Caloptéryx hémorrhoïdal

Calopteryx haemorrhoidalis (Vander Linden, 1825).

Caloptéryx hémorrhoïdal

Liste Rouge du Poitou-Charentes : Vulnérable

Etymologie

Calopteryx du grec kalos = beau et pteryx = ailes (du fait probablement de la coloration et de l’allure générale des ailes des espèces de ce genre). De haima (gr) = sang, rhoê (gr) = flux, ruissellement et alis (gr) = qui appartient à, qui relève de : chez les mâles de cette espèce, le catadioptre est rose vif comme si l’insecte souffrait d’hémorroïdes.

Répartition

De répartition ouest-méditerranéenne, ce caloptéryx est présent dans la moitié sud de la France. Le Poitou-Charentes constitue sa limite nord de répartition. En Charente-maritime, les populations les plus septentrionales se situent dans le bassin du Curé et de la Trézence. Elles sont en place depuis le début du programme d’inventaire et rien ne permet de dire que l’espèce est actuellement en expansion vers le nord. Plus au sud, l’espèce est présente dans la totalité des petits cours d’eau intérieurs, de la Trézence à la Haute-Saintonge boisée. En Charente, l’espèce fréquente de nombreux cours d’eau de la moitié sud du département. En Deux-Sèvres, quelques individus erratiques ont été observés sur le bassin de la Boutonne et sur le canal du Mignon.

L’espèce n’a pas encore été observée en Vienne. Partout, la répartition de cette espèce est plus morcelée que celle des Caloptéryx vierge et éclatant. Elle a été observée dans 109 communes, soit 9 % des communes prospectées.

Phénologie

Si les premiers imagos sont notés dès le 19 mai, le pic d’émergence se situe… (ce texte est disponible intégralement en version papier dans le livre Libellules du Poitou-Charentes).

Habitats

Calopteryx haemorrhoidalis est une espèce des milieux courants. Les larves vivent dans… (ce texte est disponible intégralement en version papier dans le livre Libellules du Poitou-Charentes).

Biologie

Le développement larvaire se fait en 1-2 ans selon la température de l’eau. La phase de maturation dure…(ce texte est disponible intégralement en version papier dans le livre Libellules du Poitou-Charentes).

Menaces

Ce leste ne semble pas menacé en Poitou-Charentes. Cependant, la disparition ou la dégradation des mares et des petites pièces d’eau ne peut que nuire à l’espèce. De plus, la transformation ou la création de nombreux étangs pour des activités piscicoles et présentant des rives aux faciès abrupts n’offrent pas de milieux de substitution pour le développement des larves de S. fusca qui ont besoin d’un niveau d’eau inférieur à cinquante centimètres afin que le réchauffement soit rapide.

Menaces

Le Caloptéryx hémorroïdal présente une répartition discontinue. Les causes de cette fragmentation ne sont pas évidentes. Dans certaines localités, l’espèce pourrait être en compétition directe avec le Caloptéryx vierge.

Trois menaces principales affectent cet odonate. L’assèchement chronique des cours d’eau, lié à une mauvaise gestion de la ressource, notamment du fait de pompages agricoles déraisonnables, affecte de nombreuses populations.

La mise en place de barrages et de seuils sur les cours d’eau modifient les conditions environnementales en provoquant une disparition du courant, une diminution du taux d’oxygène dissous et parfois des blooms algaux et des crises d’hypereutrophisation.

Enfin, la fermeture complète des ruisselets par la végétation fait disparaître l’espèce tout aussi radicalement que l’élimination systématique des plantes rivulaires.

Protection

La protection de l’espèce passe par une meilleure connaissance de ses facteurs limitants, par une meilleure gestion de la qualité et de la ressource en eau et par un entretien écologique de la végétation bordant les cours d’eau.

Philippe JOURDE & Michel CAUPENNE

Bibliographie

Cordero A., 1991 – Drought-induced dispersal in Calopteryx haemorrhoidalis (Vender Linden) (Odonata : Calopterygidae). Opusc. zool. Flumin., 64 : 1-6.

Le monde des libellules

Introduction

Pour mieux comprendre le monde du vivant, les scientifiques classent les organismes vivants dans un système de groupes hiérarchisés divisé en règnes, embranchements, classes et ordres notamment. L’ordre des odonates (Odonata) qui rassemble l’intégralité des espèces de libellules au sens large, fait partie du règne animal (Animalia), de l’embranchement des arthropodes (Arthropoda) et de la classe des insectes (Hexapoda).

Odonates ou libellules ?

Les insectes de l’ordre des odonates sont communément appelés libellules en français. On trouve parfois une acception différente à ce dernier terme, correspondant à la distinction entre zygoptères et anisoptères. On parle alors de demoiselles pour les premières et de libellules pour les secondes.

Le terme odonates est formé par l’agrégation des termes grecs odo dent et nate, déformation de gnath mâchoire. Les odonates sont des insectes aux mandibules très puissantes, comme des dents. Attention, le terme odo-nate est masculin !

Les odonates se divisent en trois sous-catégories. Les zygoptères – ou demoiselles – sont généralement de petite taille et ont les ailes antérieures et postérieures de forme identique. Les yeux sont largement séparés. Les anisozygoptères (renommés Epiophlébioptères) n’existent pas en Europe. Il s’agit d’un sous-ordre fossile uniquement représenté aujourd’hui par deux espèces asiatiques du genre Epiophlebia. Les anisoptères – ou libellules – sont généralement de plus grande taille. Les ailes postérieures sont plus larges à la base que les antérieures. Au repos, elles sont maintenues écartées du corps, plus ou moins à l’horizontale. Les yeux sont contigus ou relativement proches. Ces deux derniers groupes sont parfois rassemblés depuis peu au sein du sous-ordre des Epiproctophores.

Une longue histoire

C’est au Carbonifère, il y a 335 millions d’années, qu’apparaissent les premiers ancêtres des libellules, les Odonatoptères. Leurs fossiles attestent du gigantisme de certaines espèces, dont l’envergure pouvait atteindre 70 cm !

Les premiers fossiles de véritables odonates ont été trouvés dans des couches du Permien moyen, il y a 260 millions d’années. Il s’agissait de zygoptères très proches de nos espèces actuelles. A partir du Trias apparaissent les premiers anisoptères, mais les plus anciens fossiles d’aeschnes et les gomphidés ne datent que du Jurassique ancien (Silsby, 2001).

Les libellules résistent à l’extinction massive de la fin du Crétacé, qui marque la disparition des dinosaures. Elles poursuivent leur évolution et se maintiennent jusqu’à nos jours sous la forme d’insectes ayant finalement très peu évolué morphologiquement depuis les premiers âges.

Les libellules dans le monde

Existant avant la dérive des continents, capables d’effectuer de grands déplacements pour coloniser de nouveaux milieux, les libellules sont présentes dans la quasi-totalité des terres émergées non gelées de la planète.

