et de dégager des espaces favorables à l’habitat.

Espèces indicatrices

[plante2] Alopecurus aequalis, *Bidens cernua, (Bidens frondosa), Bidens tripartita, Brassica nigra, Chenopodium chenopodioides, *Chenopodium glaucum, *Crypsis alopecuroides, Cuscuta australis var.bidentis, Leersia oryzoides, Polygonum hydropiper, Polygonum lapathifolium, Polygonum minus, Polygonum mite, Ranunculus sceleratus, *Rumex palustris
[plante1] Atriplex patula, Atriplex prostrata, Chenopodium polyspermum, *Corrigiola littoralis, Echinochloa crus-galli, *Erysimum cheiranthoides, Polygonum persicaria, Potentilla anserina, *Pulicaria vulgaris, Rorippa amphibia, Rorippa sylvestris, Veronica catenata
[briophytes] Amblystegium riparium, Aphanoregma patens, Bryum pseudotriquetrum, Calliergonella cuspidata, Drepanocladus aduncus, Drepanocladus lycopodioides, Micromitrium tenerum, Physcomitrium eurystomum, Physcomitrium sphaericum, Riccia canaliculata, Riccia cavernosa, Riccia huebeneriana
[champignons] Agrocybe aegerita, Bolbitius vitellinus, Coprinus atramentarius, Crepidotus crocophyllus, Galerina marginata, Hypholoma ericaceoides, Lentinus tigrinus, Lepista sordida, Melanoleuca brevipes, M. polioleuca, Mitrophora semilibera, Panaeolus foenisecii, P. papilionaceus, P. sphinctrinus, Psathyrella candolleana, P. lacrymabunda, Sarcoscypha coccinea, Verpa digitaliformis

Valeur biologique

Sur le plan floristique, l’habitat est dominé avant tout par des espèces euro sibériennes à vaste répartition et communes au niveau régional. Quelques espèces rares ou très rares s’y localisent cependant comme la Pulicaire vulgaire Pulicaria vulgaris, considérée comme commune autrefois mais en très forte régression de nos jours ou le Crypsis faux-vulpin Crypsis alopecuroides dont moins de 5 stations sont connues aujourd’hui en Poitou-Charentes. Le Vélar fausse-giroflée Erysimum cheiranthoides apparaît quant à lui comme bien implanté encore, notamment dans la moyenne vallée de la Charente et la basse vallée de la Boutonne.

Menaces

En bordure de rivières comme sur les rives d’étangs, la menace principale consiste dans la régularisation artificielle du niveau de l’eau. Ce maintien du fonctionnement naturel de l’hydrosystème vient souvent s’opposer à diverses fonctions récentes jouées par les milieux aquatiques (étangs d’agrément, barrages, endiguements, circulation fluviale..). Cette réduction des variations hydriques a entraîné une forte régression des surfaces occupées par l’habitat en Poitou-Charentes comme partout en Europe de l’Ouest, ainsi qu’un appauvrissement des communautés dont beaucoup sont aujourd’hui réduites à un linéaire de quelques espèces banales. L’invasion de l’habitat par des pestes végétales constitue une autre menace, plus récente, mais dont l’impact a crû fortement durant les 2 dernières décennies : la faible concurrence, la grande richesse trophique et la bonne alimentation en eau régnant dans ces biotopes en font des lieux privilégiés d’implantation de xénophytes dont les plus agressives dans la région sont les jussies (Ludwigia peploides et L.grandiflora), le Myriophylle du Brésil Myriophyllum brasiliense ou le Galinsoga velu Galinsoga ciliata (vallée de la Vienne, surtout).

Statut régional

Habitat présent dans toute la région, surtout le long des grandes rivières – Charente, Boutonne, Vienne, Gartempe, Creuse, Clain – ainsi qu’en bordure de nombreux étangs.

16 : vallée de la Charente, étang du Confolentais

17 : moyenne vallée de la Charente, entre Cognac et St Savinien, valllée de la Boutonne

86 : basse vallée de la Vienne, au nord de Dangé ; vallée de la Creuse jusqu’au confluent avec la Vienne

79 : étangs de l’Argentonnais