Roselières basses à moyennes

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie – écologie

Les roselières basses à moyennes sont des ceintures végétales situées au bord des cours d’eau ou des eaux dormantes. Composées de petits hélophytes généralement non graminoïdes, elles sont représentées par un ensemble de communautés végétales souvent dominées par une ou plusieurs espèces sociales qui leur confèrent leur apparence. Cet habitat est composé d’espèces héliophiles plus ou moins basses, généralement situées dans une zone de transition entre le milieu aquatique continuellement submergé par l’eau et le milieu terrestre ou parfois sur des sols hygromorphes. Il se développe souvent sur substrats vaseux à limoneux dans des eaux mésotrophes à eutrophes et se rencontre la plupart du temps en formation linéaire ou en petites nappes soit en mélange avec les roselières hautes (phragmitaie) soit en contact avec ces dernières. Ce type de roselière présente une grande variabilité en fonction des propriétés physico-chimiques de l’eau et du substrat au sein desquelles elles se développent. En effet, cet habitat se décline en 14 associations végétales et 4 alliances phytosociologiques. Ces différents types de roselière sont classés en fonction de l’espèce dominante et sont décrits sous la forme de communautés d’espèces :

Communautés des zones à nappe à faibles variations de niveau :

  • communauté à Grande Berle Sium latifolium ( Rorippo amphibiae-Sietum latifolii ) des fossés envasés ;
  • communauté à Prêle des rivières Equisetum fluviatile ( Equisetetum fluviatilis ), des eaux assez profondes, froides ;
    – communauté à Pesse d’eau Hippuris vulgaris ( Hippuridetum vulgaris ) dans les eaux courantes à stagnantes, froides, claires et riches en nutriments ;
  • communauté à Grande glycérie Glyceria maxima ( Glycerietum maximae ), formation végétale plutôt haute généralement en bande étroite le long des petits ruisseaux voire des fossés, se rencontrant souvent dans les prairies humides dans des zones fréquemment inondées par des eaux eutrophes ;
  • communauté à Acore vrai ( Acoretum calami ) plutôt thermophile ;
  • communauté à Rubanier rameux ( Sparganietum erecti ) caractéristique des eaux stagnantes sur des vases riches en minéraux et en calcaires ;

Communautés pionnières des bordures perturbées d’eaux calmes

  • communauté à Sagittaire ( Sagittario-Sparganietum emersi ) dans les eaux méso-eutrophes à écoulement lent ou parfois stagnantes ;
  • communauté à Butome en ombelle ( Butometum umbellati ) des eaux courantes à stagnantes à fort battement, formation végétale généralement ouverte caractéristique des eaux alcalines et minéralisées.
  • communauté à Oenanthe aquatique et de Rorippe amphibie ( Oenantho aquaticae-Rorippetum amphibiae ) située parfois au bord des roselières hautes ;
  • communauté à Scirpe maritime, non littorale, sur vases eutrophes des bords d’étangs ( Polygono-Scirpetum maritimi ) ;

Communautés des rives de fleuves et rivières

  • communauté à Baldingère Phalaris arundinacea ( Phalaridetum arundinaceae ), considérée comme une forme dégradée des roselières hautes à Phragmites (CB : 53.11). La phalaridaie forme des peuplements purs ou parfois en mélange avec Phragmites australis. Elle peut supporter des sécheresses importantes et prolongées et résiste bien aux pollutions et aux perturbations diverses. Elle forme souvent des ceintures végétales sur des sols jamais inondés (roselière terrestre).

Communautés subhalophiles

  • communautés de scirpes halophiles ( Scirpion maritimi ) caractéristiques des eaux plus ou moins saumâtres, représentées par plusieurs groupements : à Schoenoplectus tabernaemontani, à Bolboschoenus maritimus, à Schoenoplectus triqueter… Ces formations se rencontrent exclusivement sur la frange littorale de la région Poitou-Charentes.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF2004

PHRAGMITI AUSTRALIS-MAGNOCARICETEA ELATAE Klika in Klika et Novak 1949

PHRAGMITETALIA AUSTRALIS Koch 1926
Phragmition communis Koch 1926
Oenanthion aquaticae Hejny ex Neuhausl 1959
Phalaridion arundinaceae Kopecky 1961

SCIRPETALIA COMPACTI Hejny in Holub et al. 1967
Scirpion compacto-littoralis Rivas-Martinez 1980

CORINE 1991

53.14 Roselières basses à moyennes
53.15 Végétation à Glyceria maxima (GLYCERIETUM MAXIMAE)
53.16 Végétation à Phalaris arundinacea (PHALARIDETUM ARUNDINACEAE)
53.17 Végétation à scirpes halophiles (SCIRPION MARITIMI)

Confusions possibles

Cet habitat s’identifie facilement ce qui exclue toute confusion avec d’autres habitats. Cependant il peut parfois se rencontrer en mélange avec les roselières hautes à Phragmites australis (CB : 53.11) et former la strate inférieure de ces dernières.
D’autre part cet habitat, souvent présent en ruban le long des cours d’eau, peut se trouver pénétré par des espèces des prairies humides et des mégaphorbiaies voisines ce qui peut rendre l’identification plus difficile.

Dynamique

La dynamique naturelle va dépendre du maintien du régime hydrique des cours d’eau ou des étangs que ces roselières bordent. En effet, si la fréquence et l’importance des inondations diminuent, les conditions deviennent moins contraignantes pour d’autres espèces moins hygrophiles.
La dynamique progressive de cet habitat peut conduire à l’installation de grands hélophytes tels que les phragmites ou les massettes. Les formations à Grande Glycérie installées dans les fossés ou petits ruisseaux, laissent parfois la place à des cariçaies relativement pauvres semées de quelques saules.

Espèces indicatrices

[plante2] Acorus calamus, Alisma lanceolatum, Alisma plantago aquatica, Bolboschoenus maritimus, Butomus umbellatus, Equisetum fluviatile, Glyceria maxima, *Hippuris vulgaris, Oenanthe aquatica, Phalaris arundinacea, Rorippa amphibia, Sagittaria sagittifolia, *Sium latifolium, Schoenoplectus tabernaemontani, *Scirpus triqueter, Sparganium emersum, Sparganium erectum ssp. erectum, Sparganium erectum ssp. neglectum, Veronica anagallis-aquatica
[plante1] Baldellia ranunculoides, Eleocharis palustris, Oenanthe fistulosa
[briophytes] Fontinalis antipyretica, Octodiceras fontanum, Rhynchostegium riparioides

Valeur biologique

Ce sont des habitats d’interface entre le milieu aquatique et le milieu terrestre qui ont une fonction importante dans le cycle annuel de développement d’insectes dont les larves sont aquatiques tels que les Odonates et les Ephémères. Elles peuvent être utilisées comme support de pontes par certaines espèces d’amphibiens et comme site d’alimentation et de reproduction pour la faune piscicole. Souvent résistantes aux pollutions et perturbations d’origines anthropiques, les roselières jouent un important rôle épurateur et dénitrifiant. Certaines de leurs espèces végétales structurantes présentes un caractère de rareté régionale marqué : Sium latifolium, Scirpus triqueter surtout et, à un moindre degré, Hippuris vulgaris, Schoenoplectus tabernaemontani ou Butomus umbellatus.

Menaces

La simplification et les modifications – recalibrage, enrochements, bétonnage – apportées aux petits cours d’eau parfois considérés comme de « vulgaires fossés » portent gravement atteinte au maintien de ces habitats et ainsi au fonctionnement écologique global du cours d’eau et plus généralement des zones humides auxquelles ils appartiennent.
D’autre part les modifications du régime hydrique des cours d’eau (prélèvements d’eau en période d’étiage), se traduisant
par des kilomètres d’assec, ne sont pas pour favoriser le maintien de ces habitats qui vont être colonisés par des espèces moins hygrophiles plus compétitives. Par ailleurs, les faciès de l’habitat liés aux biotopes neufs ou perturbés – carrières inondées, fossés « nettoyés » – présentent une forte résilience à la pollution et aux brusques variations de milieux.

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, ce type de milieu est assez rare à assez commun. Cependant le recalibrage des petits cours d’eau marqués par ailleurs par des assecs estivaux importants dans les secteurs à agriculture intensive sont à l’origine de la forte régression de ces habitats.

 

Gazons amphibies vivaces

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie- écologie

Les gazons amphibies des grèves sont des habitats héliophiles, liés à une alternance de périodes très humides allant jusqu’à la submersion et de périodes sèches parfois très prononcées. Ces types de gazons comprennent deux ensembles de formations végétales bien distinctes : les gazons amphibies non méditerranéens installés sur les grèves des pourtours d’étangs et de mares, et les gazons amphibies méridionaux des micro-dépressions et des mares temporaires sur corniches, dalles rocheuses et, plus rarement, ornières forestières inondées.
L’installation des gazons amphibies des grèves d’étangs nécessite que les bords soient en pente douce afin de permettre un marnage plus ou moins important. Il s’agit d’un gazon formé essentiellement de plantes vivaces dicotylédones et de ptéridophytes (Pilulaire à globules) très clairsemées uni- stratifiées, laissant ainsi la possibilité aux annuelles de venir pénétrer cet habitat. Les espèces végétales qui s’expriment dans ce type d’habitat sont très spécialisées, car elles doivent être adaptées à une alternance de périodes de submersion prolongées et de périodes d’assecs parfois importantes sur des substrats drainants, souvent oligotrophes, acides ou parfois basiques, à granulométrie grossière à fine (limon). La phénologie est souvent très tardive (fin d’été-automne) en relation avec les variations de la lame d’eau en été. Beaucoup d’espèces formeront des fleurs et des fruits lors de la période d’exondation (étiage).
Cet habitat présente une grande variabilité régionale liée à la texture du substrat et comprend :

  • une communauté à Scirpe des marais et Littorelle Eleocharo palustris-Littorelletum uniflorae et une communauté à Littorelle et Isoète à feuilles ténues Littorello uniflorae-Isoetetum tenuissimae sur substrats sableux siliceux (arènes granitiques ou gréseuses) non enrichis en matières organiques
  • une communauté à Pilulaire à globules Pilularietum globuliferae sur substrats limoneux non enrichis en matières organiques ;
  • une communauté à Scirpe flottant Scirpetum fluitantis , à Millepertuis des marais et Potamot à feuilles de renouée Hyperico elodis-Potametum polygonifolii ou à Scirpe à tiges nombreuses Eleocharitetum multicaulis sur substrats organiques plus ou moins inondés.
    Il existe par ailleurs des formes paucispécifiques de cet habitat représentées par les seules populations de la Littorelle uniflore.
    Les gazons amphibies méridionaux correspondent à des pelouses vivaces méso-hygrophiles installées au niveau de suintements et de sources sur roches granitiques ou gréseuses. Cet habitat est très localisé et se développe en mosaïque au sein de pelouses méso-xérophiles sous un climat thermo-atlantique. Les espèces qui composent cet habitat sont surtout des herbacées méso-hygrophiles dont des Ptéridophytes (Isoètes, ophioglosses) et des Bryophytes (hépatiques du genre Riccia et mousses des genres Bryum et Philonotis) avec un recouvrement variable mais formant souvent des pelouses ouvertes. La phénologie est plutôt printanière précoce, ces pelouses étant installées sur des sols squelettiques n’offrant aucune rétention d’eau possible ; les espèces végétales telles que l’Isoète épineux Isoetes histrix et l’Ophioglosse des Acores Ophioglossum azoricum développent leurs organes reproducteurs avant la dessiccation estivale. Lors de certaines années marquées par une forte sécheresse hivernale, cette végétation peut être totalement inexistante.
    En région Poitou-Charentes, cet habitat méditerranéen n’existe que sous une seule forme : la communauté intérieure thermo-atlantique à Isoète épineux, Cresson des Pyrénées et Ophioglosse des Açores Ophioglosso azorici-Isoetetum histricis .

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF2004

LITTORELLETALIA UNIFLORAE Koch 1926

Elodo palustris-Sparganion (=Hydrocotylo vulgaris-Baldellion ranunculoidis) Br.-Bl. & Tüxen ex Oberdorfer 1957

  • Eleocharitetum multicaulis
  • Eleocharo palustris-Littorelletum uniflorae
  • Hyperico elodis-Potametum polygonifolii
  • Littorello uniflorae-Isoetetum tenuissimae
  • Pilularietum globuliferae
  • Scirpetum fluitantis

ISOETETALIA DURIEUI Br.-Bl. 1936
Isoetion durieui Br.-Bl. 1936 (=Ophioglosso lusitanici-Isoetion histricis)
Ophioglosso azorici-Isoetetum histricis

CORINE 1991*

22.31 Communautés amphibies pérennes non méditerranéennes (LITTORELLETATLIA)
22.34 Gazons amphibies méridionaux (ISOETALIA)

DH 1992

3110 Eaux stagnantes à végétation vivace oligotrophique planitiaire à collinéenne des régions atlantiques, des Littorelletea uniflorae
3120 Pelouses méso-hygrophiles oligotrophiques thermo-atlantiques à Isoète épineux et ophioglosses

Confusions possibles

Les gazons amphibies des grèves d’étangs et les gazons méridionaux sont des habitats très particuliers qui présentent peu de risques de confusion. La discrétion des pelouses à Isoètes et Ophioglosse rend parfois l’habitat difficilement repérable fondu dans la masse des pelouses méso-xérophiles voisines. L’identification peu aisée de l’Isoète épineux et le risque de confusion avec les jeunes pousses de Scille d’Automne peut rendre la lecture de la composition de cet habitat incomplète ou erronée.

Dynamique

Les gazons amphibies des grèves d’étangs sont assez stables car les conditions de ce type de milieu sont très contraignantes pour l’installation des végétaux non adaptés, notamment des espèces de roselières, potentielles à ce niveau. L’enrichissement du substrat en matières organiques peut conduire à des groupements plus turficoles.

La végétation des mares temporaires méditerranéennes est fortement liée au maintien des conditions hydriques du milieu. Ainsi, on peut observer de grandes variations inter annuelles tant au niveau spatial et qu’à celui de la composition spécifique (espèces à éclipse). Si les conditions deviennent plus sèches, l’habitat évoluera vers une forme de pelouses méso-xérophiles. D’autre part l’abandon des pratiques pastorales traditionnelles favorise l’envahissement du milieu par des espèces des landes sèches ou des fourrés à Prunellier et Ajonc d’Europe qui peuvent rapidement provoquer l’extinction de l’habitat.

En règle générale la sécheresse estivale et la faible profondeur du sol induisent une évolution relativement lente de ce type de groupement.

