Fourrés xéro-thermophiles

Rédacteur : David Suarez

Physionomie – écologie

Les fourrés xéro-thermophiles sont des formations arbustives denses qui se développent sur des substrats carbonatés ou basiques formés sur les calcaires secondaires du Jurassique et du Crétacé supérieur. Il s’agit le plus souvent de peuplements de Genévrier commun Juniperus communis, associés ou non à d’autres essences arbustives basses, dont la physionomie varie du fourré dense au voile épars, voire d’îlots parsemant les pelouses calcicoles auxquelles ils sont presque toujours associés. En fonction des conditions stationnelles, ces fourrés peuvent revêtir un caractère primaire, notamment sur les corniches rocheuses ou les fortes pentes soumises à des contraintes érosives bloquant la dynamique évolutive naturelle de cet habitat. Dans ces conditions, le Buis Buxus sempervirens remplace alors souvent le genévrier et forme des peuplements denses et monospécifiques. En dehors de ces stations particulières, il s’agit de formations secondaires instables issues de pratiques agropastorales extensives anciennes. En l’absence de pastoralisme ou de gestion mécanique permettant la régénération du genévrier et freinant le développement des jeunes arbres, la dynamique évolutive naturelle conduit à l’installation d’un boisement calcicole (chênaie pubescente, chênaie verte atlantique).

Le Genévrier est un arbuste répandu en Europe, des plaines jusqu’à l’étage subalpin, dont la hauteur peut atteindre 7 à 8 mètres et dont le port, très variable, est en rapport avec les conditions environnementales. Les sexes sont séparés et il existe des pieds mâles (plus nombreux mais à sénescence plus précoce) et des pieds femelles. La longévité moyenne est de l’ordre de 70-100 ans mais un record de 2000 ans est connu. La maturité sexuelle est tardive (vers 10 ans) et la période de fertilité optimale se situe entre 20 et 45 ans.

Le Buis est, quant à lui, un arbuste thermophile à affinités méditerranéo-montagnardes qui, après une extension importante à

la période xéro-thermique (- 4000 à – 5000 ans), n’a pu se maintenir en plaine centre-atlantique qu’à la faveur de biotopes particuliers tels que les corniches rocheuses, les sommets de falaises ou les pelouses calcicoles à sol très superficiel où sa présence a un caractère relictuel.

En Poitou-Charentes, la variabilité de l’habitat est faible puisque 3 associations végétales différentes sont présentes :

En Charente, sur les plateaux calcaires tabulaires durs du Turonien, aux environs d’Angoulême, se développe la junipéraie à Nerprun des rochers et brande Rhamno saxatilis-Ericetum scopariae , avec Rhamnus saxatilis, Rhamnus alaternus, Rosa pimpinellifolia.Ils sont ici associés aux pelouses calcicoles xérophiles du Xerobromion, et plus particulièrement à l’association du Sideritido guillonii-Koelerietum vallesianae.

En Charente, Charente-Maritime et Vienne, là aussi en association avec les pelouses calcicoles du Xerobromion sur des sols bruns calciques, se développe une association originale à tendance acidicline : la junipéraie à brande et Spirée d’Espagne Erico scopariae-Spiraetum obovati, avec Erica scoparia et Spiraea hypericifolia ssp obovata.

En Charente, aux alentours d’Angoulême sur les pentes rocheuses et les éboulis exposés au sud des plateaux calcaires durs, on observe ponctuellement la buxaie à Nerprun des rochers et buis Rhamno saxatilis-Buxetum sempervirentis, avec Buxus sempervirens et Rhamnus saxatilis .

Ces 3 associations bien caractérisées restent très rares en Poitou-Charentes. La plupart des autres stations de fourrés xéro-thermophiles de la région appartenant à l’alliance du Berberidion se présentent sous forme de junipéraies ou de buxaies monospécifiques de faible intérêt floristique par rapport aux pelouses calcicoles qu’elles accompagnent généralement.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Alliance : Berberidion vulgaris (Braun-Blanq. 1950)

Sous-alliances : Berberidenion vulgaris Géhu, De Foucault Delelis 1983, Rosenion micranthae Arlot ex Rameau

Associations : Erico scopariae-Spiraetum obovati, Rhamno saxatilis-Ericetum scopariae, Rhamno saxatilis-Buxetum sempervirentis

COR 1991

31.82 Fruticées à Buis

31.88 Fruticées à Genévriers communs

Directive Habitats 1992 et Cahiers d’habitats

5110 Formations stables xéro-thermophiles à Buxus sempervirens des pentes rocheuses

5130 Formations à Juniperus communis sur landes ou pelouses calcaires

Confusions possibles

Cet habitat peut être confondu avec d’autres fourrés. Néanmoins, la dominance du genévrier ou du buis permet généralement de le différencier des fruticées à pruneliers et troènes, sur sols plus profonds, ou de la jeune chênaie pubescente, où les genévriers, généralement âgés, se raréfient au profit des chênes omniprésents. En cas de forte présence de la Brande (Erica scoparia), le Berberidion peut également être confondu avec la lande sèche, qui se développe sur les sols acides. Dans ce cas la présence d’autres éricacées comme la Bruyère cendrée (Erica cinerea) ou la Callune (Calluna vulgaris), permet de faire aisément la différence entre ces 2 habitats.

