A la découverte de quelques sites majeurs pour les libellules en Poitou-Charentes

Comme décrit dans les chapitres précédents, le Poitou-Charentes accueille 68 espèces de libellules sur les 87 que compte la France métropolitaine. Ce chapitre évoque quelques sites remarquables de notre région, par les milieux qui les caractérisent et par la variété des cortèges qu’ils hébergent. Ils constituent tous une bonne destination de sortie nature ; n’hésitez pas à découvrir et admirer leur richesse odonatologique.

Les Landes du Pinail (86) et les Leucorrhines

Note naturaliste

En ce début de mois de juin, Pascal (Conservateur de la Réserve du Pinail) est au rendez-vous pour accueillir noire groupe sur la réserve. Guidé par ses soins, nous nous dispersons au sein de ce labyrinthe de lande dans lequel s’intercalent des centaines de mares. Il est tout juste 10 heures et les vols de nos insectes sont encore discrets, quand apparaît celle que tout le monde attendait : la Leuccorrhine à large queue. Malheureusement, cet individu n’aura fait que passer. Le groupe reste cependant optimiste et continue sa recherche sur les mares voisines, quelques minutes plus tard, une voix s’élève, « pecto sur nénuphar », tout le monde accourt et effectivement au milieu de la mare, posé sur une feuille, un mâle. Il restera, là pendant de nombreuses minutes entrecoupées de vol pour chasser les autres libellules de son territoire mais se reposant sur son perchoir !

Miguel GAILLEDRAT

Description générale

Créée en 1980, la Réserve Naturelle du Pinail se trouve au nord de la forêt domaniale de Moulière, sur la commune de Vouneuil-sur-Vienne. C’est une étendue de 135 hectares de landes à Bruyère à balais, criblée par plus de cinq mille mares issues d’anciennes fosses d’extraction de pierres meulières. Depuis 1989, GEREPI (Association de GEstion de la REserve Naturelle du PInail) gère cet espace protégé unique et original (RN Pinail, 2009).

Richesse odonatologique

Cette multitude de mares, pauvres en éléments nutritifs, abrite 48 espèces de libellules dont une trentaine se reproduit annuellement. A partir du mois de mai, on peut observer deux espèces de leucorrhines : la très rare Leucorrhine à large queue Leucorrhinia caudalis, dont le Pinail accueille la plus grosse population française, et la Leucorrhine à gros thorax Leucorrhinia pectoralis, plus abondante et plus répandue. Ces deux libellules bénéficient d’une protection nationale et européenne. Outre ces raretés, le Pinail permet d’observer dans des densités remarquables de nombreuses espèces plus ou moins communes. C’est à croire que ce lieu est dévolu aux libellules tellement celles-ci sont abondantes !

La Vienne (86) et les gomphes

Note naturaliste

Arrivé sur les bords de la Vienne à Availles-Limouzine vers 9h30, j’entame le tour de l’île de la Belletière dans ma petite embarcation. Rapidement, je trouve mes premières exuvies d’Onychogomphus forcipatus, d’Oxygastra curtisii ainsi que de nombreuses autres exuvies de gomphes. Les berges sont très boisées et l’accès aux rives est difficile. J’aperçois à quelques mètres devant moi une exuvie à l’extrémité d’une branche d’un saule tombé dans la rivière. Elle me paraît de taille importante, je m approche et là, quelle surprise une exuvie de Gomphus flavipes, finalement, je récolterai deux autres exuvies de cette espèce. C’est seulement la deuxième fois que cette espèce est observée dans le département de la Vienne, ce qui est le plus surprenant, c’est le lieu puisqu’il est localisé 90 km en amont de la première observation et aux portes du département de la Charente !