Environ 6 000 espèces de libellules ont été décrites à ce jour (Schorr et al., 2009). La répartition de ces espèces n’est pas homogène à l’échelle planétaire. La plus grande diversité spécifique se trouve dans les régions tropicales n’ayant jamais subi l’influence des glaciations. En Europe, une succession de périodes glaciales impliquant une série de processus de disparitions et de recolonisations a fortement limité la diversité spécifique. A chaque période froide, les odonates ont dû refluer dans le sud du continent, se retrouvant coincés dans de petits espaces relictuels des péninsules ibérique, italienne et balkanique, où les espèces les plus sensibles n’ont pas pu se maintenir.

En Amérique du Nord, les libellules ont pu échapper au froid en régressant vers le sud. La faune nord-américaine, composée de 433 espèces, est donc beaucoup plus riche que la faune européenne (135 espèces). A titre d’exemple, le Québec, avec 138 espèces, abrite deux fois plus d’espèces que l’ouest de la France (Pilon & Lagacé, 1998).

Certaines régions isolées abritent des odonatofaunes parfois très riches. L’Australie héberge à elle seule 324 espèces dont beaucoup d’endémiques, c’est-à-dire qu’on ne trouve que là au monde (Theischinger & Hawking, 2006). L’inventaire préliminaire de Madagascar a déjà révélé la présence d’au moins 175 espèces, dont près de 75 % d’endémiques (Dijkstra, 2007).

Les régions les plus riches sont malheureusement les moins bien connues. Afrique tropicale, Amazonie, Asie du Sud-Est ne font l’objet que d’inventaires récents et des dizaines de nouvelles espèces y sont découvertes annuellement. L’inventaire de l’Inde a déjà révélé la présence de plus de 500 espèces (Subramanian, 2005), celui du Venezuela 453 espèces (De Marmels, 1990), le seul Bélize, plus petit que le Poitou-Charentes, héberge près de 230 espèces (Boomsma & Dunkle, 1996).

Le monde des libellules

Pour coloniser des milieux aussi différents que les terres glaciales de l’Arctique, les déserts d’Asie centrale et les forêts tropicales, les odonates ont adopté des stratégies d’adaptation souvent remarquables.

Des écologies étonnantes

Les larves de libellules se développent dans des milieux aquatiques. Rivières, lacs et mares sont des habitats classiques mais certaines espèces ont colonisé des sites de développement larvaire beaucoup plus originaux.

Dans les régions tropicales humides, plusieurs espèces pondent leurs œufs dans les petites réserves d’eau accumulées entre les feuilles des broméliacées. En Asie, les bambous creux sont aussi utilisés comme site de reproduction. Certaines espèces d’Afrique tropicale se développent même dans la litière humide des forêts, à l’écart de tout point d’eau.

En Nouvelle Zélande, les Uropelata pondent dans le sol des clairières forestières détrempées. Les larves vont y mener leur complet développement, enfouies dans un terrier creusé dans la tourbe.

Certaines libellules sont même capables de survivre dans les déserts. Grandes voyageuses, elles suivent les dépressions et pondent dans les flaques d’eau temporaires accumulées dans les rochers, après des orages. Leurs larves s’y développent en un temps record pour éviter la dessiccation.

Du plus grand au plus petit

Le plus grand odonate actuellement connu est Megaloprepus coerulatus, long de 12 cm et dont l’envergure atteint 19 cm. Son abdomen effilé lui permet de pondre ses œufs dans des trous d’arbres inondés des forêts brumeuses d’Amérique centrale.

Le plus petit odonate connu vit en Asie orientale et se nomme Nannophya pygmaea. Il ne mesure que 15 mm de long pour une envergure de 20 mm, soit la taille d’une grosse mouche.

Des insectes diversement colorés

La coloration des odonates est remarquable et varie fortement selon les espèces. Certaines libellules jouent la carte de la discrétion en se fondant dans leur environnement par une coloration camouflée. D’autres, au contraire, présentent des colorations très vives, arborant des taches alaires métalliques, des colorations ou des marques corporelles bleues, rouges, orange, souvent utilisées par les mâles pour attirer les femelles.

La typologie d’une libellule

Ici un Orthétrum brun Orthetrum brunneum.

Les odonates sont pourvus de trois paires de pattes et de quatre ailes indépendantes. Leur corps se divise en trois parties principales : la tête, le thorax et l’abdomen.

Philippe JOURDE & Miguel GAILLEDRAT

Bibliographie

Boomsma T., Dunkle S.W., 1996 – Odonata of Belize. Odonatologica, 25 (1) : 17-29.

De Marmels J., 1990 – An updated checklist of the Odonata of Venezuela. Odonatologica, 19 : 333-345.

Dijkstra K.-D. B., 2007 – Demise and rise : the biogeography and taxonomy of the Odonata of tropical Africa. PhD Thesis, Leiden University, pp. 143-187.

Pilon P.G., Lagacé D., 1998 – Les odonates du Québec. Traité faunisti-que. Entomofaune du Québec Inc., Chicoutimi, Québec, 367 p.

Silsby J., 2001 – Dragonflies of the world. The Natural History Museum & CSRIRO publishing, 216 p.

Schorr M., Lindeboom M., Paulson D., 2009 – World odonata list. Slater Museum of Natural History, University of Puget Sound, téléchargement du 05/08/2009 : http://nhmuseum.ups.edu/World Odonata.xls.

Subramanian K.A., 2005 – Dragonflies and damselflies of Peninsular India. A field guide. Project Lifescape. Centre for Ecological Sciences, Indian Institute of Science, Indian Academy of Sciences, Bangalore, 118 p.

Theischinger G., Hawking J., 2006 – The complete field guide to dragonflies of Australia. CSIRO publishing, Collingwood, 366 p.

Les espèces recensées

La systématique utilisée est celle proposée par Boudot et Dommanget (2008). Les dénominations françaises s’accordent avec celle de ces mêmes auteurs, sauf cas contraires à l’usage.

Pour les monographies de chaque espèce, nous proposons également d’associer aux noms des espèces, une synonymie correspondant à la nomenclature proposée par Philippe Jourde, à l’occasion de l’adaptation française du tout récent guide des Odonates d’Europe (Dijkstra et Lewington, 2006), liste de référence des noms vernaculaires francophones des espèces d’Europe, de la Turquie occidentale et de l’Afrique du Nord-Ouest. En effet, il est apparu opportun d’attribuer – comme les auteurs l’ont fait en anglais – un nom commun à chaque espèce traitée. Il est donc proposé une liste qui pourrait aboutir à l’obtention d’une liste de référence pour la nomenclature francophone des odonates d’Europe, de l’ouest de la Turquie et du Nord-ouest de l’Afrique, ce qui peut constituer la première étape vers l’établissement d’une liste des noms français des Odonates du monde.