Espèces indicatrices

[plante2] Apium inundatum, Baldellia ranunculoides, Eleocharis acicularis, Eleocharis multicaulis, Eleogiton fluitans, Hypericum elodes, *Isoetes histrix, *Isoetes velata subsp. tenuissima, *Juncus heterophyllus, *Littorella uniflora, *Luronium natans, *Marsilea quadrifolia, *Ophioglossum azoricum, *Pilularia globulifera, *Ranunculus nodiflorus, *Ranunculus ololeucos
[plante1] *Briza minor, Chamaemelum nobile, *Illecebrum verticillatum, Moenchia erecta, Montia fontana subsp. chondrosperma, Ranunculus paludosus, Rorippa stylosa, Scilla autumnalis
[briophytes] Amblystegium riparium, Bryum alpinum, Calliergonella cuspidata, Drepanocladus aduncus, Philonotis fontana, Riccia beyrichiana

Valeur biologique

Les gazons amphibies non méditerranéens des grèves d’étangs tout comme les gazons amphibies méditerranéens présentent une valeur patrimoniale régionale très élevée. Les gazons amphibies des grèves sont des habitats rares et spécialisés, pouvant abriter des espèces végétales rares et menacées, présentant un statut de protection au niveau européen (Marsilea quadrifolia, Luronium natans), national (Pilularia globulifera, Isoetes velata subsp. tenuissima..) ou régional (Ranunculus ololeucos).
Les gazons amphibies méditerranéens sont des habitats originaux très localisés et concentrés sur de petites surfaces. Ce sont des habitats abritant des espèces végétales rares et menacées, notamment des ptéridophytes, bénéficiant d’un statut de protection au niveau européen comme l’Ophioglosse des Açores (inscrit également comme taxon prioritaire sur le Livre Rouge de la Flore Menacée de France) ou national comme l’Isoète épineux et la Littorelle.

Menaces

Les menaces qui pèsent sur ces milieux sont surtout de nature anthropique. Les activités de loisirs et de tourisme qui existent souvent autour des plans d’eau nuisent à la conservation de ces formations amphibies par la stabilisation des niveaux d’eau et le piétinement intensif des rives qu’elles induisent. La pisciculture de plus en plus intensive entraîne une eutrophisation du milieu (apports de matières nutritives, nitrates, phosphates, biocides…). Une surpopulation de poissons fouisseurs tels que les carpes et tanches provoque une turbidité importante et constante des eaux anéantissant pratiquement toute végétation immergée. Le reprofilage des berges en pentes abruptes signifie la destruction totale de l’habitat et l’impossibilité pour celui-ci de pouvoir recoloniser le milieu.
Quant aux gazons amphibies méridionaux, leur préservation est souvent mise en péril par des projets liés à l’urbanisation, la surfréquentation (tourisme, loisirs) entraînant un piétinement important, le développement de sport en pleine nature (quads, moto-cross, 4×4, VTT…) et par une dynamique naturelle de la végétation après l’abandon du pastoralisme. D’autre part, les apports en matières organiques, en modifiant les conditions d’oligotrophie, risquent de conduire à la disparition des plantes typiques de l’habitat au profit d’espèces végétales nitrophiles plus compétitives.

Statut régional

Habitat rare et en régression, plus fréquent toutefois dans les Deux-Sèvres (partie armoricaine), le sud de la Vienne (étangs) et le nord-est de la Charente. Les pelouses à Isoète et Ophioglosse sont extrêmement localisées et ne couvrent que quelques ares pour tout le Poitou-Charentes.

Les sites les plus remarquables :

16 : étang des Sèches, étang de Nieul
17 : landes de Montendre, bois au sud de Rochefort
79 : vallées autour d’Argenton-Château, étangs de la Gâtine
86 : étangs d’Asnières-sur-Blourde, de la Puye, de Saint-Léomer, vallée de la Gartempe à Lathus

 

Dépressions inondées à utriculaires

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie – écologie

Cet habitat occupe de petites dépressions naturelles ou des fosses issues d’une ancienne exploitation de tourbe, au sein de marais acides ou neutro-alcalins. Plus rarement, il existe aussi dans des mares creusées lors de l’extraction de matériaux minéraux (meulière, pierres calcaires…). Les communautés végétales associées sont donc peu exigeantes vis-à-vis de la minéralisation du substrat. Il s’agit d’habitats couvrant en général de faibles superficies, dont l’optimum écologique est atteint lorsque la lame d’eau est peu profonde (environ 30 cm) et que le niveau de trophie se situe entre des conditions oligotrophes et mésotrophes. Les eaux sont souvent de couleur brune car relativement riches en acide humique (dystrophie) sur un substrat qui peut être vaseux ou tourbeux. Les mares où prospère l’habitat, bien exposées au soleil, peuvent subir parfois des assèchements estivaux sans que cela nuise toutefois à sa pérennité dès lors que ceux-ci ne sont pas trop prononcés. La végétation est généralement pauvre en espèces et présente une certaine variabilité physionomique liée à la minéralisation du substrat. Le recouvrement, en général faible, est structuré par des végétaux supérieurs de petite taille, rampants et dominant un tapis bryophytique plus ou moins dense.
En Poitou-Charentes, on distingue 3 communautés végétales différentes. L’une d’entre elles est plutôt acidiphile et supporte des pH relativement bas (pH=4). Cette communauté composée de sphaignes (Sphagnum cuspidatum) et d’utriculaires (U. minor et U. australis) est caractéristique des mares acides, des dépressions et des chenaux des tourbières acides à sphaignes ( Sphagno cuspidati-Utricularietum minoris ).
Les 2 autres communautés s’expriment lorsque les conditions du substrat sont plutôt neutro-alcalines (jusqu’à pH=8). Elles se rencontrent généralement au sein des mares, des étangs, des dépressions ou fosses de tourbage et des bas marais alcalins. Lorsque le substrat est peu acide, oligo-mésotrophe et riche en acide humique, on rencontrera plutôt des communautés à Rubanier nain (Sparganium minimum) et Utriculaires (Utricularia minor et U. australis) ( Sparganietum minimi ). En revanche s’il s’agit de mares ou dépressions situées au sein de bas-marais alcalins, donc en conditions plus basiques, on notera plutôt la présence de communautés à Petite Utriculaire (Utricularia minor) et à bryophytes pleurocarpes des genres Calliergonella, Drepanocladus ou Scorpidium ( Scorpidio scorpidioidis-Utricularietum minoris) .

Phytosociologie et correspondances typologiques

Utricularietea intermedio-minoris Pietsch ex Krausch 1968

Utricularietalia intermedio-minoris Pietsch ex Krausch 1968

  • Communautés acidiphiles :
    Sphagno cuspidati-Utricularion minoris Müller & Görs 1960
  • Communautés neutro-alcalines :
    Scorpidio scorpidioidis-Utricularion minoris Pietsch ex Krausch 1968

COR 1991

22.45 Mares de tourbières à sphaignes et utriculaires

Directive Habitats 1992
3160 Mares dystrophes naturelles

Confusions possibles

Les mares dystrophes à utriculaires peuvent être confondues avec d’autres communautés à utriculaires (Utricularia vulgaris, Utricularia australis) qui font partie de l’alliance phytosociologique de l’Hydrocharition des mares et lacs eutrophes. Ces dernières s’expriment dans des eaux verdâtres à gris sale plus ou moins troubles, pauvres en acides humiques, plus profondes et avec des niveaux de trophie plus importants (eaux méso-eutrophes).
Le cortège floristique est très différent de celui des mares dystrophes naturelles ou dépressions inondées à utriculaires et inclut en général des espèces des communautés à potamots (Potametea). L’habitat correspond alors aux « Plans d’eau eutrophes avec dominance de macrophytes submergés » (COR 22.12 & 22.13 X 22.41 et EUR 3150).

Dynamique

Il s’agit d’un habitat relativement stable présentant une dynamique naturelle lente lorsqu’il se trouve au sein de dépressions naturelles de tourbières acides ou neutro-alcalines. En revanche lorsqu’il s’agit d’anciennes fosses d’extraction (de tourbe) ou de chenaux artificiels, la colonisation par des bryophytes, divers hélophytes tels que les Carex spp., Juncus spp., Cladium mariscus et finalement par les ligneux (Salix spp.) est possible et peut conduire à la disparition du groupement au profit d’autres formations végétales. En règle générale, la sécheresse estivale et la faible profondeur du sol induisent toutefois une évolution relativement lente de ce type de groupement.

Espèces indicatrices

[plante2] *Sparganium minimum, *Utricularia australis, *Utricularia intermedia, *Utricularia minor
[odonates] Cordulia aenea, Leucorrhinia albifrons, Leucorrhinia caudalis, Leucorrhinia pectoralis, Libellula quadrimaculata, Somatochlora flavomaculata, Somatochlora metallica
[briophytes] Amblystegium riparium, Calliergonella cuspidata, Drepanocladus aduncus, Drepanocladus lycopodioides, Scorpidium scorpidioides, Sphagnum spp.

Valeur biologique

Les mares dystrophes naturelles ou dépressions inondées à utriculaires sont des habitats souvent relictuels et originaux, encore très mal connus dans la région. Ils abritent une flore spécialisée dont la plupart des espèces caractéristiques sont rares et menacées. Leur intérêt pour les amphibiens est élevé car elles sont généralement peu propices aux poissons (faible profondeur, assèchement estival, déconnexion du réseau hydraulique). Par ailleurs, ce sont des habitats pour un certain nombre d’espèces d’insectes dont les larves sont aquatiques telles que les odonates. Certains d’entre eux sont caractéristiques des milieux oligotrophes

Menaces

Les menaces qui pèsent sur cet habitat sont plus d’origine anthropique que liées à la dynamique propre de la végétation.
La modification des conditions hydriques (drainage, diminution du niveau des nappes de surface …) et du niveau trophique par apports de matières nutritives (nitrates, phosphates, matières organiques …) a un impact très négatif sur l’habitat. Les projets de pisciculture ou d’équipements de loisirs qui visent souvent à une rentabilisation économique des zones humides ont en général des conséquences drastiques sur cet habitat très fragile par les aménagements qu’ils supposent.

D’autre part, le cortège floristique de l’habitat comprend essentiellement des plantes peu compétitives telles que les utriculaires, soumises très facilement, notamment à basse altitude, à l’invasion par des espèces végétales moins spécialisées mais plus adaptables.

Photo (c) J. Terrisse

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, cet habitat est très rare, très localisé et n’occupe que des surfaces infimes.

Les sites les plus remarquables :

16 : Double charentaise
17 : landes de Montendre (mares de Corignac), landes de Cadeuil
86 : mares du Pinail, fosses de tourbage de la vallée de la Dive du Nord, étangs du sud-est du département

 

Végétation des sources

Rédacteur : Olivier Collober

Physionomie-écologie

Les sources sont les lieux de résurgence des eaux douces souterraines. Les infiltrations d’eau stockée dans les nappes phréatiques ressurgissent spontanément sous forme de sources lorsque des couches imperméables du sous-sol affleurent à la surface ou lorsque les roches qui le constituent présentent des anfractuosités ou une porosité permettant l’écoulement de l’eau vers un niveau inférieur. En fonction de la géologie locale et du relief, la physionomie des sources peut prendre la forme de sources jaillissantes (résurgences à écoulement rapide issues des failles souvent profondes), de suintements (ruissellement ou écoulement plus lents dus à des fissures plus petites ou à la porosité de la roche), de mouillères, de bourbiers, de mares ou de marécages (submersion de la source ou émergence de l’eau dans une zone de dépression naturelle). Dans la région, la majorité des sources ont néanmoins été aménagées en lavoirs ou en abreuvoirs, ou sont l’objet de captages et ont, de ce fait, perdu en partie leur aspect naturel et leur intérêt biologique.

Sortant des profondeurs du sous-sol, l’eau des sources est souvent fraîche et claire, appauvrie en oxygène et en matière organique (oligotrophe à mésotrophe) et est peu soumise aux variations de la température externe, ce qui crée, localement, des conditions microclimatiques relativement constantes. Elle présente ainsi plusieurs caractères propres, propices à l’expression d’une biodiversité spécialisée que l’on regroupe dans un habitat élémentaire unique « Végétation des sources ». Néanmoins, selon la nature de la roche qui compose le sous-sol ou du substrat sur lequel elle s’écoule, cette eau peut être naturellement peu chargée en éléments minéraux dissous (source d’eau douce) ou au contraire, être très minéralisée (source d’eau dure), ce qui constitue le principal critère de différenciation entre les sources et permet de dissocier les associations végétales présentes dans ces eaux ou au contact direct de celles-ci. D’autres caractéristiques biotiques qui influencent la composition des groupements sont ensuite retenues pour différencier certaines sources à l’intérieur de ces deux grandes catégories comme par exemple l’éclairement (sources prairiales/infra-forestières) et, accessoirement, la vitesse d’écoulement de l’eau ou sa stagnation.

On distingue ainsi plus précisément :

  • les sources d’eau neutre ou acide, généralement pauvre en bases et oligotrophe, plus rarement enrichie en nitrates et en phosphates (eutrophe), émergeant des roches imperméables (granit, gneiss, schistes cristallins) et des substrats acides (sables et argiles siliceuses), souvent à l’origine de la formation de rus ou de ruisselets, présentes principalement sur les têtes de bassins versants que constituent les socles primaires de la Gâtine des Deux-Sèvres et des parties orientales de la Vienne et de la Charente.

    La végétation des sources d’eau douce est constituée par des phanérogames vivaces, majoritairement des amphiphytes continentales, et par des bryophytes aquatiques formant des massifs ou des tapis plus ou moins denses sur les zones de suintement ou de stagnation des eaux ainsi que sur les marges des sources jaillissantes (ruisselets). Les phanérogames sont représentées par deux cortèges distincts. Le premier, qui regroupe les espèces héliophiles parmi lesquelles la Montie des fontaines Montia fontana subsp. amporitana, la Renoncule à feuille de lierre Ranunculus hederaceus ou le Populage des marais Caltha palustris, se localise de préférence au sein de milieux ouverts (prairies marécageuses, chemins fangeux, bords dégagés des ruisseaux, mouillères…). En conditions franchement plus sombres ou semi-sciaphiles (bois humides ou berges ombragées), il est remplacé par un autre cortège qui englobe la Dorine à feuilles opposées Chrysosplenium oppositifolium, la Stellaire des bourbiers Stellaria alsine ou la Cardamine flexueuse Cardamine flexuosa. Toutes ces espèces indicatrices sont généralement accompagnées par des peuplements de mousses (Fontinalis sp.) pouvant parfois être dominants, voire exclusifs ;

  • les sources d’eau calcaire, plus ou moins fortement minéralisée (carbonate de calcium), généralement oligotrophe, émergeant des couches sédimentaires, perméables et solubles, qui réapparaît en raison de la porosité de la roche ou de sous couches imperméables (argiles, dépôts de graviers et de sable, assises gréseuses), cantonnées sur les plateaux calcaires du Bassin aquitain et du Bassin parisien et marquées par une très forte originalité (sources pétrifiantes ou incrustantes).

    La végétation des sources d’eau dure est constituée pour l’essentiel de mousses et d’algues très spécialisées. Ces végétaux, formant des tapis plus ou moins recouvrants, participent activement à la fixation du carbonate de calcium en piégeant le gaz carbonique de l’eau. La réaction physico-chimique qu’ils favorisent conduit à la formation de tuf (dépôts calcaires non consistants) ou de travertins (roche calcaire devenue dure). De telles formations se localisent sur les affleurements ou les parois rocheuses calcaires en situation d’humidité constante (couverts forestiers, zone d’abris sous roche). Quelques phanérogames (des Carex) ou cryptogames (des Equisetum) parviennent à investir cet habitat mais ils ne forment en général qu’une strate herbacée très clairsemée.

