Prospection des ouvrages d’art

Les ouvrages d’art, et en particulier les ponts de toutes tailles enjambant des cours d’eau, sont connus pour héberger des chauves-souris à différentes périodes de l’année. Depuis les travaux de ROLANDEZ et PONT (1986), où plus de 500 ponts de la région Rhône-Alpes ont été inventoriés, puis ceux de MALAFOSSE (1987) et CHAMARAT (1987, 1991,1993) pour le Limousin, jusqu’à la récente publication de LEMAIRE et ARTHUR (1999), où ce sont plus de 1700 ouvrages du Cher qui ont été épluchés, les connaissances sur l’utilisation des ponts français par les chiroptères ont largement progressé ces dernières années.

Si la typologie de ces ouvrages est très variable d’une région à l’autre, on connaît assez bien aujourd’hui quelles sont les structures qui sont les plus recherchées par les chiroptères, et quelles sont les espèces les plus fréquemment rencontrées aux différentes saisons. Toutes les études montrent que les ponts sont des sites fréquentés principalement en période de transit par de petits effectifs appartenant à une grande diversité d’espèces, mais qu’ils peuvent aussi être utilisés en période de reproduction par quelques espèces (Murin de Daubenton, Murin de Natterer), et plus rarement en hiver s’ils ont de grandes cavités (caissons des ponts en béton). La prospection de ces structures a toujours un apport significatif dans l’évaluation des populations locales de chiroptères ; ainsi, pour le Cher, ARTHUR et LEMAIRE signalent que plus de 10% de la population de ce département a été découverte sous les ponts.

En Poitou-Charentes, la prospection des ponts n’a été entreprise que très récemment (1995). La carte régionale montre que ce type de prospection a été conduit de façon très modeste puisque moins de 15% des mailles ont été visitées dans ce sens. D’autre part, cette prospection a été très irrégulière selon les départements, 85% des mailles visitées se situant dans les deux départements du Nord (Deux-Sèvres et Vienne). Ceci ne reflète en rien la disponibilité de ce type d’ouvrages, présents partout, mais bien une sous-utilisation de cette approche à l’échelle régionale et plus particulièrement dans les Charentes. Pour les deux départements ayant mis en œuvre cette méthode, la stratégie a différé assez nettement : dans la Vienne, 35 ponts ont été visités sur 22 mailles, tandis qu’en Deux-Sèvres, 108 ouvrages l’ont été sur 27 mailles. Ceci reflète une approche « par maille » dans le premier cas, avec sans doute un choix des ouvrages les plus favorables sur une maille donnée, tandis qu’une approche plus systématique a été conduite dans les Deux-Sèvres, sur la base du réseau hydrographique.

Des taux d’occupation élevés à très élevés ont été notés, avec 42% de ponts occupés dans la Vienne et 69% en Deux-Sèvres, ce qui est très au-dessus des chiffres publiés pour les autres départements (7-54%). Même des dalots d’un mètre de haut servant à l’écoulement des eaux des fossés sous les chaussées peuvent héberger un ou plusieurs animaux. En diversité, ce sont respectivement 5 et 11 espèces qui ont été rencontrées dans ces deux départements, avec une nette dominance du Murin de Daubenton dans les deux cas (61 et 68% des ponts occupés). On retrouve aussi, comme dans les autres études, la présence régulière du Murin de Natterer (15 et 21% des ponts occupés). Dans la grande majorité des cas (76% en Deux-Sèvres), une seule espèce est présente, mais jusqu’à 4 ont été rencontrées ensemble. La reproduction dans des ponts n’a été prouvée pour l’instant que pour le Murin de Daubenton, espèce régulièrement rencontrée dans les sites d’hibernation mais dont les colonies sont rarement découvertes. La prospection des ponts est donc particulièrement utile pour évaluer les populations reproductrices de cette espèce.

Au cours de la période de référence, au moins un site, parmi les rares ayant été visités plusieurs fois, a été détruit par des travaux de réfection (rejointage). Ces interventions, ainsi que la tendance actuelle à remplacer les anciennes constructions de pierre par des structures bétonnées, sont les principales menaces identifiées qui pèsent actuellement sur ces ouvrages. Comme dans d’autres départements, une concertation avec les services de l’équipement ou les communes, chargés de leur entretien, permettrait sans doute une meilleure préservation de leurs capacités d’accueil pour de nombreuses espèces.

CV.