Intérêt du Poitou-Charentes pour les libellules

Présentation géographique

Situation géographique et relief

La région Poitou-Charentes occupe une superficie de près de 26 000 km soit 5 % du territoire national. Située au centre-ouest du territoire métropolitain français, elle s’étend de l’Océan Atlantique au Massif Central. Elle est constituée de quatre départements, la Vienne, les Deux-Sèvres, la Charente et la Charente-Maritime. Elle occupe un secteur de plaine et son relief est partout faible. L’altitude ne dépasse 300 mètres que sur les marges est de la région, sur la bordure ouest des Monts de Blond, premières grandes collines du Massif Central. Le point culminant du Poitou-Charentes (365 m) se situe sur la commune de Montrollet en Charente. La région est très composite sur le plan géologique. Le Confolentais et le Montmorillonais constituent les contreforts du Massif Central en Vienne et en Charente alors que la région de Bressuire en Deux-Sèvres annonce le bocage vendéen et occupe l’extrême sud du Massif Armoricain. Ces deux ensembles sont formés par des affleurements du vieux socle hercynien aux sols majoritairement composés de granites et de schistes. Ils sont séparés par le Seuil du Poitou qui permet aux extrémités de deux grands bassins sédimentaires aux sols calcaires et marneux de se rejoindre : le Bassin Parisien au nord-est et le Bassin Aquitain au sud-ouest. La région Poitou-Charentes possède une ouverture maritime mais seul le département de Charente-Maritime dispose de ce littoral long de 375 km environ et qui compte deux îles de grande taille, Oléron et Ré, et deux îles de superficie beaucoup plus réduite, Aix et Madame.

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Climat

Par sa position géographique au centre ouest de la France et à l’extrême ouest du continent eurasiatique, la région Poitou-Charentes profite des influences océaniques qui sont largement prépondérantes sur son territoire. Elles contribuent à la modération générale du climat. Les automnes et les hivers sont relativement doux, humides et venteux tandis que les étés sont tempérés avec un ciel assez variable, mais généralement plus secs. Toutefois, les paramètres caractérisant le climat sont très dépendants de la distance du site à la côte et ce climat océanique se dégrade assez vite au fur et à mesure que l’on se déplace vers l’Est. Ceci est vrai pour les températures et l’ensoleillement, dans une moindre mesure pour les précipitations. Dès que l’on s’éloigne de la proximité immédiate de l’océan, les effets de brise s’estompent, l’ensoleillement moyen décroît, les jours de gel se multiplient et le nombre de jours de fortes chaleurs (au-dessus de 30 degrés) augmente également.

La région bénéficie d’une température moyenne qui oscille suivant les années entre 11,5 et 12,3°C. Les températures minimales moyennes sur l’année restent toujours proches de 7°C alors que les températures maximales moyennes s’élèvent tous les ans aux environs de 16,5°C. Le mois le plus froid est janvier (4,5 – 5,5°C) et le plus chaud est juillet (25,5-26,5°C). Les fortes chaleurs concernent un nombre de jours plus important dans les terres que sur le littoral. On distingue nettement sur la carte la diminution des températures moyennes à mesure que l’on s’éloigne du littoral charentais. En fait c’est l’amplitude thermique qui s’accroît légèrement à mesure que l’on pénètre à l’intérieur du continent. La région bénéficie d’un ensoleillement remarquable, en particulier le littoral de Charente-Maritime qui profite d’un peu plus de 2100 heures annuelles (niveau digne de certaines régions méditerranéennes). Ce total atteint encore 2000 heures pour Niort et Cognac, il diminue rapidement vers l’Est. Le nord des Deux-Sèvres, l’est de la Charente et la Vienne ne dépassent jamais 1900 heures d’ensoleillement annuel.

En ce qui concerne les précipitations, la proximité de l’océan a un rôle moins visible. On s’aperçoit sur la carte n°4 que les zones qui reçoivent le plus d’eau (autour de 1000 millimètres annuels) sont les terres à l’altitude la plus haute : la pointe sud du massif armoricain et les contreforts du Massif central à l’est de la Charente. Les îles, le littoral charentais et la plus grande partie du département de la Vienne sont les régions les moins arrosées avec moins de 800 millimètres par an. Sur les côtes charentaises, la relative faiblesse des précipitations provient de la brise marine qui pousse les nuages.