Les eaux de sources sont également colonisées par des micro-organismes et par de nombreuses espèces animales, adaptées et dépendantes des facteurs hydriques et microclimatiques que confère l’habitat. Parmi les groupes d’espèces les plus représentatifs figurent des invertébrés aquatiques (crénobiontes) ou des escargots d’eau douce (Bytinella), qui se sont spécialisés pour tirer profit des conditions spécifiques de ces niches écologiques à l’exemple de certains qui exploitent les anfractuosités des rochers ruisselants (fauna hygropetrica).

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004 :

  • MONTION FONTANAE – CARDAMINETEA AMARAE– Br.-Bl. et Tüxen ex Klika et Hadäc 1944
    • Cardamino amarae-Chrysosplenietalia alternifolii Hinterlang 1992 : communautés sur substrats carbonatés à humo-tourbeux acides
      • Pellion endiviifoliae Bardat et al. prov. : peuplements dominés par des Hépatiques à thalle des sources neutro-alcalines
      • Riccardio pinguis-Eucladion verticillati Bardat et al.prov. : communautés thermophiles, à Bryophytes tufigènes, sur sols riches en calcium
      • Caricion remotae Kästner 1941 : communautés collinéennes, intra-sylvatiques, dominées par des Phanérogames
    • Montio fontanae-Cardaminetalia amarae Pawlovski 1928 : communautés sur substrats siliceux
      • Epilobio nutantis-Montion fontanae Zechmeister 1994 : communautés collinéennes acidiclines à neutrophiles, héliophiles

COR 1997 :

  • 54. 11 Sources d’eaux douces pauvres en bases
  • 54. 12 Sources d’eaux dures

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats :

7220 « Sources pétrifiantes avec formation de travertins »

Confusions possibles

En présence des espèces indicatrices constituées par les phanérogames, l’habitat des sources d’eau douce est plus facilement identifiable mais il devient particulièrement difficile à repérer lorsque les espèces constitutives sont des bryophytes uniquement. Qui plus est, les espèces héliophiles, qui constituent l’occurrence la moins rare de l’habitat, sont peu nombreuses, souvent en peuplements monospécifiques et généralement discrètes, à l’exception du Populage des marais dont la floraison précoce est souvent massive mais qui peut simplement indiquer la présence d’une prairie humide (37.25). En outre, il peut aussi être confondu avec les communautés flottantes, bien plus courantes et moins exigeantes, qui se développent en général au voisinage immédiat des sources et qui constituent l’habitat élémentaire « Petits hélophytes des eaux dormantes ou courantes » (53.4, classe des GLYCERIO – NASTURTIETEA). Le risque de confusion est accentué par les ressemblances morphologiques qui existent entre la Renoncule à feuille de lierre Ranunculus hederaceus, espèce indicatrice, et la Renoncule de Lenormand Ranunculus omiophyllus, qui est plus souvent rattachée à cet autre habitat.

Néanmoins, la physionomie générale de l’habitat générique (lieux d’émergence des eaux souterraines) et l’attention particulière portée à la détermination des espèces indicatrices ou au contraire discriminantes, permettront dans la plupart des situations de dissocier les habitats élémentaires qui coexistent parfois sur les zones de sources. Le faciès constitué par les espèces plus ou moins sciaphiles est quant à lui plus facilement identifiable de par la taille et la morphologie des espèces constitutives.

Enfin, bien qu’il soit autant disséminé que le précédent et de superficie encore plus modeste, l’habitat des sources d’eau dure ne peut être confondu. La formation de dépôts de tufs ou de travertins sur les suintements rocheux permet en général son identification parmi les autres habitats élémentaires qui peuvent être présents sur le même milieu comme par exemple ceux des bas marais alcalin (54-2), des pelouses calcicoles (34.32) ou encore des dalles rocheuses calcaires (62.3)

Espèces indicatrices

[plante2] Callitriche stagnalis, Caltha palustris, Cardamine flexuosa, Carex panicea, Carex remota, *Carex strigosa, *Chrysosplenium oppositifolium, Equisetum palustre, Equisetum telmateia, Juncus articulatus, Juncus bulbosus, *Lysimachia nemorum, *Montia fontana subsp. amporitana, *Ranunculus hederaceus, Ranunculus repens, *Stellaria alsine
[plante1] Apium nodiflorum, *Catabrosa aquatica, Epilobium obscurum, Glyceria fluitans, *Impatiens noli-tangere, Myosotis scorpioides, Nasturtium officinale, *Pinguicula vulgaris, *Ranunculus omiophyllus, Veronica beccabunga, Veronica montana
[briophytes] sources et suintements d’eau calcaire : Amblystegium tenax, Bryum pseudotriquetrum, Conocephalum conicum, Cratoneuron filicinum, Eucladium verticillatum, Pellia endiviifolia, Rhynchostegium riparioides Riccardia pinguis
sources et suintements d’eau neutre ou acide : Bryum alpinum, Bryum pseudotriquetrum, Campylium polygamum, Drepanocladus aduncus, Pellia epiphylla, Philonotis fontana
[poissons] Gasterosteus aculeatus
[mollusques] Bythinella ferussina, B. jourdei, B. vimperi, B. warwzineki, B. turriculata, Islamia moquiniana, Physa fontinalis
[orthopteres] Pteronemobius heydenii
[odonates] Calopteryx virgo, Coenagrion mercuriale, Cordulegaster boltoni

Dynamique

Les formations qui se développent au contact des sources d’eau douce sont naturellement instables et dépendantes des facteurs écologiques très stricts qui caractérisent l’habitat. De ce fait, elles constituent souvent des microsites au sein de milieux d’une surface bien plus importante et toute perturbation portant, par exemple, sur la température, la clarté, la qualité ou l’écoulement de l’eau, conduira automatiquement au remplacement des associations ou des espèces caractéristiques par des formations moins exigeantes. En revanche, lorsque les conditions nécessaires à l’expression de l’habitat se maintiennent durablement, la dynamique végétale, qui résulte de l’apport progressif de matières organiques, peut permettre l’apparition de Sphaignes et d’habitats très intéressants comme la lande humide ou la tourbière acide.

Les sources d’eau dure, pétrifiantes ou incrustantes, sont en revanche plus stables. Le processus de fixation du calcaire peut être accéléré par le développement d’algues ou de bactéries ou au contraire peut ne pas intervenir et favoriser le maintien durable des populations de mousses.

Valeur biologique

Les sources naturelles constituent des biotopes originaux et ponctuels qui occupent de très petites surfaces à l’échelle régionale. Elles subissent par ailleurs une très forte pression anthropique du fait de l’utilisation humaine et agricole de cette ressource en eau.
Cela explique pourquoi, d’un point de vue floristique, les espèces de cet habitat, dont certaines comme le Populage des marais étaient autrefois assez communes, se sont aujourd’hui raréfiées, la plupart d’entre elles étant même fortement menacées de disparition, et avec elles, la plupart des espèces faunistiques très spécialisées qui en dépendent.
Pour ces raisons, quelle que soit l’espèce ou l’association végétale présente – formation des eaux acides, neutres, ou basiques – elle représente en soi un habitat très rare et très localisé en Poitou-Charentes.
A ce titre, de nombreuses espèces végétales caractéristiques de l’habitat sont inscrites sur la Liste Rouge Régionale – Ranunculus hederaceus, Montia fontana ssp. fontana, Chrysosplenium oppositifolium, Stellaria alsine -, ce qui lui confère une valeur patrimoniale élevée.

Menaces

Les menaces qui portent sur les formations végétales des sources sont nombreuses et pratiquement toutes d’origine humaine. En premier lieu, l’ensemble des causes qui influencent le débit ou l’écoulement naturel de l’eau ou qui altèrent sa température et sa qualité telles que le pompage excessif des nappes phréatiques à des fins de consommation, d’irrigation ou d’arrosage, la mise en culture des zones de sources (drainage ou assèchement) ou au contraire leur aménagement pour contenir l’eau (création de réservoirs, d’étangs ou de lavoirs). Les plantations de peupleraies participent aussi à la régression importante de la végétation typique des sources et des suintements et, plus marginalement, l’exploitation des carrières calcaires ou le piétinement excessif des sources pétrifiantes (loisirs) ou prairiales (bétail).

La conservation de cet habitat passera avant tout par le maintien de la fonctionnalité écologique globale de la source dont l’objet est de pérenniser l’écoulement et d’assurer une qualité suffisante de l’eau.

Statut régional

L’habitat est très disséminé sur l’ensemble de la région :

  • en pays calcaires, la plupart des sources ont été captées ou aménagées (lavoirs, fontaines), entraînant une très forte artificialisation de l’habitat ;
  • les sources acides des terrains primaires (nord 79, frange orientale de 16 et 86), plus nombreuses à l’origine, sont un peu moins rares, surtout celles liées aux prairies pâturées. Le faciès intra-forestier de l’habitat est en définitive celui qui offre encore aujourd’hui les cortèges les plus typiques et les moins appauvris.

Quatre espèces caractéristiques des suintements et ruisselets intra-forestiers

 

Lit mineur des rivières (et végétation immergée associée)

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie-écologie

Les rivières du Poitou-Charentes sont des rivières de plaine, c’est-à-dire assez peu soumises à de forts courants et à des reliefs ou déclivités importants. La largeur et la profondeur des cours d’eau sont plutôt réduites au niveau des têtes de bassin et plus importantes au niveau des zones moyennes et inférieures des cours d’eau.

Les cours d’eau de la région se partagent entre deux grands bassins hydrologiques : bassin de la Loire (Vienne, Creuse, Sèvre-Niortaise…) et bassin de l’Adour-Garonne (Charente, Seudre…). Du nord au sud, la Sèvre-Niortaise, la Charente, la Seudre et la Gironde sont les quatre seuls fleuves de la région à se jeter dans l’océan au niveau de la façade atlantique picto-charentaise.

Les ruisselets et ruisseaux de tête de bassin ont généralement un courant, sont plutôt étroits (moins de 5 mètres de large), leur fond est constitué de gros matériaux rocheux (graviers, roches, galets…), l’eau y est plutôt claire avec peu de matières en suspension et encore bien oxygénée (Epipotamon, zone à Ombre). Ces petits cours d’eau deviennent très ombragés lorsque la ripisylve est bien développée. En contexte de grandes cultures, les ruisseaux, autrefois sinueux, ont été souvent recalibrés et ressemblent aujourd’hui à de vulgaires fossés, à tel point qu’ils ne sont plus considérés comme des cours d’eau par la population locale et par le monde agricole. Des herbiers à Ache nodiflore (Heliosciadum nodiflorum) et à Cresson (Nasturtium officinale) tapissent parfois abondamment la surface de ces cours d’eau. Les ruisselets, d’abords simples, rejoignent leurs affluents jusqu’à former des rivières larges (5 mètres et plus) et profondes, le courant est plus lent et le fond, formé de dépôts sédimentaires et alluvionnaires, présente une granulométrie plus fine (sables, vase). La température estivale est plus importante (<20°C), le niveau d’oxygénation faible et l’eau contient de nombreuses matières organiques en suspension. La ripisylve, lorsqu’elle est encore présente, fournit de l’ombrage au pied de la berge seulement et le reste du cours d’eau est généralement ensoleillé. Les rivières sont de plus en plus importantes au fur et à mesure que l’on se rapproche de la confluence avec le fleuve. Les dépôts alluvionnaires sont parfois si abondants que des bancs de sables ou de graviers peuvent se former. En fonction de la dynamique fluviale et donc de la capacité d’érosion du cours d’eau, une végétation pionnière va pouvoir s’installer sur ces bancs de sable. Lorsque l’île se fixe définitivement, les premiers ligneux (saules arbustifs) s’installent et préparent le développement d’une future forêt alluviale.

Le courant des rivières de plaine peut être hétérogène au sein d’un même cours d’eau. Ainsi se succèdent naturellement des zones de radiers peu profondes, avec un substrat décapé à granulométrie grossière (roches, galets) et un courant plutôt fort sélectionnant des espèces animales et végétales rhéophiles, et des zones de courant plus lent, profondes, à fond plutôt sablo-limoneux (vases). Les obstacles (roches, herbiers…) canalisent le courant et permettent l’existence de zones d’eaux plus calmes.
La variation de la composition spécifique des végétations de rivière est principalement liée au niveau de trophie de l’eau, celle-ci augmentant généralement selon un gradient amont/aval : les ruisseaux de tête de bassin sont généralement pauvres en éléments nutritifs, alors que les grandes rivières ont un niveau trophique plutôt élevé.

Quatre principaux types de végétation sont ainsi classiquement distingués en fonction de leur exigences trophiques :

  • la végétation acidiphile des eaux oligotrophes à mésotrophes : les rivières dont les eaux sont acides à neutres s’écoulent généralement sur des roches siliceuses (schistes, granite, grès…) et se caractérisent par des herbiers peu denses à Callitriche hamulata, Potamogeton polygonifolius, Myriophyllum alterniflorum, Ranunculus penicillatus, accompagnés d’une algue rouge (Batrachospermum spp.), jusqu’au sein des petits ruisselets et ruisseaux des têtes de bassin. De nombreuses espèces de bryophytes colonisent les rochers inondables. Cette végétation peut présenter des variations en fonction de l’éclairement, la topographie, la granulométrie du substrat, la taille du cours d’eau et du degré d’oligotrophie plus ou moins prononcé.
  • la végétation des eaux claires, riches en bases (calcaire) : elle se caractérise par la présence d’espèces ne supportant pas la turbidité de l’eau (espèces oligosaprobes) telles que Berula erecta, Callitriche obtusangula, Nasturtium officinale, Helosciadium nodiflorum, Sparganium emersum avec les algues Chara vulgaris et Nitella mucronata. Une mousse, Cratoneuron filicinum, colonise les pierres émergées. Cette végétation s’organise en herbiers denses, étagés sur plusieurs strates. A noter que les formes submergées de certaines espèces amphibies, telles que la Menthe aquatique Mentha aquatica, la Berle Berula erecta, le Myosotis des marais Myosotis scorpioides, la Sagittaire Sagittaria sagittifolia se mélangent volontiers aux herbiers. Avant l’arrivée des ragondins dans notre région, cette végétation était dominée par des massifs denses de Scirpe lacustre, Schoenoplectus lacustris.
  • la végétation des eaux mésotrophes : en contexte neutre à basique, les herbiers des ruisseaux et ruisselets sont composés de végétaux supérieurs (phanérogames) comme Ranunculus penicillatus et Callitriche platycarpa, alors que les bryophytes sont principalement représentées par Fontinalis antipyretica. Cet ensemble peut se trouver en mélange avec des stades végétatifs d’espèces amphiphytes telles que Mentha aquatica fa. submersa, Ranunculus peltatus, R. trichophyllus.
  • la végétation des eaux eutrophes : dans les rivières larges, très éclairées, elle se développe surtout au niveau des radiers, où le courant s’accélère ; elle est constituée d’herbiers très denses, remarquablement fleuris à Renoncule flottante, Ranunculus fluitans, accompagnée par des plantes plus discrètes, telles que Myriophyllum spicatum et Potamogeton nodosus. Dans les zones à courant plus lent, s’ajoutent d’autres plantes comme Ceratophyllum demersum et Nuphar lutea, accompagnées par des espèces amphibies comme Nasturtium officinale ou Veronica beccabunga et malheureusement, depuis peu, par deux plantes invasives, Ludwigia grandiflora et Ludwigia peploides. Ces strates peuvent être complétées par une strate épiphytique supplémentaire composée d’algues (algues filamenteuses), parfois fortement développée.

