La fonctionnalité hydraulique de nos cours d’eau a été fortement perturbée par l’installation de nombreux ouvrages. Retenues d’eau potable, clapets, seuils, barrages hydroélectriques, vannes-déversoirs, chaussées de moulin… constituent autant d’obstacles entraînant une modification du régime hydraulique des cours d’eau, notamment par réduction des petites et moyennes crues. Un colmatage en amont et une érosion en aval de l’ouvrage ainsi qu’une artificialisation des fluctuations de niveaux s’opèrent, ayant pour effet la disparition de la faune et de la flore des eaux vives au profit de celles des eaux plus lentes, souvent plus banales. A contrario, certains ouvrages ont permis la création ou le maintien de zones humides, ont eu un impact favorable sur l’oxygénation de l’eau comme certaines chaussées de moulins de la vallée de la Sèvre niortaise amont. Des diagnostics de leur état de conservation, de leur intérêt collectif et de leur impact sur le milieu aquatique voient le jour progressivement sur le territoire. Ceci se fait dans le cadre de Schémas d’Aménagement et de Gestion de l’Eau (SAGE) ou de Contrats Restauration Entretien (CRE), comme sur la Sèvre nantaise (2003) ou le Thouet (2005). Sur ce dernier notamment, pas moins de 106 ouvrages sont recensés pour les Deux-Sèvres sur les 120 km de son cours avec une densité de 12 ouvrages au km sur sa partie amont.
Une autre conséquence notable de ce sectionnement hydraulique a été la mise en place de politiques de gestion des niveaux d’eau. Celles-ci sont influencées principalement par la gestion des risques d’inondation et des besoins agricoles. Dans ce dernier cas, cela amène à une gestion inadaptée des niveaux d’eau, comme dans le Marais Poitevin, où les crues deviennent exceptionnelles et de courte durée et les zones humides se dégradent, en particulier par l’assèchement et le tassement des milieux tourbeux.
Des aménagements, tels le dragage (approfondissement du lit), la canalisation (bétonnage des berges et parfois du fond), l’endiguement (augmentation de la hauteur des berges pour éviter le débordement des eaux), mais aussi la rectification du cours (recoupement des méandres) et le recalibrage (augmentation de la capacité du lit en modifiant sa profondeur et sa largeur), ont modifié de façon durable les cours d’eau (pente, profondeur, vitesse du courant, forme des berges). Réalisés principalement au milieu du XXe siècle, ils ont des répercussions sur le fonctionnement des écosystèmes. En général, ces aménagements induisent des perturbations de la dynamique morphologique et sédimentaire du cours d’eau (érosion, dépôts, modification de la propagation des crues et des risques d’inondation) et une diminution de la diversité naturelle des habitats et des espèces présentes. En outre, l’enfoncement du lit d’un cours d’eau abaisse le niveau de sa nappe d’accompagnement, ce qui nuit aux boisements riverains.
Les curages d’entretien en zones de marais, en particulier sur des secteurs comme le Marais Poitevin, contribuent au maintien de ce réseau dense de fossés et à la circulation de l’eau. En outre, par l’hétérogénéité de pression de curage sur le territoire, en fonction des priorités (navigation, circulation de l’eau, exploitation agricole…), des niveaux divers d’atterrissement sont constatés et contribuent à constituer une mosaïque de milieux aquatiques propice aux libellules. Cependant, cette pratique de gestion présente un impact fort sur les fossés à court terme en retirant la vase où s’abritent les larves de libellules et leurs proies et où s’enracine la végétation aquatique ainsi qu’en détériorant par raclage la ceinture d’hélophytes. L’impact des curages est d’autant plus important quand ces opérations sont généralisées sur un court laps de temps et sur un réseau dense de fossés, limitant ainsi les capacités de recolonisation de la végétation aquatique et des libellules.
Exemple de l’impact d’un curage
Le Marais de l’Ouchette (Magné, Deux-Sèvres) a fait l’objet d’une restauration hydraulique expérimentale en 2005. Deux ans plus tard, le cortège odonatologique a été inventorié pour mesurer l’impact de ce curage effectué sur un linéaire de 12 km. Sur 26 espèces inventoriées préalablement aux travaux, 10 n’ont pas été retrouvées (38 %), dont la Naïade aux yeux rouges Erythromma najas et l’Aeschne paisible Boyeria irene, contre 3 espèces nouvelles (certainement non détectées lors de l’état initial). La disparition, et le non-retour, des herbiers aquatiques sont en grande partie à l’origine de ce changement.
Suivi réalisé dans le cadre de l’observatoire du patrimoine naturel du Marais Poitevin et du LIFE Nature.