La maturation et le rôle de la couleur

Durant la période de maturation, les libellules terminent les transformations physiologiques qui leur permettront d’atteindre la maturité. On qualifie ces insectes d’imagos ténéraux.

Les libellules en cours de maturation se reconnaissent généralement au fait que leur coloration adulte n’est pas encore apparue. Durant cette période, de quelques jours, il n’est pas rare que les insectes s’écartent, parfois à grande distance, de leurs sites de reproduction.

Certaines demoiselles peuvent déjà s’accoupler et pondre alors que leur coloration n’est pas encore parfaitement apparue. D’autres au contraire, comme le Leste vert Chalcolestes viridis, ne se reproduisent que plusieurs mois après leur émergence.

Les libellules sont des insectes chez qui la vue est un sens particulièrement élaboré. Beaucoup d’espèces ont développé des parures colorées qui permettent aux mâles de se faire remarquer par leurs congénères. Dans certaines régions tropicales existent des familles d’odonates aux couleurs chatoyantes. En Europe, la plupart des espèces ont des colorations plus modestes, mais certaines sont toutefois remarquables. C’est par exemple le cas des caloptéryx aux ailes colorées et au corps métallisé, du Crocothémis écarlate Crocothemis erythraea ou de l’Orthétrum brun Orthetrum brunneum, dont le mâle est entièrement bleu azuré.

Chez beaucoup d’espèces, les vifs coloris se confondent étonnamment bien dans le paysage une fois l’insecte posé. Les taches bleues, jaunes, vertes et brunes des aeschnes les dissimulent efficacement dans le feuillage des arbres ou des arbustes. Le jaune et le noir des gomphes et des cordulégastres rendent les insectes invisibles dans l’atmosphère mi-ombre mi-lumière des cours d’eau boisés.

En règle générale, les femelles sont moins colorées que les mâles. Chez de nombreuses espèces de zygoptères toutefois, certaines femelles présentent des colorations de mâles. Elles sont dites andromorphes.

Certaines espèces sont passées maîtres dans l’art du camouflage. Le Leste brun Sympecma fusca ressemble à une branchette ; l’Aeschne paisible Boyeria irene, ponctuée de beige, d’olive et de brun, semble revêtue d’un treillis militaire.

Quelques libellules ont adopté des couleurs mimant celles d’insectes menaçants. La femelle de la Libellule déprimée Libellula depressa rappelle par exemple un gros frelon. Il est probable que ce mimétisme effraie certains prédateurs.

La coloration des insectes joue aussi un rôle dans leur régulation thermique. En période froide, les aeschnes sont plus sombres qu’en période chaude. L’assombrissement permet une meilleure captation de la chaleur solaire.

Enfin, la coloration des insectes varie en fonction de l’âge. Les vieilles femelles de libellules (Libellula, Orthetrum, Sympetrum notamment) se couvrent parfois d’une pruinosité proche de celle des mâles.

 

Philippe Jourde