Influence du climat et du relief sur les libellules

En Poitou-Charentes, le relief est rarement un facteur limitant sur le développement des espèces d’odonates. Espace de plaine, la région ne présente jamais de pentes fortes et les rares zones dépassant les 300 mètres d’altitude ne connaissent de modifications significatives ni en températures ni en précipitations. Le relief a un peu plus de conséquences sur le régime des cours d’eau en accélérant notamment les processus de crue et de décrue. L’impact sur les populations d’odonates est néanmoins très limité. Par contre, les caractéristiques climatiques de la région ont plus d’influence.

On note la présence dans l’odonatofaune régionale de plusieurs espèces de répartition méditerranéenne qui atteignent le long de la côte atlantique l’une des latitudes les plus élevées de leur aire. C’est notamment le cas pour l’Agrion blanchâtre Platycnemis latipes et Caloptéryx hémorrhoïdal Calopteryx haemorrhoidalis. C’est aussi notable pour les espèces endémiques du sud-ouest de l’Europe que sont le Gomphe de Graslin Gomphus graslinii et la Cordulie splendide Macromia splendens. La douceur générale des températures et la faiblesse de l’amplitude thermique dont dispose le Poitou-Charentes, principalement dans sa partie charentaise, ne sont évidemment pas étrangères à la présence de ces libellules dans la région.

Ce sont sans doute ces mêmes éléments qui entrent en jeu pour expliquer l’absence de certaines espèces à répartition eurosibérienne. Certains de ces taxons n’occupent d’ailleurs en France que des zones montagneuses restreintes, qui seules offrent des conditions favorables à leur développement. Pour ces espèces, le Massif Central constitue la limite ouest de l’aire de distribution et elles ne subsistent qu’à l’état de toutes petites populations relictuelles dans les Pyrénées. C’est le cas notamment de la Grande Aeschne Aeshna grandis. Ces espèces sont citées comme présentes dans la région dans plusieurs ouvrages de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Elles peuvent être considérées comme disparues aujourd’hui. La situation des Leucorrhines, Leucorrhinia pectoralis, L. caudalis et L. albifrons est quasiment similaire puisqu’elles ne subsistent en Poitou-Charentes qu’en minuscules noyaux de population isolés de leur aire de répartition générale.

Le réchauffement climatique débuté au début du siècle précédent et qui semble s’accélérer actuellement ne peut qu’entériner le statut de ces espèces et ce qui semble être des modifications de leur aire de distribution : expansion vers le nord pour les espèces méridionales et recul vers l’intérieur du continent pour les espèces plus nordiques. Seule la découverte, lors de l’inventaire, de plusieurs stations de reproduction de l’Epithèque bimaculée Epitheca bimaculata en Vienne et en Charente, alors que cette espèce, de répartition nettement eurosibérienne n’avait jamais été mentionnée dans la région, semble contradictoire. S’agit-il d’une récente expansion de l’espèce à partir d’un foyer de peuplement relativement proche (la Brenne) ou bien n’est-ce que le résultat d’une pression d’observation trop irrégulière dans des secteurs qui ont toujours été potentiellement favorables ? A l’intérieur du territoire régional, l’influence du climat ne se fait sentir qu’à travers des variations notables dans la phénologie entre sud et nord, mais aussi, et surtout, entre ouest et est de la région. En effet, tous les ans, les observations les plus précoces d’imagos, pour l’immense majorité des espèces, sont réalisées en Charente-Maritime, plusieurs jours, plusieurs semaines parfois, avant les premières éclosions observées dans les franges est des départements de la Charente et de la Vienne d’influence plus continentale.

Distribution mondiale de quatre espèces pour lesquelles la région Poitou-Charentes est en limite d’aire de répartition. Vous pouvez cliquer sur les photos.

Réseau hydrographique et diversité des habitats

Le réseau hydrographique du Poitou-Charentes appartient à plusieurs grands systèmes fluviaux. Dans un grand tiers nord-est de la région, c’est au vaste bassin de la Loire que les cours d’eau picto-charentais apportent leurs eaux. Ce sont d’ailleurs les derniers affluents d’importance de la rive gauche du grand fleuve. Parmi ces grandes rivières, on compte d’abord la Vienne dont le bassin draine presque la totalité du territoire du département auquel elle donne son nom. Dans la Vienne se jettent la Creuse à l’est et le Clain à l’ouest, qui traverse l’agglomération de Poitiers. C’est le bassin du Thouet qui occupe le nord du département des Deux-Sèvres et donc de la région. Cette rivière passe par Parthenay. Enfin le dernier affluent de la Loire présent en Poitou-Charentes est la Sèvre nantaise dont le cours amont longe la bordure nord-ouest du territoire régional.