Chacun de ces types de végétations peut connaître une variabilité importante en fonction de l’éclairement, de la topographie, de la granulométrie, de la mobilisation du fond de la rivière, de l’écoulement et du courant.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF2004

  • POTAMETEA PECTINATI Klika in Klika & Novák 1941
    • Batrachion fluitantis Neuhäusl 1959 : communautés submergées des eaux courantes, oligotrophes et oligocalciques à eutrophes et calciques

CORINE 1991

  • 24.14 Zone supérieure (épipotamon) des rivières de plaine. Zone à Barbeau
  • 24.15 Zone moyenne et inférieure (métapotamon et hypopotamon) des rivières de plaine. Zone à Brème
  • 24.16 Cours d’eau intermittents
  • 24.21 Bancs de graviers sans végétation
  • 24.22 Bancs de graviers végétalisés
  • 24.31 Bancs de sables sans végétation
  • 24.32 Bancs de sables végétalisés
  • 24.51 Vases alluviales dépourvues de végétation
  • 24.41 Végétation des rivières oligotrophes acidiphiles (Myriophyllum alterniflorum, Callitriche hamulata)
  • 24.42 Végétation des rivières oligotrophes riches en calcaire (Potamogeton coloratus…)
  • 24.43 Végétation des rivières mésotrophes (Berula erecta, Groenlandia densa, Callitriche obtusangula)
  • 24.44 Végétation des rivières eutrophes (Ranunculus fluitans, Myriophyllum spicatum)

Directive Habitats 1992

  • 3260 Rivières des étages planitiaire à montagnard avec végétation du Ranunculion fluitantis et du Callitricho-Batrachion
    • 3260-1 Rivières (à Renoncules) oligotrophes acides
    • 3260-2 Rivières oligotrophes basiques
    • 3260-3 Rivières à Renoncules oligo-mésotrophes
      à méso-eutrophes, acides à neutres
    • 3260-4 Rivières à Renoncules oligo-mésotrophes
      à méso-eutrophes, neutres à basiques
    • 3260-5 Rivières eutrophes (d’aval), neutres à basiques,
      dominées par des Renoncules et des Potamots
    • 3260-6 Ruisseaux et petites rivières eutrophes
      neutres à basiques

Confusions possibles

La construction de barrages et de seuils sur certaines rivières rendent les eaux stagnantes ou très faiblement courantes, ce qui permet parfois le développement d’herbiers d’espèces végétales caractéristiques des milieux stagnants telles que les mares et les étangs. Les confusions restent possibles quant à l’identification des différentes déclinaisons de cet habitat (herbiers) en raison du continuum de niveau trophique existant au sein d’un hydrosystème. Enfin, lorsque les espèces caractéristiques sont faiblement représentées au sein du groupement la caractérisation de l’habitat peut se révéler difficile.

Dynamique

Cet habitat est généralement stable et régulé par les variations saisonnières du débit des cours d’eau. Ces variations vont en effet rajeunir chaque année le milieu par arrachage des espèces liées à une forte dynamique fluviale. Lorsque cette dernière s’amoindrit, les bancs de sable ont tendance à se fixer et se végétaliser, constituant une île sur laquelle les ligneux vont pouvoir progressivement s’installer pour constituer une forêt alluviale. La modification de certains facteurs (éclairement, profondeur,
écoulement, qualité de l’eau…) liée souvent aux activités humaines qui ont cours au niveau du bassin versant (eaux de ruissellement chargées en matières nutritives, notamment azotées, seuils de moulins, pompage, arrachage des haies, drainage…) peut conduire des groupements végétaux oligotrophes ou mésotrophes vers un groupement végétal caractéristique d’un niveau trophique supérieur (eutrophe), généralement moins original.

Valeur biologique

Les herbiers sont composés généralement d’espèces végétales assez communes à communes, mais sont à l’origine d’une partie importante de la diversité biologique de la rivière. En effet, cet habitat permet le développement parfois important de nombreux insectes aquatiques liés à la rivière. Il constitue un abri et un habitat d’alimentation pour les poisons. Les rivières constituent l’habitat de vie indispensable pour de nombreuses espèces animales telles que les poissons mais aussi, pour certains mammifères (Castor, Loutre, Campagnol amphibie…), les libellules des eaux courantes, des insectes aquatiques (trichoptères, plécoptères, éphéméroptères, diptères…), des crustacés (décapodes, écrevisses, branchiopodes…), des mollusques (limnées, bivalves), des vers de vase, etc…

Les bancs de sable ou de graviers sont le support favorable à l’installation d’une végétation rare et originale tels que les gazons amphibies des grèves et des vases (végétation à littorelle, végétation à Bidens, etc…).
Une fois fixés suite à l’installation d’une végétation pionnière arbustive (saules arbustifs par exemple) qui va résister à la dynamique fluviale, ces bancs de sables peuvent constituer des îles propices au développement des ligneux constituant les forêts alluviales, un type d’habitat menacé au niveau européen.

Menaces

La régularisation des cours d’eau modifiant ainsi leur régime hydrologique et leur cycle annuel (étiage, crues,…) est de nature à perturber leur fonctionnement écologique. Cette régularisation est souvent la conséquence de la présence de seuils ou de petits barrages, de canalisation, de la rectification et de la simplification des petits cours d’eau, l’imperméabilisation des berges, le bétonnage, le soutien d’étiage (par des retenues d’eau collinaire), le drainage de surfaces agricoles, les pompages dans le lit mineur et en nappe alluviale, etc.

L’apport intensif de produits phytosanitaires et d’engrais au niveau du bassin versant d’une rivière est souvent à l’origine d’une eutrophisation excessive, qui constitue une forme de pollution de la rivière. Cela se traduit par une banalisation des espèces animales et végétales, donc par un appauvrissement de la vie de la rivière.

Enfin la présence d’espèces envahissantes telles que la Jussie peut fortement nuire au fonctionnement écologique des petits cours d’eau, en privant les communautés animales et végétales aquatiques de lumière et d’oxygène.

Espèces indicatrices

[plante2] Berula erecta fa. submersa, Callitriche hamulata, Callitriche obtusangula, Callitriche platycarpa, Ceratophyllum demersum, Elodea canadensis, (Elodea nuttalii), Glyceria fluitans fa fluitans, Groenlandia densa, Mentha aquatica fa. submersa, *Myriophyllum alterniflorum, M. spicatum, P. berchtoldii, *P.coloratus, Potamogeton nodosus, P. pectinatus, *P. perfoliatus, Potamogeton polygonifolius, Ranunculus aquatilis, *Ranunculus fluitans, Ranunculus peltatus, Ranunculus penicillatus ssp.pseudofluitans, Ranunculus trichophyllus, Sparganium emersum fa. longissimum, Zanichellia palustris
[plante1] Apium nodiflorum, Butomus umbellatus fa. fluitans, Callitriche stagnalis, Eleogiton fluitans, Juncus bulbosus, (Ludwigia peploides), (L.grandiflora), *Luronium natans, Myosotis gr.scorpioides, Nasturtium officinale, Nuphar lutea, Phalaris arundinacea, Potamogeton crispus, Schoenoplectus lacustris fa. fluitans, Sparganium erectum ssp. erectum
[briophytes] Amblystegium riparium, Brachythecium rivulare, Chiloscyphus polyanthos, Cinclidotus danubicus, Cinclidotus fontinaloides, Fissidens crassipes, Fontinalis antipyretica, Octodiceras fontanum, Philonotis sp., Rhynchostegium riparioides, Riccardia chamaedryfolia, Riccia fluitans, Ricciocarpos natans
[mammiferes] Arvicola sapidus, Castor fiber, Lutra lutra, Mustela lutreola, Neomys fodiens
[oiseaux] Alcedo atthis, Motacilla cinerea
[amphibiens] Pelophylax ridibundus
[poissons] Zone à Brème : Abramis brama, Alosa alosa, Alosa fallax, Blicca bjoerkna, Cyprinus carpio, Esox lucius, Lampetra fluviatilis, Perca fluviatilis, Petromyzon marinus, Rhodeus amarus, Rutilus rutilus, Salmo salar, Scardinius erythrophtalmus, Tinca tinca
Zone à Barbeau : Alburnus alburnus, Barbus barbus, Chondrostoma nasus, Leuciscus cephalus, Leuciscus leuciscus
Zone à Ombre : Barbatula barbatula, Cottus gobio, Lampetra planeri, Phoxinus phoxinus, Salmo trutta fario
[mollusques] Adononta anatina, Corbicula fluminea (exogène, envahissant), Limnées, Margaritifera margaritifera, Physes, Pisidium sp., Planorbes, Potamida littoralis, Pseudanodonta complanata, Pseudunio auricularius, Sphaerium corneum, Theodoxus fluviatilis, Unio crassus, Unio mancus
[crustaces] Atyaephyra desmareti, Austropotamobius pallipes, Gammarus sp., Orconectes limosus (exogène)
[odonates] zone aval et médiane : Boyeria irene, Calopteryx splendens, Coenagrion mercuriale, Erythromma lindenii, Gomphus flavipes, Gomphus graslinii, Gomphus simillimus, Gomphus vulgatissimus, Libellula fulva, Macromia splendens, Onychogomphus forcipatus, Onychogomphus uncatus, Oxygastra curtisii, Platycnemis latipes, Platycnemis pennipes
zone amont : Calopteryx haemorrhoidalis, Calopteryx virgo meridionalis, Cordulegaster boltoni
[orthopteres] Paracinema tricolor, Pteronemobius lineolatus
[coleopteres] Ephemeroptera spp, Plecoptera spp., Trichoptera spp
Annélidés Sangsue, Planaire, Oligochètes (Tubifex sp.)

Statut régional

Les végétations immergées des rivières de plaines sont relativement abondantes et disséminées de façon homogène en région Poitou-Charentes.

Sites typiques ou remarquables :

16 : vallée de la Charente

17 : vallées de la Charente, de la Boutonne, de la Seugne

79 : vallées du Thouet, de l’Autize

86 : vallées de la Vienne, de la Gartempe et ses affluents, de la Creuse

 

Eau avec végétation immergée non vasculaire

Rédacteur : Olivier Collober

Physionomie-écologie

L’habitat « Eau avec végétation immergée non vasculaire » appartient sur le plan structurel aux habitats constituant la strate inférieure de la végétation aquatique des eaux calmes. Il se présente sous la forme de tapis entièrement immergés ou affleurants, de taille et de profondeur variables (de 20 centimètres jusqu’à 20 mètres), fixés sur le fonds des eaux dormantes, claires et généralement permanentes.

Cet habitat est constitué exclusivement par un ou plusieurs hydrophytes non vasculaires – des algues – ce qui le distingue de l’habitat « Eau avec végétation immergée vasculaire » (22-42). Cette différenciation d’ordre biologique réunit dans le même habitat les espèces d’une seule et même famille de plantes aquatiques, les characées, appartenant à un groupe primitif de végétaux, les charophytes, caractérisé par l’absence de tissus vasculaires ainsi que par certains modes de développement et de multiplication spécifiques (oospores, bulbilles) et présentant la particularité de fixer certains minéraux comme le calcaire. En revanche, les éléments de différenciation morphologique entre les espèces au sein des genres Chara et Nitella sont beaucoup plus complexes, ce qui rend leur classification délicate et nous conduit à considérer d’autres caractères communs. D’une manière générale, ces espèces indicatrices sont toutes annuelles, relativement thermophiles, à développement printanier ou estival, plus rarement automnal, toujours héliophiles, souvent exclusives, pouvant alors constituer des populations denses monospécifiques, parfois sociables, dans ce cas toujours organisées en tapis distincts au sein du même milieu, et particulièrement dépendantes de la qualité et de la stagnation de l’eau. La plupart des espèces de characées ont néanmoins développé des adaptations propres en fonction de la permanence ou non de l’eau et du pH ou de la nature du substrat (sable, graviers, limons, tourbe…).
Ainsi, les localisations préférentielles de l’habitat concernent des milieux de nature et de dimensions très variables mais généralement récents : étangs, mares, fossés, bas marais ou landes, bras déconnectés de rivières, dépressions de carrières ou encore ornières de chemin ; les conditions sont ensoleillées ou semi ombragées, le contexte basique, les eaux neutres à faiblement acides et toujours oligo-mésotrophes, c’est-à-dire relativement pauvres en matières nutritives. De simples flaques ou trous d’eau effectués sur des milieux peu pollués mais plus évolués (exploitation de tourbe, coupes forestières) permettent la réapparition de ces tapis.

En Poitou-Charentes, deux ensembles distincts sont identifiables ;

  • les communautés des eaux permanentes, riches en calcaire et peu polluées présentes dans les grands marais de plaines, parfois tourbeux, constituent l’habitat le plus représentatif (Charion fragilis). D’autres espèces et associations basiphiles dépendent de conditions neutres à légèrement eutrophes et plus temporaires (Charion vulgaris).
  • les communautés des eaux permanentes des étangs, mares, carrières, ornières de coupes forestières qui abritent les espèces et associations des eaux oligo-mésotrophes sur substrats acides (Nitellion flexilis), tels que les étangs à Littorelles ou les landes humides.
    D’autres espèces se rencontrent également dans les mares dunaires ou les eaux salées et subsaumâtres (espèces halophiles). Mais ces dernières, du fait de la spécificité des habitats auxquels elles se rattachent respectivement, ne sont pas retenues dans l’habitat élémentaire « Eau avec végétation immergée non vasculaire » qui se limite uniquement aux tapis de Characées des eaux douces de l’intérieur des terres.

Phytosociologie et correspondances

PVF 2004

CHARETEA FRAGILIS F. Fukarek ex Krausch 1964 : herbiers d’algues enracinées, pionniers, des eaux calmes, douces à saumâtres, claires, oligotrophes à méso-eutrophes, généralement pauci- à monospécifiques.

  • Nitelletalia flexilis Segal et Krausel 1969 : communautés des eaux « molles », acides à neutres, oligocalciques à mésocalciques.
  • Charetalia hispidae Sauer ex Krausch 1964 : communautés des eaux « dures », mésotrophes à méso-eutrophes, basiques et souvent calciques, pauvres en phosphates.

