Les plantes messicoles présumées disparues de notre région

NOTION D’ESPECE DISPARUE

Qu’entend-on par espèce « présumée disparue » ?

Si l’on se réfère à la liste rouge régionale de la flore menacée du Poitou-Charentes (SBCO, 1998) et à la liste des espèces végétales déterminantes (JOURDE, TERRISSE (coord.), 2001), il s’agit d’une espèce qui était mentionnée dans les flores anciennes ou vue au moins une fois dans notre région et qui n’a pas été revue depuis les 20 dernières années.

BILAN REGIONAL

Trente deux espèces n’ont pas été revues dans le cadre du présent inventaire des plantes messicoles réalisé en Poitou-Charentes (tableau 2), parmi lesquelles 18 sont prises en compte dans le Plan National d’Action (ABOUCAYA et al., 2000) :

  • 13 en situation précaire : Adonis aestivalis L., Androsace maxima L., Asperula arvensis L., Bifora testiculata (L.) Spreng., Camelina sativa (L.) Crantz, Delphinium verdunense Balb., Hypecoum pendulum L., Neslia paniculata (L.) Desv, Orlaya grandiflora (L.) Hoffm., Orlaya intermedia Boiss., Polycnemum arvense L., Polycnemum majus A.Braun, Polygonum bellardii All.
  • 3 à surveiller : Bunium bulbocastanum L., Gagea villosa (M.Bieb.) Sweet, Valerianella coronata (L.) DC.
  • 2 encore abondantes dans une région de France : Sinapis alba L., Vicia villosa Roth subsp. varia (Host) Corb.

Cela signifie qu’environ une espèce messicole du Poitou-Charentes sur trois a aujourd’hui disparu depuis plusieurs dizaines d’années, puisque ces disparitions étaient déjà signalées à la fin des années 80 (BARON, 1989 ; BARON, 1993).

Certaines espèces, mentionnées comme non revues en Poitou-Charentes en tant qu’espèce messicole dans le cadre de l’inventaire, n’ont pas pour autant disparu de notre région et s’expriment dans les milieux naturels. C’est le cas par exemple d’Arnoseris minima que l’on trouve dans la région sur silice au sein des espaces ouverts des landes sèches, mais pas en situation de messicole ou encore de Tulipa sylvestris observée en position messicole seulement en une localisation dans la Vienne, que l’on rencontre plus souvent en contexte forestier dans notre région.

D’autre part, Bunium bulbocastanum L. et Orlaya intermedia Boiss. présentent un cas particulier, puisque ces deux espèces n’ont jamais été citées dans notre région (y compris dans les flores anciennes de la fin du XIXe-début XXe) mais ont quand même été retenues dans le lot des espèces à rechercher en Poitou-Charentes.

Bunium bulbocastanum L. est une espèce à statut « assez commun » en France mais absente de l’Ouest de la France. Le département le plus proche où cette espèce est présente est l’Indre, voisin du département de la Vienne (BDNFF ; BOCK et al., 2005 ; Tela Botanica)

Quant à Orlaya intermedia Boiss., (Syn. : Orlaya daucoides), il s’agit d’une espèce strictement méditerranéenne (BDNFF ; BOCK et al., 2005 ; Tela Botanica). Sa présence la plus nordique connue correspond à l’Eure-et-Loire, en aire très disjointe. Peut-être s’agit-il d’une introduction accidentelle dans ce département ?

Parmi les espèces non revues, 17 sont des calcicoles, 6 des silicoles et 8 semblent indifférentes à la nature du sol. Aucune, hormis Sinapis alba L. n’est nitrophile. Douze espèces, soit plus du tiers, sont sensibles à la compétition et à l’intensification des pratiques agricoles ou oligotrophes, c’est-à-dire préférant des sols pauvres en matière nutritive (JAUZEIN, 1995). La majorité sont des espèces annuelles des moissons (thérophytes à germination hivernale ou plus rarement estivale).

Les principales causes de leur disparition sont certainement une combinaison de facteurs tous induits par l’intensification des pratiques agricoles qui s’est opérée au cours du XXe siècle :

  • tri sélectif des graines particulièrement efficaces aujourd’hui,
  • essor de nouvelles cultures tardives peu favorables (maïs, tournesol…),
  • usage d’herbicides,
  • apport d’engrais qui favorise les adventices nitrophiles au détriment des plantes messicoles pour la plupart peu compétitives,
  • raréfaction des jachères en zone de grandes cultures qui ne favorise pas l’expression de cette flore spontanée,
  • semis de jachères fleuries dont certaines espèces horticoles sont très proches d’espèces sauvages (possibilité d’hybridation).

Seulement deux sont des espèces vivaces, principalement localisées dans les vignes. L’une à bulbe (Gagea villosa (M.Bieb.) Sweet) et l’autre à tubercule (Anemone coronaria L.), toutes deux n’ont pas résisté aux méthodes d’entretien actuel de la quasi-totalité des vignes (herbicides, labours fréquents des inter-rangs…).

Aujourd’hui, la majorité des vignes du Poitou-Charentes est synonyme d’une extrême banalité floristique, qui au mieux compte encore quelques Soucis des champs (Calendula arvensis L.) accompagnés éventuellement de quelques muscaris (Muscari neglectum Guss. ex Ten.) et autres Dames de onze heures (Ornithogalum umbellatum L.).

Dans la Vienne, on trouve encore la Tulipe sauvage (Tulipa sylvestris L.) dans les alentours de Châtellerault. Cette espèce, lointain souvenir d’anciennes vignes, est aujourd’hui coincée entre une culture céréalière et le bord de la route, chaque année un peu plus mise en péril par le labour qui entame régulièrement le bord du fossé.

Enfin, certaines espèces considérées comme disparues en Poitou-Charentes avant l’inventaire (BARON, 1993 ; SBCO, 1998) ont pu être retrouvées grâce aux efforts de prospection qui ont été multipliés pendant la période de l’inventaire :

  • Adonis flammea Jacq.
  • Bupleurum rotundifolium L.
  • Linaria arvensis (L.) Desf.
  • Myagrum perfoliatum L.
  • Nigella gallica Jord.

Cependant chacune de ces espèces n’a été observée que de façon furtive (une seule année sur les quatre), qu’à l’occasion d’une ou deux observations et toujours dans des situations très précaires (un seul pied ou quelques pieds en bord de champ, parfois malvenants ou martyrisés par les herbicides ou passages d’engins).

Commander le cahier technique des Plantes messicoles du Poitou-Charentes d’où est issu cet article

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