Saulaie blanche

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie – écologie

La saulaie blanche appartient au groupe des forêts riveraines à bois tendres ; celles-ci sont constituées d’essences pionnières et peu longévives, appartenant à la famille des Salicacées ; les Salix argentés arborescents et les Populus qui prennent une part essentielle dans ce type de forêt sont des espèces héliophiles, frugales, à croissance rapide et produisant de grandes quantités de semences dispersées par le vent (anémochorie). Elles se développent directement en bordure des cours d’eau de moyenne importance (parfois en arrière d’une fruticée à saules arbustifs) sur des levées alluvionnaires remaniées périodiquement par les crues. Les sols sont peu évolués, de granulométrie variable (graviers, sables ou limons) enrichis régulièrement par les dépôts organiques des laisses de crues qui se minéralisent rapidement dans la zone de battement de la nappe ; un gley plus ou moins profond témoigne toutefois d’un engorgement durable en profondeur. La saulaie blanche colonise donc des milieux instables susceptibles de perturbations fréquentes, parfois catastrophiques et qui bloquent alors la dynamique d’évolution vers des forêts à bois durs.

En Poitou-Charentes, où l’habitat est peu représenté et où les conditions hydro-dynamiques favorables à son implantation sont peu fréquentes, sa variabilité semble faible : l’association centrale est la saulaie à Saule blanc du SALICETUM ALBAE ; toutefois, la présence sporadique du saule cassant Salix fragilis (et/ou de populations hybrides saule blanc x saule cassant Salix x rubens), notamment en moyenne vallée de la Charente sur des terrasses de graviers siliceux, laisse envisager la possible présence du SALICETUM FRAGILIS qui, d’après la littérature, occuperait des situations moins riches en calcaire (études complémentaires à mener).

La strate arborée de la saulaie blanche est dominée presque exclusivement par le Saule blanc, le Peuplier noir Populus nigra étant devenu très rare dans la région. Les arbustes sont peu diversifiés : Saule des vanniers Salix viminalis, Sureau noir Sambucus nigra, Cornouiller sanguin Cornus sanguinea. La strate herbacée varie beaucoup selon les conditions stationnelles (abaissement estival de la nappe) mais est généralement dominée par de grands hélophytes (en lien avec les inondations fréquentes) mêlés de nombreuses nitrophytes favorisées ici par la rapide minéralisation de la litière : Alpiste roseau Phalaris arundinacea, Roseau commun Phragmites australis, Grande Ortie Urtica dioica, Ronce bleuâtre Rubus caesius, Gaillet gratteron Galium aparine… La saulaie à Saule cassant, quant à elle, est très peu connue en Poitou-Charentes en tant qu’habitat, les rares stations connues de « Salix fragilis » correspondant souvent à des hybrides de celui-ci avec Salix alba et devant plutôt être rapportées à des saulaies blanches typiques. L’habitat serait à rechercher préférentiellement le long des rivières de la marge orientale de la Charente et de la Vienne, au contact des terrains primaires du Massif Central (Gartempe, Issoire, Tardoire) ainsi que dans la moitié nord des Deux-Sèvres : le biotope optimal de la saulaie cassante se trouvant à l’étage collinéen sur des alluvions sableuses et pauvres en calcaire.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

  • SALICETEA PURPURAE Moor 1958 : végétation forestière arbustive et riveraine à bois tendre
    • Salicetalia albae Müller & Gors 1958 : communautés arborescentes
      • Salicion albae Soo 1930 : communautés pionnières ou matures

COR 1991

  • 44.13 Forêt galeries de saules blancs

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

  • 91E0 – 1 Saulaies arborescentes à Saule blanc
  • 91E0 – 2 Saulaies arborescentes à Saule cassant

Confusions possibles

Par sa position particulière dans le lit majeur du cours d’eau et sa composition dendrologique originale, dominée par des saules au feuillage argenté repérables à distance et parfaitement reconnaissables sur des photos aériennes, l’identification de l’habitat ne pose pas de problème particulier.

Dynamique

La saulaie blanche est un habitat très dépendant de la dynamique fluviale. Elle reste stable dans les situations basses ou lorsque la régularité des crues empêche l’installation d’une forêt à bois durs. Dans ces situations, elle est souvent précédée temporellement et spatialement par des taches de roselière et/ou le fourré à saules arbustifs du SALICETUM TRIANDRO-VIMINALIS (association néanmoins rare dans la région).

