Tourbières de transition

Rédacteur : David Ollivier

Physionomie-écologie

Les tourbières de transition sont des habitats qui occupent les dépressions humides. Elles sont alors alimentées par les eaux de la nappe phréatique (soligènes) et par les eaux de pluie (ombrogènes). Les eaux de pluies très peu minéralisées confèrent au milieu des conditions de pH plutôt acides. Cet habitat se développe donc dans des conditions intermédiaires entre oligotrophie et mésotrophie, acides à neutres (entre pH 4,5 et pH 7,5). Les tourbières de transition se rencontrent donc, soit sur des milieux terrestres mais toujours engorgés en eau formant des pelouses ou gazons tremblants, soit à la surface des eaux stagnantes telles que les mares ou les étangs alimentés par les eaux de pluie ou par une nappe perchée, soit en contexte de pente sur des affleurement argileux (plus rare). Les tourbières alcalines peuvent aussi s’acidifier localement lorsque l’eau collectée en surface est principalement d’origine météorique. Les tourbières de transition occupent alors des superficies variables, de quelques dizaine de cm², en mosaïque ou en périphérie des mares, avec des superficies beaucoup plus grandes dans le cas de radeaux. La végétation dominée par les sphaignes forme des bombement ou des buttes en mélange avec des cypéracées de petite à moyenne taille, constituant ainsi des pelouses ou gazons tremblants sur milieux terrestres et des radeaux ou tremblants lorsque les cariçaies de transition se développent à même la surface de l’eau. Cette accumulation de sphaignes permet une formation active de tourbe suite à la décomposition partielle de ces bryophytes. Cet habitat peut présenter un micro-relief assez varié avec des alternances de buttes de sphaignes perchées au dessus de la nappe d’eau généralement éloignées du front de colonisation, de gouilles et de fossés plus profonds, de secteurs de terre nue et de secteurs colonisés par les ligneux.

On peut rencontrer diverses communautés en fonction du stade d’évolution et de la profondeur de la lame d’eau :

  • les radeaux ou tremblants à Trèfle d’eau Menyanthes trifoliata et Potentille des marais Potentilla palustris. Il s’agit d’une formation pionnière intermédiaire entre les habitats aquatiques à potamots et les habitats terrestres de prairies à Juncus acutiflorus et Molinia caerulea ;
  • les radeaux de sphaignes en mélange avec la Linaigrette à feuilles étroites (Eriophorum angustifolium), flottant sur les mares permanentes. Les droséras peuvent être abondantes au sein de cet habitat. Ce stade succède généralement à la déclinaison précédente.

Phytosociologie et correspondances

PVF2004

SCHEUCHZERIO PALUSTRIS-CARICETEA FUSCAE Tüxen 1937

  • SCHEUCHZERIETALIA PALUSTRIS NORDH. 1936

    Caricion lasiocarpae Vanden Berghen 1949 : communautés des tourbières de transition, souvent sur radeaux et tremblants

CORINE 1991

  • 54.58 Radeaux de sphaignes et d’Eriophorum angustifolium flottants sur les mares permanentes
  • 54.59 Radeaux à Menyanthes trifoliata et Potentilla palustris

Directive Habitats 1992

  • 7140-1 Tourbières de transition et tremblants

Confusions possibles

Malgré une identification rendue relativement facile par la présence abondante de certaines espèces, notamment de laîches, des confusions restent possibles.

En relation dynamique et spatiale parfois étroite avec la végétation des bas-marais et des tourbières hautes actives dont certaines espèces caractéristiques se retrouvent dans le groupement, cet habitat peut être parfois confondu avec ces derniers. Par ailleurs, les tourbières de transition, à l’interface entre les milieux aquatiques et les milieux terrestres, présentent des caractéristiques intermédiaires pouvant troubler l’analyse du cortège.

Dynamique

La dynamique va dépendre de la situation initiale et du milieu dans lequel l’habitat s’installe.

Les tourbières de transition se développant au sein de bas-marais neutro-basophiles vont s’installer en mosaïque par taches de petites superficies. L’évolution progressive de l’habitat est liée à une alimentation en eau qui est majoritairement d’origine météorique (pluie). Cette eau pauvre en minéraux va favoriser l’apparition d’espèces acidiclines et modifier la composition des bryophytes. Les sphaignes oligotrophes, ou plus rarement mésotrophes, vont progressivement s’organiser en tapis serrés et vont finalement former des bombements ou des buttes. Il s’agit des prémices de l’évolution de cet habitat vers les haut-marais actifs acides.

