Rédacteur : Guy Chezeau
Physionomie – écologie
Il y a là toute une série d’habitats présentant un ensemble de caractéristiques communes. Ce sont des habitats littoraux, sur substrat meuble de sables coquilliers de formation récente (quelques milliers d’années pour les plus anciens), modelés par le vent et plus ou moins stabilisés.
Plusieurs facteurs permettent cependant de les différencier. L’influence de la mer, des apports de sel et du vent, diminue au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la plage en même temps que la stabilité du substrat augmente. On peut passer ainsi rapidement de conditions d’aridité extrême à des milieux franchement hydromorphes.
Les types de végétations qui se succèdent selon des bandes plus ou moins parallèles au rivage vont des annuelles pionnières (haut de plage) aux boisements plus ou moins âgés (arrière-dune boisée, objet d’une fiche spécifique : « Forêts de Pin maritime »), en passant par des milieux où dominent les cryptogames, lichens et mousses. Il en résulte des adaptations spécifiques causes d’une endémicité relativement importante. L’influence de l’homme sur ces habitats pour avoir été assez tardive n’en est pas moins grandissante depuis plus d’un siècle.
Immédiatement au contact supérieur des laisses de haute mer apparaît un habitat linéaire assez instable et par conséquent plus ou moins développé au sein duquel dominent des populations parfois denses de Chiendent à feuilles de jonc Elymus farctus, c’est la dune embryonnaire. Localement, le Pourpier de mer Honckenia peploides peut être abondant. L’apparition de l’Oyat des sables Ammophila arenaria, celle de l’Euphorbe des dunes Euphorbia paralias et celle du Panicaut des dunes Eryngium maritimum permettent de définir la dune blanche. Ces deux premiers habitats sont regroupés sous l’appellation générique de « dunes mobiles » (COR 16.21).
L’halonitrophilie y est très variable, le recouvrement au sol toujours faible de l’ordre de 20 à 30%, la végétation dominée par des espèces vivaces, géophytes à rhizomes et hémicryptophytes. Les adaptations assurent une grande résistance au vent et à la forte mobilité du substrat en même temps qu’à l’aridité résultant de l’extrême perméabilité de la dune. On observe ainsi le très grand développement d’un double système racinaire (horizontal et vertical). Plusieurs espèces patrimoniales trouvent ici leur développement optimum, la Linaire à feuilles de thym, Linaria thymifolia, la Silène de Thore, Silene thorei ainsi que l’Armoise de Lloyd, Artemisia Lloydii ou encore l’Œillet de France, Dianthus gallicus.
À l’arrière, apparaissent des végétations pelousaires pérennes à mousses et lichens ou à dominante de phanérogames annuelles et vivaces selon les synusies saisonnières. L’ensemble prend un aspect qui lui a fait donner le nom générique de « dune grise ou dune fixée » (COR 16.22). Sur le littoral de la Charente Maritime on y distingue deux habitats, tous les deux considérés comme prioritaires par la Directive européenne des Habitats : les dunes grises des côtes atlantiques et les pelouses annuelles arrière dunaires. Les végétaux appartiennent à une seule strate basse au sein de laquelle dominent les chaméphytes associés à diverses herbacées. La présence des mousses et des lichens formant un tapis dense est susceptible d’entraîner un recouvrement important (jusqu’à 100%). Si la quantité d’eau disponible peut être suffisante durant les mois humides assurant par-là même le développement de nombreuses plantes annuelles qui germent avant l’hiver, fleurissent et fructifient au printemps suivant, l’aridité est extrême durant les mois d’été. Les lichens du genre Cladonia réduisent leur métabolisme,les graminées (Koeleria, Corynephorus…) cherchent à recueillir la moindre humidité en enroulant leurs feuilles en forme de gouttière, d’autres espèces comme l’Immortelle des sables Helichrysum stoechas limitent leur évapotranspiration foliaire, d’autres enfin (Sedum) ont accumulé lors de la saison des pluies l’eau dont elles ont besoin. Une espèce patrimoniale trouve ici son développement optimum, le Cynoglosse des dunes, Omphalodes littoralis.
