La ponte

Ne pas mettre tous les œufs dans le même panier

La ponte intervient généralement rapidement après l’accouplement, souvent immédiatement. Les odonates utilisent plusieurs techniques pour déposer leurs œufs. De nombreuses espèces les insèrent dans des végétaux morts ou vivants. On parle de ponte endophytique. Il s’agit généralement de plantes aquatiques flottantes ou faiblement immergées. Les femelles de caloptéryx, en s’agrippant à la végétation, peuvent pénétrer totalement dans l’eau pour aller pondre. Certaines femelles de Petite Nymphe au corps de feu Pyrrhosoma nymphula peuvent même descendre le long des tiges de plantes aquatiques à plus d’un mètre de profondeur.

D’autres espèces, comme les lestes, insèrent leurs œufs dans des tissus végétaux situés nettement au-dessus de l’eau. La femelle du Leste vert Chalcolestes viridis parvient même à insérer sa ponte sous l’écorce de branchettes surplombant les rivières ou les points d’eau.

Les gomphes et les libellulidés pondent directement leurs œufs au-dessus de l’eau ou de terrains qui seront submergés durant l’hiver. On parle de ponte exophytique, c’est-à-dire faite hors de la structure d’un végétal. Selon les espèces, les œufs peuvent être déposés alors que la femelle vole à plusieurs dizaines de centimètres au-dessus de l’eau mais il arrive souvent que la femelle les relâche en tapotant la surface de l’eau de la pointe de son abdomen.

Qu’elle soit endophytique ou exophytique, la ponte est généralement déposée au fil d’un petit cheminement le long d’une plante ou d’un parcours aérien. Chez l’Epithèque bimaculée Eptitheca bimaculata cependant, la femelle dépose en une fois une grappe d’œufs qui formera une sorte de ruban gélatineux, assez semblable à la ponte d’un crapaud. Cette ligne d’œufs s’ancre à la végétation.

La ponte peut être déposée par la femelle seule comme chez l’Anax empereur Anax imperator ou l’Aeschne bleue Aeshna cyanea. Chez de nombreuses espèces toutefois, la femelle est soit gardiennée, soit directement accompagnée par le mâle qui demeure accroché à elle après l’accouplement dans la position du tandem. Cette tactique permet au mâle de protéger sa partenaire des convoitises des autres individus de son espèce et de garantir ainsi la bonne transmission de son patrimoine génétique.

Les liens du couple se délitent dès la ponte achevée, parfois même en cours de ponte quand l’activité bat son plein sur les sites de reproduction. Les mâles partent immédiatement en quête de nouvelles partenaires. Une femelle ayant juste pondu peut parfois être capturée par un autre mâle et entreprendre une seconde ponte dans la foulée. Elles tentent toutefois généralement de s’écarter un peu pour échapper à la fureur des mâles.

Le nombre d’œufs déposés varient selon les espèces, l’état physiologique des femelles et le nombre de pontes déjà effectué dans la journée. Il varie de quelques dizaines à quelques centaines. En nombre cumulé, une femelle sympétrum par exemple peut pondre plusieurs dizaines de milliers d’œufs par saison. Cette importante production d’œufs permet de compenser l’énorme perte exercée par la pression de prédation notamment.

 

Philippe Jourde