  • La taxinomie scientifique utilisée est celle retenue par Dijkstra et Lewington (2006). Les noms d’ordre et de sous-ordres font l’objet de deux équivalences vernaculaires appartenant à deux registres linguistiques différents, un relativement scientifique, l’autre commun (entre parenthèses).

Seules les sous-espèces faisant l’objet de monographies dans l’ouvrage de Dijkstra & Lewington (2006) ont été détaillées dans la présente liste.

  • Les dénominations françaises sont riches d’inconsistances et d’incohérences. A titre d’exemple, un agrion peut à la fois appartenir, selon les auteurs, au genre Platycnemis, Ceriagrion, Coenagrion, Enallagma, Erythromma, Pyrrhosoma ou Ischnura. On peut éventuellement accepter que les dénominations vernaculaires ne reflètent pas toute la diversité des genres au sein d’une famille, mais il est par contre plus discutable qu’une même dénomination s’applique à des insectes de familles différentes (Coenagrionidae et Platycnemididae dans le cas de l’agrion). Car attribuer un nom à une espèce n’est pas qu’une simple relation entre un mot et une chose. Dans le système binominal, qui s’est étendu de fait de la nomenclature scientifique vers la nomenclature vernaculaire, le nom d’un taxon permet aussi de le placer dans l’arbre systématique.

Cette synonymie apparaît dans la liste suivante des espèces inventoriées en Poitou-Charentes, en bleu et à droite du nom usuel.

La liste suivante intègre les 68 espèces dont la présence est confirmée de façon certaine depuis 1988 dans la région.

Ordre des Odonates – Odonata

Sous-ordre des Zygoptères – Zygoptera

Famille des Caloptérygidé – Calopterygydae
Calopteryx haemorrhoidalis (Vander Linden, 1825) Caloptéryx hémorroïdal
Calopteryx splendens (Harris, 1782) Caloptéryx éclatant
Calopteryx virgo (Linnaeus, 1758) Caloptéryx vierge
Calopteryx xanthostoma (Charpentier, 1825) Caloptéryx occitan
Famille des Lestidés – Lestidae
Chalcolestes viridis (Vander Linden, 1825) Leste vert, Lestes viridis
Lestes barbarus (Fabricius, 1798) Leste sauvage, Leste barbare
Lestes dryas (Kirby, 1890) Leste des bois, Leste dryade
Lestes macrostigma (Eversmann, 1836) Leste à grands ptérostigmas, Leste à grands stigmas
Lestes sponsa (Hansemann, 1823) Leste fiancé
Lestes virens (Charpentier, 1825) Leste verdoyant
Famille des Sympecma
Sympecma fusca (Vander Linden, 1820) Leste brun, Brunette hivernale
Famille des Platycnémididés – Platycnemididae
Platycnemis pennipes (Pallas, 1771) Agrion à larges pattes, Pennipatte bleuâtre
Platycnemis latipes (Rambur, 1842) Agrion blanchâtre, Pennipatte blanchâtre
Platycnemis acutipennis (Sélys, 1841) Agrion orangé, Pennipatte orangé
Famille des Coenagrionidés – Coenagrionidae
Ceriagrion tenellum (Villers, 1789) Agrion délicat, Cériagrion délicat
Coenagrion mercuriale (Charpentier, 1840) Agrion de Mercure
Coenagrion puella (Linnaeus, 1758) Agrion jouvencelle
Coenagrion pulchellum (Vander Linden, 1825) Agrion joli, Agrion exclamatif
Coenagrion scitulum (Rambur, 1842) Agrion mignon
Enallagma cyathigerum (Charpentier, 1840) Agrion porte-coupe, Portecoupe holarctique
Erythromma lindenii (Sélys, 1840) Agrion de Vander Linden, Naïade aux yeux bleus
Erythromma najas (Hansemann, 1823) Naïade aux yeux rouges
Erythromma viridulum (Charpentier, 1840) Naïade au corps vert
Ischnura elegans (Vander Linden, 1820) Agrion élégant, Ischnure élégante
Ischnura pumilio (Charpentier, 1825) Agrion nain, Ischnure naine
Pyrrhosoma nymphula (Sulzer, 1776) Petite Nymphe au corps de feu, Nymphe à corps de feu

Sous-ordre des Anisoptères – Anisoptera

Famille des Aeschnidés – Aeschnidae
Aeshna affinis (Vander Linden, 1820) Aeschne affine
Aeshna cyanea (Müller, 1764) Aeschne bleue
Aeshna isoceles (Müller, 1767) Aeschne isocèle
Aeshna mixta (Latreille, 1805 ) Aeschne mixte
Anax imperator (Leach, 1815) Anax empereur
Anax parthenope (Sélys, 1839) Anax napolitain
Boyeria irene (Fonscolombe, 1838) Aeschne paisible, Spectre paisible
Brachytron pratense (Müller, 1764) Aeschne printanière, Aeschne-velue printanière
Hemianax ephippiger (Burmeister, 1839) Anax porte-selle
Famille des Gomphidés – Gomphidae
Gomphus flavipes (Charpentier, 1825) Gomphe à pattes jaunes
Gomphus graslinii (Rambur, 1842) Gomphe de Graslin
Gomphus pulchellus (Sélys, 1840) Gomphe joli, Gomphe gentil
Gomphus simillimus (Sélys, 1840) Gomphe semblable
Gomphus vulgatissimus (Linnaeus, 1758) Gomphe vulgaire, Gomphe à pattes noires
Onychogomphus forcipatus (Linnaeus, 1758) Gomphe à pinces, Onychogomphe à pinces
Onychogomphus uncatus (Charpentier, 1840) Gomphe à crochets, Onychogomphe à crochets
Famille des Cordulégastridés – Cordulegastridae
Cordulegaster boltonii (Donovan, 1807) Cordulégastre annelé
Famille des Macromidés – Macromiidae
Macromia splendens (Pictet, 1843) Cordulie splendide, Macromie splendide
Famille des Cordulidés – Corduliidae
Cordulia aenea (Linnaeus, 1758) Cordulie bronzée
Epitheca bimaculata (Charpentier, 1825) Epithèque bimaculée, Epithèque à deux taches
Oxygastra curtisii (Dale, 1834) Cordulie à corps fin, Oxycordulie à corps fin
Somatochlora flavomaculata (Vander Linden, 1825) Cordulie à taches jaunes, Chlorocordulie à taches jaunes
Somatochlora metallica (Vander Linden, 1825) Cordulie métallique, Chlorocordulie métallique
Famille des Libellulidés – Libellulidae
Crocothemis erythraea (Brullé, 1832) Crocothémis écarlate
Leucorrhinia albifrons (Burmeister, 1839) Leucorrhine à front blanc
Leucorrhinia caudalis (Charpentier, 1840) Leucorrhine à large queue
Leucorrhinia pectoralis (Charpentier, 1825) Leucorrhine à gros thorax
Libellula depressa (Linnaeus, 1758) Libellule déprimée
Libellula fulva (Müller, 1764) Libellule fauve
Libellula quadrimaculata (Linnaeus, 1758) Libellule à quatre taches
Orthetrum albistylum (Sélys, 1848) Orthétrum à stylets blancs
Orthetrum brunneum (Fonscolombe, 1837) Orthétrum brun
Orthetrum cancellatum (Linnaeus, 1758) Orthétrum réticulé
Orthetrum coerulescens (Fabricius, 1798) Orthétrum bleuissant
Sympetrum danae (Sulzer, 1776) Sympétrum noir
Sympetrum flaveolum (Linné, 1758) Sympétrum jaune
Sympetrum fonscolombii (Sélys, 1840) Sympétrum de Fonscolombe, Sympétrum à nervures rouges
Sympetrum meridionale (Sélys, 1841) Sympétrum méridional
Sympetrum sanguineum (Müller, 1764) Sympétrum sanguin
Sympetrum striolatum (Charpentier, 1840) Sympétrum strié
Sympetrum vulgatum (Linnaeus, 1758) Sympétrum vulgaire
Trithemis annulata (Palisot de Beauvois, 1805) Trithémis annelé, Trithémis pourpré