À la lisière de la dune boisée, il est possible parfois d’observer une végétation arbustive moyenne à haute, formant une broussaille impénétrable ou un fourré dense au sein duquel deux espèces sont dominantes : le Troëne Ligustrum vulgare et le garou ou sain bois Daphne gnidium, il s’agit d’un habitat équivalent aux broussailles à Argousier (Hippophae rhamnoides) et Troëne des côtes de la Manche et de la mer du nord, ici dans une variante thermophile. Ces dunes avec fourrés et bosquets (COR 16.25) se rencontrent sur l’ile d’Oléron, ailleurs cet habitat est très fragmentaire.
Phytosociologie et correspondance typologiques
PVF 2004
Euphorbio paraliae-Ammophiletea australis Gehu & Géhu-Franck 1988 : dunes mobiles
Ammophiletalia australis Br.Bl.
Ammophilion arenariae Géhu 1988
EUPHORBIO PARALIAE-AGROPYRETUM JUNCEI
EUPHORBIO PARALIAE-AMMOPHILETUM ARENARIAE
SILENO THOREI-AMMOPHILETUM ARENARIAE
FESTUCO DUMETORUM-GALIETUM ARENARII
Koelerio glaucae-Corynephoretea canescentis Klika & Novak 1941 : dunes fixées
Artemisio lloydii-Koelerietalia albescentis Sissingh 1974
Euphorbio portlandicae-Helichrysion staechadis Géhu & Tüxen ex Sissingh 1974
ARTEMISIO LLOYDII-HELICHRYSETUM STAECHADIS
Thero-Airion Tüxen ex Oberdorfer 1957
Crataego monogynae-Prunetea spinosae Tüxen 1962
DAPHNO GNIDII-LIGUSTRETUM VULGARIS
COR 1991
16.21 Dunes mobiles
16.22 Dunes fixées
16.25 Dunes avec, fourrés, bosquets
Directive Habitats 1992
2110 Dunes mobiles embryonnaires
2120 Dunes mobiles du cordon littoral à Ammophila arenaria (dunes blanches)
2130 Dunes côtières fixées à végétation herbacée (dunes grises)
2130-2 Dunes grises des côtes atlantiques
2130-5 Pelouses rases annuelles arrière-dunaires
Confusions possibles
Excepté dans les secteurs fortement dégradés ou à évolution rapide, les systèmes dunaires sont assez facilement identifiables, néanmoins il est parfois difficile de fixer précisément les limites des habitats entre eux. Les cordons dunaires fossiles en situation côtière interne (=non strictement littoraux) peuvent parfois poser problème car le modelé est en général très atténué et la végétation de type prairial mésophile se trouve en continuité aves les systèmes prairiaux alentour.
Par ailleurs, au niveau de la dune fixée peuvent exister des risques de confusion des dunes grises des côtes atlantiques avec celles de la Mer du Nord et de la Manche qui appartiennent à d’autres groupements.
Dynamique
Les milieux dunaires sont soumis à une dynamique naturelle parfois très intense entraînant ici une sédimentation, ailleurs une érosion. De fait cette intensité varie beaucoup d’un secteur à l’autre et peut varier également au cours du temps, d’autant que l’homme cherche souvent à intervenir essentiellement dans la recherche d’une stabilisation de la dynamique sédimentaire (gestionnaire : l’ONF).