Miguel GAILLEDRAT

Description générale

La Vienne coule sur 370 km depuis sa source, sur le plateau des Millevaches (Corrèze) jusqu’à la Loire dans laquelle elle se jette à Candes-Saint-Martin (37). Elle parcourt les terrains granitiques du Limousin (départements : 19, 87, 16) avant de traverser les terres de Brandes dans sa partie viennoise. C’est une rivière de plaine au cours majoritairement lent et pourvu de nombreuses îles.

Richesse odonatologique

La rivière Vienne a la particularité d’accueillir 7 des 8 espèces de gomphidés connues en France. Si les imagos ne sont 219 pas toujours faciles à capturer, la recherche d’exuvies permet de confirmer leur présence. Les espèces les plus communes sont Gomphus vulgatissimus, pulchellus, simillimus et Onycogomphus forcipatus. Gomphus graslinii, moins abondant est toutefois observé régulièrement. Préférant les cours d’eau plus oxygénés, Onygomphus uncatus est plus souvent contacté sur les affluents. Quant à Gomphus flavipes, seuls deux secteurs ont fourni quelques exuvies en dépit de nombreuses recherches. Il ne reste qu’à découvrir désormais Ophiogomphus cecilia, espèce bien implantée sur la Loire proche et qui pourrait trouver sur la Vienne, des habitats particulièrement favorables.

Les tourbières de Gurat (16)

Note naturaliste

La journée s’annonce belle : il est à peine 9 h 30 et la température est douce, le ciel est sans nuage et le vent est tombé. Je commence la prospection au niveau d’une ancienne fosse d’extraction de tourbe à la végétation foisonnante : renoncules aquatiques, potamots et utriculaires se partagent les eaux, tandis que les carex et roseaux forment un linéaire discontinu le long des berges. De nombreuses libellules sont déjà en activité : Cordulia aenea, qui longe inlassablement les berges, Libellula guadrimaculata opérant des va-et-viens depuis son perchoir, une branche morte émergeant des eaux. Libellula depressa séchant au soleil sur une tige de carex à côté de son exuvie… Une Cordulie, que je pense d’abord être C. aenea, attire mon attention : un coup de filet bien ajusté, et après vérification, il s’agit d’un mâle de Somatochlora flavomaculata.. La journée commence plutôt bien !

David SUAREZ

Description générale

Les tourbières de la Lizonne sont situées au sud-est du département de la Charente. Il s’agit de vestiges d’une vaste zone de tourbières alcalines exploitées et utilisées pour fournir du combustible. Après l’abandon de l’extraction de tourbe, dans les années 50, les nombreux bassins qui en résultaient ont été abandonnés, transformés en étangs de pêche ou tout simplement comblés pour permettre la mise en culture. Aujourd’hui, le site est constitué d’une mosaïque de prairies, de zones cultivées en maïs et de boisements humides, au sein desquels subsistent encore quelques anciennes fosses d’extraction. L’ensemble de la zone est parcouru par de nombreux ruisseaux et fossés de drainage, ainsi que par la Lizonne, affluent de la Dronne qui marque ici la frontière entre les départements de la Charente et de la Dordogne.

Richesse odonatologique

La grande diversité des milieux aquatiques qui parsèment le site (étangs et mares de toutes tailles, sources, ruisseaux, fossés et rivière), a permis l’observation de 44 espèces d’odonates, toutes se reproduisant sur place. Au sein de cet important cortège, on notera la présence de Calopteryx haemorroidalis, Erythromma najas, Brachytron pratense, Oxygastra curtisii, Coenagrion mercuriale, Somatochlora flavomaculata, Coenagrion scitulum... avec des populations souvent importantes.