Laurent PRECIGOUT, Philippe JOURDE, Eric PRUD’HOMME

Aider les libellules chez soi

Si la préservation des zones humides, de la ressource et de la qualité de l’eau est une affaire publique, la protection des libellules peut aussi être une affaire individuelle. La création d’une mare sur son terrain par tout un chacun peut permettre de conforter les populations d’espèces des milieux stagnants et de compenser pour partie la disparition des mares traditionnelles.

Idéalement alimentée par un système de collecte des eaux pluviales, elle comportera une berge en pente douce et une partie plus profonde, à pente abrupte. La présence de végétaux aquatiques immergés et flottants, ainsi que d’une ceinture de plantes palustres, favorisera l’oxygénation de l’eau et le développement des larves de libellules. Un peu d’ombrage, sur un tiers de la surface environ, évitera un échauffe-ment excessif de l’eau.

On évitera la présence des poissons et des écrevisses avec qui les libellules ne font pas bon ménage.

Philippe JOURDE

Agir vite pour éviter des disparitions

La présence de zonages d’inventaires et de mesures de protection légales ne garantissent pas pour autant la préservation des espèces menacées. Seule la prise en compte de leur présence dans la gestion des espaces peut permettre d’y parvenir.

La liste rouge des libellules du Poitou-Charentes définit précisément la liste des espèces prioritaires en matière d’action de conservation.

Parmi les espèces prioritaires figure la Leucorrhine à front blanc Leucorrhinia albifrons. La dernière population régionale se situe dans le sud de la Charente-Maritime et se répartit dans quelques réseaux de mares déconnectés. Après des inventaires menés par la LPO, le CREN a acquis une des principales zones de reproduction de l’espèce. Dans le cadre d’un projet d’extension de carrière, l’établissement Calcia de Bussac-Forêt a cédé la gestion au CREN d’un vaste secteur complémentaire occupé par l’espèce. Des opérations de gestion écologique ont aussitôt été mises en œuvre, permettant notamment le creusement d’une centaine de nouvelles mares favorables aux Leucorrhines ! Des suivis sont prévus pour étudier les modalités de peuplement de ces nouveaux espaces par les libellules. Une procédure de classement réglementaire de l’ensemble de la zone est à l’étude.

Les odonates en tant que bio-indicateur

L’atlas de répartition des odonates du Poitou-Charentes constitue une base d’information d’une valeur inestimable. Il constitue l’état initial d’un observatoire à long terme qui permettra de mieux comprendre et de visualiser l’évolution des espèces et d’évaluer les politiques d’aménagement des zones humides.

 

Philippe JOURDE

 

La prise en compte des odonates menacés dans les sites protégés et les zonages de protection

Odonates et réserves naturelles

Mis à part la réserve géologique du Thouarsais, toutes les autres réserves naturelles nationales du Poitou-Charentes sont des zones humides. Leur importance pour la préservation des libellules n’est cependant pas égale.

  • La réserve naturelle du Pinail est de loin la plus riche sur ce plan. Cette lande, couverte de mares issues de l’exploitation de la pierre meulière, abrite les principales populations régionales de deux des sept espèces considérées comme en danger critique d’extinction en Poitou-Charentes (Leucorrhinia caudalis et L. pectoralis). La réserve héberge aussi plusieurs espèces menacées ou en danger comme Aeshna isoceles, Somatochlora flavomaculata ou Lestes sponsa et Lestes dryas. Au total 48 espèces de libellules ont été observées sur le site et 33 s’y reproduisent (Prévost & Durepaire, 1996).
  • Les réserves naturelles de Moëze-Oléron et du Marais d’Yves présentaient jusqu’en 1999 un intérêt majeur pour le Leste à grands stigmas Lestes macrostigma, au bord de l’extinction en Poitou-Charentes. Cette espèce littorale trouvait dans des grandes scirpaies de ces espaces lagunaires des habitats idéaux. La submersion par l’eau de mer intervenue durant la tempête de décembre 1999 a fait disparaître l’espèce de ces deux principaux sites continentaux. En 2009 toutefois, le Leste à grands ptérostigmas Lestes macrostigma est réapparu à la réserve d’Yves. Cette espèce y fera l’objet d’une attention toute particulière. D’autres espèces ont pu recoloniser la zone à partir des marais arrière-littoraux. Les deux réserves accueillent d’importantes populations de Lestes dryas (en danger), de Lestes virens et de Sympetrum fonscolombii (vulnérables). Chaque année, des centaines de milliers de Sympetrum méridionale et S. striolatum émergent des scirpaies saumâtres.

Trente et une espèces ont été inventoriées dans la réserve d’Yves et 22 dans la réserve de Moëze.

  • Les réserves de Lilleau-des-Niges et de la Baie de l’Aiguillon présentent un moindre intérêt en matière de libellules du fait de la forte teneur en sel de leurs zones humides. A notre connaissance, le Leste à grands stigmas n’est plus présent dans les prés salés et les dépressions arrière-littorales de la partie charentaise de l’Anse de l’Aiguillon. Les deux réserves abritent toutefois d’importantes populations de lestes et de sympétrums.

Le réseau des réserves régionales est en cours de constitution. Dans l’attente d’un réel statut de protection pour ces espaces, il est difficile d’évaluer leur intérêt odonatologique.