COR 1991

  • 22. 44 Tapis immergés de Characées (Charatea fragilis)
    • 22.441 Tapis de Chara
    • 22.442 Tapis de Nitella (Sphagno-Utricularion)

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 3140-1 « Communautés à characées des eaux oligo-mésotrophes basiques »
  • 3140-2 « Communautés à characées des eaux oligo-mésotrophes faiblement acides à faiblement alcalines »

Confusions possibles

En raison du type biologique des espèces indicatrices (hydrophytes non vasculaires) et de la physionomie de cet habitat (formations denses et immergées), il ne peut être confondu avec un autre. Cependant, en présence de formations des eaux saumâtres ou salées (22-12) ou de mares dunaires (16-31), il convient de les rattacher à ces habitats respectifs.

Par ailleurs, l’existence de plantes vasculaires associées ou au contact des massifs de characées marque un stade transitoire dans la dynamique végétale. Dans ce cas, il conviendra d’apprécier en fonction des espèces présentes et de l’importance des populations celui des habitats qui correspond le mieux.

Espèces indicatrices

[algues] Eaux basiques : Chara aspera, Chara connivens, Chara globularis, Chara hispida, Chara major, Chara vulgaris, Nitellopsis obtusa, Tolypella glomerata
Eaux neutro-acidoclines : Chara braunii, Chara delicatula, Chara fragifera, Nitella flexilis, Nitella gracilis, Nitella hyalina, Nitella mucronata, Nitella opaca, Nitella syncarpa, Nitella tenuissima, Nitella translucens, Tolypella intricata
Eaux saumâtres : Chara baltica, Chara canescens, Chara galioides, Lamprothamnium pappulosum, Tolypella nidifica
Eaux très eutrophisées : Chara vulgaris, Chara connivens
[amphibiens] Lissotriton helveticus, Rana temporaria, Triturus cristatus, Triturus marmoratus
[odonates] Anax imperator, Coenagrion scitulum, Orthetrum spp, Sympetrum spp.

Dynamique

Les formations de characées représentent un stade pionnier et précaire dans la dynamique progressive de la végétation des eaux calmes.

Disposant d’un assez fort pouvoir colonisateur, les characées sont souvent les premières macrophytes à investir les milieux neufs où elles peuvent alors recouvrir des surfaces importantes. Étant par ailleurs peu limités par la profondeur, les tapis de characées peuvent assez rapidement constituer de véritables prairies immergées tapissant le fond des eaux claires stagnantes.

En présence de plusieurs espèces indicatrices, la compétition profite à celles de taille plus grande, obligeant les autres à un déplacement vers les marges encore libres. Certaines espèces de plus petite taille parviennent néanmoins à coexister par places en raison d’un développement plus précoce.

La colonisation totale du milieu par une ou plusieurs de ces espèces constitue le stade d’évolution optimal de cet habitat et peut parfois se maintenir durablement dans cette configuration.

Cependant, ces espèces, héliophiles, sont à plus ou moins long terme concurrencées par les hydrophytes vasculaires immergées ou flottantes, mieux adaptées et plus compétitives. L’immixtion ou la présence de telles espèces, associées ou au contact des tapis de characées, marque ainsi un stade transitoire qui préfigure leur éviction progressive.

Cette disparition intervient de manière plus ou moins rapide en fonction de la superficie du milieu, de la permanence ou de la profondeur d’eau, du niveau trophique (acide ou basique) et de la dynamique propre des formations végétales avec lesquelles les characées sont en compétition.

Valeur biologique

En raison de leur place dans la dynamique naturelle de la végétation des eaux calmes (espèces ou associations pionnières voir éphémères), les populations de characées sont naturellement peu courantes et, selon le stade d’évolution du milieu, peuvent occuper des espaces relativement restreints.

De plus, ces formations ont des exigences écologiques propres qui les rendent très dépendantes de la qualité, de la clarté ou de la permanence de l’eau et de la nature du substrat. Véritable indicateur biologique, la présence de characées témoigne en soi de l’intérêt potentiel du milieu pour des espèces de plantes vasculaires des eaux oligo-mésotrophes basiques à acides, elles-mêmes patrimoniales.
Pour ces raisons notamment, les formations de characées denses ou diversifiées ont une valeur patrimoniale élevée. Dans cette configuration, elles sont devenues rares ou très rares (selon les espèces) et constituent des stations souvent réduites et menacées, en régression à l’échelle régionale.

En outre, à l’instar des formations immergées vasculaires, les massifs ou prairies de characées assurent la fonction d’habitat pour beaucoup d’espèces faunistiques (odonates, coléoptères…) et sont un lieu de reproduction privilégié pour les amphibiens (tritons, grenouilles) dont beaucoup sont également vulnérables en Poitou-Charentes.

Menaces

Indépendamment de la compétition entre les espèces floristiques, qui aboutit au remplacement plus ou moins lentement des tapis de characées par des espèces vasculaires, l’habitat est, à plus court terme, directement menacé par toute altération des facteurs écologiques dont il dépend.
Parmi les causes majeures de la régression ou de la disparition de ces tapis, la pollution des eaux par les herbicides et les engrais (nitrates et phosphates) est prédominante, la plupart des Characées étant très sensibles à l’eutrophisation. Certains modes de gestion des plans d’eau, comme le chaulage ou l’exploitation intensive, qui agissent sur le pH ou sur la clarté de l’eau, ou au contraire l’absence d’intervention humaine entraînant un envasement progressif, sont également défavorables au maintien des tapis de characées.

Par ailleurs, cet habitat est particulièrement touché par la prolifération d’espèces invasives telles que l’Ecrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii). Ce crustacé consomme massivement des characées en période de mue et peut à lui seul décimer des populations entières. Il représente actuellement la principale menace pour les formations présentes dans les milieux encore relativement préservés de toute pollution (complexes tourbeux). La conservation de cet habitat passera en priorité par la maîtrise des apports organiques, la régulation des herbiers compétitifs et la lutte contre les espèces invasives avérées.

Statut régional

Habitat dont les variations régionales sont aujourd’hui mal connues mais qui semble très disséminé sur l’ensemble de la région.

ATTENTION : la version papier complète du Guide des habitats, soit 476 pages en couleur au format 17×24 cm au prix de 35 €, prix public, vient de paraître fin octobre 2012. Si vous êtes intéressé pour avoir toutes ces fiches sous la main en permanence, allez télécharger le bon de commande à la page Publications PCN, contactez-nous dès maintenant en cliquant ici pour nous envoyer un mail ou appelez-nous au 05 49 88 99 23.

Eau avec végétation flottante fixée

Rédacteur : Olivier Collober

Phytosociologie – écologie

La classification des habitats des eaux calmes repose sur la structure de la végétation aquatique qui présente des strates bien distinctes. Les formations relevant d’un même type structurel sont réunies dans le même habitat. La physionomie de cet habitat correspond à une formation plus ou moins dense constituée par une espèce typique de plante aquatique, hydrophytes exclusivement, rarement plusieurs, fixée sur le fond de façon permanente ou temporaire et disposant d’un appareil végétatif adapté aux milieux lentiques (plans d’eau), flottant, totalement ou partiellement étalé en surface et formant, durant l’été, un tapis visible sur les eaux stagnantes des lacs (carrières, gravières, sablières, retenues), des étangs et des mares, et les eaux dormantes ou faiblement courantes des fossés (conches des marais), des canaux et des bras morts de rivières.

La présence d’une seule espèce se rapportant au type suffit pour qualifier l’habitat élémentaire, quelle soit ou non au sein d’une association végétale. C’est une espèce sociale, généralement vivace (hydrohémicryptophyte ou hydrogéophyte), plus rarement annuelle (hydrothérophytes), toujours relativement thermophile et fortement marquée par des différences anatomiques ou physiologiques traduisant une adaptation au milieu aquatique (écomorphologie) telles un polymorphisme foliaire entre les feuilles flottantes et immergées ou plus largement présentant un phénomène d’hétérophyllie (Polygonum amphibium en phase terrestre). Les autres espèces des eaux calmes, compagnes régulières ou occasionnelles de l’association végétale comprenant l’espèce type, ne sont pas constitutives de cet habitat et s’en distinguent sur le plan structurel en ce qu’elles constituent des strates de végétation bien distinctes. Il en est ainsi des hydrophytes totalement immergés ou affleurants et des espèces évoluant librement en surface qui se rattachent respectivement aux habitats « eau avec végétation immergée vasculaire » et « eau avec végétation flottante libre ».

Plusieurs de ces espèces peuvent coexister au sein de l’habitat et former une mosaïque de formations paucispécifiques, mais la majorité d’entre elles ont des exigences écologiques propres et vivent dans des milieux très diversifiés, ce qui rend leur classification difficile si l’on ne tient pas compte, pour cela, des facteurs édaphiques et écologiques qui les distinguent. En premier lieu, la géologie du bassin versant et l’influence des activités humaines menées sur celui-ci qui conditionnent la nature des eaux alimentant les nappes et les rivières où les espèces indicatrices de l’habitat se développent, sont déterminants et doivent donc être considérés l’influence minérale et le pH du substrat (acide, neutre ou basique) et le niveau trophique de l’eau (présence plus ou moins forte d’éléments nutritifs assimilables par les plantes). Souvent, des transitions moins marquées peuvent exister entre les groupements et, le cas échéant, le rattachement à l’habitat d’une espèce présentant, par exemple, une forte amplitude écologique ne pourra pas être effectué sans le recours aux autres plantes du cortège floristique (immergées ou flottantes librement). En second lieu, la profondeur d’eau ou sa permanence sont parfois retenues pour différencier les habitats au sein de chacune de ces catégories.

Habitats des eaux acides oligotrophes à mésotrophes représentatifs de la végétation lacustre présente au contact des socles granitiques, des grès, des gneiss et des schistes où dominent les roches magmatiques et métamorphisées naturellement pauvres en éléments minéraux solubles à l’exemple des Deux-Sèvres armoricaines (Gâtine et Bressuirais) et des argiles à silex ou à meulières (Réserve naturelle du Pinaïl) :

  • Groupements oligotrophes de Potamots

Formations plus ou moins clairsemées des bassins d’eau peu profonde siliceuse (étangs, mares, fossés) – colonisée par le Potamot à feuilles de renouée Potamogeton polygonyfolius, plusieurs espèces de renoncules aquatiques (Ranunculus ololeucos, Ranunculus omiophyllus, Ranunculus tripartitus), le Plantain d’eau flottant Luronium natans, le Rubanier nain Sparganium minimum – strictement oligotrophe, à niveau fluctuant mais généralement permanente, constituant souvent de petits plans d’eau à l’intérieur des landes, des carrières, parfois des sous- bois. Certaines de ces espèces plus tolérantes à des apports en matière organique se développent en conditions méso-oligotrophes en marge des ruisseaux et des petites rivières connectés aux têtes de bassin versant.

  • Tapis de Trapa natans, de Potamogeton natans, de Polygonum amphibium

Formations plus ou moins denses et recouvrantes des eaux stagnantes à faiblement courantes oligo-mésotrophes et mésotrophes en terrain acide ou neutre, présentes sur les étangs à fond argileux, argilo-sableux et siliceux. Lorsqu’elles cohabitent au sein du même milieu, ces formations sont organisées en ceintures ou en taches distinctes selon la profondeur plus ou moins grande de l’eau. Dans sa configuration optimale, l’habitat regroupe les trois espèces, le Potamot nageant (Potamogeton natans) occupe la zone la plus profonde, viennent ensuite la Châtaigne d’eau (Trapa natans), en périphérie, puis la Renouée amphibie (Polygonum amphibium) sur les marges à proximité des berges. Certaines de ces espèces se rencontrent également parfois sur les bras mort et les radiers des cours d’eau de taille moyenne en conditions mésotrophes.

Habitats des eaux mésotrophes à eutrophes neutres ou basiques naturellement plus chargées en minéraux dissous, constituant des herbiers plus ou moins denses sur les rivières et les canaux à faible courant et dans les plans d’eau à fonds imperméables des terrains sédimentaires, argilo-calcaires ou marneux du bassin parisien et du bassin aquitain :

  • Tapis de Nénuphars

Formations souvent très recouvrantes de Nénuphar blanc (Nymphea alba) et / ou de Nénuphar jaune (Nuphar lutea) colonisant les zones les plus profondes des étangs et des rivières à courant lent et affectionnant les milieux ouverts. Le Nénuphar blanc semble plus présent dans les eaux mésotrophes et plus sensible à l’enrichissement des eaux en matières nutritives que son homologue, le Nénuphar jaune qui peut supporter une eutrophisation assez importante. Ces espèces ont chacune une sous-espèce liée à des conditions plus acides et plus pauvres mais qui ne sont pas présentes dans notre région.

  • Tapis de Nynphoides peltata

Formation souvent clairsemée caractéristique des eaux calmes, peu profondes et biens minéralisées, qui affectionne les alluvions et les fonds vaseux riches en limons des canaux et des rivières et accessoirement les étangs, les mares et les fossés naturellement riches en matières organiques.

  • Communautés flottantes des eaux peu profondes

Communautés dominées par les callitriches ou par des renoncules aquatiques ayant des racines immergées et des feuilles flottantes ou par Hottonia palustris. Ces communautés, principalement caractéristiques des eaux peu profondes voisines de la neutralité et sujettes à des fluctuations du niveau de l’eau ou susceptibles d’être occasionnellement à sec, se rencontrent dans les bras morts des rivières, les fossés des marais, les étangs ou les mares plus ou moins riches en éléments nutritifs (mésotrophes à eutrophes).

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

POTAMETEA PECTINATI Klika in Klika et V. Novak 1941
NYMPHAEION ALBAE Oberdorfer 1957
Communautés à structure complexe (éléments flottants et submergés) des eaux calmes, stagnantes à faiblement courantes, moyennement profondes (1 à 4 m), mésotrophes à eutrophes

POTAMION POLYGONIFOLII Hartog et Segal 1964 ;
Communautés des eaux stagnantes à faiblement courantes oligotrophes à mésotrophes

RANUNCULION AQUATILIS Passarge 1964
Communautés des eaux peu profondes, calmes, stagnantes à faiblement courantes, capables de supporter une émersion estivale

CORINE 1991

22.43 Végétations enracinées flottantes (formations dominées par des plantes aquatiques enracinées avec feuilles flottantes)
22.431 Tapis flottants de végétaux à grandes feuilles (Nymphaeion)
22.432 Communautés flottantes des eaux peu profondes (CALLITRICHO-BATRACHION)
22.433 Groupements oligotrophes de potamots, (POTAMION GRAMINEI)

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

3150-1 « Plans d’eau eutrophes avec végétation enracinée avec ou sans feuilles flottantes »
3150-4 « Rivières, canaux et fossés eutrophes des marais naturels »

Confusions possibles

Dans sa configuration élémentaire, les risques de confusion de cet habitat avec un autre habitat aquatique sont relativement faibles excepté lorsque les formations végétales qui le composent présentent un faciès dégradé de plantes éparses caractérisé par un faible taux de recouvrement et sont en association avec des espèces qui relèvent d’un autre habitat élémentaire (végétations immergées ou flottant librement en surface).
Dans ces situations, lorsque l’espèce indicatrice présente un caractère patrimonial, il semble préférable de retenir l’habitat élémentaire même si celui-ci n’est pas dans sa configuration optimale. Dans le cas contraire, la qualification de l’habitat dépendra de la prédominance des espèces présentes et de la physionomie générale des formations végétales. D’autres formations ne sont pas retenues dans cet habitat en raison de leurs spécificités comme les mares des lèdes dunaires (16.31) et les mares dystrophes naturelles à utriculaires (22.414).