Consultez la carte des principaux bassins versants (version Pdf) :
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Au sud de la région, c’est au bassin de la Garonne qu’appartiennent les rivières qui occupent la bordure méridionale des départements charentais. Une partie importante du cours de la Dronne, gros affluent de l’Isle, sert de limite régionale avec l’Aquitaine. Dans cette portion, cette rivière reçoit en rive droite les eaux de quelques cours d’eau moyens, la Nizonne, la Tude et le Lary. Quant à l’estuaire de la Gironde, formé par la réunion de la Dordogne et de la Garonne, il borde sur environ 45 km le sud-ouest du département de Charente-Maritime.
Le reste du territoire du Poitou-Charentes, au centre et à l’ouest est drainé par des fleuves. Avec un peu plus de 10 550 km2 soit près de 41 % des 25 809 km2 de la région, le bassin de la Charente est de loin celui qui occupe la plus grande superficie. Né sur la commune de Chéronnac en Haute-Vienne à une altitude de 310 mètres et à 10 km du département éponyme, le fleuve Charente parcourt 365 km avant de se jeter dans l’océan à Port-des-Barques.

Il traverse quatre agglomérations importantes : Angoulême, Cognac, Saintes et Rochefort. Le cours est sinueux jusqu’à Angoulême puis la Charente aligne ses nombreux méandres en direction de l’ouest à travers la grande plaine alluviale. Les principaux affluents du fleuve sont la Tardoire, la Touvre, le Né, la Boutonne et la Seugne. Le fleuve est soumis à l’influence de la marée jusqu’à Saint-Savinien.

Deux autres fleuves côtiers de moindre envergure complètent le réseau hydrographique régional. La Sèvre niortaise possède une très grande partie de son bassin versant de 3650 km2 dans la région Poitou-Charentes. Elle draine tout le sud du département des Deux-Sèvres puis forme la limite départementale entre Charente-Maritime et Vendée. Elle prend sa source à Sepvret à une altitude de 150 m et parcourt 158 km avant de déboucher dans la Baie de l’Aiguillon. Elle traverse l’agglomération niortaise puis le Marais poitevin de part en part, le drainant grâce à un réseau très dense de canaux. Ses principaux affluents sont l’Autize en rive droite et le Mignon en rive gauche. La Seudre, quant à elle, draine un bassin versant de 850 km2. Elle nait en Saintonge sur la commune de Saint-Genis et parcourt quasiment en droite ligne 68 km avant de rejoindre par un vaste estuaire le pertuis de Maumusson au nord de la presqu’île d’Arvert. Toute la partie aval, à partir de Saujon, est bordée de marais ostréicoles. Sur cette portion, les eaux sont saumâtres.

Ainsi, fleuves et rivières du Poitou-Charentes totalisent plus de 17 000 kilomètres de cours. L’essentiel de ce réseau est constitué par les ruisseaux, notamment ceux des têtes de bassin. La densité du chevelu dépend principalement des sols sur lesquels coulent les eaux. Le réseau est particulièrement ramifié sur les terrains granitiques et schisteux des massifs anciens, le nord des Deux-Sèvres pour les marches sud du massif armoricain et le Montmorillonnais et le Confolentais pour la bordure occidentale du Massif Central. Il est aussi très dense sur les terrains sablo-argileux marqués par une forte imperméabilité, dans la Double et au nord-est de la région. Le réseau est en revanche beaucoup plus lâche sur le reste des formations sédimentaires des Bassins parisien, au nord-est, et aquitain au sud-ouest.

 

Comme le point culminant de la région ne dépasse pas 365 m, l’essentiel des cours d’eau a un écoulement marqué par les faibles pentes. Le cours est sinueux sur les terrains jurassiques, notamment à l’ouest de la région où les vallées sont rythmées par de nombreux méandres, plus rectilignes sur le granit et les calcaires durs.