Odonates et sites gérés CREN, CEL et LPO

Au plan régional, plusieurs associations de protection de la nature ont acquis et/ou gèrent des espèces à haute valeur biologique. Le Conservatoire du Littoral et le Conservatoire Régional d’Espaces Naturels de Poitou-Charentes (CREN) ont pour vocation d’acquérir et/ou de gérer des espaces naturels pour assurer leur préservation.

Le CREN est propriétaire ou gestionnaire de plusieurs espaces remarquables pour les odonates, telles que les landes de Corignac dans le sud de la Charente-Maritime, les landes de l’Hôpiteau en Deux-Sèvres ou les Landes de Lussac-les-Châteaux en Vienne, permettant notamment le maintien des populations relictuelles de Leucorrhines à front blanc, à gros thorax et à large queue.

La LPO, en investissant dans l’acquisition de zones humides, a favorisé le maintien d’écosystèmes remarquables dans le marais de Rochefort notamment. Plusieurs espèces menacées y trouvent désormais refuge, dont une importante population de centaines de milliers de Leste dryade Lestes dryas.

Odonates et ZSC

Le réseau Natura 2000 couvre environ 12 % de la superficie du Poitou-Charentes ; 40 000 ha sont désignés en tant que Zones Spéciales de Conservation (ZSC) au titre de la directive Habitats-Faune-Flore (DHFF). L’objectif de ce réseau est de maintenir les espèces d’intérêt communautaire dans un état de conservation favorable.

Le réseau actuel de ZSC recouvre l’essentiel des grandes rivières et des grands fleuves et intègre la quasi-totalité des localités de Cordulie splendide Macromia spendens et de Gomphe de Graslin Gomphus graslinii. La majorité des sites à leucorrhines sont aussi intégrés au réseau Natura 2000, notamment les landes de Montendre, du Pinail, de Lussac-les-Châteaux…

Par contre, le périmètre des ZSC ne recouvre que partiellement la répartition d’espèces à population plus dispersées comme la Cordulie à corps fin Oxygastra curtisii ou, de façon plus évidente, l’Agrion de Mercure Coenagrion mercuriale. La prise en compte de cette espèce doit donc être considérée comme prioritaire dans la mise en place d’outils d’aménagement complémentaire comme les trames bleues par exemple. Plusieurs documents d’objectifs Natura 2000 proposent toutefois des mesures de gestion favorables à ces deux espèces. C’est par exemple le cas en Charente, dans la vallée de la Tardoire, où la ripisylve fait l’objet d’une gestion différenciée et où des mesures de restauration du fonctionnement naturel des cours d’eau sont mises en œuvre.

Nature 2000, le grand flop ?

La mise en œuvre de Natura 2000 en France a fait couler beaucoup d’encre. Pourtant basée sur la concertation et la contractualisation volontaire, cette démarche continue de soulever des oppositions farouches et généralement totalement irrationnelles. Après plus de 10 ans de transposition de la directive Habitats-Faune-Flore dans la loi française, les mesures concrètes sont rares sur le terrain en Poitou-Charentes.

 

Philippe JOURDE

 

Bibliographie

Prévost O., Durepaire P., 1996 – Les odonates du Pinail (département de la Vienne). Martinia, 12 (2) : 31-46.

Etat de santé des libellules régionales

L’établissement de la liste rouge régionale permet d’obtenir une vision de l’état de conservation global de l’odonatofaune du Poitou-Charentes au début du XXIe siècle.

Ce bilan n’est guère satisfaisant. Près de 30 % des espèces sont menacées de disparition, 10 % sont en situation précaire. La moitié de la faune n’est pas menacée de disparaître à court et moyen terme mais cela ne veut pas dire que la situation de ces espèces est bonne.

Pourquoi avons-nous déjà perdu deux espèces ?

Nous ne possédons que des données lacunaires concernant les deux espèces aujourd’hui disparues du Poitou-Charentes.

La Grande Aeschne Aeshna grandis est une espèce eurosibérienne, qui subit une nette contraction d’aire liée au réchauffement climatique. Les populations des plaines de l’ouest refluent vers les zones de relief comme le Massif Central, qui constituent une zone de refuge climatique. En plaine, l’espèce n’est plus commune que dans le quart nord-est de la France. Le front de régression se dessine actuellement au niveau d’une diagonale reliant la Normandie aux Alpes.

Le Sympétrum déprimé Sympetrum depressiusculum est une espèce typique des zones d’expansion de crue à submersion printanière et estivale mais s’asséchant à l’automne et une partie de l’hiver. Il fréquente aussi des étangs ayant ces caractéristiques. Les modes de gestion traditionnels des étangs piscicoles pouvaient satisfaire les exigences de cette espèce mais le maintien de l’eau à l’automne et en hiver pour favoriser la chasse aux canards sur les pièces d’eau lui est défavorable.

Un lien entre les espèces les plus menacées ?

Chaque espèce d’odonate a une écologie propre. Celles qui se réfugient dans des niches écologiques spécialisées (Lestes macrostigma, Leucorrhinia spp. par exemple) sont souvent peu compétitives face à la pression de concurrence exercée par des espèces plus plastiques. Elles se réfugient dans des habitats où les autres espèces ont des difficultés à s’imposer. Si les conditions environnementales sont modifiées, ces dernières résistent mal et les cortèges odonatologiques originaux sont remplacés par des groupements d’espèces plus banales.

La plupart des espèces menacées du Poitou-Charentes présentent deux points communs. La majorité est d’affinité eurosibérienne (les leucorrhines Leucorrhinia spp., l’Agrion joli Coenagrion pulchellum, la Naïade aux yeux rouges Erythromma najas, le Sympétrum vulgaire Sympetrum vulgatum, la Cordulie à taches jaunes Somatochlora flavomaculata par ex). Leur optimum écologique se situe dans des régions où l’eau est froide en hiver et demeure fraîche en été. Le réchauffement climatique constaté depuis le début du siècle favorise la colonisation du Poitou-Charentes par des espèces plus thermophiles, qui peuvent entrer en compétition directe, voire supplanter les eurosibériennes.

Beaucoup apprécient par ailleurs les eaux pauvres en nutriments (espèces oligo-mésotrophes). Or, l’abaissement de la qualité des eaux, notamment du fait des intrants agricoles, et leur échauffement accru se traduit par une eutrophisation croissante des hydrosystèmes. Cette modification favorise les espèces moins exigeantes.

Quelle est la situation des espèces à préoccupation mineure ?

Beaucoup d’espèces communes ont fortement régressé durant les deux dernières décennies, tant au niveau spatial que quantitatif. Une succession d’étés caniculaires et l’augmentation constante des prélèvements d’eau ont fortement affecté les zones humides, déjà soumises à d’importantes pressions humaines.