Le fleuve Charente à Jarnac (16)

Note naturaliste

Nous sommes quatre ce matin à mettre à l’eau nos canoës aux pieds de la prairie de Champ Buzin à Jarnac. La journée entière est prévue pour récolter de façon systématique les exuvies d’anisoptères sur une longue portion du cours de la Charente. Il est 11h30 et l’activité des libellules bat son plein. Au milieu des Calopteryx splendens qui papillonnent, nous quittons la rive et glissons doucement vers l’aval. De place en place, le long des berges, nous récoltons plusieurs centaines d’exuvies : Oxygastra curtisii, Boyeria irene, Gomphus ssp, la détermination se fera plus tard sous la loupe binoculaire. Nous sommes accompagnés d’une libellule en tenue « camouflage », Boyeria irene qui inspecte patiemment les racines des aulnes à la recherche d’un lieu de ponte. Nous longeons d’immenses herbiers : il y a foule sur les myriophylles qui affleurent, des tandems de Platycnemis latipes et d’Erythromma lindenii sont en train de pondre en groupes denses. Les mâles dressés semblent se jauger fièrement. En tout cas, ils ne paraissent pas intimider les quelques Erythromma viridulum, petites « brindilles » bleues aux yeux rouges, qui sont posés ça et là. Quelques gomphes isolés survolent rapidement et à faible hauteur la surface calme du fleuve. L’un d’entre eux, attrapé au filet, se révèle être Gomphus graslinii, espèce protégée. Plus en hauteur, un gros anisoptère patrouille assez nonchalamment au-dessus des nénuphars. Pouvant facilement la suivre aux jumelles, nous ne tardons pas à l’identifier : aspect général brun, selle bleue, yeux verts-bleus indiquent Anax parthenope, assez peu observé en Charente. Soudain, un autre anisoptère, plus grand et plus bleu prend en chasse le premier, l’obligeant à quitter la place. Occupant le territoire, il survole à son tour, inlassablement, l’herbier de nénuphar. Cet anax-là mérite
bien son nom d’ »imperator« . En quelques coups discrets de pagaie nous gagnons l’autre rive, la collecte d’exuvies continue. Peut-être aurons-nous la chance de découvrir une de Macromia splendens ; Delamain avait trouvé cette magnifique espèce sur le même site en 1868. Elle n’y a pas été revue depuis.

Eric PRUD’HOMME

Description générale

La Charente est le grand fleuve de la région. Née en Haute-Vienne, elle traverse les deux départements charentais d’est en ouest et se jette dans l’océan à Port-des-Barques. En aval d’Angoulême elle déroule lentement son cours dans les plaines du Cognaçais en décrivant de nombreux méandres. Elle s’élargit peu à peu et sa profondeur augmente. A Jarnac, c’est une rivière large et profonde, riche en végétation aquatique. Le courant ne s’accélère que ponctuellement à l’aval immédiat des digues et des chaussées qui s’échelonnent régulièrement le long de son cours.

Richesse odonatologique

Le fleuve Charente est un cours d’eau accueillant dans son cours moyen une odonatofaune particulièrement riche. Uniquement sur la portion qui traverse la commune de Jarnac, on a pu observer 19 espèces d’anisoptères et 13 espèces de zygoptères. Les secteurs les plus calmes, intérieur des méandres ou bras morts accueillent des libellules d’eaux calmes alors que certaines digues et petits bras (les « noues ») sont occupés par des espèces préférant le courant. Parmi toutes ces espèces, O. curtisii et G. graslinii sont parmi les plus notables. Ces odonates endémiques du sud-ouest de l’Europe comptent ici des populations remarquablement importantes. D’autres libellules comme A. parthenope et P. latipes, localisées sur le territoire régional, trouvent aussi, sur cette portion du fleuve des conditions optimales pour leur développement.