Dynamique

Formations secondaires issues de déforestations historiques anciennes et de régimes agri-pastoraux (pacage), parfois aussi d’une reconstitution séculaire du tapis végétal après abandon des cultures, les fourrés xéro-thermophiles évoluent naturellement vers la forêt calcicole. Cette évolution peut être plus ou moins rapide, en fonction de l’épaisseur du sol.

Espèces indicatrices

[plante2] *Berberis vulgaris, Buxus sempervirens, Juniperus communis, Prunus mahaleb, *Rhamnus alaternus, *Rhamnus saxatilis ssp infectoria, *Rosa pimpinellifolia, *Spiraea hypericifolia ssp obovata
[plante1] Acer monspessulanum, Brachypodium pinnatum, Cornus sanguinea, Erica scoparia , *Genista pilosa, Hedera helix, Laburnum anagyroides, Ligustrum vulgare , Lonicera periclymenum, *Phillyrea latifolia, Prunus spinosa, Quercus humilis, Quercus ilex, Rosa agrestis, Rosa gr.canina, Rosa micrantha, Rubia peregrina, *Sorbus aria, Taxus baccata, Teucrium chamaedrys, Viburnum lantana , Vincetoxicum hirundinaria
[briophytes] Bryum caespiticium, Ditrichum crispatissimum, Entodon concinnus, Fissidens dubius, Hylocomium splendens, Hypnum cupressiforme, Hypnum lacunosum, Pleurochaete squarrosa, Racomitrium canescens, Rhytidium rugosum, Scleropodium purum, Thuidium philiberti, Trichostomum crispulum
[champignons] Calocybe gambosa, Entoloma clypeatum, Mycena ustalis, Tricholoma scalpturatum, Tubaria autochtona
[oiseaux] Hypolaïs polyglotte Hippolais polyglotta, Pipit des arbres Anthus trivialis
[coleopteres] Cicadetta montana, Empusa pennata

Valeur biologique

Cet habitat est encore relativement bien représenté en Poitou-Charentes. Néanmoins, la plupart des stations existantes sont constituées de peuplements quasi monospécifiques de Genévrier commun ou de Buis, le plus souvent accompagnés d’espèces pionnières de la chênaie pubescente. Le cortège floristique est alors banal, la majorité des plantes présentes étant communes dans les secteurs calcaires de la région.

Cependant, le groupement du Berberidion typique, à forte valeur patrimoniale, existe encore sur les sites très secs où il est en contact avec des pelouses du Xerobromion. Plusieurs espèces végétales protégées au niveau régional ou inscrites sur la Liste Rouge régionale peuvent alors êtres présentes comme Berberis vulgaris, Phillyrea latifolia, Rhamnus alaternus, Rhamnus saxatilis, Rosa pimpinellifolia, Spiraea hypericifolia ou Sorbus aria. Ces fourrés abritent également une faune diversifiée, notamment des reptiles, oiseaux et mammifères qui utilisent le couvert végétal dense souvent impénétrable pour l’homme comme lieu de refuge et de reproduction.

Menaces

Comme les pelouses calcicoles, les fourrés xéro-thermophiles de la région sont les témoins d’action anthropiques anciennes, et notamment du pâturage des coteaux par les ovins, et ce depuis des siècles. Depuis le milieu du XXème siècle, cet habitat a connu une régression due à différents facteurs comme l’abandon du pastoralisme, qui conduit peu à peu à des boisements de moindre intérêt biologique, l’enrésinement systématique des coteaux, la mise en culture des secteurs à faible pente, l’exploitation des carrières de calcaire, l’urbanisation… Sur certaines zones situées en périphérie urbaine, on observe parfois une colonisation du Berberidion par des arbustes exotiques échappés des jardins, comme les cotonéasters, pyracanthas, buddleias… qui peuvent prendre de l’ampleur rapidement et menacer le cortège végétal initial du groupement.

Statut régional

Cet habitat a une répartition assez large dans la région et peut couvrir des surfaces conséquentes au sein des secteurs calcaires, sa fréquence départementale reflétant assez fidèlement l’étendue des affleurements crétacés et jurassiques : très commune en Charente, commune en Charente-Maritime et Vienne, la chênaie pubescente devient plus localisée dans les Deux-Sèvres. C’est dans un petit secteur à cheval sur le nord de 17 et le sud de 79 que se trouvent les exemplaires de cet habitat les plus riches botaniquement de tout le Poitou-Charentes : il s’agit de fragments relictuels d’une ancienne ceinture de forêts s’étendant jusqu’aux environs d’Angoulême et connue sous le nom de « sylve d’Argenson », ensemble aujourd’hui morcelé , défriché et mis en culture depuis le Moyen Age.

16 : forêt de la Braconne, forêt de Boixe

17 : forêt de Benon, bois de St Christophe

79 : forêt d’Aulnay, forêt de Chizé, bois d’Availles

86 : forêt de Lussac, bois de St Benoît, de Chauvigny