Les associations unies dans l’action juridique contre les 93 « réserves de substitution » (méga-bassines) du Poitou-Charentes

Communiqué de presse du collectif d’associations engagées dans les recours contre les 93 « réserves de substitution » (méga-bassines) du Poitou-Charentes
Le 8 mars 2023

Format pdf

Les associations soussignées font le point sur leurs recours entrepris contre les méga-bassines en Poitou-Charentes.

Aujourd’hui, 93 réserves de substitution sont en projet sur les quatre départements de Charente, de Charente-Maritime, des Deux-Sèvres et de la Vienne. Ces projets sont regroupés sur neuf sous-bassins comme suit : Aume-Couture (9 réserves) ; Auxances (6) ; Boutonne (21) ; Clain moyen (15) ; Dive-Bouleure-Clain amont (6) ; La Clouère (8) ; La Pallu (6) ; Le Curé (6) et Sèvre niortaise-Mignon (16).

Hormis le projet de La Clouère, tous les projets font l’objet de recours juridiques en cours. Le détail de ceux-ci est donné dans l’Annexe 1 du présent document.

Notre collectif est engagé dans ces combats juridiques pour les raisons suivantes :

  • Il ne s’agit pas de substitution en ce sens que les réserves permettront de prélever des volumes d’eau d’irrigation supérieurs à ceux prélevés actuellement alors que la ressource en eau diminue.
  • Il s’agit de l’accaparement de volumes d’eau colossaux par quelques exploitations au détriment d’un accès à l’eau pour tous.
  • Les pompages en nappe, mêmes hivernaux, conduiront à détériorer encore plus les milieux aquatiques et leur cortège de biodiversité : poissons, amphibiens, odonates… Ce sont les dernières zones humides de plaines cultivées intensivement (exemple de La Pallu et de l’Auxances) et les zones humides du Marais poitevin qui sont directement menacées par ces aménagements.
  • Le modèle agricole sous-jacent aux projets impactera significativement l’avifaune de plaine (outarde canepetière, oedicnème criard, busards cendré et Saint-Martin), espèces patrimoniales qui ont motivé pour leur protection la création de neuf sites Natura 2000 sur le territoire picto-charentais.
  • Les études d’impact des neufs projets sont insuffisantes, inadaptées aux enjeux locaux et le respect de la réglementation européenne concernant les sites Natura 2000 pose question.
  • Les projets, par leurs dimensions, font courir un risque à la ressource en eau, au détriment des milieux naturels et de l’approvisionnement en eau potable.
  • L’usage de l’eau pour l’irrigation doit avoir une contrepartie en matière d’agroécologie, ce qui n’est pas prévu dans les projets actuels. La façon dont les « protocoles d’accord » Sèvre niortaise-Mignon et Clain ont été établis et mis en oeuvre, jusqu’à présent, ne peut qu’inquiéter quant à la sincérité des promoteurs des projets concernés. Les engagements pris par les bénéficiaires de méga-bassines ne sont pas à la hauteur des enjeux.
  • Les projets représentent une mal-adaptation aux changements climatiques et une contribution supplémentaire au déclin de la biodiversité.
  • Les conditions météorologiques telles qu’observées, notamment depuis début 2022 (canicules et sécheresse estivales, grave déficit pluviométrique en automne et hiver, niveau alarmant des nappes phréatiques début 2023), renforcent la nécessité de reconsidérer la pertinence de l’ensemble des projets concernés.
  • Des études impartiales HMUC (hydrologie, milieux, usages, climat) sont des préalables à tout projet de stockage pour déterminer la ressource disponible. Des vrais PTGE (projet territorial pour la gestion de l’eau) respectant l’Instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 restent les seuls cadres dans lesquels il est possible de décider de stockage de l’eau.

Notre collectif considère que la réponse aux épisodes de sécheresse et au manque d’eau réside dans une évolution des pratiques agricoles. Les cultures doivent être choisies en fonction des sols et du climat du territoire. Les financements publics considérables, déployés ou annoncés pour les projets de méga-bassines, devraient prioritairement être réorientés :

  • Vers leur destination réglementaire avec la priorisation donnée par la loi (eau potable, milieux, usages économiques) ;
  • Vers l’augmentation du stockage naturel (renaturation des cours d’eau, recréation de zones humides…).