Les Landes de L’Hopiteau (79) et ses 300 mares

Note naturaliste

Dernière année de suivi, l’objectif est d’arriver à comprendre l’écologie de la Leucorrhine à gros thorax : pourquoi préfère t-elle cette mare ? Quel type de végétation aquatique recherche t-elle ? Quelle est la dimension de son territoire ? Y a t-il des interactions avec les autres espèces ? Heureusement, les 300 mares ne sont pas à inventorier et seules quelques-unes, qualifiées d’échantillon, réparties sur chacun des milieux gérés, sont à « visiter ». Dérangés par mes réflexions, les moutons solognots, plutôt sauvages, se réfugient à l’autre extrémité de leur enclos. Je profite de cette tranquillité pour poursuivre mes observations car l’activité est intense quand on se penche sur une de ces mares : Cordulia aenea et Libellula quadrimaculata défendent ardemment leur territoire, les agrions (Ceriagrion tenellum et Coenagrion puella) accaparés à se reproduire sur les herbiers de potamots doivent garder un œil à facettes sur ces « grandes sœurs » d’autant que des grenouilles vertes et des dytiques guettent sous l’eau. Avoir la possibilité de voir 8 espèces ce jour là, dont la rare Leucorrhine à gros thorax, sur un seul site, dans un décor aussi exceptionnel, méritait à lui seul le déplacement !

Nicolas COTREL

Description générale

Situés sur la commune de Boussais, les Communaux de l’Hopiteau constituent un site d’intervention du Conservatoire d’Espaces Naturels de Poitou-Charentes depuis près de 15 ans. L’abandon de la pratique pastorale et un projet de boisement ont failli avoir raison de ce site de 18 ha. Une briqueterie, jusqu’en 2007, exploitait encore l’argile du site. On y recense actuellement pas moins de 300 mares liées à cette activité d’extraction qui a connu son apogée à la fin du XIXe siècle. Cette lande est exceptionnelle pour le département des Deux-Sèvres de par son intérêt écologique, sa superficie et son état de conservation. La brande (Bruyère à balais) y est prépondérante, on trouve également des mares permanentes, des landes sèches à Bruyère cendrée et des landes humides à Bruyère à quatre angles. Cette mosaïque est maintenue grâce à la mise en place d’une gestion conservatoire basée sur des modes d’intervention variés tels que le pâturage extensif par des moutons rustiques ou la coupe de brandes et de pins colonisant la lande, l’agrandissement de quelques mares, ainsi qu’une non-intervention sur la moitié de la lande. Un suivi biologique réalisé entre 2004 et 2007 a permis de mesurer l’impact positif de cette gestion et d’orienter les futurs choix d’intervention. Un sentier ouvert à tous, bientôt agrémenté d’aménagements pédagogiques, permet de découvrir ces richesses.

Richesse odonatologique

La variété et la densité des mares, alliées à la présence d’un étang communal à la périphérie, permettent de rencontrer pas moins de 40 espèces sur le site. Sympetrum flaveolum et Leucorrhinia pectoralis y trouvent leur unique station départementale. Cette dernière espèce, par son statut de protection et sa très forte vulnérabilité, illustre à elle seule tout l’enjeu de conservation de cette lande humide. La gestion mise en place a permis une expansion de celle-ci sur près des deux tiers des mares. Lestes dryas, L. sponsa, L. virens, Cordulia aenaea, Somatochlora metallica et Erythromma najas figurent également parmi les espèces remarquables du site.

Le Marais Poitevin des Deux-Sèvres (79)

Note naturaliste

Fin de journée ensoleillée, après la chaleur au travail, c’est presque la fraîcheur. La voiture stationnée près du champ d’angélique, j’emprunte l’ancien chemin envahi par la mégaphorbiaie. De nombreux Sympetrum sanguineum et S. striolatum sont posés sur les végétaux, trois Aeshna affinis et un mâle de A. cyanea patrouillent en vol. La dernière partie du trajet suit une ente de chevreuil au milieu des broussailles. Cette année le niveau d’eau de l’ancien étang du Marichet est correct malgré la
sécheresse, les restrictions d’usage ont limité la casse. J’avance avec précaution entre les joncs et les carex, l’eau est à hauteur de mes bottes, parfois même un peu plus. A 300 mètreS de la quatre-voies, c’est le monde du silence et le paradis des zygoptères. La plus grande
fosse de tourbage du marais a laissé la place à un marécage d’un peu plus d’un hectare entouré de bois. De nombreuses Ischnura elegans et I. pumilio sont présentes sur le site parmi lesquelles des émergences et des immatures orangés. Une nouvelle génération de Sympecma fusca vient d’apparaître, fragile et encore translucide. Les quatre Leste (L. virens, L. sponsa, L. barbarus et Chalcolestes viridis) sont cette année plutôt nombreux, mais un seul Coenagrion (C. scitulum) a été repéré. Un Anax imperator survole une mare plus profonde et au moins trois Somatochlora flavomaculata occupent le paysage. Le soleil tombe, les moustiques se lèvent, il est temps de regagner le monde des hommes.

