Forêts sempervirentes

Rédacteur : Jean Terrisse

Physionomie-structure

Les forêts sempervirentes constituent un des habitats forestiers les plus originaux de la région Poitou-Charentes dont le climat général, de type atlantique modéré, est plutôt favorable aux boisements caducifoliés. Véritables enclaves méridionales en contexte tempéré, leur présence est aujourd’hui considérée comme une relique de l’optimum climatique post-glaciaire de l’Atlantique et du Subboréal (de – 8000 à – 5000 ans BP) où l’on pense que les températures moyennes annuelles étaient supérieures de 2 à 3° aux actuelles. Leur extension a été possible durant cette phase d’intense réchauffement post-glaciaire, puis leur aire continue se serait morcelée à partir de la fin du Subboréal à la suite d’une péjoration du climat et d’un alignement progressif des températures sur les valeurs d’aujourd’hui. En dehors de la stricte zone méditerranéenne, ce type de formation n’a alors pu se maintenir qu’à la faveur de conditions stationnelles particulières :

  • d’ordre méso-climatique : « l’anomalie climatique charentaise », abondamment étudiée, repose sur la conjonction d’une sécheresse estivale associée à des températures assez élevées, synthétisée dans un indice d’évapotranspiration potentielle (ETP) élevé qui se résume assez bien dans la définition de « 4 mois secs » identiques à ceux observés sur la plus grande partie de la façade méditerranéenne française (contre 0 mois en zones de climat montagnard et 5 dans les localités les plus thermophiles de la Côte d’Azur). La durée d’insolation annuelle moyenne, partout supérieure à 2000h sur le littoral entre la pointe de Grave et la Vendée (jusqu’à 2500 heures aux Sables d’Olonne), semble également être un facteur important ;
  • d’ordre géo-pédologique : toutes les stations se trouvent sur des substrats filtrants, retenant mal l’eau de pluie, physiologiquement secs – sables dunaires riches en calcium d’origine coquillière ou calcaires appartenant à divers étages du Crétacé supérieur (Cénomanien, Turonien, Maestrichtien, Coniacien) – et dans des situations topographiques empêchant la formation d’un sol évolué (sommets de falaises littorales, pointements rocheux).

Caractéristiques biologiques

Les végétaux structurant l’habitat présentent en général des adaptations physiologiques à la sécheresse édaphique et climatique : petites feuilles persistantes coriaces du Chêne vert, des filarias, de l’Alaterne (sclérophyllie), aiguilles fines et allongées du Pin maritime ou des autres conifères naturalisés (Pin d’Alep, Pin parasol).
Deux essences dominent les forêts sempervirentes régionales :

  • le Chêne vert Quercus ilex : c’est l’essence emblématique du climat méditerranéen. Arbre peu élevé (jamais plus de 20m), à tronc court, souvent tortueux et de fort diamètre chez les sujets âgés, c’est un essence à croissance lente et longévité élevée (jusqu’à 500 ans) ; ses fleurs mâles disposées en longs chatons produisent de grandes quantités de pollen dispersé par le vent ; les glands, amers, ne sont consommés qu’en période de disette ou torréfiés pour fabriquer un « café » ; en revanche, ils étaient autrefois très prisés pour l’engraissage des porcs, ceux-ci étant menés en vaine pâture dans les grandes yeuseraies (presqu’île d’Arvert) ;
  • le Pin maritime Pinus pinaster est un Conifère au tronc flexueux, longuement dégarni de branches jusqu’à son houppier peu dense qui peut culminer à près de 30m de hauteur ; ses aiguilles vert foncé, groupées par 2, sont très longues et rigides ; sa croissance est rapide mais sa longévité faible à moyenne ; il est sensible aux gelées, intolérant au calcaire, mais supporte bien la sécheresse estivale.

Deux types de forêts sempervirentes se rencontrent dans la région :

  • la forêt à Pin maritime et Chêne vert (PINO PINASTRI-QUERCETUM ILICIS) des grands sytèmes dunaires vivants ou fossiles des côtes charentaises et des îles ;
  • la forêt à Chêne vert et Filaria à feuilles larges des affleurements calcaires littoraux et propé-littoraux (PHILLYREO LATIFOLIAE-QUERCETUM ILICIS) avec des stations isolées hors Charente-Maritime.
    Ces 2 forêts constituent le biotope pour de nombreuses plantes thermophiles, souvent d’origine méditerranéenne, notamment la pinède à Chêne vert, dont l’ambiance microclimatique plus lumineuse et ouverte est plus favorable que celle du PHILLYREO-QUERCETUM, parfois si sombre qu’il n’autorise que le développement du Lierre en grands tapis monotones.
    Ces forêts ont été également le lieu d’introduction d’espèces « exotiques » dont la réussite locale (cas du Pin parasol et du Pin d’Alep à l’île de Ré) peut parfois masquer les phytocénoses d’origine.

Espèces caractéristiques

Phillyrea latifolia, (Pinus halepensis), Pinus pinaster, (Pinus pinea), Quercus ilex, Rhamnus alaternus

Classification

Chênaies vertes thermo-atlantiques

Forêts dunaires de Pin maritime et Chêne vert traitées avec les forêts de conifères