Dynamique

L’évolution naturelle des milieux d’eaux stagnantes, dormantes ou faiblement courantes tend naturellement vers le comblement.
Dans la mesure où les espèces à feuilles flottantes occupent la strate supérieure des eaux et parce qu’il s’agit d’espèces souvent sociales, spécialisées, qui peuvent constituer des formations très recouvrantes privant de la lumière indispensable à la photosynthèse et excluant ainsi les autres espèces aquatiques comme les hydrophytes immergés, elles sont faiblement soumises à la compétition naturelle. En présence de plusieurs espèces indicatrices au sein d’une même communauté végétale, la compétition interspécifique conduit à une dissociation latérale des populations qui se répartissent en taches ou en ceintures distinctes. A ce stade d’évolution, l’habitat, représenté par une ou plusieurs espèces monospécifiques, est moins rapidement évolutif en conditions oligotrophes que dans un contexte mésotrophe ou eutrophe consécutivement à une plus forte production végétale ou à l’apport de sédiments provenant du bassin versant qui accélère le comblement et l’abaissement du niveau d’eau.

Espèces indicatrices

[plante2] *Callitriche brutia, Callitriche obtusangula, Callitriche platycarpa, Callitriche stagnalis, *Hippuris vulgaris, *Hottonia palustris , (Ludwigia grandiflora), (Ludwigia peploides), *Luronium natans,* Marsilea quadrifolia, Myriophyllum verticillatum, Nuphar lutea, Nymphaea alba, *Nymphoides peltata, Polygonum amphibium, Potamogeton natans, Ranunculus aquatilis, *Ranunculus circinatus, *Ranunculus hederaceus, *Ranunculus ololeucos, *Ranunculus omiophyllus, Ranunculus peltatus subsp peltatus , Ranunculus trichophyllus, *Ranunculus tripartitus, *Stratiotes aloides, *Trapa natans
[plante1] (Azolla filiculoides), Hydrocharis morsus-ranae, *Potamogeton coloratus, Potamogeton polygonifolius, Spirodela polyrhiza, *Utricularia australis, *Utricularia vulgaris
[briophytes] Riccia fluitans, Ricciocarpus natans
[amphibiens] Rana lessonae, Triturus cristatus, Triturus marmoratus
[odonates] Aeshna isoceles, Anax parthenope, Coenagrion pulchellum, Erythromma lindenii, Erythromma najas, Libellula quadrimaculata
[mollusques] Acroluxus lacustris

Valeur biologique

La valeur patrimoniale de l’habitat est très élevée. D’une part, il n’est pas fréquent de trouver cet habitat en bon état de conservation. D’autre part, il abrite un nombre conséquent d’espèces végétales protégées (Marsilea quadrifolia, Luronium natans, Ranunculus ololeucos, Trapa natans, Nymphoides peltata, Hottonia palustris) et / ou rares ou en forte régression (Polygonum amphibium), ce qui témoigne des menaces très importantes qui pèsent actuellement sur les plans d’eau oligotrophes ou oligo-mésotrophes ou sur les plans d’eau naturellement eutrophes et incidemment sur l’ensemble des formations végétales qui les caractérisent. En outre, même en présence d’espèces plus communes (nénuphars), ces formations végétales en tapis plus ou moins recouvrants jouent un rôle fondamental dans l’écosystème des eaux calmes (oxygénation, abris naturel, nourriture, développement larvaires…) et participent activement au maintien de la biodiversité des milieux aquatiques. Ainsi, la plupart de ces formations sont exploitées par des populations d’espèces faunistiques (anatidés, amphibiens, odonates), dont beaucoup sont elles-mêmes vulnérables ou en danger, et constituent pour elles un ultime refuge.

Menaces

Les formations végétales de l’habitat dépendent principalement de la qualité de l’eau et de la hauteur de la nappe, la dégradation de ces facteurs (fertilisation des étangs, pollutions, eutrophisation des eaux, comblement naturel, envasement, assèchement temporaire, effondrement des berges) étant très souvent à l’origine de la régression ou de la disparition des espèces indicatrices et de leur remplacement par d’autres espèces moins exigeantes ou mieux adaptées aux changements écologiques (lentilles, plantes amphibies, hélophytes). L’enrichissement en substances nutritives fait apparaître des formations caractéristiques de milieux eutrophes (nuphars) qui entrent en concurrence avec les communautés des eaux oligotrophes et finissent par les supplanter. Une bonne gestion qualitative et quantitative de l’eau sur les bassins versants et sur la structure des cours d’eau est donc essentielle pour conserver de telles formations. D’autres menaces résultant du mode de gestion des plans d’eau (chaulage, pisciculture intensive) ou de l’immixtion d’espèces invasives ou exotiques végétales (Ludwigia peploides et Ludwigia. grandiflora) très compétitives ou animales (carpes amour, ragondins) qui s’en nourrissent sont également des causes de la disparition et de la dégradation de ces formations. Enfin, la destruction pure et simple (comblement, rupture d’alimentation en eaux ou herbicides) participe pour une part importante à la régression quantitative de cet habitat.

Statut régional

Habitat dispersé dans l’ensemble du Poitou-Charentes, plus répandu toutefois dans certaines régions :

16 : étangs des landes de la Double, étangs du Confolentais
17 : fossés et canaux des marais arrière-littoraux
86 : étangs et landes du sud-est
79 : mares et étangs de la partie armoricaine

ATTENTION : la version papier complète du Guide des habitats, soit 476 pages en couleur au format 17×24 cm au prix de 35 €, prix public, vient de paraître fin octobre 2012. Si vous êtes intéressé pour avoir toutes ces fiches sous la main en permanence, allez télécharger le bon de commande à la page Publications PCN, contactez-nous dès maintenant en cliquant ici pour nous envoyer un mail ou appelez-nous au 05 49 88 99 23.

Eau avec végétation flottante libre

Rédacteur : Olivier Collober

Physionomie ècologie

L’habitat se rattache sur le plan structurel aux habitats qui constituent la strate supérieure de la végétation des eaux calmes. Il s’agit de communautés d’hydrophytes non fixées, généralement flottantes, parfois immergées, constituant des tapis plus ou moins denses et recouvrant, qui colonisent les eaux stagnantes des mares et des petits étangs, ou à très faible courant des bras morts de rivière, des canaux et des fossés de drainage des marais.

A la différence de l’habitat « Eau avec végétation flottante fixée » (22.43), ces formations végétales ne sont pas enracinées et disposent d’une relative autonomie, qui leur permet d’évoluer librement (pleustophytes) en surface, entre deux eaux ou à proximité du fond. Cette particularité, fondée sur des similitudes morphologiques et écologiques entre les espèces indicatrices, témoigne également d’une adaptation au milieu aquatique sur le plan biologique, plus particulièrement, de la capacité à assimiler les ressources disponibles dans l’eau, soit directement en puisant les éléments nutritifs dissous, soit indirectement en piégeant des organismes vivants (utriculaires).

L’habitat associe des espèces de tailles et de complexité variables (phanérogames, cryptogames, hépatiques) comme de grandes espèces (Hydrocharis, Stratiotes) pourvues d’un appareil végétatif et floral complet, parfois très spécialisé (utriculaires), par opposition aux espèces de taille plus modeste et de complexité moindre (lemnacées, Riccia, Azolla). Deux ensembles peuvent ainsi être identifiés : les formations souvent monospécifiques dominées par de grandes pleustophytes submergées et les formations plus diversifiées de petites ou moyennes pleustophytes flottantes à la surface ou à proximité.

Il s’agit toujours d’espèces annuelles (hydrothérophytes) souvent très prolifiques, qui peuvent constituer de grandes populations et qui disposent d’un fort pouvoir colonisateur par multiplication végétative et d’une capacité de dissémination importante (transport par le courant, les oiseaux ou le bétail). Il s’agit aussi d’espèces eurythermes. Nettement thermophiles pendant la phase de développement, elles affectionnent la pleine lumière ou la mi-ombre et les eaux peu profondes (inférieures à 1,5 mètre) qui se réchauffent rapidement et accélèrent la reproduction végétative.

Ces espèces non fixées, sont facilement entraînées à la surface et sont ainsi limitées par le courant et par le vent. Inversement, les eaux stagnantes des petits plans d’eau ou les courants très lents des canaux et des fossés, en situation ouverte et abritée, conviennent particulièrement aux pleustophytes qui peuvent alors se montrer envahissantes et recouvrir une grande partie ou la totalité de la surface de l’eau.

Par ailleurs, les adaptations biologiques propres à ces espèces pour exploiter les ressources disponibles dans l’eau, les rendent très dépendantes du gradient trophique. De ce fait, l’habitat se rencontre principalement dans les eaux riches en éléments nutritifs dissous (mésotrophes à eutrophes, parfois hypertrophes) et plus rarement dans les eaux oligotrophes (plantes carnivores uniquement). Dans sa configuration type, l’habitat se rencontre en conditions eutrophes et regroupe fréquemment plusieurs espèces indicatrices (Lemnacées, Azolla filiculoides, Hydrocharis morsus-ranae), vivant en association et/ou développant des populations successives en raison d’une évolution du niveau trophique, plus rarement par une espèce monospécifique (Utricularia vulgaris). Spirodela polyrhiza tolère des situations en partie ombragées et des eaux moins chaudes alors qu’Azolla ou Wolffia colonisent surtout les eaux à fort réchauffement estival. Plusieurs de ces espèces sont également relativement halophiles et prospèrent dans les eaux subsaumâtres des marais arrière-littoraux ou des mares dunaires.

En Poitou-Charentes, la configuration type associant les formations de lentilles et d’Hydrocharis est présente un peu partout, tout particulièrement dans les grands marais planitiaires (Marais Poitevin et marais charentais) et ce, jusqu’à proximité du littoral. La « Venise Verte » tire ainsi directement son nom de la physionomie de ces tapis de lentilles d’eau visibles à la surface des conches et des canaux. En contexte acide, l’habitat devient moins courant et occupe de préférence les mares et les petits étangs eutrophes, les fosses oligotrophes des carrières d’extraction d’argile (Utricularia australis) et les zones de sources (Riccia fluitans).

Phytosociologie et correspondances typologiques

COR 1997

22. 41 Végétations flottant librement : communautés flottant librement à la surface des eaux plus ou moins riches en nutriments
22.411 Couvertures de Lemnacées, Azolla ou hépatiques
22.412 Radeaux d’Hydrocharis morsus-ranae
22.413 Radeaux de Stratiotes aloides
22.414 Colonies d’utriculaires

PVF 2004

LEMNION MINORIS O.Bolos & Masclans 1955 : communautés des eaux eutrophes à hypertrophes
LEMNION TRISULCAE Hartog et Segal 1964 : communautés des eaux oligo-mésotrophes à méso-eutrophes.

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

3150-3 « Plans d’eau eutrophes avec dominance de macrophytes libres flottants à la surface de l’eau »
3150-4 « Rivières, canaux et fossés eutrophes des marais naturels »

Confusions possibles

Dans sa configuration type, l’habitat ne peut être confondu avec aucun autre habitat des eaux calmes.

Dynamique

Les tapis de pleustophytes constituent des formations pionnières dans la dynamique de la végétation aquatique des eaux calmes.

Le maintien de ces espèces annuelles dépendra du renouvellement et de la conjonction de facteurs écologiques favorables, ce qui confère à l’habitat un caractère instable et précaire.

Parmi ces facteurs, la minéralisation des eaux favorise le développement de tapis flottants qui deviennent largement dominants (Lemnacées, Hydrocharis) et limitent celui des autres formations. De plus, contrairement aux espèces des autres habitats des eaux calmes, pour lesquelles la profondeur de l’eau est un facteur limitant qui entraîne une zonation précise des formations, celles qui relèvent de l’habitat « Eau avec végétation flottante libre » peuvent évoluer librement et, de ce fait, occuper toute la surface de l’eau dès lors que les conditions de leur développement sont réunies. A ce stade plus avancé, la prolifération de certaines espèces (Lemna gibba, Lemna minor, Spirodela polyrhiza, Azolla filiculoides, Riccia sp.) favorisée par une forte multiplication végétative, aboutit à la formation de plusieurs couches superposées et devient un facteur de régression pour les autres habitats des eaux calmes, interdisant, par exemple, la captation des rayons lumineux par les hydrophytes immergés. Parallèlement, cette prolifération accélère la décomposition de la matière végétale sur le fond dans des conditions anaérobies, augmente les échanges gazeux avec le milieu aquatique, provoque un abaissement du taux d’oxygène et libère de l’ammoniac, ce qui peut, en période de fortes chaleurs, avoir des conséquences dévastatrices pour l’ensemble des espèces, animales et végétales. En cela, les communautés de Lemnacées permettent d’apprécier la qualité physico-chimique des eaux et ont ainsi une valeur bio indicatrice.

En profondeur moyenne, ces formations sont néanmoins concurrencées par des hydrophytes flottants enracinés, comme le Nénuphar jaune. De plus, ces espèces stagnophiles supportent mal l’action du courant et du vent ou une arrivée d’eau massive qui entraînent une fragmentation des tapis et une destruction du faciès caractéristique.

Notons enfin, que l’explosion spectaculaire de ces tapis de pleustophytes flottants, qui trouvent dans la dégradation de la qualité des eaux les conditions optimales de leur développement, n’est que le témoin visuel d’une eutrophisation rapide qui accélère encore d’avantage le processus d’évolution naturelle conduisant progressivement au comblement du milieu.

