Rédacteur : Jean Terrisse
Physionomie-structure
Les prairies humides, au sens large, forment un ensemble diversifié de milieux sous la dépendance plus ou moins étroite de l’eau et leurs végétaux constituants sont adaptés à une humidité variable. Elles sont localisées en règle générale à proximité ou en périphérie de zones humides dominées par des habitats aquatiques ou amphibies : vallée alluviale, plaine inondable, suintements de pente, abords de sources, marge des cours d’eau, rives d’étangs…
En fonction du régime hydrique, de la richesse du sol en nutriments et de l’utilisation qui en est faite par l’Homme, 3 grands types se distinguent :
– les prairies humides eutrophes se développent sur des sols temporairement humides mais correctement oxygénés et à bonne activité biologique ; elles sont souvent fertilisées pour accroître leur productivité et sont généralement exploitées par la fauche ou le pâturage ;
– la mégaphorbiaie marécageuse occupe des stations humides à très humides mais à bon recyclage des éléments nutritifs et sur des sols naturellement fertiles à très fertiles ; contrairement aux prairies, elle ne fait pas l’objet d’une exploitation et se présente souvent comme un stade transitoire de retour vers la forêt humide potentielle si l’abandon se poursuit ;
– la moliniaie se développe sur des sols présentant une nappe fluctuant à faible profondeur : l’oxygénation peut y être déficiente pendant une partie de l’année, le recyclage de la matière organique mauvais, celle-ci tendant alors à s’accumuler pour constituer un sol para-tourbeux ou franchement tourbeux. La disponibilité en nutriments pour les végétaux y est réduite et les conditions sont oligotrophes à mésotrophes : il s’agit de prairies maigres.
Caractéristiques biologiques
Les prairies humides eutrophes sont caractérisées par un mélange varié de monocotylédones (surtout des graminées) et de dicotylédones, tout l’art de l’amélioration agricole visant à aboutir à une composition favorisant les espèces à haute valeur nutritive (graminées, légumineuses) au détriment des autres plantes considérées comme « médiocres fourragères » ; en cas d’exploitation peu intensive (encore observable dans certains grands marais arrière-littoraux ou certaines vallées alluviales subissant des inondations régulières) et/ou très ancienne, la diversité floristique peut être élevée : des plantes aux floraisons variées attirent une grande diversité d’insectes phytophages (syrphidés, orthoptères, lépidoptères) qui servent eux-mêmes de proies à des guildes variées de prédateurs (libellules, oiseaux, micro mammifères). Les prairies eutrophes sont entièrement sous la dépendance de l’Homme qui les a créées au fil des siècles à partir d’un stock d’espèces de lisières ou de clairières forestières humides ; en cas d’abandon de l’exploitation, elles sont rapidement envahies par des arbustes ou des arbres pionniers (frênes surtout) de la forêt potentielle.
La mégaphorbiaie marécageuse est une formation végétale haute dominée par des dicotylédones en principe richement fleuries (salicaire, valériane, filipendule, pigamon, épiaire) ; l’ombre portée au sol par leur appareil végétatif volumineux ainsi que l’accumulation de litière fait que les espèces à structure basse et les graminées y sont rares ou absentes. Contrairement aux prairies où la fécondation est mixte – anémogame/entomogame – celle de la mégaphorbiaie est surtout entomogame, les corolles richement colorées des espèces constitutives attirant de nombreux insectes pollinisateurs. Dans une région de plaines comme le Poitou-Charentes, l’habitat est très local et sa présence étroitement liée aux activités humaines (coupe en forêt alluviale, abandon d’une prairie humide), alors qu’en zones de montagne, les mégaphorbiaies occupent de vastes surfaces et connaissent un fonctionnement plus naturel.
La moliniaie est une formation plus homogène, généralement dominée par des monocotylédones (Graminées et Joncacées) où la Molinie occupe en principe la place dominante. Selon la nature des sols, basiques ou acides, les moliniaies régionales se répartissent en 2 pôles, représentés par des végétations distinctes. Dans le pôle acide, le Jonc acutiflore (Juncus acutiflorus) occupe parfois la place dominante au point que l’on devrait alors plutôt parler de « jonçaies ». Dans certains sites riches ou bien conservés, la moliniaie jouxte parfois un bas-marais, alcalin ou acide où, par rapport à celle-ci, les périodes d’assec et l’amplitude de battement de la nappe sont encore plus restreints, réduisant d’autant la disponibilité en nutriments et favorisant alors une végétation encore plus spécialisée, de structure plus basse et dominée par des Cypéracées.
Par son caractère naturellement oligotrophe, la moliniaie est un habitat d’une grande fragilité, très exposé à toute altération du sol et de la nappe qui l’imbibe, d’autant plus que la majorité de ses stations régionales sont aujourd’hui très ponctuelles et subissent inévitablement l’influence négative des terrains contigus.
Espèces caractéristiques
Crex crex, Lanius collurio, Motacilla flava, Saxicola rubetra, Vanellus vanellus | |
Carterocephalus palaemon, Coenonympha oedippus, Cyaniris semiargus, Euphydryas aurinia, Lycaena dispar, Maculinea alcon, Maculinea telejus | |
Chorthippus albomarginatus, Chorthippus dorsatus, Conocephalus dorsalis, Mecostethus parapleurus, Ruspolia nitidula Stethophyma grossum, Tetrix ceperoi | |
Calliergonella cuspidata, Brachythecium mildeanum, Bryum pseudotriquetrum, Drepanocladus aduncus, Eurhynchium hians |
Classification
Prairie humide atlantique eutrophe
- Prairies humides atlantiques et sub-atlantiques CALTHION, BROMION RACEMOSI, DESCHAMPSION COESPITOSAE
- Prairies humides de transition à hautes herbes CALTHION
- Prairies à Jonc acutiflore JUNCION ACUTIFLORI
- Prairies à Agropyre et Rumex AGROPYRON-RUMICION CRISPI pp.
- Prairies humides améliorées (pâturage intensif humides, souvent drainés)
- Peuplements de Reine des prés et communautés associées FILIPENDULION ULMARIAE
- Prairies à Molinie et communautés associées MOLINION CAERULAE
- Prairies à Juncus squarrosus et pelouses humides à Nardus JUNCION SQUARROSI
Prairie humide méditerranéenne à Scirpe en boule
- Prairies humides méditerranéennes à grandes herbes MOLINIO-HOLOSCHOENION
Certaines prairies humides gérées extensivement depuis de longues périodes abritent encore de remarquables populations d’orchidées : ici (au premier plan) l’Orchis incarnat (Dactylorhiza incarnata), en très forte raréfaction dans tout le Poitou-Charentes, et l’Orchis à fleurs lâches (Orchis laxiflora) (à g. au 2ème plan) dans une vieille prairie alluviale de la moyenne vallée de la Charente entre Bords et St Savinien (17) |
Le Demi-argus (Cyaniris semi-argus) est un habitant assez fréquent des prairies fraîches ou humides. Ses plantes-hôtes sont diverses espèces de trèfles, notamment le Trèfle des prés (Trifolium pratense) |
Le Jonc à fleurs aiguës (Juncus acutiflorus) caractérise souvent les moliniaies acidophiles |