Rédacteur : David Suarez
Physionomie-écologie
Les sites industriels, comme les autres habitats anthropiques, ne sont pas à proprement parler des milieux naturels. Ce sont des espaces construits et modelés par l’homme, en activité ou anciens. Cette fiche regroupe l’ensemble des zones d’activité industrielle, et leur physionomie est très variable :
- Site industriels en activité, serres et constructions agricoles : ce sont des zones artificielles, composées de bâtiments, de surfaces goudronnées et de pelouses d’agrément souvent bien tondues. L’entretien régulier de l’ensemble et les nuisances engendrées (bruit, pollution, sur fréquentation…) ne favorisent pas la biodiversité.
- Sites industriels anciens, terrils, crassiers et autres tas de détritus : ce sont les mêmes zones, mais après abandon de l’activité industrielle. La nature y reprend progressivement ses droits, avec le développement de la végétation rudérale des friches herbacées annuelles, bisannuelles et vivaces dans un premier temps, puis de fourrés à ronces et prunelliers et enfin d’une ormaie rudérale.
- Carrières : la région Poitou-Charentes présente des richesses géologiques exploitées depuis longtemps : calcaires durs et tendres, marnes, argiles, sables, granit et roches métamorphiques… De nombreuses carrières à ciel ouvert, en activité ou anciennes, ponctuent le paysage de la région. Leur physionomie est variable, en fonction du substrat exploité et de l’ancienneté de l’activité d’extraction (falaises, étangs et zones humides, grandes étendues caillouteuses…).
D’une façon générale, la mise à nu du substrat permet le développement, après exploitation, des stades pionniers de la végétation, secs sur les terrains filtrants (calcaire, sables) et humides en fond d’excavation sur les terrains étanches (granit, marnes, argiles), suivis de tous les stades de développement, jusqu’au boisement final. On peut donc y observer une grande variabilité des habitats, liée à la nature de la roche, au degré d’humidité et aux conditions microclimatiques (exposition). Certains sites anciens présentent une diversité biologique remarquable.
- Voies de chemin de fer, gares de triage et autres espaces ouverts : comme les sites industriels en activité, ce sont des espaces entretenus qui laissent peu de place au développement de la biodiversité. On notera toutefois que les talus des voies de chemin de fer et des grands axes routiers, le plus souvent occupés par une végétation de type friche rudérale, servent de couloir d’extension pour des plantes exogènes, comme le Séneçon du Cap (Senecio inaequidens), les euphorbes prostrées du gr. (Euphorbia maculata), le Sporobole de l’Inde (Sporobolus indicus)…
- Sites archéologiques : peu abondants et de faible superficie en Poitou-Charentes, ils sont le plus souvent occupés par des habitats naturels. La réalisation de fouilles permet la remise à nu du substrat et donc une recolonisation par une végétation pionnière, comme c’est le cas pour les carrières.
Phytosociologie et correspondances typologiques
PVF 2004
Nc
COR 1991
- 86.3 Sites industriels en activité
- 86.4 Sites industriels anciens
- 86.41 Carrières
- 86.42 Terrils, crassiers et autres tas de détritus
- 86.43 Voies de chemin de fer, gares de triage et autres espaces ouverts
- 86.5 Serres et constructions agricoles
- 86.6 Sites archéologiques.
Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats
Nc
Confusions possibles
Cet ensemble d’habitats strictement issus de l’exploitation industrielle et agricole ne peut pas être confondu.
Attention toutefois, les sites anciens (carrières, sites archéologiques…) sont le plus souvent colonisés par des types de végétations qui trouvent ici des conditions similaires à celles dont elles disposent dans le milieu naturel : végétation aquatique et rivulaire des étangs créés par l’exploitation d’argile, de marne, de sable ou de gravier ; pelouses rupicoles calcaires ou siliceuses sur les rebords des falaises rocheuses, en fonction de la roche extraite ; friches, landes, fourrés et bois dans le fond des carrières… parmi ces habitats, certains présentent un fort intérêt patrimonial.
Les milieux souterrains artificiels sont décrits en compagnie des cavités naturelles dans la fiche « Grottes et carrières souterraines ».
Dynamique
Cette fiche regroupe différents habitats anthropiques ou d’origine anthropique très différents qui possèdent chacun leur dynamique propre : dans le cas des carrières en exploitation, des sites industriels en activité, des espaces ferroviaires et des serres et constructions agricoles, la dynamique d’évolution est nulle puisque l’entretien des sites est permanent.