Espèces indicatrices

[plante2] (Azolla filiculoides), Hydrocharis morsus-ranae, Lemna gibba, Lemna minor, (Lemna minuta), Lemna trisulca, Spirodela polyrhiza, *Stratiotes aloides, Wolffia arrhiza
[plante1] (Ludwigia grandiflora), (Ludwigia peploides), Myriophyllum aquaticum, Phragmites australis, Typha angustifolia, Typha latifolia, *Utricularia australis, *Utricularia vulgaris
[briophytes] Riccia fluitans, Ricciocarpus natans
[amphibiens] Rana perezi
[mollusques] Anisus spirorbis, Oxyloma elegans, Stagnicola fuscus
[odonates] Erythromma viridulum

Valeur biologique

Si les formes eutrophes et, surtout, hypertrophes, de l’habitat sont assez répandues et tendent même à se développer avec la dégradation généralisée des milieux aquatiques, les faciès mésotrophes ou méso-eutrophes sont beaucoup plus rares. C’est dans ce faciès d’eaux mésotrophes drainant un marais tourbeux de Charente-Maritime que se localise l’unique station picto-charentaise de l’Aloès d’eau Stratiotes aloides, une Hydrocharitacée plutôt médio-européenne, très rare dans l’Ouest de la France, dont les rosettes foliaires immergées viennent flotter à la surface de l’eau au moment de la floraison. C’est également dans de faciès de l’habitat que se développe le Petit Nénuphar Hydrocharis morsus-ranae, une espèce en régression spectaculaire au cours des 2 dernières décennies dans tous les marais arrière-littoraux charentais. Bien que l’habitat ait beaucoup à souffrir des pullulations d’espèces invasives – au premier rang desquelles les jussies néo-tropicales – celles-ci peuvent toutefois avoir un impact indirect « bénéfique » : avec la séquestration massive de nutriments provoquée par la croissance de l’énorme biomasse des jussies, les eaux, initialement eutrophes, deviennent moins chargées et peuvent alors être colonisées par des utriculaires (Utricularia vulgaris et Utricularia australis), des espèces rares et liées généralement à la périphérie de marais tourbeux.
En revanche, lorsque l’habitat témoigne d’une eutrophisation d’origine anthropique, processus très rapide d’augmentation en substances nutritives qui génère une explosion de certaines espèces indicatrices au détriment de la diversité des autres espèces, ou lorsque celui-ci est composé, de manière monospécifique, par une espèce courante, ou par des espèces invasives (Azolla filiculoides, Lemna minuta), il présente alors une valeur patrimoniale faible et bien moindre que celle des formations qu’il tend à remplacer. En effet, dans un contexte d’eutrophisation importante, seules quelques espèces faunistiques ou floristiques arrivent à se maintenir et à exploiter les tapis de pleustophytes dont l’intérêt principal réside en l’apport nutritif qu’ils représentent pour les plus résistantes (poissons) ou pour certains oiseaux. Compte tenu de l’eutrophisation généralisée des eaux, d’origine agricole, la configuration type de l’habitat élémentaire est en nette régression partout. Dans ces conditions, la préservation des systèmes mésotrophes ou naturellement eutrophes devrait être prioritaire par rapport aux systèmes dégradés (eutrophisation ou hypertrophisation d’origine anthropique) en attendant que des mesures globales sur les causes de cette dégradation soient entreprises pour rétablir les conditions favorables à des formations plus complexes et plus intéressantes du point de vue de la biodiversité.

Menaces

Indépendamment des conséquences provenant de l’eutrophisation (diminution de la diversité, comblement…), ces formations sont sensibles à une acidification des eaux, à une modification des conditions hydriques, au développement d’espèces allochtones compétitives (jussies ou pleustophytes invasives), à un assèchement prolongé, et, s’agissant des espèces les plus héliophiles, à la fermeture du milieu.
Dans certains secteurs du Poitou-Charentes enfin (marais arrière-littoraux), la prolifération d’espèces animales allochtones (ragondin, rat musqué et, récemment, écrevisses américaines) a un tel impact sur les milieux aquatiques (turbidité des eaux, consommation des herbiers aquatiques) que même les nappes de lentilles d’eau ont du mal à survivre dans ces milieux très dégradés.

Statut régional

L’habitat est globalement répandu en Poitou-Charentes, avec toutefois une fréquence particulièrement élevée dans les grands marais arrière-littoraux de Charente-Maritime (fossés des marais de Rochefort, Brouage, estuaire Gironde) et le sud-ouest des Deux-Sèvres (Marais Poitevin : « Venise verte »).

ATTENTION : la version papier complète du Guide des habitats, soit 476 pages en couleur au format 17×24 cm au prix de 35 €, prix public, vient de paraître fin octobre 2012. Si vous êtes intéressé pour avoir toutes ces fiches sous la main en permanence, allez télécharger le bon de commande à la page Publications PCN, contactez-nous dès maintenant en cliquant ici pour nous envoyer un mail ou appelez-nous au 05 49 88 99 23.

Eau avec végétation immergée vasculaire

Rédacteur : Olivier Collober

Physionomie – écologie

L’habitat appartient sur le plan structurel aux habitats constituant la strate inférieure de la végétation aquatique des eaux calmes et se présente sous la forme de massifs, de tailles et de profondeurs variables, dominés par des macrophytes immergés, fixés sur le fond plus ou moins lumineux des eaux claires stagnantes ou faiblement courantes.

La distinction avec les autres habitats des eaux calmes provient des différences biologiques et écomorphologiques marquées entre les espèces indicatrices de cet habitat et les autres hydrophytes fixés :

  • tout d’abord, ces espèces, dotées d’un tissu aérifère ou lacunaire, sont toutes vasculaires et, pour ces raisons notamment, mieux adaptées, plus compétitives, elles parviennent à supplanter d’autres plantes immergées plus héliophiles comme les algues (Chara et Nitella) caractéristiques des formations pionnières de l’habitat élémentaire « Eaux avec végétation immergée non vasculaire ».
  • en outre, ces espèces, généralement pérennes, plus rarement annuelles (Naias, Potamogeton trichoides), sont toujours enracinées, le plus souvent de façon permanente, parfois temporairement (Ceratophyllum) et sont entièrement submergées, leur cycle biologique s’effectuant en totalité sous la surface de l’eau, ou affleurantes, seuls les épis floraux étant alors émergés (Myriophyllum).
  • elles se reconnaissent également à leur appareil végétatif caractéristique, les espèces indicatrices étant, par exemple, régulièrement pourvues d’un seul type de feuilles, rarement de plusieurs, généralement filiformes (Potamogeton) ou laciniées (Myriophyllum), parfois découpées, à limbe très rarement élargi (Potamogeton lucens) et, contrairement aux espèces de l’habitat « Eau avec végétation flottante fixée », jamais flottantes ou étalées en surface. Le système floral réduit, muni de fleurs discrètes témoigne lui-même de l’adaptation de ces espèces aux contraintes de l’immersion.

L’habitat peut être composé d’une seule espèce indicatrice, mono spécifique, formant un herbier parfois dense, généralement au sein d’un milieu de petite dimension, ou de plusieurs espèces cohabitant dans un milieu plus hétérogène, le cas échéant, organisées en taches distinctes ou en ceintures progressives en fonction de la profondeur de l’eau ou de l’éclairement. Ainsi, certains grands potamots trouveront les conditions optimales de leur développement dans les eaux libres plus profondes alors que les espèces plus petites et plus tolérantes à l’ombre préfèreront les eaux moins profondes et plus abritées. Beaucoup de ces espèces indicatrices ont cependant des exigences écologiques propres, en conséquence de quoi l’habitat élémentaire pourra se rencontrer à la fois en contexte calcaire, neutre ou acide et dans des conditions trophiques très variables (oligotrophes à eutrophes).

En Poitou-Charentes, l’habitat est potentiellement présent partout où l’eau est permanente sans être trop profonde (de 1 à 3 mètres). Les étangs, les mares, les fossés, les marais et les bras annexes des rivières constituent autant de biotopes favorables au développement des formations de plantes immergées vasculaires, pour peu qu’ils ne soient pas trop pollués (systèmes hypertrophes) ou exploités (dégradations d’origine anthropique ou animale) et qu’ils soient suffisamment ouverts et ensoleillés. Les Deux-Sèvres armoricaines riches en plans d’eau abritent des espèces qui préfèrent les eaux acides et plutôt oligotrophes alors que les rivières à courant lent et les marais des plaines calcaires offrent des milieux propices au développement des nombreuses espèces basiphiles. Enfin, il faut remarquer que cet habitat est particulièrement touché par l’immixtion d’espèces invasives (Hydrocharitaceae, Haloragaceae) et que la région Poitou-Charentes est fortement impactée par la progression inquiétante de ces indésirables, sept espèces ayant déjà été recensées dans cet habitat.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

POTAMION PECTINATI Libbert 1931 Communautés plus ou moins pionnières des eaux calmes, stagnantes à faiblement courantes, moyennement profondes (0,5 à 4 m), mésotrophes à eutrophes.

COR 1991

22. 42 Végétations enracinées immergées (Potamogetonion)
22.421 Groupements de grands potamots (Magnopotamion)
22.422 Groupements de petits potamots (Parvopotamion)

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

3150-1 « Plans d’eau eutrophes avec végétation enracinée avec ou sans feuilles flottantes »
3150-4 « Rivières, canaux et fossés eutrophes des marais naturels »

Confusions possibles

Par sa physionomie (herbiers immergés) et le type biologique des espèces indicatrices (hydrophytes vasculaires), l’habitat est aisément reconnaissable. Néanmoins, les formations étant entièrement immergées, il est parfois difficile à repérer, parmi d’autres habitats, comme par exemple sous des tapis de macrophytes flottants, et doit être recherché. Il faut également être attentif pour ne pas le confondre avec les tapis de characées relevant de l’habitat « Eau avec végétation immergée non vasculaire ». Dans ces situations, la découverte de fragments de plantes sur les zones littorales est un moyen simple pour attester de la présence des espèces indicatrices et identitifier des herbiers visibles mais inaccessibles.

Par ailleurs, les formations végétales doivent être suffisamment importantes pour remplir la fonction d’habitat. En présence de cortèges d’appartenance distincte, l’estimation de l’abondance et de la dominance des espèces indicatrices sera, dans certains cas, nécessaire pour retenir celui des habitats qui convient le mieux ou, le cas échéant, l’habitat plus général « Fossés et petits canaux » (89.22).
Enfin, excepté en quelques rares contextes très minéralisés, la prédominance de Potamogeton pectinatus et de Zannichellia palustris ssp.pedicellata marque la transition de cet habitat avec celui abritant les « Formations immergées des eaux saumâtres ou salées » (23-21) des marais arrière littoraux.

Espèces indicatrices

[plante2] Ceratophyllum demersum, *Ceratophyllum submersum, (Egeria densa), (Elodea canadensis), (Elodea ernstiae), (Elodea nuttallii), Groenlandia densa, Lagarosiphon major, *Myriophyllum alterniflorum, (Myriophyllum aquaticum), Myriophyllum spicatum, Myriophyllum verticillatum, *Najas marina, *Najas minor, Potamogeton berchtoldii , Potamogeton crispus, *Potamogeton gramineus, Potamogeton lucens, Potamogeton natans, *Potamogeton obtusifolius, Potamogeton pectinatus, *Potamogeton perfoliatus, Potamogeton pusillus,* Potamogeton trichoides, Zanichellia palustris
[plante1] Apium inundatum, Potamogeton polygonifolius, Sagittaria sagittifolia, Sparganium emersum
[briophytes] Amblystegium riparium, Fontinalis antipyretica
[odonates] Aeshna isosceles, Anax parthenope, Coenagrion pulchellum, Erythromma lindenii, Erythromma najas

Dynamique

Les formations de l’habitat représentent un stade intermédiaire et précaire dans la dynamique progressive de la végétation des eaux calmes. Plus compétitives que les espèces pionnières non vasculaires et favorisées par la multiplication végétative qui permet la formation d’herbiers parfois importants, elles n’en sont pas moins héliophiles et sont incapables de supporter longtemps la concurrence des macrophytes flottants qui les privent de lumière et qui progressivement les remplacent. Pour autant, qu’elles soient vivaces ou annuelles, ces espèces ont su développer des stratégies propres qui permettent aux populations de se maintenir ou de s’étendre dès lors que les conditions redeviennent favorables. Mais la compétition naturelle n’est pas le seul facteur qui altère ces formations. L’eutrophisation a des effets sur la diversité des groupements en favorisant les espèces les plus résistantes comme Potamogeton crispus ou Potamogeton pectinatus. Les modes de gestion des plans d’eau (piscicultures intensives, faucardages répétés, assecs prolongés) ou la prolifération des nombreuses espèces exogènes peuvent également entraver le processus d’évolution naturelle ou entrainer une banalisation du milieu.

Valeur biologique

La valeur de l’habitat doit être appréciée avec discernement en considérant l’intérêt des espèces présentes et l’état des populations.

Du point de vue botanique, lorsque les espèces sont indigènes et les formations bien diversifiées et/ou de bonne densité, sa valeur patrimoniale est élevée. Dans cette configuration, l’habitat est devenu relativement rare en Poitou-Charentes et est fortement menacé. En outre, il peut abriter des espèces rares ou localisées et inscrites sur la Liste Rouge régionale (Myriophyllum alterniflorum, Ceratophyllum submersum, Najas marina, Najas minor, Potamogeton gramineus, Potamogeton obtusifolius, Potamogeton perfoliatus, Potamogeton trichoides).

Il offre en revanche un intérêt bien moindre en présence d’espèces invasives avérées des genres Elodea, Egeria, Groenlandia, Lagarosiphon et du Myriophyllum aquaticum.

Les herbiers constitués par ces hydrophytes immergés assurent la fonction d’habitat pour de très nombreuses espèces animales, notamment pour les invertébrés aquatiques (gastéropodes, odonates, coléoptères, etc.) et un lieu de reproduction privilégié pour les amphibiens (tritons, grenouilles) dont beaucoup sont menacées ou vulnérables en région Poitou-Charentes : Lestes Coenagrion pulchellum, Erythromma najas, Triturus marmoratus, Triturus cristatus, Triturus X blasius, Rana lessonae….

En outre, l’habitat joue un rôle considérable (oxygénation, consommation, abri, ombrage…) dans l’équilibre global de ces écosystèmes importants que sont les milieux lentiques en général. Pour cette raison, certaines de ces espèces sont aujourd’hui considérées comme bio-indicatrices pour apprécier la qualité des milieux. Trop souvent négligés, ces habitats d’eau calme subissent de fortes pressions anthropiques qui sont autant de menaces sur la biodiversité, pourtant très élevée, qui les caractérise.

Menaces

La combinaison de facteurs écologiques, principalement la persistance, la qualité et la clarté de l’eau, et d’interventions humaines relatives à l’entretien physique du milieu (faucardages espacés, curages légers, ouverture) est essentielle à la conservation de l’habitat. A l’inverse, la dégradation de ces facteurs ou l’intensification de certaines pratiques de gestion entrainent sa régression ou sa disparition (fertilisation des étangs, pollutions des eaux, eutrophisation d’origine agricole, comblement naturel ou envasement, assèchement prolongé, chaulage, pisciculture intensive, herbicide…). Le remplacement des espèces indicatrices par d’autres espèces telles que les lentilles, les plantes amphibies, les hélophytes, témoigne ainsi de changements écologiques défavorables au maintien de l’habitat. Enfin, l’introduction d’espèces exotiques (jussies, carpe amour, écrevisses…), constitue aussi une importante menace pour ces formations et pour les très nombreuses espèces animales qui en dépendent.