Lorsque les tourbières de transition se développent au sein de bas-marais acides, l’évolution sera identique mais moins marquée puisque les espèces acidophiles sont déjà présentes.

Les tourbières de transition en voie de colonisation des eaux stagnantes (mares et étangs) vont être à l’origine du phénomène d’atterrissement. Les radeaux ou tremblants à sphaignes, laîches et autres espèces associées, évoluent progressivement vers le centre de la mare. Le tapis de sphaignes va s’épaissir de plus en plus et s’élever par rapport au niveau d’eau de la mare. Cet habitat va donc progressivement s’affranchir de l’alimentation en eau en provenance de la mare, progressivement remplacée par les eaux de pluie. La formation de ces bombements va conduire à l’acidification du milieu, favorable aux groupements des hauts-marais actifs acides. Ces buttes à sphaignes vont peu à peu se rejoindre et former un tapis de grande superficie.

Au sein des stations les moins hygrophiles, le boisement est possible mais généralement lent. Il se compose de bouleaux (Betula pubescens, Betula pendula), de saules et d’Aulne glutineux dans les communautés acidiphiles, et de saules, d’aulne et de bourdaine dans les communautés baso-neutrophiles.

Une dynamique régressive est possible notamment du fait de la fréquentation régulière des grands mammifères (piétinement, bauges, …).

Espèces indicatrices

[plante2] Anagallis tenella, *Carex curta, *Carex echinata, *Carex lasiocarpa, *Carex rostrata, *Drosera rotundifolia, Equisetum fluviatile, *Eriophorum angustifolium, *Lycopodiella inundata, *Menyanthes trifoliata, *Potentilla palustris, *Rhynchospora alba, *Viola palustris
[plante1] *Betula pubescens, Epilobium palustre, Hypericum helodes, Juncus acutiflorus, Juncus bulbosus,*Spiranthes aestivalis, thelypteris palustris
[odonates] Ceriagrion tenellum, Leucorrhina caudalis, Leucorrhina pectoralis, Orthetrum coerulescens, Pyrrhosoma nymphula
[lepidopteres] Coenonympha oedipus

Valeur biologique

Cet habitat naturel de zones humides tourbeuses est extrêmement rare et menacé à l’échelle de notre région, de même qu’au niveau national et européen (inscrit à l’Annexe I de la Directive Habitats). Il est souvent associé à d’autres habitats de tourbière, eux aussi d’une grande valeur patrimoniale et en grande raréfaction. Les tourbières de transition sous forme de radeaux au sein des mares sont des formations végétales très originales qui présentent des caractéristiques intermédiaires entre habitats terrestres et aquatiques. Elles sont un habitat pour des espèces végétales et animales originales souvent rares et menacées à l’échelle régionale et nationale et bénéficiant parfois d’un statut de protection. Cet habitat et les espèces associées font partie de la biodiversité remarquable de la région Poitou-Charentes.

Menaces

Cet habitat a connu un important déclin au cours du XXème siècle.
Tout ce qui porte atteinte à la qualité, la quantité d’eau et à l’écoulement naturel des eaux, est néfaste à sa conservation. C’est ainsi que les modifications des pratiques agricoles liées à leur intensification, les opérations de drainage (assèchement, altération de la qualité de l’eau), l’épandage d’engrais et de produits phytosanitaires (eutrophisation), le comblement par des remblais, les modifications du fonctionnement hydrologique des cours d’eau (canalisation, barrage…) ont conduit à la destruction et la raréfaction de ces habitats tourbeux.

Certaines tourbières de transition et les habitats tourbeux associés ont été aussi directement détruits dans le cadre d’hypothétiques valorisations économiques de ces surfaces (mise en culture, boisement, enrésinement…).

Statut régional

Dans la région Poitou-Charentes, ce type de milieu est très rare et n’occupe que de très faibles surfaces. Il semble absent des Deux-Sèvres.

16 : Butte de Frochet (limite 87), étangs des environs de Brigueuil et de Montrollet, Double Charentaise

17 : Landes de Montendre, landes de Cadeuil

79 : pas de données

86 : Etangs et mares du Montmorillonais, mares de la RN du Pinail