Des espèces banales jusqu’ici, comme les caloptéryx Calopteryx spp ou la Libellule fauve Libellula fulva, ont vu leur effectif fondre en de nombreux secteurs. Les têtes de bassin, devenues temporaires, ont vu disparaître les libellules caractéristiques de ces milieux. Les odonates des mares souffrent aussi des assèchements et des modifications de leurs habitats au point que l’Aeshne mixte Aeschna mixta, banale il y a quelques années encore, figure désormais dans la liste régionale des espèces menacées.

Les espèces animales et végétales exotiques à problèmes (ragondins et surtout écrevisses) ont récemment bouleversé les écosystèmes aquatiques au point de faire disparaître la quasi-totalité des libellules de vastes zones humides comme les marais arrière-littoraux charentais. Joyaux odonatologiques il y a encore une décennie, les marais Poitevin, de Rochefort, de Brouage et de Gironde sont aujourd’hui de véritables déserts où il est possible de longer des kilomètres de canaux sans observer la moindre libellule. La diminution de la qualité de l’eau a quasiment fait disparaître l’Aeschne isocèle Aeshna isoceles de grandes zones inondables comme le val de Charente où les populations se comptaient en dizaines de milliers d’individus il y a une vingtaine d’années.

Pour certaines espèces toutefois, les modifications des habitats naturels par l’Homme ont eu des conséquences heureuses. La multiplication des points d’eau d’irrigation, des bassins d’agrément, des sablières en eau ont dynamisé les espèces pionnières et peu exigeantes telles que l’Orthétrum réticulé Orthetrum cancellatum et l’Anax empereur Anax imperator. L’assèchement chronique de nombreux cours d’eau a sensiblement favorisé les espèces des milieux temporaires comme l’Agrion nain Ishnura pumilio ou le Sympétrum strié Sympetrum striolatum qui peuvent se développer par millions dans des rivières en voie d’assèchement.

 

Philippe JOURDE

 

Les listes rouges mondiale, nationale et régionale

Le statut de protection juridique des odonates de France s’appuie sur des expertises anciennes et ne reflète pas les résultats des travaux de la communauté scientifique qui, sous l’égide de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), élabore très régulièrement une série de uments d’alerte, qualifiés de listes rouges des espèces menacées.

Statut juridique des odonates de France.
Liste des espèces Nom scientifique Présence en Poitou-Charentes PN Berne DHFF2 DHFF4
Gomphe de Graslin Gomphus graslinii                      X X    X    X    X
Leucorrhine à front blanc Leucorrhinia albifrons                      X X    X    X
Leucorrhine à large queue Leucorrhinia caudalis                      X X    X    X
Leucorrhine à gros thorax Leucorrhinia pectoralis                      X X    X    X    X
Cordulie splendide Macromia splendens                      X X    X    X    X
Gomphe serpentin Ophiogomphus cecilia X    X    X    X
Cordulie à corps fin Oxygastra curtisii                      X X    X    X    X
Gomphe à pattes jaunes Gomphus flavipes                      X X    X    X
Leste enfant Sympecma paedisca X    X    X
Agrion de Mercure Coenagrion mercuriale                      X X    X    X

Légende : PN=protection nationale ; Berne=espèce figurant à l’annexe 2 de la Convention de Berne ; DHFF2=espèce figurant à l’annexe 2 de la Directive Habitats-Faune-Flore ; DHFF4=espèce figurant à l’annexe 4 de la Directive Habitats-Faune-Flore.

Ces listes établies sur des critères objectifs validés par des comités d’experts internationaux, permettent de connaître et de suivre l’évolution du statut de conservation des espèces animales et végétales de la planète. Elles hiérarchisent les espèces en fonction de leur risque de disparition et dressent par là même la macabre liste de celles que nous avons déjà définitivement perdues.

Les listes rouges peuvent s’établir à plusieurs niveaux d’échelle géographique : monde, continent, pays ou région. La plus récente évaluation du statut de conservation des odonates à l’échelle mondiale date de 2006 (UICN, 2009). Moins de 10 % des espèces mondialement connues ont fait l’objet d’une évaluation. Deux cent soixante quinze taxons sur les 564 étudiés sont inscrits en liste rouge. Parmi eux, quatre sont présents en France : Macromia splendens dont le statut est « vulnérable – VU » ; Coenagrion mercuriale, Gomphus graslinii->art762], Oxygastra curtisii considérés comme « quasi menacés – NT » à l’échelle mondiale.

Au niveau national, le premier travail d’élaboration d’une liste rouge a été proposé en 1986 (Dommanget, 1987). Les espèces françaises les plus rares y sont réparties en six statuts en fonction de leur répartition et de leur abondance. Depuis cette date, les connaissances odonatologiques ont considérablement augmenté. Une nouvelle liste rouge, reprenant les critères de l’UlCN, est élaborée au milieu des années 1990 (Maurin, 1994). Malheureusement, cette liste n’est pas le fruit d’une réelle évaluation de l’odonatofaune française et les 10 espèces mentionnées ne sont autres que celles figurant aux annexes de la directive Habitats-Faune-Flore et dans la liste des espèces protégées de France. Un travail plus en profondeur est en cours de réalisation (Dommanget et al, 2008). Dans son état actuel, cette liste rouge considère deux espèces comme disparues de France (RE), deux en danger critique d’extinction (CR), 11 comme en danger (EN), et 10 comme vulnérables (VU).

La liste des odonates menacés du Poitou-Charentes (PCN, 2007) a pu être établie selon une déclinaison locale des critères UICN sur la base des résultats collectés durant l’atlas régional. L’analyse de plus de 50 000 données réparties de façon homogène sur le territoire a permis l’évaluation du statut de conservation des 70 espèces observées dans la région. Vingt-huit (40%) entrent dans les catégories de menace de la Liste Rouge : 2 sont actuellement considérées comme « éteintes régionalement – RE » » dans la région, 7 sont « en danger critique d’extinction – CR », 6 sont « en danger – EN », 7 sont « vulnérables – VU » et 6 sont « quasi menacées – NT ».