Concernant les sites industriels anciens, les terrils, crassiers et autres tas de détritus, la végétation reprend lentement ses droits sous forme de friches rudérales plus ou moins nitrophiles dans un premier temps, puis de ronciers et de fourrés à prunelliers et buddleias aboutissant à une « ormaie rudérale », pendant que le lierre colonise les murs des bâtiments qu’il finira par détruire, aidé par le temps, les conditions climatiques et parfois le vandalisme.
Pour les anciennes carrières, la dynamique est très variable et dépend du type de substrat exploité et donc mis à nu, et de la façon dont la réhabilitation du site après exploitation a été réalisée, si elle a eu lieu. Seuls les fronts de taille, véritables falaises artificielles, ne peuvent être colonisés que par la végétation des parois rocheuses calcaires ou siliceuses.
Espèces indicatrices
Buddleja davidii | |
Hedera helix, Prunus spinosa, Rubus sect. fruticosus, Ulmus minor | |
Brachythecium albicans, Bryum argenteum, Calliergonella cuspidata, Ceratodon purpureus, Hypnum cupressiforme, Pleurochatae squarrosa, Tortula ruralis | |
Eliomys quercinus, Mus musculus, Oryctolagus cuniculus, Rattus norvegicus | |
Anthus campestris, Bubo bubo, Charadrius dubius, Corvus monedula, Falco peregrinus, Falco tinnunculus, Galerida cristata, Merops apiaster, Motacilla alba, Oenanthe oenanthe, Pica pica, Riparia riparia, Tichodroma muralis (hiver), Upupa epops | |
Podarcis muralis | |
Alytes obstetricans, Bombina variegata, Bufo calamita |
Valeur biologique
La valeur biologique des espaces liés à l’activité industrielle humaine est extrêmement variable : sur les sites en activité, elle est quasiment nulle, sauf dans des cas particuliers comme par exemple les décharges à ciel ouvert qui attirent un grand nombre d’oiseaux charognards comme le Milan noir (Milvus migrans), la Cigogne blanche (Ciconia ciconia) ou le Goéland argenté (Larus argentatus).
Les sites anciens et surtout les carrières peuvent par contre abriter une biodiversité remarquable : les fronts de taille abrupts des exploitations de calcaire ou de granit du Poitou-Charentes accueillent le Faucon pèlerin (Falco peregrinus), le Grand duc (Bubo bubo), et le Tichodrome échelette (Tichodroma muralis) peut y être observé en hiver ; les fonds plats et caillouteux de ces excavations sont utilisés par le Petit gravelot (Charadrius dubius) pour sa nidification, puis par le Pipit rousseline (Anthus campestris) lorsque une végétation pionnière basse s’y installe ; le Crapaud calamite (Bufo calamita) pond fréquemment ses œufs dans les mares et flaques temporaires issues des pluies printanières, souvent accompagné par l’Alyte accoucheur (Alytes obstetricans), qui affectionne les espaces pierreux…
Les autres carrières, et notamment les exploitations de sable, de marne et d’argile, peuvent également constituer un habitat de substitution pour de nombreuses espèces rares : les fronts de taille meubles sont parfois utilisés par le Guêpier d’Europe (Merops apiaster) ou l’Hirondelle de rivage (Riparia riparia), qui y creusent leurs nids et forment des colonies importantes sur les sites les plus favorables ; les étangs et zones humides qui ont remplacé les excavations peuvent être occupés par une flore et une faune remarquable équivalente, sur les sites les plus riches, à celle que l’on observe sur des milieux naturels… La façon dont est menée la remise en état des carrières après exploitation conditionne souvent la recolonisation naturelle à venir, et des expériences menées en partenariat avec des carriers, comme par exemple à Touvérac en Charente, ont donné des résultats très probants.
Bien sûr, les sites qui accueillent les espèces citées précédemment sont rares, et la plupart restent des zones rudérales banales, envahies de ronces et de lapins, mais qui peuvent s’avérer l’ultime refuge de la biodiversité « ordinaire » dans les espaces urbains.
Menaces
Les sites industriels en activité ne sont bien entendu pas des milieux menacés, ils constituent plutôt une menace pour la biodiversité : leur implantation peut détruire des sites remarquables et leur activité peut produire des nuisances diverses (bruit, pollution, odeurs…) ; les voies de communication fragmentent le territoire, induisent des collisions avec les animaux sauvages et peuvent servir à l’extension de plantes invasives comme le (Buddleia Buddleja sp.) ou le Séneçon du Cap (Senecio inaequidens)…
Seuls les sites anciens (carrières surtout) qui ont été colonisés par des habitats et des espèces remarquables subissent des menaces nombreuses : dépôts de déchets, loisirs motorisés (tout-terrain et nautiques), sur fréquentation de certains sites attractifs, projets d’extension des exploitations…
Statut régional
Habitat présent dans les 4 départements.