Le régime hydrographique des fleuves et rivières picto-charentais est de type pluvial. Il est marqué par une variabilité inter-annuelle parfois importante. Cependant la période des hautes eaux est quasi toujours l’hiver, parfois étendue au début du printemps, alors que l’été correspond à la période de basses eaux. Dans la région, les étiages peuvent être sévères. Ils sont plutôt naturels sur les massifs anciens et sont dus à l’absence d’écoulement souterrain. Par contre, la situation est plus complexe sur les terrains sédimentaires qui disposent de l’apport de nombreuses nappes. L’absence ou la faiblesse des précipitations hivernales et printanières peuvent parfois y entraîner l’été des baisses de débit importantes, et des assecs pour de nombreux cours d’eau. Ces situations sont de plus en plus régulières car nettement aggravées par l’utilisation massive des ressources en eau, souterraines comme superficielles, pour l’irrigation céréalicole. Les années hydrologiques sèches se succèdent ; les arrêts d’écoulement concernent de plus en plus de ruisseaux et rivières et durent de plus en plus longtemps. Ces situations ont évidemment un impact négatif important sur les populations d’odonates : les espèces inféodées aux ruisseaux de tête de bassin, comme l’Agrion de Mercure Coenagrion mercuriale, sont concernées au premier chef.

Le réseau hydrologique de la région est aussi concerné par les crues. Ces épisodes de montée importante des eaux faisant sortir le cours d’eau de son lit mineur, surviennent surtout l’hiver mais sont aussi régulières au début du printemps. La plupart des rivières du Poitou-Charentes connaissent des crues de plaine lors desquelles les eaux montent lentement mais restent longtemps, souvent plusieurs jours, sur les terrains submergés, les décrues étant également progressives. C’est notamment le cas pour la Charente, la Sèvre niortaise, la Dronne et leurs affluents. Par contre les cours d’eaux qui naissent et qui coulent sur les sols peu perméables des massifs anciens connaissent des montées des eaux plus soudaines et des décrues aussi rapides. C’est le cas du Thouet et de ses affluents, notamment l’Argenton en provenance de la Gâtine et du Bressuirais, mais aussi de la Gartempe et du Salleron qui sont issus de l’Ouest du Massif Central. La Vienne connaît une situation particulière du fait de la présence de plusieurs barrages en amont de la région et au Sud de la Vienne (Chardes, La Roche et Jousseau). Le cycle naturel de crue est très favorable à la diversité faunistique et floristique et les zones inondables qui y sont soumises quasiment chaque année présentent des peuplements odonatologiques d’une grande richesse. Malheureusement le développement des activités humaines conduit, entre autre, à une artificialisation du cycle naturel des cours d’eau. Ce phénomène s’est accéléré ces dernières décennies. A ce titre, les marais alluviaux du cours aval de la Charente sont exemplaires. Les rivières de la région connaissent de nombreuses autres atteintes liées à l’aménagement et à l’anthropisation quasi-générale de leur cours et de leurs lits majeurs (cf. « Menaces« ).

Milieux terrestres

Les odonates sont des insectes inféodés aux zones humides. Toutes les espèces de la région passent une grande partie de leur vie dans l’eau à l’état de larve. Les milieux aquatiques sont donc ceux auxquels on doit prêter attention lorsqu’on s’intéresse aux libellules et qu’on veut les protéger. Toutefois, certains milieux terrestres jouent un rôle important dans leur développement, en particulier lorsque les jeunes imagos sont en phase de maturation et qu’ils s’éloignent à plus ou moins longue distance des points d’eau ou plus simplement pour servir de terrain de chasse. Les anisoptères sont les libellules qui s’écartent le plus des zones humides de reproduction. Ils chassent ou maturent dans des clairières, le long des lisières ou des chemins forestiers, sur des prairies ou des landes. Il est par exemple fréquent d’observer Gomphus graslinii en chasse sur les pelouses sèches présentes sur les coteaux calcaires bordant la vallée de la Dronne, beaucoup moins aisé de le rencontrer en activité de reproduction sur cette même rivière alors que les récoltes d’exuvies y montrent des effectifs très importants. La protection des libellules passe donc aussi par la protection de leurs milieux de chasse et de maturation.

Le coteau de Puyrateau à Gurat (16), terrain de chasse de nombreux anisoptères.
Eric PRUD’HOMME

 

Bibliographie

Jourde P., 2004 – Densités remarquables d’odonates en val de Seugne (département de Charente-Maritime). Martinia 20 (1) : 7-12.