Inscription des espèces à la liste rouge mondiale, nationale et régionale (espèces présentes en Poitou-Charentes uniquement).
Nom scientifique Liste des espèces UICN monde 2006 Liste rouge nationale provisoire Liste rouge régionale
Aeschna isocèles Aeschne isocèle                VU            EN
Aeshna grandis Grande Aeschne                NT            RE
Aeshna mixta Aeschne mixte            VU
Anax parthenope Anax napolitain            VU
Brachytron pratense Aeschne printanière            NT
Calopteryx haemorrhoidal Caloptéryx hémorroïdal            VU
Coenagrion mercuriale Agrion de Mercure         NT                NT
Coenagrion pulchellum Agrion joli                NT            EN
Coenagrion scitulum Agrion mignon                NT            NT
Cordulia aenea Cordulie bronzée            NT
Epitheca bimaculata Epithèque bimaculée                VU
Erytrhomma najas Naïade aux yeux rouges            EN
Gomphus flavipes Gomphe à pattes jaunes                EN            CR
Gomphus graslinii Gomphe de Graslin         NT                EN            VU
Gomphus simillimus Gomphe semblable                NT            NT
Gomphus vulgatissimus Gomphes vulgaire                NT
Ischnura pumilio Agrion nain                NT            NT
Lestes barbarus Leste barbare                NT
Lestes dryas Leste des bois                NT            EN
Lestes macrostigma Leste à grands ptérostigmas                EN            CR
Lestes sponsa Leste fiancé            EN
Lestes virens Leste verdoyant                NT            VU
Leucorrhinia albifrons Leucorrhine à front blanc                EN            CR
Leucorrhinia caudalis Leucorrhine à large queue                EN            CR
Leucorrhinia pectoralis Leucorrhine à gros thorax                EN            CR
Macromia splendens Cordulie splendide         VU                EN            CR
Onychogomphus uncatus Gomphe à crochets                NT
Oxygastra curtisii Cordulie à corps fin         NT                VU            NT
Platycnemis acutipennis Agrion orangé                NT
Platycnemis latipes Agrion à larges pattes                NT
Somathochlora flavomaculata Cordulie à taches jaunes                NT            EN
Somatochlora metallica Cordulie métallique                NT            VU
Sympétrum fonscolombii Sympétrum de Fonscolombe            VU
Sympetrum danae Sympétrum noir                NT
Sympetrum depressiusculum Sympétrum déprimé                EN            RE
Sympetrum flaveolum Sympétrum jaune                VU
Sympetrum vulgatum Sympétrum vulgaire                NT            CR
        4                29            28

Critères UICN

L’UICN propose d’évaluer le risque de disparition des espèces en sept critères qui sont, par ordre de menace décroissante :

  • Éteint (EX)
  • Éteint à l’état sauvage (EW) ou éteint régionalement (RE)
  • En danger critique d’extinction (CR)
  • En danger (EN)
  • Vulnérable (VU)
  • Quasi menacé (NT)
  • Préoccupation mineure(LC)

Les espèces méconnues ou n’appartenant pas aux faunes locales ne sont pas évaluées mais sont classées en deux catégories complémentaires :

  • Données insuffisantes (DD)
  • Non évalué (NE)

 

Philippe JOURDE

 

Bibliographie

Dommanget J.-L., 1987 – Liste rouge des espèces menacées (première liste : décembre 1986) in Etude Faunistique et bibliographique des odonates de France. Inventaires de Faune et de Flore, MNHN/SFF, 36 : 113-120.

Dommanget J.-L., Prioul B., Gadjdos A., Boudot J.-P., 2008. ument préparatoire à une Liste Rouge des Odonates de France métropolitaine complétée par la liste des espèces à suivi prioritaire. Société française d’odonatologie (Sfonat). Rapport non publié, 47 p.

Maurin H., 1994 – Le livre rouge. Inventaire de la faune menacée en France. WWF/MNHN/Nathan, 176 p.

L’impact croissant des espèces exogènes

Les espèces exotiques envahissantes constituent actuellement la troisième cause de déclin de la biodiversité à l’échelle mondiale, après la destruction, la régression et le morcellement des habitats naturels et le changement climatique (UICN). Ce terme englobe des populations animales ou végétales introduites par l’Homme dans un domaine géographique nouveau. Elles s’y installent et causent des perturbations sur le fonctionnement de l’écosystème d’accueil, nuisant ainsi à la biodiversité autochtone. La règle empirique des 10 % explique le phénomène (Williamson, 1996). Seuls 10 % des introductions ne se soldent pas par un échec et 10 % de ces dernières auront un impact négatif majeur, soit 1% de toutes les espèces introduites.

Parmi les espèces introduites qui se sont révélées invasives, 4 ont un impact particulièrement significatif sur les habitats utilisés par les libellules en Poitou-Charentes de par leur dynamique de population, leur capacité d’adaptation et leur effet de remplacement de la biodiversité en place :

  • Ecrevisse de Louisiane Procambarus clarkii : parmi les écrevisses exotiques implantées dans la région, celle-ci est de loin la plus invasive. Arrivée en 1976 en France et depuis une dizaine d’années dans la région, cette écrevisse a connu une progression très rapide. Par sa dynamique de population et sa voracité (elle peut s’attaquer à des Tritons marbrés adultes), elle a entraîné des changements radicaux des habitats colonisés, notamment par la destruction de la végétation et de la micro-faune aquatique mais surtout par le fait du fouissement. Les particules de vases sont alors mises en suspension, l’eau devient turbide, la lumière disparaît, une chute de l’oxygénation se produit ce qui entraîne l’asphyxie des herbiers et la disparition des larves et alevins qui s’y abritaient. L’impact de sa présence est particulièrement visible en Charente-Maritime et depuis 2006 dans la partie deux-sèvrienne du Marais poitevin où les milieux se stérilisent progressivement. Sa progression rapide sur les bassins de la Sèvre niortaise et de la Boutonne est donc inquiétante.
  • Ragondin Myocastor coypus : par sa consommation importante de plantes aquatiques, rivulaires ou en herbiers, ce mammifère a fortement contribué à limiter les conditions d’accueil favorable aux libellules sur les rivières et les eaux stagnantes en limitant la surface et la diversité des plantes supports de ponte et en réduisant la ressource trophique. La population a atteint un tel niveau en Poitou-Charentes que pas moins de 74 800 individus ont été éliminés (piégeage, tir) en 2008 (source : FREDON).

  • Jussies Ludwigia peploïdes, L. uruguayensis : ces deux espèces exogènes originaires d’Amérique du Sud constituent la principale menace végétale en Poitou-Charentes, par leur capacité à se disperser par simples boutures et à composer rapidement d’importants tapis en surface à partir des berges. Aux premiers stades de colonisation, l’espèce semblerait plutôt favorable aux libellules en fournissant un support de ponte supplémentaire pour de nombreuses espèces recherchant des tiges affleurantes (Anax empereur, Agrion à longs cercoïdes, Agrion orangé…). Cependant, lorsque le tapis est installé depuis plusieurs années, la surface de l’eau n’étant plus accessible et les autres espèces végétales ayant disparu, celui-ci devient rapidement très néfaste et plus aucune espèce ne peut s’y reproduire. Des plans de lutte généralisés sont mis en place sur la plupart des cours d’eau pourvus de syndicats de rivière, les premiers ayant commencé il y a 15 ans. Sur les 10 % des introductions qui se traduisent par une implantation, seul 10 % ont un impact négatif majeur, soit 1 % de toutes les espèces introduites. Cela dit, il s’avère qu’en de nombreux endroits, la Jussie demeure le seul végétal qui résiste au ragondin. Elle constitue donc le dernier site de ponte potentiel pour les libellules. Grande épuratrice, elle améliore la qualité d’eau dans les zones les plus dégradées et permet le retour de plantes oligotrophes comme les utriculaires. Aujourd’hui, il apparait nettement que la lutte chimique contre la Jussie est bien plus nocive pour l’environnement que pour la Jussie elle-même.

