Les étangs et les mares constituent des habitats privilégiés pour de très nombreuses espèces de libellules. Plus de 50 des 68 espèces de libellules picto-charentaises utilisent en effet ces pièces d’eau comme habitat de reproduction. Essentiellement d’origine humaine, ces milieux présentent, par leur hétérogénéité de formes, par leurs modes de gestion et par leur densité, des biotopes très intéressants. Cependant, ces habitats ont évolué de façon négative. Les étangs ont vu leur nombre fortement augmenter au cours de ces 40 dernières années. Mais, qu’ils soient à vocation agricole ou qu’ils aient été créés pour les loisirs, leur configuration est souvent défavorable à la biodiversité, avec des berges droites abruptes et une absence de hauts fonds. Ils souffrent en outre d’une gestion inadaptée des ceintures de végétation et, pour beaucoup, subissent une pression piscicole intensive (chaulage, empoissonnement …). La gestion « jardinée » de ces étangs est en outre à l’origine de bon nombre d’invasions biologiques : écrevisses, jussies, Myriophylle du Brésil… néfastes aux libellules. Parfois également, leur mauvaise exploitation, en particulier des vidanges réalisées par le haut et en mauvaise saison, entraîne des colmatages excessifs, une pollution organique et un réchauffement important de l’eau en aval.
La création d’étangs sur les sources et les ruisseaux, au niveau des têtes de bassin, sur les zones d’expansion de crues ainsi que dans le lit mineur, a fortement impacté la qualité, voire la pérennité des cours d’eau concernés. De nombreuses espèces animales au statut patrimonial important sont mises en danger par cette évolution. C’est le cas par exemple du Chabot Cottus gobio et de l’Écrevisse à pattes blanches Austropotamobius pallipes. Évidemment, plusieurs espèces d’odonates inféodés aux suintements et aux petits ruisseaux permanents sont également touchés : on peut citer l’Agrion de Mercure Coenagrion mercuriale, espèce protégée, mais aussi la Libellule fauve Libellula fulva ou encore le Caloptéryx hémorrhoïdal Calopteryx haemorrhoidalis.
Ainsi, seul un faible pourcentage des milliers d’étangs présents en Poitou-Charentes constitue des habitats favorables à des cortèges odonatologiques diversifiés.
Quant aux mares, avec la régression de l’élevage au profit de la céréaliculture et les nouvelles contraintes sanitaires, leur nombre a fortement diminué : à l’échelle du territoire national 90% de celles présentes au début du XXe siècle ont aujourd’hui disparu (Monot, 2003). En Poitou-Charentes, un inventaire a montré, en se basant sur une réactualisation des cartes IGN, que 26% des mares de la région avaient disparu de 1981 à 1990. Plus récemment, une estimation faite dans le bocage armoricain deux-sévrien, en Gâtine, fait état de 4% de disparition contre 1% de création entre 2002 et 2008 sur un échantillon de 757 mares (Boissinot, 2009). Actuellement, les estimations régionales en recense encore de 30 000 (PCN, 2001) à 42 857 (Scher, 2008). Au-delà de l’aspect quantitatif, l’état de conservation des mares du Poitou-Charentes se dégrade notamment en raison de l’apport d’espèces exogènes (poissons principalement), de l’expansion d’espèces invasives (ragondin, écrevisses…), de la pollution des eaux, de leur isolement et de pratiques de gestion inadaptées (sur-piétinement, abandon du curage, embroussaillement…). La disparition des mares constitue une réelle menace pour les espèces qui leur sont le plus associées. Les sympétrums, les lestes et certaines aeschnes (comme Aeshna mixta) sont ici les plus concernés.
Bibliographie
Scher O., 2008 – The French pondscape, state of the art. 3nd European pond conservation workshop, Valancia. Spain. 14-16 th may 2008.