Statut régional

Habitat dispersé dans l’ensemble du Poitou-Charentes, plus répandu toutefois dans certaines régions :

16 : étangs des landes de la Double, étangs du Confolentais
17 : fossés et canaux des marais arrière-littoraux
86 : étangs et landes du sud-est
79 : mares et étangs de la partie armoricaine

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Milieux salés artificiels ou fortement anthropisés

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie-écologie

L’habitat regroupe un ensemble disparate de milieux côtiers dont le trait commun est d’’avoir été isolés de l’influence directe de la mer et aménagés par l’Homme, souvent depuis des siècles, à des fins de cueillette et/ou de productions diverses telles que la récolte du sel, l’élevage des poissons ou le ramassage de coquillages. Une des caractéristiques de ces marais endigués est l’élaboration d’un fonctionnement hydraulique complexe visant à s’affranchir du marnage naturel des marées tout en réalisant des aménagements permettant l’alimentation en eau salée adéquate pour la production visée : le schéma comprend en général une digue de protection contre les grandes marées, des étiers principaux (qui reprennent le plus souvent d’anciens chenaux de drainage du schorre originel) et tout un réseau de canaux et de fossés faisant circuler l’eau salée dans un circuit plus ou moins long et complexe de bassins où s’effectue la récolte. Un jeu de vannes permet de faire « boire » le marais en fonction des marées à des rythmes variables (2 fois par 24h ou quelques fois par mois seulement) selon les secteurs et la gestion mise en œuvre.
Partant de ce schéma général, la variabilité de l’habitat suit étroitement le type de production concernée. On distinguera donc :

  • les marais salicoles : il s’agit de la plus ancienne et de la plus importante activité de production sur les marais littoraux charentais (de l’Antiquité jusqu’au XVIIIème siècle surtout) ; la production de sel repose sur un réseau hydraulique complexe où l’eau circule dans une succession de bassins – vasais, métières, tables courantes et champ de marais – dont les 3 premiers peuvent toutefois être assimilés à des lagunes aménagées en raison du faible impact de l’exploitation, seuls les bassins de champ de marais appartenant à l’habitat « Milieux salés artificiels » ;
  • les marais ostréicoles : ils sont nés d’une reconversion (à partir du XIXème siècle) d’anciens marais salants dont les structures ont été partiellement refaites pour remplir 3 fonctions différentes en fonction des bassins : la pousse en claire, l’affinage et le verdissement, et le stockage avant expédition. Selon les modalités de l’exploitation – claires remembrées d’une surface > 600m², densités d’huîtres au m², importance de la mécanisation, traitement de la périphérie des claires – ou la finalité des bassins (les réserves où est effectué le stockage ont une profondeur atteignant ou dépassant 1m) les bassins se rapporteront plutôt à un modèle de lagune aménagée (petites claire traditionnelles) ou à l’habitat « Milieux salés artificiels » ;
  • les autres marais conchylicoles : la production de palourdes ou de coques (essor récent : fin des années 1980) nécessite une refonte importante de la structure des anciens marais salants : remembrement d’anciennes claires pour obtenir des unités de 600-1500m², recreusement, suppression des abotteaux, renforcement des zones de roulage, mécanisation importante ; de plus, la palourde s’accommode mal des faibles salinités hivernales, de la sursalure et du réchauffement estival, conditions typiquement lagunaires ;
  • les marais pénéicoles : l’élevage de la Crevette japonaise, espèce de mers chaudes (commercialisée sous le nom de « gambas »), est récent ; selon les cas, la structure des anciens marais salants est conservée ou, au contraire, un remembrement est effectué pour obtenir de grands bassins de plus d’1 ha ; dans tous les cas, un recreusement est nécessaire pour disposer d’une lame d’eau suffisante pour éviter des variations trop fortes de la température, de la salinité ou de l’oxygène dissous ; un profil de berge sub-vertical est en général réalisé pour limiter la prédation par les oiseaux ;
  • les marais à poissons : c’est à partir du XIXème et du XXème siècle que de nombreuses salines ont été converties en marais piscicoles ; les secteurs privilégiés correspondaient souvent à des zones confinées ou difficiles d’accès où la mise en œuvre d’autres productions s’avérait impossible. Les formes initiales des anciens marais salants sont en général conservées mais un recreusement de certaines zones est indispensable pour procurer un refuge aux poissons au moment des froids hivernaux ou des chaleurs estivales. La pêche est effectuée tous les 2-3 ans à l’occasion d’une vidange totale du marais.

    Selon les types et la gestion appliquée, la végétation peut être totalement absente ou au contraire abondante :
  • la Ruppie Ruppia maritima (et Ruppia cirrhosa, plus rare) est une phanérogame des eaux saumâtres (optimum de salinité entre 5 et 25gr/l) développant dans le sédiment un important réseau de rhizomes et émettant des tiges filiformes longues de15 à 80cm, ; espèce vivace coloniale, elle peut former des herbiers denses colonisant la totalité du fond de certains bassins. L’assec périodique favorise la germination des graines. La Ruppie joue un rôle important dans l’écologie des bassins qu’elle colonise : elle contribue à l’oxygénation de l’eau, sert de support mécanique ou trophique à de nombreux micro-organismes (mollusques, crustacés, insectes), proies potentielles pour les poissons notamment, eux-mêmes consommés par les oiseaux (les graines de Ruppie peuvent être par ailleurs directement consommées par des anatidés herbivores comme le Canard siffleur ou la Sarcelle d’hiver). Pour toutes ces raisons, la présence de la Ruppie est tantôt recherchée (marais à poissons), tantôt combattue (claires ostréicoles, élevages de palourdes) en raison d’une compétition avec le phytoplancton et, donc, d’une moindre nourriture disponible pour les coquillages.

    Les algues macrophytes – Enteromorpha, Cladophora, Chaetomorpha, Ulva – pullulent parfois dans certains bassins et cette prolifération est jugée nuisible à plusieurs titres : elles entrent en concurrence avec les algues microscopiques – phytoplancton et phytobenthos – du sédiment et de la pleine eau, elles diminuent la production d’oxygène en empêchant la pénétration de la lumière, elles perturbent les échanges entre le sédiment et la lame d’eau, leur mort s’accompagne d’une importante accumulation de matière organique qui entraine une forte diminution de la concentration en oxygène des sédiments et de l’eau.

    La végétation périphérique des bassins de marais endigués, lorsqu’elle est conservée par une gestion « douce », emprunte ses éléments aux divers habitats de prés salés primaires : salicorniaies annuelles (15.1), prairies de spartines (15.2), prés salés atlantiques (15.3), fourrés des prés salés (15.6), prés salés thermo-atlantiques (15.5). Ceux-ci se développent en frange linéaire sous forme de cortèges relativement complets tant que l’alimentation en eau salée perdure ; si le marais est abandonné en revanche, diverses voies dynamiques sont possibles mais vont toutes dans le sens de communautés moins halophiles et de plus en plus saumâtres (la scirpaie maritime est alors souvent un stade important de cette dérive).

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

RUPPIETEA MARITIMAE J.Tüxen 1960

  • Végétation enracinée des eaux saumâtres eury- à polyhalines
    • Ruppion maritimae J.Tüxen 1960 : communautés filiformes, hivernales à vernales, souvent desséchées en été
    • Zannichellion pedicellatae Schaminée, B.Lanjouw & Schipper 1992 : Communautés poldériennes et sublittorales des eaux oligohalines

COR 1991

  • 89.1 Lagunes industrielles et canaux salins
    • 89.11 Ports maritimes
    • 89.12 Salines
    • 89.13 Autres lagunes industrielles et canaux salins

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

Non concernée

Confusions possibles

Selon la vocation actuelle du marais, l’intensité de son exploitation, ou au contraire son degré d’abandon (et, surtout, l’état de sa desserte hydraulique) et l’ancienneté de celui-ci, il existe un continuum de situations dont un pôle se rattache plutôt aux lagunes aménagées (21) alors que l’autre se réfère aux marais salés artificiels fortement anthropisés (89). Si les cas extrêmes ne posent pas trop de problèmes, les situations intermédiaires sont plus problématiques et l’affectation de tel ou tel bassin à l’habitat 21 ou au 89 dépend alors des critères utilisés. Le manque de critères clairs et précis, physico-chimiques et microbiologiques, permettant de trancher objectivement est une des principales causes de conflits se développant actuellement sur ces espaces entre environnementalistes et professionnels du marais.

Dynamique

En cas d’abandon, 3 paramètres essentiels règlent l’évolution de la végétation : la salinité du sol et des eaux de submersion, la durée de submersion par l’eau salée et/ou de pluie, le niveau d’exhaussement du fond du bassin (en rapport avec la quantité de matière organique accumulée). Dans le cas le plus fréquent où le bassin est submergé temporairement par l’eau de pluie, une scirpaie maritime à Bolboschoenus maritimus ne tarde pas à s’installer, souvent accompagnée au printemps d’herbiers aquatiques saumâtres à Renoncule de Baudot Ranunculus baudotii et Zanichellie pédicellée Zanichellia pedicellata. Avec le temps, et si le drainage reste médiocre, cette scirpaie sera envahie par les grands hélophytes typiques des marais plus continentaux comme le Phragmite Phragmites australis ou la Massette à feuilles étroites Typha angustifolia.

Si la submersion est courte et le drainage du bassin satisfaisant, une prairie saumâtre à Jonc de Gérard Juncus gerardii et Glycérie maritime Puccinellia maritima va d’abord s’installer, pour laisser la place au fur et à mesure du lessivage du sel résiduel dans le sol à la prairie subhalophile thermo-atlantique dominée par la Laîche divisée Carex divisa et de nombreux trèfles, dont, surtout, le Trèfle maritime Trifolium squamosum et le Trèfle résupiné Trifolium resupinatum. Il arrive toutefois souvent aussi qu’une prairie saumâtre dense et monotone à Agropyre piquant Elytrigia atherica s’installe et freine l’évolution vers la prairie plus diversifiée à Carex divisa et trèfles.

Valeur biologique

Dans ses faciès les plus anthropisés, l’habitat n’est pas considéré comme menacé mais, comme expliqué ci-dessus, les situations les plus traditionnelles/extensives doivent être rapportées à l’habitat « lagunes », inscrit à l’Annexe I de la Directive Habitats (prioritaire).

L’intérêt avifaunistique des marais salés endigués est très élevé : ceux-ci forment en effet un ensemble fonctionnel avec les estrans qui les bordent et de nombreux oiseaux se nourrissant sur les vasières tidales utilisent certains bassins comme reposoirs de marée haute ; la forte productivité des eaux leur fournit également de nombreuses espèces-proies – invertébrés, petits poissons – alors que les berges des bassins peuvent être favorables à la nidification de certaines espèces nichant au sol (Limicoles, Laridés) ou dans la végétation basse (passereaux). La Gorgebleue de Nantes en est l’exemple le plus remarquable : cette sous-espèce endémique de l’Ouest de la France (entre le Finistère et le Bassin d’Arcachon) de la Gorgebleue à miroir est en effet fortement liée aux marais salés endigués pour sa reproduction et 1/5 de la population mondiale niche dans les marais salés de Charente-Maritime.

L’intérêt botanique des marais salés endigués est moindre, l’essentiel du peuplement végétal étant constitué d’espèces qui possèdent leur biotope optimal sur les prés salés ; on notera toutefois que certaines communautés propres aux hauts schorres se sont largement réfugiées dans les marais endigués où la gestion de l’eau – submersions occasionnelles, seulement lors des marées de forts coefficients – leur convient particulièrement ; cet habitat secondaire, de substitution, est d’autant plus important que de nombreuses séquences de prés salés ont été tronquées de leur partie supérieure par des endiguements successifs. La communauté à Armoise maritime, celle à Inule faux-crithme, la salicorniaie à Salicorne d’Aymeric, voire même celle à Statice à feuilles ovales, semblent aujourd’hui trouver des conditions optimales de développement dans les marais endigués ; dans cette optique, le respect des nombreuses diguettes et abotteaux séparant les anciens bassins salants est vitale pour la survie de ces précieux groupements végétaux (plusieurs sont inscrits au Livre Rouge des Phytocénoses Terrestres du Littoral français, GEHU 1991). Enfin, les bassins des marais salés endigués sont, en Poitou-Charentes, le seul biotope pour les herbiers de Ruppia maritima qui peuvent couvrir par endroits des surfaces très importantes (marais de l’île de Ré, par ex).

Espèces indicatrices

[plante2] *Althenia filiformis, Ruppia cirrhosa, Ruppia maritima
[plante1] Bolboschoenus maritimus, Callitriche truncata, Juncus maritimus, Polypogon monspeliensis, Potamogeton pectinatus, Ranuncuus baudotii , Zanichellia pedicellata
[algues] Chaetomorpha spp., Chara alopecuroides, Cladophora spp., Enteromorpha spp., Ulva sp.
[oiseaux] Anas platyrhynchos, Anthus pratensis, Ardea cinerea, Branta bernicla, Carduelis cannabina, Charadrius alexandrinus, Charadrius dubius, Charadrius hiaticula, Circus aeruginosus, Egretta garzetta, Himantopus himantopus, Larus argentatus, Larus michahellis, Larus fuscus, Larus marinus, Larus ridibundus, Luscinia svecica namnetum, Motacilla flava, Recurvirostra avosetta, Sterna hirundo, Tadorna tadorna, Tringa totanus, Vanellus vanellus
[poissons] Anguilla anguilla, Dicentrarchus labrax, Gasterosteus aculeatus, Mugil spp ., Pleuronectes platessa, Platichthys flesus, Sparus aurata, Solea spp., Syngnathus rostellatus
[coleopteres] Chironomus salinarius, Ephidra riparia
[mollusques] Abra ovata, Cerastoderma glaucum, Hydrobia ventrosa, Leucophysia (Auriculinella) bidentata, Myosotella myosotis, Peringia ulvae, Potamopyrgus antipodarum
[crustaces] Balanus improvisus, Carcinus maenas, Corophium insidiosum, Cyathura carinata, Idotea viridis, Microdeutopus grillotalpa, Palemonetes varians, Sphaeroma hookeri
Polychètes : Mercierella enigmatica, Nereis diversicolor

Menaces

Deux menaces opposées pèsent sur les marais salés endigués et sur les différentes fonctions – écologiques, biologiques, de production, paysagères, récréatives – qu’ils remplissent souvent depuis des décennies : l’abandon total mène tôt ou tard d’abord à un confinement des eaux, puis à un envasement des bassins et enfin à un atterrissement inéluctable qui entraine un changement radical d’écosystème et, donc, une perte d’originalité.

A l’inverse, le remplacement d’activités traditionnelles (saliculture,
ostréiculture et pisciculture extensives), devenues peu ou non rentables, par des activités de production plus intensives, est en général source d’appauvrissement pour les fonctions écologiques et de biodiversité du marais endigué. L’accent principal porté sur l’optimisation de la production et de la rentabilité économique devient alors difficilement compatible avec la survie d’un patrimoine biologique qui coexiste pourtant souvent depuis des siècles avec ces activités humaines.

Deux des faciès les plus fréquents de marais salés aménagés

L’entretien et la gestion intensive de ces espaces empêchent le développement de la végétation halophile en périphérie des bassins

Statut régional

L’habitat est présent sur le littoral et les îles de Charente-Maritime, dans les grands secteurs d’anciens marais salants :

17 : marais de l’île de Ré, marais d’Oléron, marais de Seudre

Divers faciès d’abandon dans un marais aménagé

ATTENTION : la version papier et complète du Guide des habitats, soit 476 pages en couleur au format 17×24 cm au prix de 35 €, prix public, vient de paraître fin octobre 2012. Si vous êtes intéressé pour avoir toutes ces fiches sous la main en permanence, allez télécharger le bon de commande à la page Publications PCN, contactez-nous dès maintenant en cliquant ici pour nous envoyer un mail ou appelez-nous au 05 49 88 99 23.