Espèces indicatrices
[plante2] | Aetheorhiza bulbosa, Ammophila arenaria, Arenaria serpyllifolia ssp.macrocarpa, Artemisia campestris ssp.maritima var.lloydii, *Asparagus officinalis ssp. prostratus,*Avellinia michelii, Calystegia soldanella, Carex arenaria, Centaurea aspera, Clematis flammula, Corynephorus canescens, *Crepis suffreniana, *Dianthus gallicus, Elymus farctus, Ephedra distachya, Erodium lebelii, Eryngium maritimum, Euphorbia paralias, Euphorbia portlandica, Festuca juncifolia, *Galium arenarium, *Galium neglectum, Helichrysum stoechas, Herniaria ciliolata, Honckenia peploides, Koeleria albescens, *Linaria arenaria, *Linaria thymifolia, Matthiola sinuata, *Medicago marina, *Omphalodes littoralis, Ononis repens var.maritima, *Pancratium maritimum, Phleum arenarium, Senecio vulgaris fo.littoralis, *Silene vulgaris ssp. thorei, Viola kitaibeliana |
[plante1] | Aira praecox, Arenaria leptoclados, *Asterolinon linum-stellatum, Bupleurum baldense, *Carex liparocarpos, Cerastium diffusum, Cerastium semidecandrum, Desmazeria marina, Erodium cicutarium ssp.dunense, Lagurus ovatus, Leontodon taraxacoides, Mibora minima, Sedum acre, Stellaria pallida, Tuberaria guttata, Vulpia fasciculata, V.membranacea, *V.ciliata ssp ambigua |
[briophytes] | Rhynchostegium megapolitanum, Tortella flavovirens, Tortula ruraliformis |
[lichens] | Cladonia ciliata, Cladonia chlorophaea, Cladonia fimbriata, Cladonia foliacea subsp convoluta, Cladonia foliacea subsp foliacea, Cladonia furcata, Cladonia mediterranea, Cladonia portentosa, Cladonia rangiformis, Cladonia squamosa, Collema tenax, Leptogium corniculatum, Leptogium gelatinosum, Leptogium lichenoides, Peltigera canina, Peltigera rufescens |
[champignons] | Agaricus devoniensis, A. menieri, Geopora arenosa, Gyrophragmium dunalii, Gyroporus ammophilus, Inocybe psammophila, L. littoralis, Leucoagaricus idae-fragum, Morchella spongiola dunensis, Omphalina barbularum, Psathyrella ammophila, Stropharia halophila |
[amphibiens] | Pelobates cultripes |
[reptiles] | Lacerta lepida |
[oiseaux] | Anthus campestris, Charadrius alexandrinus |
[coleopteres] | Ammophila hirsuta, Ammophila sabulosa, Harpalus melancholicus, Pelor inflatus, Phylan gibbus, Polyphylla fulo, Tentyria curculionides, Xanthomus pallidus |
[arachnides] | Arctosa perita |
[mollusques] | Cochlicella acuta, Cochlicella barbara, Theba pisana |
[orthopteres] | Calephorus compressicornis, Dociostaurus jagoi, Platycleis affini, Sphingonotus caerulescens |
Valeur biologique
L’ensemble de ces habitats possède un intérêt patrimonial majeur lié à la présence de nombreuses espèces végétales protégées au niveau national et régional, ou inscrites au Livre Rouge de la Flore Menacée de France : Œillet de France Dianthus gallicus, Cynoglosse des dunes Omphalodes littoralis (inscrit à l’Annexe II de la Directive Habitats), Lis des sables Pancratium maritimum, Linaire à feuilles de thym Linaria thymifolia, parmi d’autres.
Menaces
La surfréquentation estivale avec ses corollaires – piétinement de la dune, prélèvements et rudéralisation du milieu – constitue sans doute actuellement la principale menace ; il faut y ajouter la pratique de sports mécaniques (moto verte, quad, 4×4 …), celle du VTT ou des randonnées pédestre ou équestre, toutes en plein développement et dont la première au moins se déroule en totale infraction avec la loi. Des aménagements lourds : infrastructures routières, parkings, urbanisation peuvent être responsables de la disparition définitive du milieu.
Statut régional
Cet habitat strictement limité au littoral de la Charente Maritime a été intégré dans sa majorité aux inventaires ZNIEFF et Natura 2000.
Sites remarquables ou représentatifs
17 : baie de Bonne Anse, dunes de la forêt de la Coubre, côtes ouest et est de l’île d’Oléron, côte ouest de l’île de Ré