Philippe ROUILLER

Description générale

Les 7 000 hectares du marais Poitevin des Deux Sèvres se situent entre Niort et la limite de la Vendée et de la Charente Maritime. Ils sont très connus, dans leur partie Nord, sous l’appellation de « Venise Verte ». Du fait de l’absence de pente, ils forment la zone d’expansion naturelle des crues de la Sèvre Niortaise. Les visiteurs peuvent y découvrir au fil de l’eau, à une altitude de 3 mètres au-dessus du niveau de la mer, des paysages de prairies humides entourées de frênes têtards et de peupliers. Au sud et à l’ouest, les marais tourbeux du Mignon et de la Courance témoignent de l’immense « marais à rouches », impénétrable jusqu’au début du XXe siècle. Les boisements alluviaux, mégaphorbiaies, cariçaies, cladiaies et roselières en constituent les derniers vestiges. Les tourbières neutro-alcalines, autrefois exploitées à proximité de la voie ferrée, complètent cette mosaïque d’habitats à forte valeur patrimoniale.

Richesse odonatologique

Quarante huit espèces d’odonates sont actuellement recensées sur le site. Pour en apprécier la diversité, il faut prendre le temps de découvrir les différents secteurs du marais : Oxygastra curtisii est surtout présente sur la Sèvre niortaise ; les trois Platycnemis dont P. latipes fréquentent les canaux navigables de la Venise verte ; Somatochlora flavomaculata occupe les anciennes tourbières d’extraction, qu’elle partage avec Brachytron pratense, Sympetrum fonscolombii, Somatochlora metallica et divers Lestes ; les espèces d’eau courante sont, quant à elles, localisées aux chutes d’eau, sources et ruisseaux de ce secteur.

Les Ardillasses (17)

Note naturaliste

En cette chaude après-midi, je suis assis sur la berge d’une des nombreuses mares des Ardillasses, dans le sud de la Charente-Maritime, presque en territoire aquitain. A quelques centimètres à ma droite, une grosse grenouille observe le même groupe d’Agrions mignons que moi. Ils sont plusieurs dizaines, en tandems, à pondre dans les tiges de potamots. Il est passionnant d’observer les comportements des mâles qui, accrochés à leur femelle, essaient de se repousser les uns les autres en écartant leurs pattes, l’air agressif. Après plusieurs dizaines de minutes, la grenouille et moi sommes toujours aussi assidus. Je subodore que les pensées de l’amphibien sont moins éthologiques que les miennes. Pas sûr après tout. Je suis peut-être tombé sur une grenouille contemplative. J’imagine tout de même qu’elle envisage plutôt l’Agrion mignon sous une approche gastronomique. Soudain un bruissement d’ailes froissées. Un mâle de Leucorrhine à front blanc vient de saisir une femelle. Le couple forme immédiatement un cœur qui oscille lourdement vers la berge. En un réflexe j’agrippe l’appareil photo mais la grenouille se projette, gobe les deux insectes et plonge dans l’eau transparente son butin dans la gueule.

