Chênaie pubescente

Rédacteur : Geneviève Gueret

Physionomie – écologie

Cette forêt se présente tantôt comme un taillis dense, d’une hauteur de 10 à 15 m avec un recouvrement pouvant atteindre 90%, tantôt comme un « pré-bois » où les pelouses alternent avec les faciès forestiers. Dans tous les cas, la strate arborée est dominée par le Chêne pubescent, essence à croissance lente, à fût court et tortueux et écorce noirâtre (d’où le nom local de « chêne noir »), à face inférieure des feuilles, bourgeons et jeunes rameaux velus, facilement reconnaissable l’hiver à ses feuilles marcescentes. Le Chêne pubescent est exigeant en chaleur et lumière ; il supporte bien la sécheresse et peut vivre plus de cinq siècles. Dans les secteurs où les 2 espèces cohabitent, il s’hybride facilement avec le Chêne pédonculé. C’est dans cet habitat que l’Erable de Montpellier a son optimum biologique, accompagné souvent par l’Alisier torminal Sorbus torminalis, plus rarement par le Cormier Sorbus domestica.
La strate arbustive est caractérisée par des arbustes bas tels que la Viorne lantane, les cornouillers mâle et sanguin et, dans les manteaux externes, différents rosiers ainsi que le Cerisier de Ste Lucie Prunus mahaleb (Charente surtout) et le Genévrier Juniperus communis. Le Buis Buxus sempervirens est parfois abondant dans l’est de la région. L’Alisier blanc Sorbus aria, caractéristique exclusive mais très rare, n’est connu que des environs d’Angoulême et au nord de Poitiers. À l’interface manteau/ourlet les lianes comme la Garance Rubia peregrina et le Tamier Tamus communis sont très fréquentes. La strate herbacée intra-forestière est peu diversifiée lorsque la canopée est fermée et ne s’enrichit que dans les faciès plus ouverts (=pré-bois), où certaines espèces de l’ourlet peuvent alors pénétrer en sous-bois. Les ourlets des chênaies pubescentes sont souvent très riches et constituent le refuge de nombreuses plantes à affinités méridionales ou sud-européennes.
Cet habitat se rencontre généralement sur roche-mère calcaire, du Jurassique supérieur ou du Crétacé : calcaires durs du Coniacien, calcaires blancs crayeux à spongiaires du Campanien, calcaires tendres du Turonien supérieur, marnes du Kimméridgien, calcaires marneux maestrichtiens, calcaires argilo-sableux de Cénomanien, sables et calcaires glauconieux du Coniacien, formations superficielles argilo-limono-sableuses plaquées sur calcaire marneux. Le sol est maigre, de type brun calcaire ou rendzine, l’humus un mull calcique, le pH>7. L’eau peut stagner en surface l’hiver, mais les sols ont une faible réserve utile en eau et se déshydratent à la belle saison. L’ambiance micro-climatique est nettement thermophile.
En fonction de la nature de leur substrat – type de roche-mère, profondeur, teneur en argile, réserves hydriques – et de leur situation géographique, les chênaies pubescentes régionales présentent une forte variabilité.
Celle-ci oscille entre un pôle mésophile où le Chêne pédonculé accompagne le Chêne pubescent et un pôle xérophile avec pénétration d’espèces sempervirentes telles que le Chêne vert, le Rosier sempervirent ou le Filaire à feuilles larges qui assure une transition avec la véritable chênaie verte centre-atlantique où ces espèces deviennent prépondérantes.

Phytosociologie et correspondances typologiques

PVF 2004

Classe Querco roboris-Fagetea sylvaticae Br-Bl &Vlieger in Vlieger 1937
Quercion pubescenti-sessiliflorae Br-Bl 1932
Sous-Alliance Sorbo ariae-Quercenion pubescentis Rameau 1996

COR 1991

41.71 Chênaies blanches occidentales et communautés apparentées
41.711 Bois occidentaux de Quercus pubescens

Directive habitat 1992 : Non retenu

Confusions possibles

Des confusions sont possibles entre la chênaie pubescente surtout son faciès xérophile sur calcaires durs – et la chênaie verte : celle-ci – outre la forte dominance (voire l’exclusivité) du Chêne vert et d’autres espèces sempervirentes – se distingue par son tapis herbacé plus pauvre en raison d’un sous-bois très sombre où le Lierre présente souvent un recouvrement important. Le Chêne pubescent, lorsqu’il est présent, ne joue qu’un rôle effacé. La situation géographique est aussi déterminante, la chênaie verte ne s’éloignant guère – sauf exceptions (peuplements des Chaumes Boissières en Charente) – de plus de 30km du littoral alors que la chênaie pubescente est potentiellement présente sur l’ensemble des sols calcaires de la région Poitou-Charentes.

