Rédacteur : Jean Terrisse
Physionomie-structure
Les pelouses et prés maigres sont des habitats herbacés bas et peu productifs, par opposition aux prairies, plus hautes et à biomasse plus élevée. Elles se développent sur des sols superficiels ou peu profonds, secs à très secs, pauvres en nutriments, riches en calcaire ou non selon les sous-types. Le recouvrement au sol est souvent lacunaire (pelouse « écorchée ») et il n’y a pas de stratification verticale claire.
Dans la région Poitou-Charentes, à l’agriculture intensive très développée, leur localisation dans le paysage est souvent évidente : elles occupent généralement des espaces impropres aux – ou abandonnés par les – activités agricoles pour des raisons topographiques ou pédologiques : pentes trop raides, sols trop secs ou trop pierreux, présence de dalles rocheuses etc. La végétation y forme alors des plages colorées hétérogènes d’un vert grisâtre qui contrastent avec le vert vif et uniforme des cultures intensives mitoyennes.
Caractéristiques biologiques
Selon les sous-types, le spectre biologique de l’habitat est très varié :
- dominance des thérophytes dans les pelouses à annuelles ; ces faciès se développent dans des stations au sol extrêmement superficiel, peu évolué et marqué par une sécheresse intense dès la fin du printemps ; de ce fait, la phénologie est plutôt vernale, la plupart des thérophytes constitutifs ayant bouclé leur développement fin mai ou début juin ;
- dominance des hémicryptophytes dans les pelouses calcicoles mésophiles et les pelouses vivaces calcifuges : le sol plus profond et plus riche en nutriments permet la survie, moyennant certaines adaptations particulières, des végétaux à la sécheresse estivale et leur permet de développer un appareil végétatif plus volumineux ; la phénologie est ici plutôt pré-estivale (optimum en juin-juillet) ;
- co-dominance des chaméphytes et des hémicryptophytes dans les pelouses calcicoles xérophiles, annonçant la structure des garrigues méditerranéennes ; l’optimum phénologique est estival à tardi-estival (quelques espèces fleurissant encore en septembre).
Le cortège floristique régional de ce groupe d’habitats est un des plus riches de tout le Poitou-Charentes : une de ses caractéristiques majeures est la pénétration d’un fort contingent d’espèces originaires du pourtour du bassin méditerranéen ou de ses montagnes et qui trouvent en région centre-atlantique leur limite de répartition absolue vers le nord ; ce contingent, majoritaire, est doublé d’un autre cortège, plus discret dans notre région atlantique, d’espèces steppiques, en provenance d’Asie ou d’Europe orientale selon un flux est-ouest.
Les pelouses maigres, tant calcicoles que calcifuges, s’insèrent dans une série dynamique dont le schéma classique est le suivant : dalles rocheuses à mousses et lichens et végétation crassulescente (Sedum) → pelouse à annuelles → pelouse vivace → fourrés/landes → forêt ; dans les sites de surface importante (c’est-à-dire > 10 ha dans la région), plusieurs de ces stades dynamiques peuvent être simultanément présents et s’organiser en mosaïques qui contribuent beaucoup à leur diversité écosystémique et floristique.
Par ailleurs, la plupart des pelouses maigres régionales sont d’origine secondaire : elles doivent leur existence à des activités humaines plus ou moins anciennes – pâturage et incendies surtout – qui ont permis le blocage de l’évolution progressive au stade pelouse. Ce caractère anthropique est responsable en retour de la grande instabilité de ce groupe d’habitats qui, dès que les influences humaines cessent (arrêt du pâturage notamment), reprennent leur dynamique d’accumulation de biomasse et de précipitation vers des végétations pré-forestières, d’un intérêt biologique en général bien moindre.
Du point de vue de la conservation de la biodiversité au niveau régional, les pelouses maigres représentent un enjeu majeur en raison à la fois de leur très grande richesse spécifique (aussi bien pour la flore que pour la faune), de leur caractère très relictuel et des menaces très fortes qui pèsent sur leur avenir.
Espèces caractéristiques
Empusa pennata, Libelloides sp.pl., Mantis religiosa, | |
Colias alfacariensis, Lysandra bellargus | |
Calliptamus sp.pl., Gryllus campestris, Oedipoda sp.pl., |
Classification
Pelouses calcicoles dominées par des annuelles
TRACHYNION DISTACHYAE
Pelouses calcicoles mésophiles
MESOBROMION ERECTI
Pelouses calcicoles xérophiles
XEROBROMION ERECTI
Pelouses calcifuges dominées par des annuelles
THERO-AIRION, HELIANTHEMION GUTTATI
Pelouses calcifuges dominées par des vivaces
GALIO-FESTUCION FILIFORMIS, AGROSTION CURTISII
Pelouse xérophile localement dominée par les chaméphytes : faciès à Armoise camphrée (Artemisia alba) de la pelouse à Crapaudine de Guillon et Koelérie du Valais (chaumes de Clérignac – 16) |
L’incendie de la pelouse n’est pas qu’un accident mais peut également servir d’outil de gestion : repousses de Spirée d’Espagne (Spiraea obovata) 5 mois après le passage du feu (chaumes de Sèchebec – 17) |
Le Pipit des arbres (Anthus trivialis) fait son nid au sol, caché parmi les graminées vivaces de la pelouse |
L’Araignée cinabre (Eresus niger), aux allures exotiques, est un hôte rare de certaines pelouses sèches de la région |