Philippe JOURDE

Description générale

La région des Brandes et des Ardillasses à Corignac forment un ensemble extraordinaire où se côtoient sables acides, affleurements calcaires, suintements permanents et plusieurs dizaines de mares de conformations variées. Issues de l’extraction de ballast pour la voie ferrée La Rochelle-Bordeaux, beaucoup de ces mares oligotrophes ont été colmatées, souvent par des ordures. Le principal ensemble, réparti de part et d’autre de la voie ferrée, a été relativement bien préservé. Les mares y sont distantes de quelques mètres à peine mais les conditions environnementales qui y règnent sont très différentes d’un point d’eau à l’autre et permettent le maintien d’une odonatafaune très diversifiée.

Richesse odonatologique

Avec 46 espèces recensées, le complexe de mares de Corlgnac est de loin le site odonatologique le plus riche et un des plus originaux de Charente-Maritime. L’espèce phare est bien entendu la Leucorrhine à front blanc Leucorrhinia albifrons, dont il s’agit de l’unique localité régionale. Elle est accompagnée d’importantes populations d’Agrion mignon Coenagrion scitulum, de Libellule à quatre taches Libellula quadrimaculata, de Cordulie bronzée Cordulia aenea et de sympétrums. Les lestes sont abondants. Lestes barbarus, dryas, virens peuvent parfois s’observer par milliers. A l’inverse, l’Aeschne isocèle Aeshna isoceles, les Cordulies métalliques et à taches jaunes Cordulia metallica et flavomaculata ne s’observent que dans quelques mares.

Le Marais de Saint-Pierre d’Oléron (17)

Note naturaliste

Journée d’inventaire. voilà déjà cinq heures que je sillonne l’immense marais de Saint-Pierre d’Oléron, carnet dans une main et jumelles dans l’autre. Les échasses, les vanneaux et les gambettes vocifèrent à la poursuite d’un Busard des roseaux qui passe un peu trop près des colonies. Dans un buisson proche d’une dépression inondée, une gorgebleue s’égosille. Tout à l’heure, j’ai vu une femelle capturer un Lestes dryas pour l’emmener au nid. Je ne suis pas le seul à chercher les libellules ! Deux nouvelles dépressions complètent l’inventaire ; la seconde est pleine d’eau. Je m’y enfonce jusqu’à la taille. Une belle scirpaie s’y développe. C’est la quatorzième de la journée. Un coup de jumelles impatient. Parmi les végétaux, des milliers de demoiselles aux couleurs azurées. Une nouvelle localité de Leste à grands ptérostigmas. Enfin ! C’est une des plus importantes stations que j’ai jamais vues. Pourtant cette espèce est bien rare au plan national et européen. Il va falloir s’activer pour protéger l’endroit…

Philippe JOURDE

Description générale

Dans les anciennes salines oléronnaises se succèdent les milliers de bassins. Leur profondeur, leur taux de salinité, leur composition floristique, varient fortement. Au plan odonatologique, ce sont ceux qui sont déconnectés du réseau salé qui sont les plus intéressants. L’eau de pluie s’y accumule et permet le développement du Scirpe maritime.

Richesse odonatologique

Le cortège des anciennes salines et des lagunes n’est composé que de peu d’espèces, toutes adaptées aux milieux temporaires. Si la diversité spécifique est modérée, les odonates présentent souvent des densités exceptionnelles. C’est notamment le cas dans les scirpaies maritimes. S’y succèdent les lestes Sympecma fusca, Lestes dryas, L. macrostigma, L. barbarus et L. virens. Les sympétrums s’y développent par centaines de milliers : S. meridionale, striolatum mais aussi fonscolombii dans les secteurs les plus doux. Les aeschnes sont aussi abondantes, notamment Aeshna affinis dont on peut parfois trouver jusqu’à 120 exuvies au m2. Dès la fin de l’hiver et jusqu’à l’automne, il faut garder l’œil ouvert pour repérer les quelques Hemianax ephippiger qui fréquentent ce type d’habitat. A ce jour la reproduction locale n’est pas prouvée mais ce n’est probablement qu’une 223 affaire de temps…