Les espèces découvertes au cours de l’inventaire et espèces à rechercher

L’augmentation considérable des prospections durant les cinq années de l’inventaire régional, l’implication de nombreux naturalistes et l’élargissement quasi-exhaustif de la pression d’observation à l’ensemble du territoire régional ont permis, en même temps que la récolte de très nombreuses données, la découverte de nouvelles espèces dans chacun des quatre départements. Parfois ces espèces étaient observées pour la première fois dans la région Poitou-Charentes. A l’inverse, certains taxons cités dans la littérature du siècle précédent n’ont pas été retrouvés lors de l’inventaire et quelques espèces observées dans les départements limitrophes au Poitou-Charentes n’ont jamais été contactées.

Espèces découvertes et redécouvertes

En 2001, lorsque a débuté l’inventaire régional des libellules, les quatre départements ont dressé la liste des espèces recensées depuis vingt ans sur leur territoire. L’inventaire de l’odonatofaune régionale ainsi obtenu comptait 64 espèces. Les milliers d’heures passées sur le terrain durant les cinq années d’inventaire ont permis de trouver quatre nouvelles espèces, uniquement des anisoptères qui sont venues étoffer la richesse odonatologique du Poitou-Charentes :

  • la Cordulie splendide Macromia splendens (Pictet, 1843), observée le 25 juin 2004 en Charente-Maritime sur la commune de La Barde, puis en Charente le 13 juillet 2004 sur la commune de Bazac. (p. 154)
  • le Sympétrum jaune Sympetrum flaveolum (Linné, 1758), trouvé le 20 août 2005 en Charente-Maritime sur la commune de Corignac, puis en Deux-Sèvres le 15 août 2006 sur la commune de La Petite-Boissière. (p. 190)

Parmi ces quatre espèces, deux sont en fait des redécouvertes. En effet, Macromia splendens et Sympetrum flaveolum avaient déjà fait l’objet de mentions dans la région dans des publications anciennes et du tout début du XXe siècle. La Cordulie splendide avait été observée dans les environs de Jarnac en Charente par Delamain dans les années 1860 (Delamain 1868, Gelin, 1908). Quant au Sympétrum jaune, Beltrémieux le cite comme Libellula flaveola en Charente-Maritime en 1884, puis Gelin en 1908, mentionne Diplax flaveola en Charente-Maritime et en Deux-Sèvres. En 1961 dans leur guide naturaliste, Harant et Jarry évoquent la présence de M. splendens sur la Charente à Jarnac et à Angoulême mais ils ne la situent pas dans le temps. Aucune autre publication, à notre connaissance n’a fait état d’observations précises de ces espèces en Poitou-Charentes. Elles étaient donc considérées comme disparues dans la région. Il faut aussi noter que les preuves d’autochtonie en Poitou-Charentes n’existent pour l’instant que pour les seules M. splendens et E. bimaculata.

L’inventaire régional a également été l’occasion d’enrichir les connaissances sur le patrimoine odonatologique de chaque département. Le tableau suivant énumère les espèces découvertes dans chaque département. Les astérisques signifient qu’il s’agit d’une redécouverte puisque les dernières mentions publiées datent de 1868 (Delamain) pour M. splendens en Charente et de 1920 (Lacroix) pour Gomphus graslinii en Deux-Sèvres. Les noms en gras correspondent aux espèces pour lesquelles la reproduction est prouvée en Poitou-Charentes.

Charente Charente-Maritime
Epitheca bimaculata (2004) Macromia splendens (2004)
Macromia splendens* (2004) Trithemis annulata (2005)
Sypetrum flaveolum (2005)
Deux-Sèvres Vienne
Calopteryx haemorrhoidalis (2004) Epitheca bimaculata (2001)
Sympetrum danae (2005)
Anax parthenope (2003)
Anax parthenope (2003)
Gomphus graslinii* (2003)

Espèces à rechercher car mentionnées dans la littérature du XXe siècle

Si la Cordulie splendide en Charente, le Sympétrum jaune en Charente-Maritime et le Gomphe de Graslin en Deux-Sèvres ont été retrouvés lors de l’inventaire, alors qu’on croyait que les publications dont ils avaient fait l’objet au XIXe et au tout début du XXe siècle appartenaient à une époque depuis longtemps révolue, d’autres n’ont au contraire toujours pas été recontactées. Pour ces deux espèces, une monographie allégée est présentée dans les pages suivantes :

  • La Grande Aeschne Aeshna grandis (L, 1758) citée en Charente-Maritime par Beltrémieux (1884) et en Charente et en Vienne par Martin (1907b). Observations récentes les plus proches en Haute-Vienne (87), voir monographie p. 204.
  • Le Sympétrum déprimé Sympetrum depressiusculum (Selys, 1841) dont deux individus récoltés en Charente par Martin sont présents dans une collection du MHN de Nantes (Meurgey, 2001). Observation récente la plus proche en Dordogne (24), voir monographie p. 203.
  • Le cas de l’Agrion bleuissant Coenagrion caerulescens (Fonscolombe, 1838) est particulier. Cette espèce est notée par Blanc dans un article datant de 1995. Son nom apparaît dans une liste de 11 espèces recensées sur la commune de Cravans en Charente-Maritime. Cet agrion strictement méditerranéen est très rare en France, où il n’est observé régulièrement que dans quelques départements du sud-est. Les données les plus proches du Poitou-Charentes, validées par la Sfo, proviennent du Tarn. La mention de 1995 doit donc être prise avec beaucoup de prudence. D’ailleurs, la rédaction de la revue Sympetrum qui a publié l’article s’interroge sur la validité de l’observation. En outre, Dommanget et al. en 2002, Grand et Boudot en 2006 et Dijkstra en 2006 ne prennent pas en compte cette mention dans leurs publications et ouvrages sur les odonates de France et d’Europe. Il semble donc cohérent d’exclure l’Agrion bleuissant de la faune odonatologique de la région.