La crise environnementale et climatique, la protection et le partage de l’eau, bien commun indispensable à la vie, la production alimentaire, tous ces grands sujets doivent être débattus dans la société, faute de quoi les conflits risquent de se multiplier et personne n’y gagnera.

Les associations soussignées demandent un moratoire immédiat sur les projets de réserves de substitution et dénoncent le passage en force que constitue la construction des réserves de Mauzé-sur-le-Mignon et de Sainte-Soline malgré les recours. L’exemple des réserves illégales construites par l’ASA de Benon et l’ASAI des Roches présenté en Annexe 2 démontre l’impasse dans laquelle s’engagent les porteurs de projet et l’État.

Les signataires :
L’Association agréée de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique des pêches sportives Saint-Maixentaises,
L’Association de Défense de l’Environnement de Migné-Auxances (ADEMA),
L’Association de Protection, d’Information, d’Etude de l’Eau et son Environnement (APIEEE),
L’Association Protection et Avenir du Patrimoine en Pays d’Aigre et en Nord Charente (APAPPA),
La Confédération paysanne de la Vienne,
La Fédération Poitou-Charentes Nature (PCN),
La Fédération de Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu Aquatique,
La Fédération des Deux-Sèvres des Associations Agréées pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique (AAPPMA),
Le Groupe Ornithologique des Deux-Sèvres (GODS),
La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO),
Nature Environnement 17 (NE17),
SOS Rivières et Environnement,
UFC Que choisir de la Vienne,
Vienne Nature.


Annexe 1 : Détails des recours en cours contre les 93 réserves de substitution du Poitou-Charentes

Projet Aume-Couture (9 réserves) :

  • Recours porté par Poitou-Charentes Nature, la LPO et l’APAPPA en janvier 2021 au TA de Poitiers. En cours d’instruction.
  • Recours (contre le permis d’aménager) porté par l’APAPPA en février 2021 au TA de Poitiers. En cours d’instruction.

Projet Auxances (6 réserves) :

  • Recours porté par Vienne Nature, Poitou-Charentes Nature, UFC Que choisir, la Confédération paysanne, ADEMA et VIVRENCLAIN en mars 2018 au TA de Poitiers. Recours perdu en juin 2020.
  • Appel du jugement en août 2020 porté par Vienne Nature, Poitou-Charentes Nature, la Confédération paysanne et ADEMA au CAA de Bordeaux. Intervention volontaire de la LPO en juillet 2021. L’instruction se termine en mars 2023.

Projet Boutonne (21 réserves) :

  • Deux recours (Autorisation environnementale et Déclaration d’intérêt général) portés par Nature Environnement 17, SOS Rivières et Environnement et la LPO en décembre 2018 au TA de Poitiers. Deux recours gagnés en février 2021.
  • Appel du jugement sur l’autorisation environnementale interjeté par le Ministère de la transition écologique et le SYRES 17 devant la CAA de Bordeaux.

Projet Clain moyen (15 réserves) :

  • Recours porté par Vienne Nature, Poitou-Charentes Nature, UFC Que choisir, la Confédération paysanne, ADEMA et VIVRENCLAIN en avril 2018 au TA de Poitiers. Recours perdu en juin 2020.
  • Appel du jugement en août 2020 porté par Vienne Nature, Poitou-Charentes Nature, la Confédération paysanne et VIVRENCLAIN au CAA de Bordeaux. Intervention volontaire de la LPO en juillet 2021. L’instruction se termine en mars 2023.

Projet Dive – Bouleure – Clain amont (6 réserves) :

  • Recours porté par Vienne Nature, Poitou-Charentes Nature, UFC Que choisir, la Confédération paysanne, ADEMA et VIVRENCLAIN en avril 2018 au TA de Poitiers. Recours perdu en juin 2020.
  • Appel du jugement en juillet 2020 porté par Vienne Nature, Poitou-Charentes Nature, la Confédération paysanne et VIVRENCLAIN au CAA de Bordeaux. Intervention volontaire de la LPO en juillet 2021. L’instruction se termine en mars 2023.