Dans les cas où divers travaux hydrauliques (barrages de retenue, ouvrages d’écrêtage de crues) ont altéré la dynamique fluviale en stabilisant le cours d’eau ou en abaissant durablement la nappe, la
saulaie blanche ne peut lutter comme l’implantation progressive des essences nomades de la forêt à bois durs : frênes, aulnes, ormes.

En situations secondaires, la saulaie blanche peut aussi exister en marge des trous d’eau des carrières et des sablières ; sa présence y reste cependant transitoire en l’absence des facteurs de rajeunissement du milieu (crues, alluvionnement) et elle évolue alors rapidement vers des frênaies ou des chênaies-frênaies fraiches.

Espèces indicatrices

[plante2] (Acer negundo), Populus nigra, Salix alba, (Salix X babylonica), Salix fragilis, Salix x rubens
[plante1] Carex riparia, Galium aparine, Galium palustre, Lythrum salicaria, Mentha aquatica, Phalaris arundinacea, Phragmites australis, Rubus caesius, Sambucus nigra, Solanum dulcamara, Stachys palustris, Symphytum officinale, Urtica dioica
[briophytes] Amblystegium riparium, Fontinalis antipyretica
[oiseaux] Alcedo atthis, Ardea cinerea, Muscicapa striata, Oriolus oriolus
[coleopteres] Aromia moschata, Lamia textor, Oberea occulata, Saperda carcharias, Saperda populnea
[lepidopteres] Apatura ilia, Arashnia levana, Sesia apiformis
[orthopteres] Conocephalus discolor, Metrioptera roeselii, Pteronemobius lineolatus, Tetrix subulata
[champignons] Cortinarius uliginosus, Daedaleopsis confragosa, Hebeloma pusillum, Inocybe salicis, Pluteus salicinus, Tricholoma cingulatum

Valeur biologique

La saulaie blanche est considérée comme un habitat menacé en Europe et figure à l’Annexe I de la Directive 92/43/CEE, dite « Directive Habitats ». Sur le plan botanique, elle ne présente pas d’intérêt particulier, hormis la présence possible du Saule cassant, dont les stations régionales sont peu nombreuses. Son intérêt ornithologique est en revanche plus marqué, la saulaie servant de reposoir, de poste de chant ou de site de nidification pour l’avifaune des ripisylves : ardéidés, Loriot, Martin-pêcheur, divers autres passereaux. L’intérêt entomologique est aussi potentiellement très élevé mais semble dépendant surtout de la présence de vieux arbres riches en cavités et où les insectes xylophages peuvent creuser des galeries dans le bois tendre (coléoptères cérambycidés, notamment). Le Petit Mars changeant Apatura ilia, dont la chenille se nourrit de feuilles de saules et de peupliers, est un papillon rare au niveau régional. L’intérêt paysager n’est pas non plus négligeable, le feuillage argenté du Saule blanc conférant aux ripisylves qu’il frange une qualité esthétique certaine. Mais c’est avant tout l’intérêt écosystémique de l’habitat qu’il faut retenir, comme témoin du bon fonctionnement hydraulique d’un cours d’eau et, surtout, quand il s’insère dans des mosaïques alluviales complexes associant stades pionniers et stades matures, forêts de bois tendres et forêts à bois durs.

Menaces

L’habitat a beaucoup régressé par le passé et ne se rencontre plus que sporadiquement le long des 2 principales rivières de la région et de leurs gros affluents : la Charente et la Vienne. La régularisation des cours d’eau, en limitant les crues et stabilisant la dynamique, a probablement beaucoup contribué à cette régression. L’intensification des plaines alluviales – culture du maïs, populiculture – a également joué un rôle négatif. De nos jours, il est devenu difficile de trouver des saulaies blanches spatiales étendues, les occurrences de l’habitat se limitant désormais à de minces linéaires discontinus ou à des taches ponctuelles en bordure de frênaies-galeries. L’habitat sert souvent de niche d’implantation à l’Erable negundo Acer negundo, adventice d’origine nord-américaine, qui peut gêner dans certains cas la régénération des saules autochtones.

Statut régional

L’habitat est disséminé et souvent fragmentaire dans l’ensemble de la région.

16 : vallée de la Charente

17 : vallée de la Charente, basses vallées de la Boutonne et de la Seugne

79 : ?

86 : vallée de la Vienne