  • Myriophylle du Brésil Myriophyllum aquaticum : comme les jussies, cette plante a tendance à former rapidement des tapis denses et mono-spécifiques, évinçant ainsi les espèces locales. Ces herbiers présentent souvent une diversité spécifique d’invertébrés aquatiques moindre (Chauvel. G, Lebouc. A. 2004) et peuvent entraîner la mort des poissons par asphyxie. Cette plante a cependant une répartition plus limitée que les jussies, ce qui peut être à l’origine de l’absence de plans de lutte organisés.

A contrario, des espèces invasives telles que les Elodées (Egeria nutalli, E. densa) ne semblent pas poser de problèmes aux libellules qui les utilisent également comme supports de pontes, de développement larvaire et de zones de chasse, en remplacement des herbiers originaux de Myriophylle, de Callitriche . De nombreuses autres espèces exogènes devenues envahissantes présentent certainement des impacts sur l’odonatofaune (Xénope lisse Xenopus laevis, Grenouille taureau Rana catesbeina, poissons introduits…) mais faute d’études spécifiques, ceux-ci n’ont pu être ni démontrés, ni mesurés.

Pour toutes ces espèces, l’objectif reste donc de limiter l’émergence de nouvelles invasions biologiques, d’évaluer l’impact environnemental des espèces installées et de mettre en place des plans de lutte respectueux de l’environnement.

Nicolas COTREL

Bibliographie

Chauvel G., Lebouc A., 2004 – Désherbage des zones aquatiques et semi-aquatiques : Bilan, préconisation d’encadrement et restrictions d’usages. SPV.

Williamson M., 1996 – Biological invasions. Chapman & Hall, Londres. 244 p. Sites internet du Réseau Partenariral des Données sur l’Eau (www.eau-poitou-charentes.org) et de la Coordination pour la défense du Marais Poitevin (http://www.marais-poitevin.org/).

Des opérations hydrauliques lourdes de conséquences

La fonctionnalité hydraulique de nos cours d’eau a été fortement perturbée par l’installation de nombreux ouvrages. Retenues d’eau potable, clapets, seuils, barrages hydroélectriques, vannes-déversoirs, chaussées de moulin… constituent autant d’obstacles entraînant une modification du régime hydraulique des cours d’eau, notamment par réduction des petites et moyennes crues. Un colmatage en amont et une érosion en aval de l’ouvrage ainsi qu’une artificialisation des fluctuations de niveaux s’opèrent, ayant pour effet la disparition de la faune et de la flore des eaux vives au profit de celles des eaux plus lentes, souvent plus banales. A contrario, certains ouvrages ont permis la création ou le maintien de zones humides, ont eu un impact favorable sur l’oxygénation de l’eau comme certaines chaussées de moulins de la vallée de la Sèvre niortaise amont. Des diagnostics de leur état de conservation, de leur intérêt collectif et de leur impact sur le milieu aquatique voient le jour progressivement sur le territoire. Ceci se fait dans le cadre de Schémas d’Aménagement et de Gestion de l’Eau (SAGE) ou de Contrats Restauration Entretien (CRE), comme sur la Sèvre nantaise (2003) ou le Thouet (2005). Sur ce dernier notamment, pas moins de 106 ouvrages sont recensés pour les Deux-Sèvres sur les 120 km de son cours avec une densité de 12 ouvrages au km sur sa partie amont.

Une autre conséquence notable de ce sectionnement hydraulique a été la mise en place de politiques de gestion des niveaux d’eau. Celles-ci sont influencées principalement par la gestion des risques d’inondation et des besoins agricoles. Dans ce dernier cas, cela amène à une gestion inadaptée des niveaux d’eau, comme dans le Marais Poitevin, où les crues deviennent exceptionnelles et de courte durée et les zones humides se dégradent, en particulier par l’assèchement et le tassement des milieux tourbeux.

Des aménagements, tels le dragage (approfondissement du lit), la canalisation (bétonnage des berges et parfois du fond), l’endiguement (augmentation de la hauteur des berges pour éviter le débordement des eaux), mais aussi la rectification du cours (recoupement des méandres) et le recalibrage (augmentation de la capacité du lit en modifiant sa profondeur et sa largeur), ont modifié de façon durable les cours d’eau (pente, profondeur, vitesse du courant, forme des berges). Réalisés principalement au milieu du XXe siècle, ils ont des répercussions sur le fonctionnement des écosystèmes. En général, ces aménagements induisent des perturbations de la dynamique morphologique et sédimentaire du cours d’eau (érosion, dépôts, modification de la propagation des crues et des risques d’inondation) et une diminution de la diversité naturelle des habitats et des espèces présentes. En outre, l’enfoncement du lit d’un cours d’eau abaisse le niveau de sa nappe d’accompagnement, ce qui nuit aux boisements riverains.

Les curages d’entretien en zones de marais, en particulier sur des secteurs comme le Marais Poitevin, contribuent au maintien de ce réseau dense de fossés et à la circulation de l’eau. En outre, par l’hétérogénéité de pression de curage sur le territoire, en fonction des priorités (navigation, circulation de l’eau, exploitation agricole…), des niveaux divers d’atterrissement sont constatés et contribuent à constituer une mosaïque de milieux aquatiques propice aux libellules. Cependant, cette pratique de gestion présente un impact fort sur les fossés à court terme en retirant la vase où s’abritent les larves de libellules et leurs proies et où s’enracine la végétation aquatique ainsi qu’en détériorant par raclage la ceinture d’hélophytes. L’impact des curages est d’autant plus important quand ces opérations sont généralisées sur un court laps de temps et sur un réseau dense de fossés, limitant ainsi les capacités de recolonisation de la végétation aquatique et des libellules.

Exemple de l’impact d’un curage

Le Marais de l’Ouchette (Magné, Deux-Sèvres) a fait l’objet d’une restauration hydraulique expérimentale en 2005. Deux ans plus tard, le cortège odonatologique a été inventorié pour mesurer l’impact de ce curage effectué sur un linéaire de 12 km. Sur 26 espèces inventoriées préalablement aux travaux, 10 n’ont pas été retrouvées (38 %), dont la Naïade aux yeux rouges Erythromma najas et l’Aeschne paisible Boyeria irene, contre 3 espèces nouvelles (certainement non détectées lors de l’état initial). La disparition, et le non-retour, des herbiers aquatiques sont en grande partie à l’origine de ce changement.
Suivi réalisé dans le cadre de l’observatoire du patrimoine naturel du Marais Poitevin et du LIFE Nature.

Nicolas COTREL