Projet La Clouère (8 réserves) :

  • Recours porté par Vienne Nature et UFC Que choisir en novembre 2017 au TA de Poitiers. Recours gagné en mai 2019.
  • Appel du jugement en août 2019 porté par le Ministère de la transition écologique au CAA de Bordeaux. Le jugement du TA de Poitiers est annulé en juin 2020
  • L’arrêté d’autorisation de la création et l’exploitation de 8 réserves est libre de toute contrainte judiciaire.

Projet La Pallu (6 réserves) :

  • Recours porté par Vienne Nature, Poitou-Charentes Nature, UFC Que choisir, la Confédération paysanne et la LPO en septembre 2021 au TA de Poitiers. En cours d’instruction.

Projet Le Curé (6 réserves) :

  • Deux recours (Autorisation environnementale et Déclaration d’intérêt général) portés par Nature Environnement 17 au TA de Poitiers. Deux recours gagnés en juin 2021.
  • Appel du jugement sur l’autorisation environnementale porté par le SYRES 17. La CAA de Bordeaux a confirmé l’annulation de l’autorisation en février 2023.

Projet Sèvre niortaise – Mignon (16 réserves) :

  • Recours contre un premier arrêté portant sur 19 réserves, recours porté par Poitou-Charentes Nature, le GODS, Nature Environnement 17, la Fédération de pêche du 17, la Fédération de pêche du 79, l’APIEEE, l’Association de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique des pêches sportives Saint-Maixentaises, SOS Rivières et Environnement et Vienne Nature en février 2018 au TA de Poitiers.
  • Recours contre un arrêté complémentaire n°1 portant sur 16 réserves, recours porté par Nature Environnement 17, Poitou-Charentes Nature, la LPO, le GODS, la Fédération de pêche du 17, la Fédération de pêche du 79, l’APIEEE, l’Association de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique des pêches sportives Saint-Maixentaises, SOS Rivières et Environnement et Vienne Nature en novembre 2020 au TA de Poitiers. Affaires jointes. Jugement avant dire droit du TA de Poitiers en mai 2021 exigeant le redimensionnement à la baisse de 9 des 16 réserves.
  • Appel du jugement de sursis à statuer de mai 2021 porté par Nature Environnement 17, Poitou-Charentes Nature, la LPO, le GODS, la Fédération de pêche du 17, la Fédération de pêche du 79, l’APIEEE, l’Association de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique des pêches sportives Saint-Maixentaises, SOS Rivières et Environnement et Vienne Nature en juillet 2021 au TA de Poitiers. Instruction en cours.
  • Recours contre un arrêté complémentaire n°2 portant sur 16 réserves, recours porté par Nature Environnement 17, Poitou-Charentes Nature, la LPO, le GODS, la Fédération de pêche du 17, la Fédération de pêche du 79, l’APIEEE, l’Association de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique des pêches sportives Saint-Maixentaises, SOS Rivières et Environnement et Vienne Nature en juillet 2022 au TA de Poitiers.

Annexe 2 : Détails des recours gagnés

Contre ASA de Benon (2 réserves)

  • Recours porté par Nature Environnement 17 devant le TA de Poitiers. Le TA Poitiers a fait droit à demande de NE17 et a annulé l’autorisation en octobre 2015.
  • Appel du jugement par l’ASA de Benon. CAA Bordeaux du 22 décembre 2017 confirme l’annulation de l’autorisation.
  • Pourvoi devant le Conseil d’État par l’ASA de Benon. Conseil d’État, 29 septembre 2019 confirme l’annulation de l’autorisation.

Contre ASAI des Roches (5 réserves)

  • Recours porté par Nature Environnement 17 devant le TA de Poitiers. Le TA Poitiers a fait droit à demande de NE17 et a annulé l’autorisation en juin 2018.
  • Appel du jugement par l’ASAI des Roches. Par un arrêt avant dire droit du 17 novembre 2020, la CAA Bordeaux a sursis à statuer pour six mois pour laisser à l’ASAI des Roches la possibilité de régulariser les irrégularités contenues dans son autorisation via un complément d’étude d’impact. CAA Bordeaux 17 mai 2022 : malgré le complément d’étude, toujours lacunes et insuffisances donc confirme l’annulation de l’autorisation.
  • Pourvoi devant le Conseil d’État par l’ASAI des Roches. Conseil d’État, 4 février 2023 : non-admission du pourvoi.