Dynamique

Ce milieu est souvent en continuité spatiale et temporelle avec les pelouses calcicoles du Mesobromion et du Xerobromion avec lesquelles il tend à former des complexes d’un grand intérêt. Exploitée généralement en taillis, la chênaie pubescente apparaît comme un habitat stable en raison de conditions édaphiques assez contraignantes (sécheresse, pauvreté trophique).

Espèces indicatrices

[plante2] Quercus pubescens, Acer monspessulanum, Cornus mas, Sorbus torminalis, *Sorbus aria, Viburnum lantana, Viola alba ssp.scotophylla
[plante1] Brachypodium pinnatum, Buxus sempervirens, Campanula glomerata, Campanula persicifolia, Carex flacca, *Carex digitata, *Carex montana, Cephalanthera longifolia, Cephalanthera rubra, *Daphne laureola, *Epipactis muelleri, Euphorbia brittingeri, Filipendula hexapetala, Geranium sanguineum, Helleborus foetidus Juniperus communis, Lathyrus latifolius, Lathyrus niger, Ligustrum vulgare, Limodorum abortivum, Lithospermum purpureo-caeruleum, Lonicera xylosteum, Melampyrum cristatum, Melittis melissophyllum, Mercurialis perennis, Orchis mascula, Platanthera chloranta, Polygonatum odoratum, Prunus mahaleb, Quercus ilex, Quercus robur , Rhamnus catharticus, Rubia peregrina, Silene nutans, Sorbus domestica, Tamus communis, Trifolium medium, Trifolium rubens, Veronica teucrium, Viola hirta
[briophytes] Ctenidium molluscum, Rhytidiadelphus triquetrus
[champignons] Agaricus fuscofibrillosus, Amanita ovoidea, A. proxima, A. strobiliformis, Boletus lupinus , B. luteocupreus, B. rhodopurpureus, B. satanas, B. torosus, B. xanthocyaneus, Cortinarius aleuriosmus, C. caerulescens, C. ionochlorus, C. multiformis, C. nanceiensis, C. rapaceus, C. rapaceotomentosus var. violaceotinctus, C. xanthophyllus, Hygrophorus penarius, H. persoonii, H. russocoriaceus, H. russula, Lactarius acerrimus, L. evosmus, L. zonarius, Russula maculata, R. olivacea, Tuber aestivum, T. brumale, T. melanosporum, T. mesentericum, Xerocomus dryophilus
[orthopteres] Cyrtaspis scutata, Meconema thalassinum, Nemobius sylvestris, Phaneroptera falcata, Pholidoptera griseoaptera
[lepidopteres] Clossiana dia, Hipparchia fagi

Valeur biologique

En tant qu’habitat, la chênaie pubescente au sens strict ne possède pas de rareté intrinsèque au niveau régional puisqu’elle représente environ 30% des forêts du Poitou-Charentes. En revanche, ses lisières constituent un biotope de choix pour les ourlets xéro-thermophiles où se réfugie une flore originale et précieuse (voir fiche « Ourlets maigres xéro-thermophiles »). Par ailleurs, elle forme souvent des mosaïques biologiquement très riches avec des milieux ouverts ou semi-ouverts tels que les pelouses calcicoles ou les fourrés thermophiles.
Contrairement aux ourlets, floristiquement très riches, la chênaie pubescente n’abrite qu’un nombre modéré d’espèces végétales patrimoniales : Laîche des montagnes Carex montana, Laîche digitée Carex digitata, Alisier blanc Sorbus aria etc..

Menaces

Dépourvue d’intérêt sylvicole réel, la chênaie pubescente fait souvent l’objet d’enrésinements (Pin noir d’Autriche, Pin sylvestre), qui altèrent sa valeur biologique. À proximité des agglomérations, elle est souvent « mitée » par des constructions ; plus localement enfin, elle peut constituer un site pour la culture de la truffe.

Statut régional

Cet habitat a une répartition assez large dans la région et peut couvrir des surfaces conséquentes au sein des secteurs calcaires, sa fréquence départementale reflétant assez fidèlement l’étendue des affleurements crétacés et jurassiques : très commune en Charente, commune en Charente-Maritime et Vienne, la chênaie pubescente devient plus localisée dans les Deux-Sèvres. C’est dans un petit secteur à cheval sur le nord de 17 et le sud de 79 que se trouvent les exemplaires de cet habitat les plus riches botaniquement de tout le Poitou-Charentes : il s’agit de fragments relictuels d’une ancienne ceinture de forêts s’étendant jusqu’aux environs d’Angoulême et connue sous le nom de « sylve d’Argenson », ensemble aujourd’hui morcelé , défriché et mis en culture depuis le Moyen Age.

16 : forêt de la Braconne, forêt de Boixe
17 : forêt de Benon, bois de St Christophe
79 : forêt d’Aulnay, forêt de Chizé, bois d’Availles
86 : forêt de Lussac, bois de St Benoît, de Chauvigny